Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations de travail, sur les missions et l'action de l'Oganisation internationale du Travail, Genève le 7 juin 2004.

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Circonstance : 92ème Conférence internationale du Travail, à Genève du 1er au 17 juin 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Travailleurs et des Employeurs,
Permettez-moi tout d'abord, M. le Président, de m'associer aux félicitations formulées à votre endroit pour votre élection à la présidence de cette 92ème Conférence internationale du Travail. Une session dont l'ordre du jour -dominé par le thème de la dimension sociale de la mondialisation -comme les propos introductifs de M. Juan Somavia illustrent plus que jamais la fidélité de notre Organisation à son mandat et sa capacité à s'adapter constamment à un monde en changement.
Je voudrais remercier le Directeur Général pour l'excellence des rapports qui nous sont soumis, la richesse des informations fournies, la diversité des pistes de réflexions proposées.
Mais, il me faut d'abord saluer la qualité du rapport sur " une mondialisation juste -créer des opportunités pour tous"- et en remercier la Commission mondiale et en particulier ses deux co-présidents Mme Halonen et M. Mkapa.
La mondialisation est porteuse de progrès, mais, parce que nous n'avons pas su mettre l'homme au centre du processus, elle a aussi produit de nombreux effets pervers qu'il faut aujourd'hui nous efforcer de corriger. C'est la condition à remplir si nous voulons construire un modèle de société qui ne soit pas uniquement un modèle économique, mais qui demeure aussi un modèle social au service de tous et de toutes.
Le rapport de la Commission mondiale conclut à la nécessité de renforcer la gouvernance à tous les niveaux (national, régional et mondial) et préconise des mesures pour améliorer la cohérence des politiques et assurer un meilleur équilibre entre les aspects économiques, sociaux et de développement.
Ce rapport, qui va nous permettre de mieux structurer le débat autour de la mondialisation dans nos différents pays, a le mérite d'embrasser, en les décloisonnant, tous les volets de la mondialisation (commerciaux, financiers, institutionnels, migratoires). Résultat de plusieurs années de réflexion il est, comme le souligne justement le Directeur Général, non pas un point d'aboutissement mais le point de départ d'un processus dans lequel l'OIT a un rôle déterminant à jouer dans la mise en place de futurs mécanismes ou instruments.
Dans son rapport intitulé " une mondialisation juste, le rôle de l'OIT ", le Directeur Général examine les moyens de donner l'impulsion pour assurer la convergence de tous les autres acteurs vers la recherche d'une mondialisation plus équitable.
L'OIT dispose de nombreux atouts pour relever ce défi et plusieurs éléments fondent sa légitimité à agir en ce sens.
Cette légitimité trouve un double fondement dans la vocation éthique et sociale de l'Organisation et dans sa dimension tripartite originale.
L'Organisation a, dans son mandat, la responsabilité d'évaluer les politiques économiques à la lumière de leur impact sur les politiques sociales et du travail. Faire du travail décent un objectif mondial nous paraît une traduction concrète de cette responsabilité et nous ne pouvons qu'y adhérer.
Seule Organisation tripartite dans le système multilatéral, l'OIT réunit, comme M. Somavia le rappelle dans son rapport, les véritables acteurs de l'économie. C'est elle qui rassemble celles et ceux qui, au niveau quotidien, mesurent le plus exactement les effets des transformations que connaît notre monde. Aucune autre instance ne possède cette expertise, cette connaissance fine, vécue, précise, des problèmes d'aujourd'hui.
C'est dire l'importance du rôle qui lui revient désormais. Je pense en particulier à l'idée d'un Forum sur les politiques de la mondialisation qui s'inscrit totalement dans le droit fil de la déclaration des Ministres de l'Emploi du G8 à Stuttgart en décembre 2003. Le BIT pourrait dans ce contexte jouer un rôle de " facilitateur ".
