Conférence de presse de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, et entretien avec des radios et télévisions, sur les grands dossiers internationaux, notamment le sort des otages français et italiens en Irak, le budget communautaire, la question nucléaire en Iran et la situation au Darfour soudanais, Bruxelles le 13 septembre 2004.

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Circonstance : Réunion du Conseil affaires générales et relations extérieures, à Bruxelles le 13 septembre 2004

Texte intégral

(Conférence de presse de Michel Barnier à l'issue du Conseil affaires générales, à Bruxelles le 13 septembre 2004) :
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais évoquer devant vous quatre points qui me paraissent ressortir des discussions d'aujourd'hui : d'une part, un mot en tant que ministre français, de la question qui concerne vos confrères MM. Chesnot et Malbrunot ; la question du budget de l'Union européenne 2007-2013 ; celle de l'Iran et enfin la situation très grave au Darfour.
Sur le premier point évoqué, vous connaissez l'épreuve que nous vivons avec la disparition il y a maintenant trois semaines, de deux de vos confrères et de leur chauffeur. Plusieurs Etats membres sont malheureusement concernés par de telles prises d'otages dans un contexte à Bagdad et en Irak qui devient de plus en plus difficile. Après la publication d'une cassette qui exprimait pour la première fois une revendication concernant une loi française, nous avons décidé une explication à la fois républicaine et diplomatique de ce qu'est la France et de ce que fait la France. Cette explication a été portée par différentes voix, dont la mienne naturellement, dans beaucoup de pays arabes et musulmans. Au-delà de ce moment d'explication, aujourd'hui, nous restons plus que jamais mobilisés avec une triple attitude que je veux rappeler et que je vous demande de comprendre car il y va de la sécurité de vos confrères : la confiance que nous gardons en leur libération, la prudence et la discrétion. Je voudrais d'ailleurs, puisque je parle de deux de vos confrères, dire un mot à l'attention de Mme Nérac et de sa famille, je n'oublie pas Fred Nérac, qui a disparu depuis plus d'un an, et je reste décidé à ce que la lumière soit faite sur sa disparition. Je crois que sa famille a droit à la vérité et notre mobilisation sur ce sujet reste là aussi la même et demeure entière.
S'agissant du Conseil d'aujourd'hui, je voudrais évoquer trois autres points.
La discussion budgétaire sérieuse commence. Elle sera longue. Nous disposons depuis le mois de juillet des propositions détaillées de la Commission, j'ai de bonnes raisons de m'en souvenir, il s'agit maintenant d'organiser notre travail pour les mois qui viennent. C'est le rôle du Conseil Affaires générales de définir une méthode et c'est ce à quoi nous nous sommes attachés sur la proposition de la Présidence néerlandaise. La démarche proposée par la Présidence veut définir des priorités politiques en matière de dépenses, tout en tenant compte des contraintes financières. C'est une étape, me semble-t-il, indispensable pour essayer de progresser au-delà du rappel par chacun de ses positions sur le niveau global du budget, en d'autres termes les débats entre les différents groupes : 1 % d'un côté, 1,11 % de l'autre, 1,24 % du troisième. C'est un débat que je peux comprendre mais il faut en sortir. La méthode proposée par la Présidence néerlandaise qui consiste à étudier, chapitre par chapitre, quelles sont les priorités politiques de l'Union durant cette période tout à fait importante, de combien d'argent a-t-on besoin pour faire face à ces priorités, cette méthode-là me paraît la bonne pour faire avancer le débat. J'ai rappelé, dans ce contexte, que cette évaluation des politiques à laquelle nous allons nous livrer maintenant devra naturellement inclure la prise en compte des décisions antérieures du Conseil européen, par exemple au niveau des dépenses agricoles qui ont été arrêtées en 2002, ainsi que la nécessaire solidarité à l'égard des nouveaux membres au travers de la politique de cohésion.
S'agissant de cette politique de cohésion que je connais bien, j'ai dit ce matin à mes collègues le soutien de la France à la structure des propositions entre les différents instruments proposés par la Commission, la priorité étant clairement attribuée aux régions et pays les plus en difficulté, et aussi, à travers d'autres instruments, le soutien à une politique régionale européenne qui continue d'intéresser l'ensemble du territoire de l'Union, en insistant sur la qualité des dépenses, notamment en mettant en oeuvre l'agenda de Lisbonne et celui de Göteborg.
