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Dans la région Paca et particulièrement dans les Bouches-du-Rhône, des militants quittent les rangs de la CFDT. Qu'avez-vous à dire à ceux qui partent et à ceux qui restent ?
François Chérèque - Dans cette région, une partie des militants, et parmi eux des responsables, sont en désaccord avec les orientations de la CFDT, pour certains depuis plusieurs dizaines d'années. Cela pour plusieurs raisons. Ils sont uniquement pour un syndicalisme de contestation alors que nous sommes pour un syndicalisme de négociation et de dialogue, avec si nécessaire des manifestations. Nous sommes pour un syndicalisme complètement indépendant des partis politiques alors que, pour eux, on doit choisir de dialoguer avec un gouvernement en fonction de son étiquette politique. Et puis, nous sommes pour un syndicalisme qui apporte des résultats concrets face à un syndicalisme des mains vides. Aujourd'hui, ils mettent en cohérence leurs idées en rejoignant des syndicats qui s'engagent rarement et apportent peu de résultats. C'est leur choix et on le respecte. Concernant la grande majorité des adhérents de la région, qu'ils soient critiques ou non, on peut être fier du travail qu'ils ont accompli, notamment au cours de ces trois ou quatre derniers mois, pour maintenir une CFDT forte.
Ne craignez-vous pas que les déus du syndicalisme ne renforcent les rangs des extrêmistes ?
Ma grande crainte est que ces décus n'aillent rejoindre personne. Dans un pays où 90 % des salariés ne sont pas syndiqués, je m'interroge sur l'intérêt qu'ont certains syndicats, en particulier la CGT qui prône le syndicalisme rassemblé par la voix de son secrétaire général, à renforcer leurs troupes avec les adhérents des autres syndicats au lieu de convaincre les non syndiqués. Cela ne donne pas une bonne image du syndicalisme.
La CFDT veut faire de l'emploi un dossier priritaire. Les mesures envisagées par le ministre des Affaires sociales vont-elles dans le bon sens ?
La principale critique que l'on peut faire à François Fillon est de prendre les choses par petits bouts sans qu'il y ait de cohérence entre les différentes décisions. Par exemple, sur le RMA, la CFDT n'est pas opposée au fait que l'on aide davantage les Rmistes pour qu'ils trouvent du travail dans les entreprises. Par contre, il est totalement scandaleux qu'ils travaillent pendant dix-huit mois sans cotiser pour les retraites. En outre, il exclut une partie des salariés de l'allocation spécifique de solidarité, absolument nécessaire dans une période d'augmentation du chômage. Par ailleurs - là tout le gouvernement est visé - alors que les partenaires sociaux ont décidé de faire un effort très important sur la formation professionnelle, on ne voit pas quelle est sa politique d'ensemble. Les deux directions que nous proposons et qui sont toujours sans réponse sont la recherche et les grands travaux d'infrastructure, coordonnés au niveau européen. Or, il y a une absence totale de coordination des politiques européennes en matiière d'emploi.
Comment patronat et syndiqués vont-ils trouver un terrain d'entente sur les restructurations économiques ?
Cette négociation est très mal partie parce que les objectifs du Medef, qui souhaite obtenir une gestion plus facile des licenciements, sont opposés à ceux de la CFDT. Nous souhaitons négocier au contraire sur l'anticipation par rapport aux plans sociaux pour maintenir ou transformer des emplois en responsabilisant les entreprises vis-à-vis de leurs salariés, de leurs sous-traitants et de l'intérim. Nous voulons également savoir comment on adapte ce type d'anticipation pour les très petites entreprises qui n'ont pas les moyens des grandes. Ou le Medef revient sur les vrais sujets ou les négociiations n'aboutiront pas.
La suppression d'un jour férié ne s'appliquera pas aux artisans, agriculteurs et professions libérales. Faut-il faire supporter aux seuls salariés cet effort de solidarité envers les personnes âgées ?
Nous sommes opposés à la suppression d'un jour férié. Le gouvernement veut se faire une petite revanche sur la réduction du temps de travail. Nous sommes d'acccord sur la mise en place d'un système solidaire pour financer la dépendance mais pas sur le dos des seuls salariés. La CFDT a toujours proposé une CSG de 0,2 %, qui rapporte le même niveau de moyens tout en faisant cotiser tous les revenus, y compris ceux du capital et du patrimoine. La mesure du gouvernement est antiéconomique et sera inefficace. Il ne faut pas compter sur la CFDT pour renégocier la mise en place de cette mesure dans les branches et entreprises.
Que pensez-vous de la création d'une caisse spécifique pour les personnes agées et les handicapés ?
Nous sommes favorables à la prise en charge du risque de la dépendance mais pas à la création d'une caisse spécifique. Sur ce point, le gouvernement n'est pas clair. Il introduit une rupture dans le système d'assurance-maladie tel qu'il fonctiionne depuis 1945 en voulant une assurance-maladie spécifique pour les personnes âgées.
Propos recueillis par Emmanuelle Quemard.
(Source http://www.cfdt.fr, le 4 décembre 2003)