Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur le rôle des chambres de commerces et d'industrie dans la valorisation de l'image des entreprises en France, Antibes le 3 septembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 8e Université d'été des Chambres de Commerce et d'Industrie (CCI) à Antibes le 3 septembre 2004

Texte intégral


- Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour conclure ces deux journées de travaux consacrés aux relations entre les Français et leurs entreprises.
- Permettez-moi de féliciter l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie et son président Jean-François Bernardin d'avoir placé ce thème au cur de votre 8è université d'été. A l'heure où, plus que jamais, notre pays doit tout entier se mobiliser pour amplifier le mouvement de retour de la croissance déjà observable, il était particulièrement opportun de mettre en lumière le rôle essentiel de nos entreprises dans la société française.
- Cette université d'été se déroule à la veille d'échéances importantes pour les CCI. C'est pourquoi je veux d'abord vous confirmer que les prochaines opérations électorales auront lieu dans un cadre juridique rénové et clairement défini. Les textes réglementaires nécessaires à leur bon déroulement ont été publiés.
- Ces échéances sont aussi l'occasion d'un débat bien légitime, dans chacune des chambres, sur leurs missions, sur leur fonctionnement et sur leur financement. Avec Nicolas Sarkozy et Christian Jacob, nous avons entendu vos préoccupations dans ces domaines, exprimées notamment par le président Bernardin. Nous réfléchissons à la mise en place d'une réforme dont Nicolas Sarkozy vous a exposé les grandes lignes.
Il s'agit, en effet, de moderniser votre statut, notamment en déconcentrant la tutelle et en définissant mieux vos missions. Il s'agit aussi de réformer le système de l'Imposition additionnelle à la Taxe professionnelle (IATP) en privilégiant un mode de financement fondé sur le vote de taux qui apportera à la fois une clarification nécessaire et une vraie responsabilité des CCI dans la gestion de leurs ressources. Cette réforme devra aussi favoriser une rationalisation de l'organisation des CCI, notamment quant à leur répartition géographique.
- Ce statut rénové permettra ainsi aux CCI de jouer tout leur rôle au service du développement économique de notre pays. Il leur revient naturellement de se mobiliser avec les pouvoirs publics, aux côtés de nos entreprises, pour que la croissance retrouvée irrigue tous nos territoires.
- Vos travaux de ces deux journées témoignent que les CCI sont conscientes de leurs responsabilités dans ce domaine. C'est ainsi que vous avez notamment réfléchi à la valeur ajoutée des CCI au service des entreprises et des territoires ainsi qu'à la place de l'entreprise dans la société française.
- Pour apporter ma contribution à ces très intéressants débats, je veux vous exprimer ma conviction que les Français seront pleinement réconciliés avec l'entreprise si celle-ci apparaît à leurs yeux pour ce qu'elle est, c'est-à-dire le moteur de la croissance et de l'emploi (I). Par leurs missions, les CCI peuvent et doivent promouvoir ce rôle crucial auprès de l'opinion (II).
I. D'abord, nous devons redonner confiance à nos concitoyens dans les entreprises en en faisant le moteur de la croissance et de l'emploi
1. L'image de l'entreprise est, en effet, trop souvent brouillée aux yeux de nos concitoyens
a) Malheureusement, les sinistres économiques, quand ils surviennent, ont un tel impact sur la région concernée qu'ils transforment de manière très négative l'image des entreprises. Là où l'entreprise rayonnait sur son environnement, était pourvoyeuse d'emplois et de lien social, elle devient la source du désarroi individuel et collectif.
b) Le phénomène des délocalisations contribue à détériorer l'image de l'entreprise. La présence de celle-ci sur un territoire n'est plus vécue comme le fruit d'un enracinement durable qui l'associe de manière indissociable à la vie d'une région. Elle apparaît de plus en plus comme précaire et susceptible d'être remise en cause sous l'effet de la conjoncture et d'exigences économiques qui dépassent largement les limites des frontières.
c) J'ajouterai des difficultés plus structurelles qui altèrent la perception que notre société a de ses entreprises. Le Livre blanc, établi à la demande de la CCI de Paris, par un groupe d'experts placé sous la présidence de Roger Fauroux, a par exemple bien mis en évidence que l'entreprise était peu présente, peu connue et peu valorisée dans l'Education nationale. Or c'est bien là que se joue la perception que l'enfant devenu adulte aura de la place de l'entreprise dans notre société et que l'esprit d'entreprendre doit être valorisé.