Un troisième dossier nous a occupés durant le déjeuner, c'est celui de l'Iran. Nous avons consacré tout ce temps à la question nucléaire en Iran dans la perspective du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui se réunit à partir d'aujourd'hui à Vienne. Nous sommes vivement préoccupés par le développement du programme nucléaire iranien. Je pense, comme mes collègues, qu'une course aux armements aurait des conséquences incalculables dans cette région et dans le monde, voilà pourquoi la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne ont entrepris, vous le savez, de convaincre les Iraniens de rassurer le monde sur la nature de leur programme. Voilà comment, en octobre 2003, les trois pays ont obtenu que Téhéran décide volontairement de suspendre ses activités sensibles d'enrichissement de l'uranium. En échange de cette suspension, vérifiée par l'AIEA, nous avions indiqué notre disponibilité à engager, le moment venu, une coopération avec l'Iran qui aurait pu inclure le nucléaire civil. La discussion avec les Iraniens reste très difficile et nous ne sommes pas encore rassurés par leur comportement. Voilà pourquoi les trois pays européens qui se sont engagés en avant garde, en bonne intelligence avec les autres, je l'ai vérifié aujourd'hui encore, proposent un projet de résolution à Vienne qui demande au directeur général de l'AIEA de faire, d'ici le mois de novembre, une mise à plat objective et impartiale du programme nucléaire iranien afin d'y voir clair et de prendre, en connaissance de cause, toutes les décisions nécessaires. A ce moment-là nous aurons plusieurs choix devant nous : 
- soit nos préoccupations demeurent et nous aurons la ressource de transmettre ce dossier au Conseil de sécurité des Nations unies ; 
- soit, et c'est ce que nous espérons, l'Iran jouera le jeu de la confiance et cette affaire pourra être désamorcée à Vienne. Nous avons, au cours des mois passés, traité ce dossier très important en informant naturellement les partenaires de l'Union de nos démarches, je pense notamment à la Russie et aux Etats Unis. Nous continuons de penser que la voie d'un arrangement politique est possible avec l'Iran.
Le quatrième dossier que je veux évoquer concerne le Soudan et la situation humanitaire et politique très grave au Darfour où je me suis rendu à la fin du mois de juillet. Je veux rappeler les lignes d'action qui sont les nôtres, ce que le texte du Conseil confirmera, afin de maintenir la pression sur toutes les parties, notamment le gouvernement de Khartoum, mais pas seulement le gouvernement, pour qu'elles respectent leurs obligations telles qu'elles ont été écrites dans la résolution 1556, et afin qu'il y ait, dans les négociations politiques, de vrais progrès.
Notre deuxième ligne d'action est de soutenir l'Union africaine tant sur le plan politique que sur le terrain. Cela veut dire l'appui que je suis moi-même allé porter comme d'autres de mes collègues à El Facher à l'est du Darfour, appui à la mission d'observation du cessez-le-feu, qui est animée par l'Union africaine, c'est aussi l'aide humanitaire aux populations déplacées ou réfugiées, un million sans doute de personnes du côté du Soudan, deux cent mille sans doute du côté du Tchad et enfin une participation aux discussions, aux pourparlers politiques de Naivasha et d'Abuja.
La France prend sa part à ces différents niveaux. Je veux rappeler qu'à la suite de la visite que j'ai effectuée en juillet, le président de la République a lui-même annoncé un engagement supplémentaire de notre pays en mobilisant les forces françaises situées au Tchad, notamment pour le transport par avion du matériel humanitaire et la mise en place de forces de sécurité du côté tchadien, tout au long de la frontière, pour sécuriser et rassurer les personnes réfugiées. Nous pensons qu'il faut aller plus loin, notamment en vérifiant sur place exactement la situation. Voilà pourquoi nous avons décidé une mission d'évaluation pour préciser et amplifier notre appui à l'Union africaine et parmi les différents moyens que nous pourrions mettre à sa disposition, si elle nous le demande, il y aurait une mission de police proposée par l'Union européenne à la demande de l'Union africaine sur le territoire du Darfour, un peu, si je puis dire, comme nous-mêmes nous le faisons sur un plan bilatéral avec les autorités tchadiennes le long de la frontière avec le Soudan.
Concernant enfin la qualification de génocide des événements dramatiques au Soudan nous avons, dans nos conclusions, marqué notre soutien aux efforts des Nations unies pour enquêter sur les violations graves des Droits de l'Homme, y compris les allégations de génocide. Je note, comme mes collègues, que le rapport présenté le 2 septembre au Conseil de sécurité par le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Pronk, n'utilise pas le terme de génocide et que ce terme n'est pas non plus utilisé par les Organisations non gouvernementales. Cependant, pour moi, le problème est moins une question d'escalade dans les mots qu'une vérification de la réalité et de changement de réalité sur le terrain. La situation est très grave, j'ai pu moi-même vérifier, dans le camp de El Facher que j'ai visité, qu'il y a eu des violations massives des Droits de l'Homme. Je crois que l'essentiel est de rester mobilisés et attentifs à cette crise pour la faire évoluer sur les plans humanitaire, politique et sécuritaire.
