Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation en ce début d'année. Permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vux, au nom du Parti communiste français, de son comité exécutif national, ainsi qu'en mon nom propre. Des vux de bonheur pour vous et pour celles et ceux que vous aimez, des vux d'épanouissement dans votre vie professionnelle et vos engagements, des vux de bonne santé. Tout cela, je vous le souhaite avec chaleur. Cela n'est pas pour moi un rituel pesant et obligé, mais un geste simple et important. Franchement, sur cette planète on pouvait plus souvent se souhaiter du bonheur, on respirerait mieux.
Il y a autre chose que j'apprécie dans cette tradition des vux : c'est l'un des seuls moments où il m'est vraiment accordé de pouvoir parler des média. Je le dis avec amusement, car le reste du temps, c'est vous qui nous regardez et nous jugez. C'est aujourd'hui à mon tour de rendre mon papier.
Les journalistes que vous êtes, les organes de presse ou audiovisuels, jouent un rôle éminent dans notre démocratie. Dit comme cela, sans doute serons-nous d'accord. Mais, sans tabou, je dirais qu'il s'agit d'un rôle qui, par bien des aspects, m'apparaît également comme politique. Mais à quel moment ce rôle est-il discuté, débattu ? Est-il possible, tout simplement, d'en parler ?
Le 21 avril 2002, il n'y a pas si longtemps, vous aviez été nombreux, avec raison, à souligner la responsabilité des politiques dans le terrible résultat. Certains d'entre vous se sont également interrogés sur ce qui s'était passé dans leur propre maison. Je regrette qu'alors, le dialogue public sur les comportements à l'uvre dans notre démocratie de la part de tous les acteurs publics n'aient pas été plus loin. Le rideau est, hélas, bien vite retombé.
En 2003, Des hommes et des femmes en lutte, les intermittents, les personnels de l'éducation nationale, celles et ceux qui défendaient d'autre choix pour les retraites ou encore les participants et participantes à la Fête de l'Humanité ou au forum social européen, ne se sont pas reconnus dans le traitement qu'on a fait de leurs actes. Surtout, ils n'ont pas trouvé suffisamment d'espaces de débats où s'exprimer, ils n'ont pas relevé suffisamment d'analyses prenant en compte leur apport. Ils ont vainement attendu que les politiques réagissent à leurs interpellations. Ce manque de débats contradictoires, je le ressens en tant que responsable du Parti communiste français.
En ce moment, je crois que nous n'échappons pas à la vieille rengaine des pronostics et à des phénomènes de bulles médiatiques, auto-alimentées par le système, ce fut le cas par exemple sur la question du foulard islamique. Tout cela me semble être de nature à provoquer de nouvelles réactions en chaîne extrêmement dangereuses.
Que des fossés se creusent entre les hommes et les femmes de ce pays et la politique, c'est un fait incontestable, et notre ambition première dans la période est de prendre cette question de front. Mais ne fermons pas pour autant les yeux sur les autres fractures qui s'ouvrent et qui menacent, elles aussi, notre démocratie. N'y a-t-il pas là, matière à s'interroger, à débattre ?
Les directions des organes de presse pèsent bien souvent sur les conditions de travail, la qualité de l'information, sur les cadres généraux qui la structurent et l'orientent... Certains se définissent comme des faiseurs d'opinion et d'actualité, d'autres affichent comme première leur volonté de faire de l'audimat ou de vendre de grandes quantités de papier. Je sais que de nombreux journalistes souffrent de ces situations. J'ai participé cette année à des initiatives concernant les droits d'auteur des journalistes, une question symptomatique de ces dérives. La liberté de la presse n'est pas toujours une évidence face à tous ces mécanismes.
Permettez-moi d'évoquer ici en quelques mots la lutte des journalistes de l'Afp. Les coupes sombres réalisées par le gouvernement dans le budget de l'agence touchent l'un des pivots de l'information dans notre pays et dans le monde, elles mettent en péril la possibilité de pouvoir disposer d'un matériel indispensable. Je leur ai apporté tout mon soutien, et je renouvelle aujourd'hui celui-ci : le parti communiste est prêt à prendre toutes les initiatives nécessaires à la défense de l'Afp.