Au total, ce sentiment diffus d'une crise de confiance, d'un décalage entre ce qu'est l'entreprise et les attentes de l'opinion doit naturellement nous interpeller et nous amener à réagir.
2. Il faut réhabiliter l'image de l'entreprise et se garder d'un pessimisme qui serait de mauvais aloi et qui ne refléterait pas la réalité
a) Nos entreprises ont de grands atouts. Il s'agit de les valoriser et de les mobiliser au service du développement économique.
- Tel est le sens de l'action qu'avec Nicolas Sarkozy et Christian Jacob nous avons entreprise de manière résolue. Nous devons, en effet, rejeter tout fatalisme et au contraire rassembler toutes nos énergies pour la croissance et l'emploi. Je voudrais illustrer mon propos pour ce qui est de la politique industrielle.
b) Il n'y a pas de caractère inéluctable à la désindustrialisation, aux délocalisations et aux problèmes d'emploi que rencontrent en particulier les entreprises françaises.
- Pour se développer ou se maintenir dans un environnement en mutation rapide, les entreprises doivent relever sans cesse de nouveaux défis et s'intégrer au cercle vertueux de l'économie concurrentielle : compétence, anticipation, réactivité, créativité et innovation.
c) La mondialisation conduira inéluctablement à une interpénétration croissante des économies. Il faut que nos entreprises, en contrepartie du développement inéluctable des importations, trouvent de nouveaux débouchés à l'exportation. La France a une position solide en Europe. L'élargissement de l'Union Européenne doit être considéré comme une opportunité. Mais au-delà même de l'Europe, c'est vers le monde qu'il faut regarder.
- Toutefois, la compétitivité de l'industrie européenne ne pourra s'exercer pleinement que dans le cadre d'un commerce international équitable et d'une ouverture effective des marchés. L'exemplarité de l'Union Européenne, une des zones les plus ouvertes aux importations et possédant les droits de douanes les plus faibles au monde, ne trouve pas toujours la réciprocité attendue face aux barrières tarifaires et non tarifaires importantes de certains pays en voie de développement voire émergents.
3. Enfin, dans ce domaine comme dans d'autres, l'Etat entend assumer pleinement ses responsabilités en termes de politique industrielle.
a) C'est pourquoi j'ai défendu, à Bruxelles, la réciprocité des conditions d'accès aux marchés mondiaux et l'application d'instruments de défense commerciale, en tant que de besoin et dans le cadre défini par l'OMC.
- Après les négociations qui viennent de se dérouler au sein de l'OMC, nous resterons naturellement très vigilants pour que, dans le cadre des discussions à venir, nos industries soient placées dans des conditions de concurrence loyales et équitables sur les marchés internationaux.
b) Il appartient aussi à l'Etat de créer les conditions permettant aux entreprises de s'adapter, et de les accompagner dans leur développement. La création prochaine d'une Direction Générale des Entreprises issue de la fusion de directions existantes permettra de mieux répondre aux besoins des entreprises en assurant la synergie nécessaire au sein des administrations centrales mais aussi en intégrant mieux le réseau des DRIRE comme relais des politiques nationales en faveur des entreprises. Les missions du ministère et des DRIRE seront davantage identifiées et donc plus lisibles par l'ensemble des partenaires économiques.
c) L'Etat doit parallèlement maintenir une présence active dans des domaines commela technologie et l'innovation, la solidarité nationale, la cohésion sociale et territoriale, la veille et l'anticipation des mutations économiques ainsi que le développement durable.