Voilà quelques mots sur les quatre points que je voulais évoquer avant de répondre à quelques-unes de vos questions.
Q - Concernant nos confrères, avez-vous des contacts ou est-ce que la communication est coupée ?
R - Comme vous le savez, nous avons établi, et ne m'en veuillez pas de ne pas en dire plus, tous les contacts et tous les dialogues possibles. Ce qui nous en revient, mais il faut être prudent, c'est que vos confrères seraient en vie et bien traités. Voilà ce que je peux confirmer avec toute la prudence et toutes les précautions nécessaires.
Q - Est-ce que vous pensez adéquat que l'Union européenne mène une action collective en Irak, comme M. Bot le suggérait : aide à la reconstruction, à la formation des policiers, est-ce le moment avec la crise des otages ?
R - Cette crise des otages est un problème des plus préoccupants et je puis dire que nous devons l'affronter. Nous le faisons, encore une fois, avec le souci de rester confiants et totalement mobilisés, je vous prie de le croire, et en même temps de prendre toutes les précautions nécessaires compte tenu de la nature de ce problème et du souci de la sécurité des hommes et des femmes qui sont concernés par ces enlèvements. 
Pour le reste, il y a le problème irakien qui s'inscrit dans le cadre de la résolution des Nations unies à laquelle nous allons contribuer, avec le souci permanent de la dignité du peuple irakien, celui d'alléger ses souffrances et de faire en sorte qu'il soit souverain et maître de son destin. Cela a toujours été et restera la ligne française : contribuer, dans le cadre de la résolution des Nations unies, à la reconstruction politique et économique de ce pays. Je pense que l'Europe, pour les mois et les années qui viennent, dans cet esprit là, doit avoir sa part d'action et de responsabilité.
Q - Et pour Fred Nérac, êtes-vous en contact avec vos collègues américains et britanniques ?
R - Oui, je suis en contact avec les autorités américaines, britanniques qui ont mené une enquête sur le terrain au moment de la guerre, à la période la plus dure de ce conflit, et je continue à demander à tous ceux qui le peuvent sur le terrain, y compris au gouvernement irakien actuel, de nous aider à connaître la vérité sur la disparition de Fred Nérac. J'en suis soucieux personnellement pour beaucoup de raisons. J'ai eu des contacts avec Mme Nérac, avec son fils qui, pour ne rien vous cacher, était dans la même école que le mien.
Q - Quelle est la décision sur la Birmanie ?
R - Vous parlez des sanctions. La question de la Birmanie est un peu plus large que cela puisqu'il faut évoquer les deux points que nous avons étudiés aujourd'hui : la tenue du Sommet de l'ASEM le 8 octobre prochain à Hanoi et la situation en Birmanie qui est, comme votre question le suggère, toujours aussi peu satisfaisante s'agissant de la défense des Droits de l'Homme et de la démocratie. L'enjeu, à nos yeux, était et reste la première question, c'est-à-dire que le Sommet de l'ASEM à Hanoi ne devienne pas l'otage de la seconde question. La relation entre la région de l'Asie et la région européenne revêt pour moi une importance considérable et l'ASEM est le cadre très utile de ce dialogue. Les vingt-cinq pays de l'Union y participent. Parallèlement, nous avons rappelé notre préoccupation vis-à-vis de la situation en Birmanie, nous avons demandé avec force aux autorités militaires birmanes de prendre les mesures que nous attendons depuis un certain temps sous peine d'un renforcement des sanctions de l'Union à leur égard et nous allons veiller à ce que ces sanctions soient crédibles, ciblées et efficaces.
Q - Sur l'Irak, Ankara faisait part récemment de ses préoccupations concernant le bombardement des populations civiles turcophones mais pas uniquement. Partagez-vous ces préoccupations ?
R - Vous le voyez bien, la situation en Irak est extrêmement complexe et difficile. On l'a vu encore avec ce qui s'est passé dans la zone verte hier et toutes les opérations qui sont conduites. Nous continuons à penser que la seule sortie possible de cette crise est politique et qu'elle ne passe pas par les armes. C'est dans cet esprit que nous continuons à travailler dans le cadre des Nations unies.