*
Je suis résolument attachée à la liberté de la presse. Notre démocratie a besoin d'une presse, de média, vivants et courageux, branchés sur le monde, qui le donnent à voir et à réfléchir. Elle a besoin du pluralisme, qui reste, cette année encore, menacé par les concentrations à l'uvre. Je pense aussi aux journaux fragilisés par les augmentations des tarifs postaux ou l'ouverture programmée du champ de l'audiovisuel à la publicité pour la presse, visant à faire plus encore de l'information une simple marchandise. Les parlementaires communistes sont mobilisés sur tous ces sujets.
Toutes ces questions méritent débat, et appellent une réflexion politique. Ainsi, je songe à prendre une initiative visant à poser les bases d'une réflexion commune et citoyenne sur ce sujet important. Rien n'est encore défini, je souhaite la construire avec vous.
Permettez-moi donc de former des vux un peu plus vastes pour le renouveau de notre démocratie et la qualité du débat public dans notre pays.
La qualité du débat public, cela implique d'assumer ses actes. Il y a quelques jours, le Président de la République a présenté ses vux. Assumer ses actes, ce n'est pas, à mes yeux, ce qu'il a fait. Lorsque le Président de la République affirme avoir sauvegardé les retraites, qui peut le croire ? Lorsque le Président de la République affirme que dans six mois, notre assurance maladie aura été consolidée, qui peut être soulagé ? Lorsque le Président de la République parle de la recherche comme d'une priorité, les chercheurs ne peuvent que dénoncer la carence d'actes. Quand le Président de la République nous dit qu'il va enfin faire quelque chose pour l'emploi, il nous inquiète plus qu'il ne nous rassure ! Et ce n'est pas en dressant un portrait " rose bonbon " de la France d'aujourd'hui qu'il masquera dégâts de la politique menée, avec son appui indéfectible, par le gouvernement. La France ne voit pas la vie en rose : avec ce gouvernement, elle a plutôt les idées noires !
Le gouvernement met en uvre une politique de classe, que le baron Seillières peut apprécier à sa juste valeur, une politique de casse sociale tous azimuts. Le code du travail est attaqué de toutes part, La loi sur le dialogue social renverse la hiérarchie des normes.
La réduction du temps de travail ne sera bientôt, pour beaucoup, plus qu'un lointain souvenir.
Les chômeurs perdent leurs allocations et se voient imposer, avec le RMA une corvée, pour laquelle l'Etat rétribue les entreprises.
J'entends déjà des bruits de remise en cause du contrat à durée indéterminée.
Les immigrés sont peu à peu privés de leurs droits.
La liste est longue, vous la connaissez, et j'ai maintes fois eu l'occasion de la stigmatiser au cours des derniers mois. Les salariés, les ouvriers, les chômeurs, les retraités - c'est à dire la très grande majorité de notre peuple-, sont la cible de la grande majorité des décisions gouvernementales. Sous cet angle-là, il y a sans doute une cohérence. C'est une politique d'insécurité sociale et démocratique pour notre peuple !
Le gouvernement sait qu'il ne pourra aucunement assurer la cohésion sociale avec pour seul argument une politique ultra-sécuritaire accompagnant son formatage ultra-libéral. Tout ce qu'il a brisé de liens de solidarité, et de bien vivre ensemble est tellement lourd à porter, qu'il entend aujourd'hui rassurer en parlant d'emploi. Mais ses recettes n'ont pas changé : baisse des charges pour les entreprises, mise en concurrence des agences pour l'emploi avec le secteur privé, bas salaires, contrats au rabais, précarité galopante, remise en cause du code du travail C'est une politique au bulldozer sur le champ social.
Alors que le chômage n'est pas très loin de franchir la barre des 10% et que les conditions de travail se dégradent, on nous promet la croissance. La croissance pour qui ? Pour les entreprises exonérées de charges et de taxe professionnelle, pour la Bourse, pour la finance, et jamais pour ceux et celles qui travaillent ! Ce sont les charges financières qu'il faut baisser et non pas les cotisations sociales. En 2002, Les entreprises ont créé en ressources nouvelles l'équivalent de deux fois le budget de l'Etat. Plus de la moitié de ces richesses produites par le travail sont parties en fumée dans des opérations financières. Aujourd'hui, 20 milliards d'euros par an sont gâchés dans les exonérations accordées au patronat sans aucun effet sur l'emploi et les salaires. Et cela va augmenter encore, c'est cela la mobilisation pour l'emploi de la droite !