- Il revient aussi à l'Etat d'accompagner sur le terrain les mutations économiques soit par la veille et l'anticipation, soit par la conversion ou la revitalisation des zones fragilisées. Les DRIRE doivent en particulier jouer un rôle important dans le dispositif mis en place autour de la Mission interministérielle pour les mutations économiques.
d) La mise en place prochaine d'une agence des PME qui regroupera, sous la responsabilité d'une seule entité, les attributions, actifs et compétences de l'ANVAR, de la BDPME et de l'ADPME, constituera également une étape très importante pour renforcer les prestations que l'Etat propose aux entreprises.
e) Le ministère de l'Industrie est par ailleurs pleinement engagé dans une nouvelle dynamique pour faire émerger des pôles de compétitivité et prendre les mesures nécessaires pour que nos entreprises bénéficient solidairement des avancées scientifiques et technologiques issues de nos centres de recherche les plus performants. Des mesures seront décidées lors du prochain CIADT.
Les CCI, en tant qu'émanation des entreprises, doivent jouer pleinement leur rôle, aux côtés de l'Etat, des collectivités territoriales et des centres de recherche, pour que les synergies entre les acteurs de ces pôles soient efficacement mobilisées et pour susciter des projets ambitieux.
f) Je veux enfin souligner les efforts engagés par le Gouvernement pour renforcer les outils mis au service des entreprises pour accéder aux financements qui leur sont nécessaires.
Le retard de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis peut notamment s'expliquer par l'insuffisance des financements accordés à nos PME en Europe comparé aux Etats-Unis. Les fonds de capital risque investis aux Etats-Unis chaque année sont ainsi quatre fois supérieurs à ceux investis en Europe.
C'est pourquoi le projet de loi de finances prévoira de nouvelles mesures. La réforme des contrats d'assurance-vie principalement investis en actions, appelés aussi contrats " DSK " renforcera la part des fonds investis en actions de PME, tandis que celle des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) donnera une plus grande souplesse de gestion, en ouvrant les FCPI aux entreprises de moins de 2000 salariés, contre les entreprises de moins de 500 salariés aujourd'hui, et en offrant la possibilité d'investir, pour une proportion limitée, dans des sociétés innovantes dont la capitalisation boursière n'excède pas 150 millions d'euros.
- Chacun peut donc le constater, dès lors qu'il veut bien faire un constat objectif, ce gouvernement agit fortement pour placer les entreprises dans les meilleures conditions dans la compétition internationale. Il est naturellement aux côtés des entreprises, tout simplement parce qu'elles sont le moteur de la croissance et donc de l'emploi.
II. Les CCI sont bien placées pour amplifier cette action de l'Etat et ainsi promouvoir le rôle de nos entreprises dans la société française.
1. Par les missions qu'elles exercent auprès des entreprises, les CCI peuvent contribuer efficacement à renforcer le lien entre les entreprises et la société
- J'ai évoqué tout à l'heure le rôle essentiel qu'elles auront à jouer dans la constitution des pôles de compétitivité et la lutte contre les délocalisations.
a) Je voudrais maintenant insister sur le rôle de la formation, domaine dans lequel vous avez une longue expérience puisque la formation figure parmi les attributions conférées aux CCI par la loi de 1898 et qu'elle est aujourd'hui encore au premier rang de vos compétences.
- Après l'Education nationale, les établissements de formation des CCI constituent le dispositif national le plus important de formation professionnelle initiale et continue, du CAP à Bac + 7, assurant une préparation à 600 métiers dans 40 secteurs industriels ou tertiaires. Chaque année, les CCI affectent plus du quart de leur budget à cette mission essentielle.
b) L'offre de formation consulaire se caractérise par sa diversité : outre 12 écoles d'ingénieurs, les 180 centres d'études de langues et la formation continue, elle s'appuie sur les deux pôles importants que sont l'apprentissage et les formations commerciales et de gestion.
- Elle fait aussi preuve de réactivité, comme l'illustre par exemple le développement par les CCI de formations aux nouveaux métiers de l'image et des technologies de l'information et de la communication.
- En mettant en avant des thèmes tels que le recours à l'apprentissage au niveau supérieur, la professionnalisation des cursus, l'individualisation des formations, la création de formations entrepreuneuriales, l'offre de formation a aussi démontré son caractère innovant. Enfin, je veux souligner, pour m'en féliciter, le souci des CCI de s'adapter aux besoins des entreprises et des jeunes, avec une prépondérance dans leur offre des formations en alternance, notamment par la voie de l'apprentissage et de très bons taux d'insertion professionnelle des jeunes dans toutes les filières.
