Interview de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, à "RMC" le 1er décembre 2003, sur les raisons et les conséquences de la hausse des prix du tabac, notamment la nécessité de reconversion des cigarettiers.

Prononcé le 1er décembre 2003

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin-. L'actualité, très vite : le Gouvernement va-t-il faire retirer l'amendement créant un délit d'interruption involontaire de grossesse ?
- "D. Perben a annoncé, très rapidement, samedi, qu'il allait ouvrir la concertation sur ce sujet. Donc, je crois que maintenant chacun va pouvoir donner son avis."
Mais vous, à titre personnel, votre avis ?
- "La règle dans le Gouvernement c'est de ne pas empiéter sur les prérogatives des autres ministres. Donc, ça n'est pas une question qui relève de mes attributions."
Mais en tant que citoyen ?
- "Le citoyen est ministre dans ce Gouvernement donc il a la même réponse."
Bon d'accord. Alors, les buralistes : où en est-on avec eux ? Je rappelle les faits, leur chronologie : dimanche, pas hier, dimanche d'avant, Europe 1, J.-P. Raffarin assure que l'augmentation de janvier prochain aura bien lieu comme prévu. Lundi, les buralistes sont dans la rue, beaucoup de buralistes dans la rue. Sondage, le même jour dans Le Parisien : 55 % des Français estiment que la hausse de 20 % du prix des cigarettes doit être annulée ou reportée. Mercredi, réunion avec les buralistes et deux députés chargés de mesurer l'impact des hausses du prix du tabac, le Gouvernement dépose au Sénat un amendement à son projet d'augmentation du prix des cigarettes. Vous avez écouté la rue ?
- "Nous n'avons pas cédé à la rue, il faut bien avoir cela à l'esprit. Pourquoi ? C'est un peu compliqué on va essayer d'expliquer. Nous avons une politique cohérente : premièrement, lutter contre le cancer. Il y a 60 000 Français qui meurent du cancer de tabac chaque année, c'est la politique la plus énergique qu'on ait jamais vue, mise en oeuvre, en France, depuis 20 ans, la nôtre. Nous sommes le Gouvernement qui vraiment prend le taureau par les cornes et s'attaque au cancer. Il faut bien le dire, parce que les gouvernements précédents n'ont jamais fait ce que nous avons fait. C'est courageux, parce qu'on augmente le prix très fortement. Evidemment les fumeurs râlent et les buralistes s'inquiètent. Nous ne voulons pas que les buralistes fassent les frais de cette politique. Il n'y a pas de raisons que eux-mêmes payent l'ardoise. Donc, nous mettons en place, un plan d'avenir pour les buralistes pour que, petit à petit, ils se reconvertissent dans une autre activité que la vente de tabac. Cela va prendre un peu de temps. Donc dans l'immédiat, on leur sécurise leurs revenus, quelle que soit la chute de chiffre d'affaires. J'ai vu des buralistes qui perdent jusqu'à 60 % du chiffre d'affaires tabac. Quelle que soit cette chute de chiffre d'affaires, leur revenu est garanti. Il va même augmenter pour tenir compte du fait qu'ils vendent moins des autres produits. Que s'est-il passé la semaine dernière ? Il y a eu une décision des cigarettiers d'étaler sur 2004 la hausse que nous avions décidée. Mais nous..."
Franchement, vous l'avez inspirée cette décision !
- "Ne cherchez pas..."
Mais pourquoi ne pas dire la vérité ? Pendant des semaines et des semaines, vous nous avez répété que vous alliez augmenter les taxes sur le tabac de 20 % ?
- "Je vous arrête tout de suite parce que ça c'est inexact. Nous avons dit que nous inscrivions 300 millions d'euros au Bapsa (phon.) pour l'année 2004 et les gens ont traduit : ça fait plus 20 %."
Mais vous n'avez dit "non" pendant des semaines et des semaines quand on vous disait : ça fait 20 %, vous n'avez jamais dit non !
- "Moi, je l'ai dit, vous pouvez reprendre mes citations les plus fines..."
Peut-être vous.
- "... j'ai toujours dit que c'est plus 20 % qui pouvaient être étalés par les cigarettiers, c'est leur droit le plus strict. Simplement, les cigarettiers, avant la semaine dernière disaient : nous, nous appliquons plus 20 au 1er janvier. Ce sont eux qui le disaient. Alors, nous, nous étions bien obligés de les prendre au mot. Ils ont changé d'avis. Cela va permettre un étalement sur 2004 de cette hausse de plus 20 %. Mais nous, nous n'avons absolument pas reculé puisque nous maintenons la fiscalité."
Ils ont changé d'avis et au même moment, amendement au Sénat ? C'était coïncidence.
- "Cet amendement est un amendement technique qui fusionne deux impôts, tout cela est très compliqué, mais nous, nous n'avons pas baissé le produit fiscal attendu. Et si on avait reculé devant la rue, on aurait fait passer 300 millions d'euros à 150 millions d'euros."
C'est J.-P. Raffarin qui vous a demandé à ce qu'un amendement soit déposé au Sénat, franchement ?
- "Encore une fois, cet amendement n'est pas un recul du Gouvernement puisque cet amendement ne modifie pas le produit fiscal attendu. Que ça soit bien clair. Les cigarettiers, eux, vont avoir d'ailleurs des politiques commerciales différentes."
Conclusion, pour le consommateur, c'est : hausse de 8 à 10 % donc en janvier, c'est ça ? Et de 8 à 10 % en juillet ?
- "Ca dépend de chaque cigarettier. Peut-être que Philipp Morris va faire...
Les cigarettiers parlent de 9 %, Altadis dit 9 %.
- "Ils n'ont pas tous le même avis sur les moments et les montants des hausses en 2004. C'est leur liberté."
20 % sur l'année, à peu près ?
- "J'ai regardé un certain nombre de paquets de cigarettes, je ne vais pas citer de marque : au 1er octobre, il y a un paquet de cigarettes qui avait déjà absorbé la hausse de 2004, tellement ses prix avaient augmenté. Ca veut dire que, celui-là, il n'y a aucune raison qu'il augmente au 1er janvier. Voyez que les cigarettiers ont des politiques assez marquées. Et dernière chose : que les prix industriels, c'est-à-dire les prix que font les cigarettiers, soient si différents en Espagne et en France. En Espagne, c'est beaucoup moins cher qu'en France. Pourquoi, les cigarettiers se font plus de marges en Espagne qu'en France ? Moi, je pose la question. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un mémorandum vendredi dernier, pour que, enfin, l'Europe s'attelle à ce problème et qu'on puisse harmoniser..."
C'est déposé ?
- "C'est déposé. Que l'on puisse harmoniser la fiscalité, première chose, mais également le problème des achats transfrontaliers. Il faut qu'on essaye de regarder comment améliorer ce système et qu'on puisse également règlementer l'achat de cigarettes par Internet. Parce que c'est vrai qu'aujourd'hui ce marché est en train de se développer."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e décembre 2003)