Il faut cesser cette politique insupportable, qui brise tous les acquis de notre peuple au profit du capitalisme mondialisé. Le gouvernement se livre à un jeu de massacre dans le champ social et sociétal.
Oui, bien sûr, l'emploi doit être la priorité numéro 1, mais dans la réalité, pas dans les discours. La politique n'est pas un carnaval ! Une véritable politique de l'emploi est possible. Inscrivons vraiment cette priorité dans la politique de l'Etat, de toutes les collectivités territoriales et des entreprises. Contrôlons l'utilisation des fonds publics. Créons un fonds national décentralisé qui aide les entreprises et notamment les PME à prendre en charge leurs prêts à l'investissement. Donnons des pouvoirs aux salariés dans les entreprises pour qu'ils soient pleinement acteurs de leur développement. Augmentons les salaires et augmentons notamment le SMIC de 6% dès aujourd'hui. Cela ne représente que 2% des profits d'exploitation et financiers des entreprises. Modulons la cotisation sociale patronale en fonction des choix de production, d'emploi, de formation des entreprises. Inventons une autre politique pour la Banque Centrale Européenne et dégageons-nous vraiment du pacte de stabilité. Travaillons en fait, à une véritable sécurité d'emploi et de formation. Oui, pour développer l'emploi, il faut s'en prendre au capital, et cesser de céder aux pressions libérales ! Voilà de vraies propositions pour l'emploi !
Le gouvernement, pour sa part, table sur la croissance américaine, elle-même peu créatrice d'emplois, une croissance qui s'est construite contre le reste du monde. En fait, Jean-Pierre Raffarin doit beaucoup lire une pièce de Molière : son remède est toujours le même, la saignée !
Et pour arranger le tout, sa politique n'a pas d'autre vecteur que la division. D'interdits en interdits, de stigmatisations en stigmatisations, il essaye de contenir la loi de la jungle qu'il crée lui-même. Les inégalités, les discriminations, les rejets, les communautarismes prospèrent, pour le plus grand bien du libéralisme.
Face à cela, nous voulons travailler au vivre ensemble, par le progrès social, par le respect de chacune et de chacun, par l'égalité des droits, par le dialogue et par la politique. C'est le combat que nous allons mener dans les entreprises et les quartiers comme pour l'école.
Non, vraiment, notre peuple mérite pas cette politique indigne qui lui est imposée. Nous sommes résolus à nous y opposer. Nous voulons empêcher à tout prix que se mette en place après les élections cette deuxième vague de casse sociale qui nous est annoncée.
De la même manière que nous avons dit, avant Noël : " pas de cadeaux pour Raffarin ", nous souhaitons aujourd'hui une mauvaise année électorale à la droite, pour que ses projets soient compromis et qu'elle ne puisse pas mener cette politique à son terme. Nous allons nous employer à réaliser ce vu dans la période qui vient.
Et nous, au parti communiste, qu'attendons-nous de cette année ? Ce sera sans nul doute une année charnière. Nous avons beaucoup travaillé, nous avons cherché à redonner du souffle et du retentissement à la politique. Nous avons tenu de nombreux forums citoyens avec une participation large, la présence de toutes les forces de gauche et des débats pluriels d'une grande qualité. Nous avons voulu que la politique retrouve son terrain naturel, la cité, qu'elle retrouve ses parents naturels, les citoyennes et les citoyens, qu'elle retrouve sa raison d'être naturelle, chercher ensemble à rendre la vie meilleure. Beaucoup, à gauche, il y a quelques mois, ont parlé de forums. Nous, nous les avons faits. Bien sûr, je mesure l'étendue du chemin qui reste à parcourir, mais je crois que c'est en poursuivant dans cette démarche avec ténacité que nous pourrons faire reculer le désespoir et l'abstention.
Nous voulons, en fait, mener une véritable offensive stratégique à gauche. Nous ne nous résignons pas à cette carence de la gauche face à la déferlante de la droite, secondée par l'extrême-droite. Nous ne nous résignons pas à cette tentative d'imposer à notre peuple le choix entre une droite façon Thatcher et une gauche façon Blair. Face à la droite, qui détourne les aspirations populaires contre le peuple lui-même, face à l'extrême-droite qui menace de son populisme dangereux, face à l'abstention qui prospère sur le terreau de la désespérance et du renoncement, loin des constats définitifs que l'on peut déjà entendre ou lire ici ou là, il n'y a pas d'autre chemin que de réhabiliter la politique dans les faits, sur le terrain.