Q - On parle d'un projet de loi sur l'adultère en Turquie. Sera-t-elle en contradiction avec les aspirations de la Turquie à rejoindre l'Union et pensez-vous y faire une visite ?
R - Le chemin sur lequel la Turquie a commencé à marcher depuis quelques années pour se rapprocher de l'Union européenne est long et comporte beaucoup d'étapes. Certaines ont été franchies. En ce qui concerne le respect des Droits de l'Homme, de la femme, de la démocratie, il y a encore des étapes à franchir. Nous sommes vigilants sur l'ensemble de ce cahier des charges de Copenhague, qui est inscrit dans la Constitution européenne à laquelle les observateurs turcs ont participé, comme ceux de la Roumanie et de la Bulgarie. J'ai l'intention de me rendre à Ankara dans le prochain mois.
Q - L'Espagne a été beaucoup impliquée, comme vous-même d'ailleurs, dans la tentative de relancer le processus de paix au Proche-Orient. Pensez-vous qu'il y a une opportunité de faire avancer le dossier lors de l'Assemblée générale de l'ONU, malgré la proximité des élections américaines ?
R - Je pense que la situation est suffisamment sérieuse et grave dans cette région pour que, tous les jours, les bonnes volontés soient utilisées, que des démarches soient conduites, qu'elles soient bilatérales, comme celles que j'ai faites en me rendant dans les Territoires palestiniens ou que je ferai dans quelques semaines en me rendant en Israël, ou que ces démarches soient communautaires. S'il y a, de mon point de vue, un sujet qui exige que les Européens parlent d'une voix commune, en mutualisant leurs positions et leurs actions, c'est bien celui-là. Nous avons le cadre pour le faire, nous travaillons avec les Nations unies, les Américains et les Russes. L'Union européenne doit être encore plus active et déterminée.
Q - Que pensez-vous de la visite du président irakien au Parlement européen à Strasbourg après demain ?
R - Au ministère des Affaires étrangères, nous n'avons aucune sorte de réserve ou d'objection à cette visite.
Q - Qu'en est-il de l'intervention de l'Union européenne au Darfour ? Quelles actions seront conduites par l'Union européenne en Irak ?
R - Les discussions ne sont pas terminées sur ce point. La première question, avant de parler du financement d'une mission de protection de l'ONU, c'est de savoir si les conditions légitimes qu'a posées M. Kofi Annan pour que les Nations unies reviennent à Bagdad sont réunies ou non. Je peux comprendre que le Secrétaire général soit extrêmement vigilant et prenne des précautions. Nous verrons dans quelles conditions, s'il décide de réimplanter une délégation ou une représentation des Nations unies à Bagdad, l'Union européenne peut prendre sa part dans la sécurisation d'une telle délégation. 
Sur la première question, la règle c'est que l'Union africaine a décidé de jouer son rôle, un rôle très important, et de prendre en charge elle-même la gestion des crises ou, du moins, la première réponse à la gestion des crises sur son continent. L'Union européenne veut encourager cette prise en charge par les Africains. C'est le cas dans les Grands Lacs, en Côte d'Ivoire et au Darfour et cela marche ! C'est positif ! Les réunions qui ont eu lieu à Addis Abeba, à Ndjamena, à Abuja sont des négociations, des discussions politiques initiées par l'Union africaine. Nous sommes à ses côtés. Mon sentiment est que, pour stabiliser la situation au Darfour, il faudrait en faire plus et aller plus loin pour garantir la sécurité qui ne l'est pas encore complètement. Si l'Union africaine, aidée par notre mission d'évaluation, le juge nécessaire, je pense que les Européens doivent répondre présents. Sous quelle forme ? Une mission de police sérieuse, équipée, professionnelle comme les Européens savent le faire. J'ai simplement fait référence au fait que, de manière bilatérale avec le Tchad, nous avons proposé et mis en oeuvre une telle surveillance à l'intérieur du Tchad, à la frontière avec le Soudan, avec deux cents hommes, et cette surveillance a été bien accueillie. Elle a sécurisé et rassuré les populations déplacées et réfugiées. Je ne parle pas de présence militaire, j'ai parlé ce matin de forces de police et je pense qu'il faudra d'abord que l'Union africaine nous dise ce qu'elle veut, de quoi elle a besoin. Nous sommes prêts à répondre présents.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 septembre 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec des radios et télévisions, à Bruxelles le 13 septembre 2004) :
Q - Qu'en est-il de la situation des deux otages français en Irak ?
