Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à "France Inter" le 5 janvier 2004, sur la polémique sur les contrôles de sécurité effectués sur les avions de la compagnie Flash Air avant la catastrophe aérienne de Charm el-Cheikh en Egypte.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

P. Weill-. Il y a toujours ce matin le choc et l'émotion, mais on se pose aussi beaucoup de questions après cette catastrophe de Charm el-Cheikh. Une des familles des victimes a déjà déposé plainte dans le cadre de l'information judiciaire pour homicide involontaire. Revenons sur ce vol charter de la compagnie Flash Air. On le sait, la Suisse a interdit sur son sol cette compagnie, pour infraction aux normes internationales minimales. Par deux fois, des avions de cette compagnie ont dû effectuer des atterrissages d'urgence ces deux dernières années, à Athènes et à Genève. Est-ce que l'aviation civile française, dont vous êtes le patron, savait tout cela ?
- "Oui, absolument. D'abord, je voulais vous dire que c'est d'abord l'émotion qui l'emporte et vous avez raison de dire qu'il faudra savoir la vérité. Et d'autre part, ces choses-là, les expertises, sont énormément conditionnées par la recherche et surtout par le fait de retrouver les boîtes noires. Et donc, toute spéculation avant, apparaît comme prématurée."
Vous saviez que Flash Air n'avait pas une bonne réputation...
- "Flash Air avait une bonne réputation et Flash Air était engagé et commandé par des voyagistes qui ont bonne réputation. Et enfin, Flash Air est une compagnie égyptienne, et l'Egypte, en matière d'aviation civile, a excellente réputation. Les pays sont cotés par l'OACI, et l'OACI a coté en première catégorie l'aviation civile égyptienne. Voilà des faits. Ce ne sont pas des spéculations. Ensuite, en plus des contrôles du pays d'origine de la compagnie, en l'occurrence l'aviation civile égyptienne, les pays européens sont regroupés dans un programme SAFA, qui s'autorise à faire des contrôles supplémentaires, souvent inopinés, de façon à ce que ces contrôles puissent ajouter un supplément de garantie, un supplément de sûreté pour les vols aériens. La Suisse fait partie de ce programme SAFA ; la Suisse a fait des contrôles. Elle a estimé, à un moment donné, que ces contrôles n'étaient pas satisfaisants. Les autorités suisses ont informé l'ensemble des autorités pour les inviter [...] à adapter leurs contrôles sur les appareils de Flash Airlines. La France, aussitôt, a fait trois contrôles sur Flash Airlines pour voir si Flash Airlines avait rectifié la position - excusez-moi le terme -, avait tenu compte des contrôles suisses."
Et quels résultats ?
- "Le premier avait encore quelques petites réserves qui semblent mineures."
Sur quoi portaient ces réserves ?
- "On m'a parlé, notamment, de marquage défaillant d'une issue par exemple. Je n'ai pas le dossier technique, mais on m'a dit qu'aussitôt après, il y avait eu deux autres contrôles et que ces deux contrôles suivants n'ont donné lieu à aucune remarque. C'est la raison pour laquelle l'aviation civile française, avec la technique qu'on lui connaît, qui est reconnue internationalement, a laissé voler ses avions. D'autre part, d'autres pays, je le sais, dans le cadre de ce regroupement, de cette procédure SAFA, ont également contrôlé Flash Airlines et ont abouti au même résultat que la France, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de remarques particulières à faire. Je vous rappelle que toujours, les compagnies aériennes sont sous le contrôle premier du pays, de l'Etat dans lequel elles sont immatriculées."
Nos collègues de France 2 ont diffusé hier soir un film amateur réalisé dans un avion de Flash Air. On découvre les images de l'intérieur d'un de ces avions, dont l'état est vraiment défectueux : des sièges déchirés, absence de ceinture de sécurité...
- "Honnêtement, je n'ai pas vu ces images. Mais des avions plus ou moins en bon état au niveau des sièges, je ne pense pas que ce soit un motif de non-vol. Je pense que des contrôles techniques, dans le cadre de la SAFA ou de l'OACI, c'est-à-dire l'organisme international, sont plutôt des contrôles de propulsion, de maintenance technique, de trains d'atterrissage, de volets, de portance, etc... Cela me paraît beaucoup plus important."
Ce matin, si on lit la presse, on découvre finalement deux types d'opinion qui s'opposent. Les uns disent que les vols charters sont les plus contrôlés et d'autres disent que les compagnies de charters présentent plus de risques que les compagnies régulières. Est-ce qu'à votre avis, il y a aujourd'hui deux niveaux de sécurité et est-ce qu'il n'y aurait pas des choses à revoir dans ce domaine ?
- "Tous les avions ont le même niveau de sécurité. Mais probablement - je dis cela sous toute réserve -, si on fait le compte des contrôles, il y en a peut-être un peu plus pour les compagnies charters que pour les compagnies régulières. Donc, les normes sont les mêmes pour tout le monde, il y a le même niveau de sécurité pour tout le monde, mais peut-être qu'il y a encore plus de contrôles pour les compagnies de charters."
Les vols charters doivent leur succès à leurs prix attractifs, et pour cela, il faut d'abord du remplissage, il faut peut-être des coûts de fonctionnement réduits, un service à bord réduit, peut-être un équipage bon marché recruté en dehors des circuits habituels, peut-être des économies sur la maintenance. C'est une réalité, ce que j'évoque ?
- "Ce n'est pas une réalité lorsque vous parlez d'économies sur la maintenance. Parce que la maintenance, c'est une question de sûreté et de sécurité. Je vous rappelle que cette sécurité, cette sûreté, ce niveau technique est le même pour tout le monde, mais c'est vrai qu'il peut y avoir des économies sur le service, sur la qualité des boissons - si elles sont payantes ou pas payantes. Et vous avez dit "le niveau de remplissage" : le principe du charter, c'est justement ça ; un avion décolle que dans la limite où il y a suffisamment de sièges occupés. Et c'est en grande partie la raison pour laquelle les coûts sont moins chers, alors que les avions de ligne régulière, qu'ils soient pleins ou qu'ils soient vides, doivent relier deux destinations."
Pour vous, G. de Robien, ministre des Transports, à la suite de cette catastrophe, pour l'instant pas de changement dans les procédures de surveillance du fonctionnement de certaines compagnies ?
- "Nous estimons que l'aviation civile en France fait des contrôles en très grand nombre. Je sais que nous sommes un des pays d'accueil les plus forts, mais nous avons des contrôles qui sont peut-être les plus nombreux proportionnellement au trafic qui existe, à la fois par la procédure internationale que par la procédure des 31 pays adhérents à la SAFA. Cela ne nous empêche pas d'être toujours meilleurs et de toujours faire plus de contrôles. Et bien entendu, je vais regarder, aujourd'hui lundi, le dossier particulier de cette compagnie aérienne, pour voir quelle était la nature du contrôle - combien de temps cela a duré, quelles remarques formulées -, pour me plonger encore plus dans ce dossier. Mais je crois d'abord qu'il n'y aura jamais assez de sûreté. On peut pousser encore plus loin le degré de sûreté dans tous les transports en commun en général, et dans l'avion en particulier. Mais je crois que vraiment, la France et l'Egypte - je veux les associer, parce que l'Egypte, je le sais, est connue pour avoir un niveau de sûreté tout à fait exceptionnel - ont déjà des références internationales qui leur permettent en tout cas d'avoir des qualités et des références qui sont reconnues dans le monde entier."
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 janvier 2004)