Nous affichons, vous le savez, l'ambition de contribuer à ouvrir une alternative à gauche avec notre peuple. Oui, malgré notre affaiblissement, nous avons cette ambition. Ouvrir une alternative, c'est à dire révolutionner la gauche, transformer cette gauche qui a échoué trois fois de trop durant ces dernières décennies. Je l'ai dit et répété, en parlant des élections régionales : dans chaque coin de France, nous voulons faire gagner la gauche, en qualité et en quantité. Nous voulons bâtir une gauche populaire, de la cité et de l'entreprise, une gauche du courage, une gauche de la démocratie. Une gauche qui appartienne à son peuple et qui en porte les espoirs pour qu'ils s'accomplissent.
On nous présente souvent, ces temps-ci, un paysage politique squelettique fait d'alternance bipolaire et d'extrêmes menaçants. Rien de mieux pour fermer la porte à un vrai changement. Nous nous employons à casser ce moule informe. Il y a dans notre pays, des hommes et des femmes, des forces qui attendent un vrai changement dans leur vie, dans la société. Ils sont nombreux, même si trop ont perdu confiance, ou espoir. Ils doivent pouvoir intervenir en politique pour qu'elle se change elle-même et qu'elle change le monde. En nous plaçant sur ce chemin-là cette année, je souhaite que nous permettions avec d'autres l'avènement d'une éclaircie dans le champ politique afin que se dégagent des horizons possibles.
Les élections cantonales et régionales doivent y contribuer, avec le souci d'élire le plus grand nombre possible d'hommes et de femmes porteurs de cette envie d'alternative, capables de permettre des avancées réelles dans la gestion. Cela signifie que nous nous plaçons dans une posture de conquête face à la droite. Nous voulons faire gagner la gauche.
Les élections européennes seront également un moment fort. L'Europe d'aujourd'hui ne nous va pas : elle casse le service public, elle démantèle les droits sociaux, elle installe un libéralisme débridé. La Constitution mise en attente symbolise cette Europe gravant dans le marbre un système économique dévastateur. Pourtant, elle pourrait être belle cette idée européenne. Une Europe de la paix, une Europe du progrès humain, une Europe des droits, une Europe des services publics, une Europe de la coopération avec le monde. C'est cette idée-là que nous porterons haut dans la campagne à venir. Là aussi, nous desserrerons l'étau stérilisant que l'on veut nous imposer entre ceux, de droite ou de gauche, qui veulent poursuivre l'Europe de Maastricht et ceux qui ne savent plus dire que non. Là encore, large rassemblement pour un vrai changement.
Faire exister la possibilité d'une transformation sociale effective, dans un sens anticapitaliste, pour un monde de partage, c'est la volonté profonde des communistes. Relever ce défi aujourd'hui est un choix qui peut paraître difficile, je le trouve exaltant. Plus. Je le trouve indispensable et adapté. Les communistes sont mobilisés. Je suis fière d'être de ce parti qui ne se résigne pas au cours annoncé des évènements. Je suis fière d'être de ce parti qui parie sur les valeurs, les potentialités, la créativité, l'énergie des hommes et des femmes qu'il rencontre. Je suis fière d'être de ce parti qui cherche les voies de la noblesse en politique, qui débat et construit sur la place publique. Je suis fière de ce parti qui réfléchit, et décide collectivement qui contribue au rassemblement populaire et politique.
Vous le voyez, c'est avec audace que nous abordons l'année qui vient. Certains la trouveront démesurée. Pour ma part, c'est le statu quo que je trouverais irresponsable. Le monde, la France, la politique ne peuvent continuer dans la direction actuelle. Il faut, il y a urgence à bouger.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais terminer en vous disant quelques mots du monde qui est le nôtre. A mes vux, je voudrais ajouter celui de la paix. La paix comme un trésor à forger ensemble. Des lueurs de paix se font jour, comme à Genève. Je souhaite qu'elles grandissent encore. Ces derniers temps, le fracas des armes a beaucoup trop occupé l'espace, pour le malheur des hommes et des femmes, pour le bénéfice des forces de la finance.
Permettez-moi de vous renouveler mes vux les plus sincères pour cette année 2004.
Je vous remercie.
