Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), dans "Le Parisien" le 27 juin 2004, sur le projet de Constitution européenne, la défaite électorale de l'UMP et les ambitions de Nicolas Sarkozy.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - Quelle est votre réaction après l'élimination des Bleus en quart de finale de l'Euro ?
Philippe de Villiers. Dans cet Euro 2004, il y a des équipes fraîches et des équipes usées. Les équipes fraîches, ce sont les Portugais, les Tchèques ou les Grecs. Ils démontrent une plus grande envie de jouer que les équipes de stars comme celle des Français. Chez les Bleus, il faut tout remettre à plat et donner la primauté aux footballeurs qui choisissent de jouer en France.
Q - Et pour l'Europe des 25, faut-il aussi tout remettre à plat ?
Philippe de Villiers. Il faut faire comme pour l'Euro de 2004 : respecter les nations ! Cela ne rime à rien de vouloir faire un seul Etat et un seul peuple européen. La Constitution accorde à la loi européenne la supériorité juridique sur les constitutions nationales. Pour moi, c'est inacceptable.
Q - Vous réclamez au minimum un référendum ?
Philippe de Villiers. Oui. La Constitution de la Ve République a été adoptée par référendum, il serait impensable que la nouvelle Constitution, qui va se substituer à notre loi fondamentale, ne le fut pas par référendum.
Q - Jacques Chirac n'a pas l'air convaincu ?
Philippe de Villiers. Si le président de la République choisissait la voie parlementaire, ce serait un coup de force qui soulèverait l'indignation du peuple français. Cette Constitution européenne est un texte des années 1960 visant à créer un Etat fédéral artificiel avec souveraineté limitée, elle sera donc rejetée.
Q - Fort de vos quelque 7 % de suffrages aux élections européennes, allez-vous rejoindre la majorité ?
Philippe de Villiers. Tout va dépendre de ce que va faire le gouvernement. S'il fait respecter l'autorité de l'Etat, s'il réforme la fonction publique, stoppe la spirale des déficits et l'immigration clandestine, je le soutiendrai. Mais s'il refuse le référendum sur la Constitution, je me dresserai contre lui. Une certitude : mon score impose au minimum à la majorité une correction de tir. Car l'UMP s'enfonce aujourd'hui de plus en plus dans un giscardisme d'un autre âge ! Elle devient centriste et européiste. C'est la raison pour laquelle je souhaite développer le Mouvement Pour la France.
Q - Quel jugement portez-vous sur l'UMP ?
Philippe de Villiers. C'est une catastrophe à la fois politique et idéologique. Un parti est toujours porté par une idée, or l'UMP a, comme seule idée, la dissolution de la France ! Elle est aujourd'hui atteinte mortellement parce qu'elle n'a pas tenu ses deux promesses : unité et victoire. Elle n'a provoqué que divisions et défaites. Bien m'en a pris de rester à l'extérieur !
Q - Comprenez-vous la démarche de Nicolas Sarkozy ?
Philippe de Villiers. Sarkozy, c'est une énergie, mais au service de quelle idée ? Je ne le juge pas ! Son affrontement avec Chirac n'a aucun contenu idéologique hélas ! C'est un choc d'ambitions qui peut ainsi se résumer : qui sera en 2007, assis sur la caisse ?
Q - Que pensez-vous de la Gay Pride, qui s'est déroulée hier à Paris, alors que vous vous êtes déplacé à Bègles pour dénoncer le mariage homosexuel célébré par Noël Mamère ?
Philippe de Villiers. D'abord, j'ai lu avec stupéfaction que le gouvernement avait l'intention d'ouvrir le débat sur ce sujet et sur l'homoparentalité. Nous voilà donc engagés dans le processus du mariage homosexuel. La majorité court après la gauche. Quant à la Gay Pride, c'est une mascarade ! Il est incroyable que l'UMP ait demandé à défiler dans le char de queue.
Q - A quelques jours de la passation de pouvoir aux Irakiens par les Américains, les attentats se multiplient ?
Philippe de Villiers. Là comme ailleurs, il faut respecter les souverainetés nationales, ce que n'ont pas fait les Américains. Leur responsabilité est totale.
Q - Et que pensez-vous de George Bush qui, hier en Irlande, a estimé que la Turquie devait entrer dans l'Union européenne ?
Philippe de Villiers. C'est une vieille idée américaine qui vise à faire coïncider le périmètre de l'Europe avec celui de l'Otan. Or demain, comme par hasard, se tient à Istanbul un sommet de l'Otan.
Propos recueillis par Bernard Mazières.

(source http://www.villiers2004.com, le 17 septembre 2004)