R - Nous restons totalement mobilisés et actifs sur place à Bagdad et dans la région pour obtenir leur libération. Comme vous l'avez dit, lorsqu'il y a eu cette revendication nouvelle à propos d'une loi française, nous avons immédiatement décidé de porter une explication républicaine, politique, dans cette région pour dire ce qu'est la France, en quoi les lois de la République protègent la liberté de conscience et de religion. Je crois que cette explication a été bien accueillie par tous les pays arabes et musulmans vers lesquels nous l'avons portée. Aujourd'hui, nous continuons à être mobilisés et nous travaillons en nouant les fils, les dialogues utiles pour favoriser la libération de Christian Chesnot, de Georges Malbrunot et de leur chauffeur. Franchement, je vous demande de comprendre que nous continuons à travailler avec la même ligne de confiance, de volontarisme mais aussi de discrétion et de prudence, parce que c'est une des conditions de leur sécurité.
Q - Savez-vous comment ils vont ?
R - Les jours derniers, les indications que nous recevons nous permettent de penser qu'ils seraient en vie et qu'ils sont bien traités. Voilà ce que je peux dire simplement.
Q - Aujourd'hui, par votre geste, l'Union européenne se pose un peu comme un soutien de l'Union africaine.
R - Je trouve très important que, sur cet immense continent qu'est l'Afrique, qui est plein de potentiels, de chances mais aussi de risques, les Africains s'organisent à travers des structures régionales et prennent en main eux-mêmes leur propre destin. C'est le cas de l'Union africaine qui joue un rôle extrêmement positif. Nous l'avons vu s'agissant de la crise de Côte d'Ivoire, nous l'avons vu à propos de la crise dans les Grands Lacs, nous le voyons dans l'affaire du Darfour qui est un vrai drame humanitaire. Donc, oui, nous soutenons l'Union africaine. C'est, par exemple, elle qui a décidé d'exercer une mission de surveillance du cessez-le-feu intervenue après des premières discussions politiques qu'elle avait elle-même favorisées. Nous sommes en accompagnement de cette surveillance du cessez-le-feu. Nous sommes à ses côtés aussi avec les moyens qui sont les nôtres et qui sont plus importants pour tout ce qui touche à l'action humanitaire, au soutien aux organisations non gouvernementales qui font un formidable travail dans des conditions difficiles. Je pense qu'il faut être prêt à aller plus loin si l'Union africaine nous le demande, pour rassurer les populations. Il y a pratiquement 1 million de personnes déplacées ou réfugiées du côté du Soudan, il y en a 200.000 du côté du Tchad qui vivent dans des conditions très difficiles. J'ai pu le voir moi-même avec mes propres yeux et mon propre coeur dans le camp d'El Facher au Soudan. Je crois que l'Europe doit être prête à aller plus loin, à la fois sur le plan humanitaire, sur le plan des transports logistiques et, en même temps, sur le plan de la sécurité. La question qui se pose c'est : comment rassurer ces hommes et ces femmes qui ont tout perdu, qui ont été obligés de partir, qui vivent au jour le jour ? S'il faut en effet que nous mettions en place une force de police, si l'Union africaine nous le demande, je pense que l'Europe répondra présente.
Q - Est-ce que vous avez des contacts avec le gouvernement italien sur les otages ?
R - Nous avons exprimé immédiatement notre sympathie à l'égard du peuple italien, à l'égard de ces deux femmes courageuses, comme d'ailleurs je vais rendre hommage au travail formidable que font les organisations non gouvernementales dans des conditions difficiles et nous nouons, les uns et les autres, tous les contacts utiles pour obtenir la libération de tous ceux qui sont enlevés.
Q - Concernant l'Iran, avec la position internationale, de l'Union européenne et du gouvernement français, que pensez-vous de la crise nucléaire avec ce pays ?
R - Nous pensons qu'il faut maîtriser le risque d'escalade des armes nucléaires dans cette région, comme dans le reste du monde. C'est d'ailleurs l'objet même du Traité de non-prolifération et voilà comment et pourquoi nous avons engagé un dialogue, France, Allemagne, Angleterre depuis plusieurs mois avec l'Iran qui a abouti à de premiers résultats. Nous sommes préoccupés et soucieux que les engagements pris soient bien respectés. Voilà pourquoi, dans le cadre des discussions qui ont lieu aujourd'hui même à Vienne, avec les gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA), nous continuons, avec des pressions supplémentaires, ce dialogue pour qu'il aboutisse à une vérification, à un état des lieux objectif et impartial au mois de novembre. Nous espérons que, cette fois-ci encore, la voix du dialogue politique l'emportera.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2004)