(Source http://www.pcf.fr, le 13 janvier 2004)
Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation en ce début d'année. Permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vux, au nom du Parti communiste français, de son comité exécutif national, ainsi qu'en mon nom propre. Des vux de bonheur pour vous et pour celles et ceux que vous aimez, des vux d'épanouissement dans votre vie professionnelle et vos engagements, des vux de bonne santé. Tout cela, je vous le souhaite avec chaleur. Cela n'est pas pour moi un rituel pesant et obligé, mais un geste simple et important. Franchement, sur cette planète on pouvait plus souvent se souhaiter du bonheur, on respirerait mieux.
Il y a autre chose que j'apprécie dans cette tradition des vux : c'est l'un des seuls moments où il m'est vraiment accordé de pouvoir parler des média. Je le dis avec amusement, car le reste du temps, c'est vous qui nous regardez et nous jugez. C'est aujourd'hui à mon tour de rendre mon papier.
Les journalistes que vous êtes, les organes de presse ou audiovisuels, jouent un rôle éminent dans notre démocratie. Dit comme cela, sans doute serons-nous d'accord. Mais, sans tabou, je dirais qu'il s'agit d'un rôle qui, par bien des aspects, m'apparaît également comme politique. Mais à quel moment ce rôle est-il discuté, débattu ? Est-il possible, tout simplement, d'en parler ?
Le 21 avril 2002, il n'y a pas si longtemps, vous aviez été nombreux, avec raison, à souligner la responsabilité des politiques dans le terrible résultat. Certains d'entre vous se sont également interrogés sur ce qui s'était passé dans leur propre maison. Je regrette qu'alors, le dialogue public sur les comportements à l'uvre dans notre démocratie de la part de tous les acteurs publics n'aient pas été plus loin. Le rideau est, hélas, bien vite retombé.
En 2003, Des hommes et des femmes en lutte, les intermittents, les personnels de l'éducation nationale, celles et ceux qui défendaient d'autre choix pour les retraites ou encore les participants et participantes à la Fête de l'Humanité ou au forum social européen, ne se sont pas reconnus dans le traitement qu'on a fait de leurs actes. Surtout, ils n'ont pas trouvé suffisamment d'espaces de débats où s'exprimer, ils n'ont pas relevé suffisamment d'analyses prenant en compte leur apport. Ils ont vainement attendu que les politiques réagissent à leurs interpellations. Ce manque de débats contradictoires, je le ressens en tant que responsable du Parti communiste français.
En ce moment, je crois que nous n'échappons pas à la vieille rengaine des pronostics et à des phénomènes de bulles médiatiques, auto-alimentées par le système, ce fut le cas par exemple sur la question du foulard islamique. Tout cela me semble être de nature à provoquer de nouvelles réactions en chaîne extrêmement dangereuses.
Que des fossés se creusent entre les hommes et les femmes de ce pays et la politique, c'est un fait incontestable, et notre ambition première dans la période est de prendre cette question de front. Mais ne fermons pas pour autant les yeux sur les autres fractures qui s'ouvrent et qui menacent, elles aussi, notre démocratie. N'y a-t-il pas là, matière à s'interroger, à débattre ?
Les directions des organes de presse pèsent bien souvent sur les conditions de travail, la qualité de l'information, sur les cadres généraux qui la structurent et l'orientent... Certains se définissent comme des faiseurs d'opinion et d'actualité, d'autres affichent comme première leur volonté de faire de l'audimat ou de vendre de grandes quantités de papier. Je sais que de nombreux journalistes souffrent de ces situations. J'ai participé cette année à des initiatives concernant les droits d'auteur des journalistes, une question symptomatique de ces dérives. La liberté de la presse n'est pas toujours une évidence face à tous ces mécanismes.
Permettez-moi d'évoquer ici en quelques mots la lutte des journalistes de l'Afp. Les coupes sombres réalisées par le gouvernement dans le budget de l'agence touchent l'un des pivots de l'information dans notre pays et dans le monde, elles mettent en péril la possibilité de pouvoir disposer d'un matériel indispensable. Je leur ai apporté tout mon soutien, et je renouvelle aujourd'hui celui-ci : le parti communiste est prêt à prendre toutes les initiatives nécessaires à la défense de l'Afp.