Selon la France, en effet, la régulation globale de la mondialisation et l'amélioration de la cohérence des organisations internationales passe par un renforcement du multilatéralisme et la création d'un Conseil de sécurité économique et sociale, idée qui est reprise d'ailleurs dans la Communication de la Commission européenne et que nous soutenons. Je voudrais, à cet égard, rappeler, les paroles fortes du Président Chirac, le 28 mai dernier au Sommet Union européenne-Amérique latine-Caraïbes :
" La mondialisation, si riche de promesses, n'a pas remédié à l'exclusion de pays et peuples entiers. La moitié de l'humanité vit avec moins de 2 dollars par jour et près d'1 milliard de femmes, d'hommes et d'enfants sont quotidiennement confrontés à l'angoisse de la faim et de la misère, alors que le monde n'a jamais été aussi prospère. Devant cette situation, je ne puis que partager le diagnostic du rapport sur la dimension sociale de la mondialisation que le Directeur Général du Bureau International du Travail a rendu publique : la cohésion sociale est bien une question d'intérêt mondial (...). Nous devons nous mobiliser pour que nos actions soient toujours inspirées par le souci de la justice et de la solidarité. C'est ainsi que nous assurerons la cohésion dans le monde. "
C'est assez dire, comme le Président Chirac l'a déjà dit à M. Somavia, que la France partage globalement le constat dressé par la Commission mondiale et addhère à la quasi totalité de ses propositions.
Certes, il faut tenir compte des nombreuses initiatives en cours sur les questions de gouvernance mondiale et de définition d'un agenda commun à tout le système multilatéral et veiller à assurer, dans le respect des compétences et des obligations de chacun, leur complémentarité.
D'une manière générale la maîtrise de la mondialisation suppose au plan mondial de mobiliser de nouvelles ressources.
S'agissant plus particulièrement de l'OIT, dont l'action devrait être au cours des prochaines années, axée prioritairement sur cet objectif, des moyens seront également nécessaires. Je voudrais ici rappeler solennellement la position de la France qui souhaite " inverser la tendance à l'augmentation des contributions volontaires au détriment des contributions obligatoires ".
Les actions prioritaires qui découleront du débat sur la mondialisation n'ont pas vocation, sauf à remettre en cause le caractère démocratique de nos orientations stratégiques, à être financées sur des contributions extrabudgétaires, au sein de programmes contrôlés par les seuls Etats donateurs.
Monsieur le Président, je voudrais rapidement dire un mot des deux autres rapports que le Directeur Général a soumis à la Conférence et qui sont étroitement liés au thème de la mondialisation.
Sur les migrations internationales, tout d'abord.
L'économie mondiale est aujourd'hui étroitement connectée aux mouvements transfrontaliers de personnes. Je me félicite des travaux développés à l'OIT sur ces interactions. Nous espérons que le plan d'action issu de cette conférence pourra développer une stratégie de promotion de toutes les normes pertinentes, de valorisation des bonnes pratiques régionales ou nationales, de diffusion de l'ensemble des principes et pratiques permettant de donner un cadre équitable aux migrations. Dans cet esprit, il nous paraît important de promouvoir l'idée d'accords multilatéraux, régionaux, traitant de manière cohérente de l'ensemble des questions afférentes aux migrations, à l'échelle des grands bassins de migration. Nous souhaitons aussi, tout particulièrement, la reconnaissance de l'expertise du BIT et le renforcement de sa contribution dans toutes les enceintes où l'on discute de ces questions.
S'agissant du rapport de suivi de la déclaration de 1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail, on ne peut qu'enregistrer avec satisfaction les progrès réalisés depuis le précédent rapport et l'impact concret de l'action du BIT en matière de liberté d'association et de négociation collective.
Ceci démontre s'il en était besoin l'efficacité du mécanisme original de suivi de la Déclaration de 1998 qui constitue une des pièces maîtresses de l'oeuvre de l'OIT.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Une mondialisation à visage humain permettant à chaque individu de bénéficier de conditions de vie et de travail décents repose sur la responsabilité de tous : Organisations internationales, Gouvernements, Employeurs et Travailleurs. Ces droits dont nous sommes tous ici à la fois l'incarnation et le garant sont essentiels à la réalisation des autres droits fondamentaux et participent de la dignité humaine.
Je vous remercie de votre attention.

(Source http://www.travail.gouv.fr, le 11 juin 2004)