Texte intégral
Q - Les négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) du cycle de Doha sont en panne et ne seront probablement pas bouclées avant la fin 2004. Cela pousse-t-il l'Union européenne à privilégier des accords bilatéraux, en particulier avec les pays du Mercosur ?
R - La priorité reste de faire avancer les discussions dans le cadre de l'OMC, dans la mesure où les sujets qui posent problème dans l'agenda de Doha (l'agriculture, les investissements) sont également ceux que l'on retrouve dans la négociation d'un accord avec le Mercosur. L'échéance de la fin 2004 me paraît de plus en plus une fiction. Dans ces conditions, nous ne nous interdisons pas d'avancer dans nos discussions avec le Mercosur. Encore faudrait-il qu'ils avancent des propositions précises.
Q - Ce n'est pas le cas ?
R - Le Mercosur se relève à peine de la crise argentine et a d'autant plus de mal à constituer un discours cohérent que son cadre institutionnel reste fragile et que les intérêts des deux principaux pays, le Brésil et l'Argentine, divergent parfois. Les présidents respectifs des deux pays, Luiz Inacio Lula da Silva et Nestor Kirchner affichent leur volonté politique de renforcer leur alliance, je n'en doute pas.
Q - Au sein de l'Union européenne, la France est le pays qui souffrirait le plus de la compétition des produits agricoles brésiliens et argentins. Cela complique-t-il la négociation d'un accord ?
R - Pour l'heure, les négociations sont plus à un niveau politique que véritablement économique, même si les agriculteurs français s'inquiètent en effet de l'arrivée de produits sud-américains sur nos marchés.
Q - Les pays du Mercosur négocient également avec les Etats-Unis la mise en place d'une zone de libre-échange entre les 34 pays des Amériques pour le 1er janvier 2005. L'Union européenne va-t-elle accélérer ses pourparlers pour boucler un accord avant cette date ?
R - Reste encore à savoir quel sera le contenu réel de cette zone de libre-échange. Je doute qu'ils parviennent d'ici à 2005 à aligner les droits de douanes et à régler les problèmes agricoles. Si les Etats-Unis contraignent les pays du Mercosur à structurer leur proposition, ce n'est pas plus mal.
Q - La position du Mercosur vous semble incohérente ?
R - Le Mercosur dit vouloir négocier avec l'Union européenne. Mais parallèlement, Lula a refusé de ratifier les accords sur les investissements qui avaient été conclus par son prédécesseur avec différents pays européens. Les Brésiliens préfèrent que ce sujet soit discuté exclusivement dans le cadre de l'OMC. Manifestement, pour eux aussi, le cycle de Doha est une priorité.
Q - Le Brésil s'est posé comme leader du G20, le cénacle qui rassemble les pays émergents hostiles aux subventions agricoles des pays industrialisés. Quelles sont les répercussions de l'émergence de ce groupe sur les négociations avec l'Union européenne ?
R - Très positives. Prenons le Brésil : c'est un pays en manque structurel de capitaux, qui a donc besoin pour croître d'une balance commerciale excédentaire. Or ses produits agricoles sont ceux qui peuvent gagner le plus rapidement des parts de marché. Au sein du G20, il côtoie la Chine, et prend ainsi conscience du formidable débouché qu'elle représente pour ses exportations. Le Brésil est même un des seuls pays au monde à dégager un excédent commercial important dans ses échanges avec la Chine. Conséquence : le marché européen lui apparaît comme moins prioritaire, ce qui devrait le rendre moins exigeant en termes d'accès au marché communautaire pour ses produits agricoles. La signature d'un accord n'en sera que facilitée
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 décembre 2003)