*
Je suis résolument attachée à la liberté de la presse. Notre démocratie a besoin d'une presse, de média, vivants et courageux, branchés sur le monde, qui le donnent à voir et à réfléchir. Elle a besoin du pluralisme, qui reste, cette année encore, menacé par les concentrations à l'uvre. Je pense aussi aux journaux fragilisés par les augmentations des tarifs postaux ou l'ouverture programmée du champ de l'audiovisuel à la publicité pour la presse, visant à faire plus encore de l'information une simple marchandise. Les parlementaires communistes sont mobilisés sur tous ces sujets.
Toutes ces questions méritent débat, et appellent une réflexion politique. Ainsi, je songe à prendre une initiative visant à poser les bases d'une réflexion commune et citoyenne sur ce sujet important. Rien n'est encore défini, je souhaite la construire avec vous.
Permettez-moi donc de former des vux un peu plus vastes pour le renouveau de notre démocratie et la qualité du débat public dans notre pays.
La qualité du débat public, cela implique d'assumer ses actes. Il y a quelques jours, le Président de la République a présenté ses vux. Assumer ses actes, ce n'est pas, à mes yeux, ce qu'il a fait. Lorsque le Président de la République affirme avoir sauvegardé les retraites, qui peut le croire ? Lorsque le Président de la République affirme que dans six mois, notre assurance maladie aura été consolidée, qui peut être soulagé ? Lorsque le Président de la République parle de la recherche comme d'une priorité, les chercheurs ne peuvent que dénoncer la carence d'actes. Quand le Président de la République nous dit qu'il va enfin faire quelque chose pour l'emploi, il nous inquiète plus qu'il ne nous rassure ! Et ce n'est pas en dressant un portrait " rose bonbon " de la France d'aujourd'hui qu'il masquera dégâts de la politique menée, avec son appui indéfectible, par le gouvernement. La France ne voit pas la vie en rose : avec ce gouvernement, elle a plutôt les idées noires !
Le gouvernement met en uvre une politique de classe, que le baron Seillières peut apprécier à sa juste valeur, une politique de casse sociale tous azimuts. Le code du travail est attaqué de toutes part, La loi sur le dialogue social renverse la hiérarchie des normes.
La réduction du temps de travail ne sera bientôt, pour beaucoup, plus qu'un lointain souvenir.
Les chômeurs perdent leurs allocations et se voient imposer, avec le RMA une corvée, pour laquelle l'Etat rétribue les entreprises.
J'entends déjà des bruits de remise en cause du contrat à durée indéterminée.
Les immigrés sont peu à peu privés de leurs droits.
La liste est longue, vous la connaissez, et j'ai maintes fois eu l'occasion de la stigmatiser au cours des derniers mois. Les salariés, les ouvriers, les chômeurs, les retraités - c'est à dire la très grande majorité de notre peuple-, sont la cible de la grande majorité des décisions gouvernementales. Sous cet angle-là, il y a sans doute une cohérence. C'est une politique d'insécurité sociale et démocratique pour notre peuple !
Le gouvernement sait qu'il ne pourra aucunement assurer la cohésion sociale avec pour seul argument une politique ultra-sécuritaire accompagnant son formatage ultra-libéral. Tout ce qu'il a brisé de liens de solidarité, et de bien vivre ensemble est tellement lourd à porter, qu'il entend aujourd'hui rassurer en parlant d'emploi. Mais ses recettes n'ont pas changé : baisse des charges pour les entreprises, mise en concurrence des agences pour l'emploi avec le secteur privé, bas salaires, contrats au rabais, précarité galopante, remise en cause du code du travail C'est une politique au bulldozer sur le champ social.
Alors que le chômage n'est pas très loin de franchir la barre des 10% et que les conditions de travail se dégradent, on nous promet la croissance. La croissance pour qui ? Pour les entreprises exonérées de charges et de taxe professionnelle, pour la Bourse, pour la finance, et jamais pour ceux et celles qui travaillent ! Ce sont les charges financières qu'il faut baisser et non pas les cotisations sociales. En 2002, Les entreprises ont créé en ressources nouvelles l'équivalent de deux fois le budget de l'Etat. Plus de la moitié de ces richesses produites par le travail sont parties en fumée dans des opérations financières. Aujourd'hui, 20 milliards d'euros par an sont gâchés dans les exonérations accordées au patronat sans aucun effet sur l'emploi et les salaires. Et cela va augmenter encore, c'est cela la mobilisation pour l'emploi de la droite !