2. Or, la formation constitue un enjeu stratégique majeur pour nos entreprises et un défi qu'il nous faut relever ensemble.
a) Comme le mettent en évidence de récentes études du Conseil d'analyse économique, de l'OCDE et de la Commission européenne, l'intensité de l'effort de formation des entreprises se traduit dans leurs performances économiques, leur potentiel d'innovation et le renforcement de leur compétitivité. De même, en liant croissance économique et formation professionnelle, les recommandations du Sommet de Lisbonne ont placé l'éducation et la formation comme des facteurs décisifs pour l'avenir de l'Europe.
- Le développement des compétences, à tous les niveaux dans les métiers industriels et technologiques, est bien un enjeu stratégique fondamental pour les entreprises.
b) La France est en train de relever le défi : la loi sur la formation professionnelle a notamment ouvert un meilleur accès à la formation tout au long de la vie et au développement d'actions favorisant la gestion des savoirs et des compétences.
- Au-delà de ces avancées incontestables, nous devons ensemble veiller à ce que le développement des compétences et de la formation soit un véritable outil d'anticipation des mutations économiques. Une bonne gestion des compétences et la formation doivent être mobilisées pour renforcer la compétitivité et le potentiel d'innovation des entreprises.
c) Les CCI doivent prendre toute leur part pour relever ce défi. La troisième convention d'objectifs pour la formation et l'emploi, qui couvre la période 2003-2006, a précisément marqué la volonté commune des pouvoirs publics et du réseau des CCI de promouvoir ensemble le développement d'une formation durable. Elle met l'accent sur la formation et l'accompagnement des créateurs et repreneurs d'entreprises, la connaissance des métiers, la valorisation de l'apprentissage, les modules de formation et la validation des acquis de l'expérience. Elle insiste également sur la dimension internationale des formations consulaires par le renforcement d'alliances et de partenariats européens, par le développement de la mobilité des étudiants et des parcours européens de formation en alternance. Ces orientations vont dans le bon sens et doivent être conduites avec détermination.
3. Attirer les jeunes vers les métiers de l'entreprise constitue aussi une impérieuse nécessité.
a) Trop souvent persiste chez les jeunes une méconnaissance des métiers de l'entreprise, notamment sous leur aspect technologique et innovant. Nous ne pouvons accepter, dans un contexte encore marqué par un chômage trop élevé, que les entreprises industrielles et de service à l'industrie soient confrontées à des problèmes de recrutement, lié notamment à la dépréciation de la culture technique et à la méconnaissance de l'activité industrielle.
b) Le Gouvernement entend agir dans ce domaine : il lancera, dès cet automne, une campagne nationale de communication, en partenariat avec les fédérations professionnelles, destinée à promouvoir les métiers et les carrières de l'industrie auprès des jeunes.
- J'invite les CCI à se mobiliser dans le même sens sur cet enjeu essentiel pour l'avenir de nos entreprises.
4. Enfin, les évolutions démographiques, et le vieillissement de la population active qui en résultera, constituent un autre défi sur lequel vous devez faire porter votre action.
- Comme vous le savez, les pouvoirs publics ont mené à bien des réformes essentielles pour tirer les conséquences de ce phénomène en particulier sur nos régimes de retraite. Mais il faudra également prendre en compte les conséquences pour les entreprises du déficit prévisible de main-d'oeuvre : selon le Commissariat général du plan, 7 millions de postes seront globalement à renouveler au cours des prochaines années.
- Les entreprises doivent donc s'engager résolument dans la gestion prévisionnelle des âges.
Pour conclure, je veux vous redire que c'est grâce à notre mobilisation commune que nous mettrons nos entreprises dans les meilleures conditions pour relever les défis de la croissance économique et que nous valoriserons leur rôle éminent dans notre société.
Je veux également réaffirmer que les CCI, renforcées par la modernisation de leur organisation et de leur fonctionnement que permettra la prochaine réforme, doivent être au coeur de cette mobilisation pour la croissance et l'emploi.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 7 septembre 2004)