Il faut cesser cette politique insupportable, qui brise tous les acquis de notre peuple au profit du capitalisme mondialisé. Le gouvernement se livre à un jeu de massacre dans le champ social et sociétal.
Oui, bien sûr, l'emploi doit être la priorité numéro 1, mais dans la réalité, pas dans les discours. La politique n'est pas un carnaval ! Une véritable politique de l'emploi est possible. Inscrivons vraiment cette priorité dans la politique de l'Etat, de toutes les collectivités territoriales et des entreprises. Contrôlons l'utilisation des fonds publics. Créons un fonds national décentralisé qui aide les entreprises et notamment les PME à prendre en charge leurs prêts à l'investissement. Donnons des pouvoirs aux salariés dans les entreprises pour qu'ils soient pleinement acteurs de leur développement. Augmentons les salaires et augmentons notamment le SMIC de 6% dès aujourd'hui. Cela ne représente que 2% des profits d'exploitation et financiers des entreprises. Modulons la cotisation sociale patronale en fonction des choix de production, d'emploi, de formation des entreprises. Inventons une autre politique pour la Banque Centrale Européenne et dégageons-nous vraiment du pacte de stabilité. Travaillons en fait, à une véritable sécurité d'emploi et de formation. Oui, pour développer l'emploi, il faut s'en prendre au capital, et cesser de céder aux pressions libérales ! Voilà de vraies propositions pour l'emploi !
Le gouvernement, pour sa part, table sur la croissance américaine, elle-même peu créatrice d'emplois, une croissance qui s'est construite contre le reste du monde. En fait, Jean-Pierre Raffarin doit beaucoup lire une pièce de Molière : son remède est toujours le même, la saignée !
Et pour arranger le tout, sa politique n'a pas d'autre vecteur que la division. D'interdits en interdits, de stigmatisations en stigmatisations, il essaye de contenir la loi de la jungle qu'il crée lui-même. Les inégalités, les discriminations, les rejets, les communautarismes prospèrent, pour le plus grand bien du libéralisme.
Face à cela, nous voulons travailler au vivre ensemble, par le progrès social, par le respect de chacune et de chacun, par l'égalité des droits, par le dialogue et par la politique. C'est le combat que nous allons mener dans les entreprises et les quartiers comme pour l'école.
Non, vraiment, notre peuple mérite pas cette politique indigne qui lui est imposée. Nous sommes résolus à nous y opposer. Nous voulons empêcher à tout prix que se mette en place après les élections cette deuxième vague de casse sociale qui nous est annoncée.
De la même manière que nous avons dit, avant Noël : " pas de cadeaux pour Raffarin ", nous souhaitons aujourd'hui une mauvaise année électorale à la droite, pour que ses projets soient compromis et qu'elle ne puisse pas mener cette politique à son terme. Nous allons nous employer à réaliser ce vu dans la période qui vient.
Et nous, au parti communiste, qu'attendons-nous de cette année ? Ce sera sans nul doute une année charnière. Nous avons beaucoup travaillé, nous avons cherché à redonner du souffle et du retentissement à la politique. Nous avons tenu de nombreux forums citoyens avec une participation large, la présence de toutes les forces de gauche et des débats pluriels d'une grande qualité. Nous avons voulu que la politique retrouve son terrain naturel, la cité, qu'elle retrouve ses parents naturels, les citoyennes et les citoyens, qu'elle retrouve sa raison d'être naturelle, chercher ensemble à rendre la vie meilleure. Beaucoup, à gauche, il y a quelques mois, ont parlé de forums. Nous, nous les avons faits. Bien sûr, je mesure l'étendue du chemin qui reste à parcourir, mais je crois que c'est en poursuivant dans cette démarche avec ténacité que nous pourrons faire reculer le désespoir et l'abstention.
Nous voulons, en fait, mener une véritable offensive stratégique à gauche. Nous ne nous résignons pas à cette carence de la gauche face à la déferlante de la droite, secondée par l'extrême-droite. Nous ne nous résignons pas à cette tentative d'imposer à notre peuple le choix entre une droite façon Thatcher et une gauche façon Blair. Face à la droite, qui détourne les aspirations populaires contre le peuple lui-même, face à l'extrême-droite qui menace de son populisme dangereux, face à l'abstention qui prospère sur le terreau de la désespérance et du renoncement, loin des constats définitifs que l'on peut déjà entendre ou lire ici ou là, il n'y a pas d'autre chemin que de réhabiliter la politique dans les faits, sur le terrain.
Nous affichons, vous le savez, l'ambition de contribuer à ouvrir une alternative à gauche avec notre peuple. Oui, malgré notre affaiblissement, nous avons cette ambition. Ouvrir une alternative, c'est à dire révolutionner la gauche, transformer cette gauche qui a échoué trois fois de trop durant ces dernières décennies. Je l'ai dit et répété, en parlant des élections régionales : dans chaque coin de France, nous voulons faire gagner la gauche, en qualité et en quantité. Nous voulons bâtir une gauche populaire, de la cité et de l'entreprise, une gauche du courage, une gauche de la démocratie. Une gauche qui appartienne à son peuple et qui en porte les espoirs pour qu'ils s'accomplissent.
On nous présente souvent, ces temps-ci, un paysage politique squelettique fait d'alternance bipolaire et d'extrêmes menaçants. Rien de mieux pour fermer la porte à un vrai changement. Nous nous employons à casser ce moule informe. Il y a dans notre pays, des hommes et des femmes, des forces qui attendent un vrai changement dans leur vie, dans la société. Ils sont nombreux, même si trop ont perdu confiance, ou espoir. Ils doivent pouvoir intervenir en politique pour qu'elle se change elle-même et qu'elle change le monde. En nous plaçant sur ce chemin-là cette année, je souhaite que nous permettions avec d'autres l'avènement d'une éclaircie dans le champ politique afin que se dégagent des horizons possibles.
Les élections cantonales et régionales doivent y contribuer, avec le souci d'élire le plus grand nombre possible d'hommes et de femmes porteurs de cette envie d'alternative, capables de permettre des avancées réelles dans la gestion. Cela signifie que nous nous plaçons dans une posture de conquête face à la droite. Nous voulons faire gagner la gauche.
Les élections européennes seront également un moment fort. L'Europe d'aujourd'hui ne nous va pas : elle casse le service public, elle démantèle les droits sociaux, elle installe un libéralisme débridé. La Constitution mise en attente symbolise cette Europe gravant dans le marbre un système économique dévastateur. Pourtant, elle pourrait être belle cette idée européenne. Une Europe de la paix, une Europe du progrès humain, une Europe des droits, une Europe des services publics, une Europe de la coopération avec le monde. C'est cette idée-là que nous porterons haut dans la campagne à venir. Là aussi, nous desserrerons l'étau stérilisant que l'on veut nous imposer entre ceux, de droite ou de gauche, qui veulent poursuivre l'Europe de Maastricht et ceux qui ne savent plus dire que non. Là encore, large rassemblement pour un vrai changement.
Faire exister la possibilité d'une transformation sociale effective, dans un sens anticapitaliste, pour un monde de partage, c'est la volonté profonde des communistes. Relever ce défi aujourd'hui est un choix qui peut paraître difficile, je le trouve exaltant. Plus. Je le trouve indispensable et adapté. Les communistes sont mobilisés. Je suis fière d'être de ce parti qui ne se résigne pas au cours annoncé des évènements. Je suis fière d'être de ce parti qui parie sur les valeurs, les potentialités, la créativité, l'énergie des hommes et des femmes qu'il rencontre. Je suis fière d'être de ce parti qui cherche les voies de la noblesse en politique, qui débat et construit sur la place publique. Je suis fière de ce parti qui réfléchit, et décide collectivement qui contribue au rassemblement populaire et politique.
Vous le voyez, c'est avec audace que nous abordons l'année qui vient. Certains la trouveront démesurée. Pour ma part, c'est le statu quo que je trouverais irresponsable. Le monde, la France, la politique ne peuvent continuer dans la direction actuelle. Il faut, il y a urgence à bouger.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais terminer en vous disant quelques mots du monde qui est le nôtre. A mes vux, je voudrais ajouter celui de la paix. La paix comme un trésor à forger ensemble. Des lueurs de paix se font jour, comme à Genève. Je souhaite qu'elles grandissent encore. Ces derniers temps, le fracas des armes a beaucoup trop occupé l'espace, pour le malheur des hommes et des femmes, pour le bénéfice des forces de la finance.
Permettez-moi de vous renouveler mes vux les plus sincères pour cette année 2004.
Je vous remercie.
(Source http://www.pcf.fr, le 13 janvier 2004)