Point de presse de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur la relance du partenariat euro-méditerranéen, la coopération européenne en matière de lutte contre l'immigration clandestine et le sort des otages français en Irak, Rome le 2 octobre 2004.

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Circonstance : Réunion des ministres des affaires étrangères français, italien, espagnol et portugais à Rome les 2 et 3 octobre 2004

Texte intégral

Tout d'abord, je voudrais dire un mot de remerciement à M. Frattini et à toute son équipe, qui ont efficacement et amicalement préparé cette réunion originale à quatre ; et dire que j'étais très heureux de retrouver également mes homologues espagnol et portugais, MM. Miguel Moratinos et Antonio Monteiro. Nos quatre pays, Mesdames et Messieurs, ont, comme d'autres, mais peut-être plus que d'autres des proximités historiques, géographiques, culturelles, humaines avec l'autre rive de la Méditerranée, notamment les pays du Maghreb. Donc, quelque part nous sommes, avec nos collègues européens, peut-être un peu plus comptables de l'avenir du processus de Barcelone, comptables de ce partenariat, soucieux d'une vraie solidarité européenne avec les pays du Maghreb en particulier. Voilà qui justifie cette initiative que nous allons prolonger pour réussir le dixième anniversaire de Barcelone, non pas comme une commémoration, surtout que ce processus s'est un peu essoufflé avec le temps, mais comme un moment qui marquera un nouveau départ de ce processus de partenariat entre les deux rives de la Méditerranée. Et nous sommes, encore une fois, comptables de la place que ce dialogue et ce partenariat doivent tenir, doivent continuer à tenir dans les projets européens et les budgets européens à partir de 2007. Maintenant, nous nous sommes efforcés de donner à cette coopération, à ce partenariat, au-delà de la politique, de la sécurité, de la stratégie, une dimension plus humaine, plus concrète, par exemple avec l'idée sur laquelle nous travaillons, d'utiliser la méthode des fonds structurels européens pour être plus efficaces pour que ces pays entrent vis-à-vis de nous dans une "logique de projet" plutôt que de rester dans une "logique de guichet".
Donc, nous allons travailler à ce nouvel élan, y compris avec une dimension importante pour nos compatriotes et pour nos concitoyens, celui de la maîtrise des flux migratoires. Nous devons être capables de contrôler notre territoire, de mettre en commun nos actions pour lutter contre l'immigration clandestine. En même temps, nous devons travailler avec ces pays pour leur donner des raisons d'avoir un avenir chez eux. Et là, nous avons besoin de la notion de co-responsabilité. Voilà dans quel esprit nous avons travaillé, dans quel esprit nous avons rédigé et approuvé cette déclaration de Rome.
Peut-être me permettrez-vous de dire ma très grave préoccupation, le sentiment de gravité que nous avons, avec les derniers événements de Gaza. Il n'y a pas d'issue pour les Palestiniens ou les Israéliens dans cette spirale de violence et de sang. Il faut que cesse cette violence de part et d'autre, et que l'on retrouve le chemin fixé par la Feuille de route, le chemin d'une table de négociation. Je pense qu'il faut, en marquant cette vive préoccupation, cet appel à la raison, vous avez entendu Kofi Annan, Javier Solana - le président de l'Union - ou même nous ici, qui exprimons aujourd'hui nos inquiétudes, cette préoccupation. Nous voulons aussi dire que les Européens sont unanimes et ils l'ont dit, ils l'ont montré, dans l'analyse du conflit, dans la manière d'en sortir par la politique, par le dialogue, par le respect mutuel. Les Européens devront marquer cette unité, leur volontarisme, dans les prochaines semaines, pour activer des réunions du Quartet et relancer le document sur lequel nous sommes tous d'accord et qui doit conduire à deux États vivants côte à côte dans la sécurité : l'État d'Israël - et en ce qui nous concerne, nous ne transigerons jamais avec la sécurité de l'État d'Israël - et un État palestinien viable. Voilà ce que je voulais dire concernant ce conflit grave et central.
Q - (A propos de la proposition du ministre de l'Intérieur allemand d'ouvrir des camps de transit en Afrique)
R - Le président de la République a évoqué cette question hier devant l'un de vos confrères à Strasbourg, lors d'une réunion de travail avec le chancelier Gerhard Schröder. Donc je ne vais pas faire davantage de commentaires sur la proposition de tel ou tel ministre. Sur votre question, je voudrais rappeler deux ou trois choses. D'abord que les pays européens en général, le mien en particulier, se sentent vraiment solidaires. Nous sommes aussi concernés, on le voit souvent, avec les États qui ont des problèmes souvent graves, humanitaires, en raison de l'arrivée de migrants par voie de mer. Quelle doit être la réponse, au-delà d'une réponse nationale, pour l'Union européenne ? Je l'ai dit tout à l'heure, à propos de notre déclaration, nous devons bien et mieux contrôler notre territoire. C'est l'un des objectifs fixés par la nouvelle Constitution européenne. De manière solidaire, nous devons renforcer le contrôle de nos frontières extérieures. Mais on ne résoudra pas cette question seulement avec des mesures de précaution, parfois de répression, contre les réseaux de trafics d'hommes et de femmes qui, ici ou là, existent par mesure de contrôle. Je pense aussi qu'on doit offrir une perspective positive de développement aux pays qui sont à la source de cette immigration. De sorte que, je le disais, les jeunes, les habitants de ces pays aient un avenir chez eux. Voilà notre philosophie et notre règle.
Nous ne sommes pas favorables aux centres de transit, parce que nous avons une expérience, non pas chez vous mais chez nous, qui nous a posé des problèmes considérables, à Sangatte dans le Nord de la France, qui nous a conduit à fermer ce centre avec beaucoup de difficultés. Donc, nous ne sommes pas favorables à ce genre de solution pour résoudre de tels problèmes. Je pense qu'il y d'autres moyens, c'est ce qu'a dit le ministre de l'Intérieur hier, pour résoudre ou réduire cette difficulté. Voilà la position de la France. Mais elle n'est pas, cela dit, isolée dans cette réaction par rapport à cette position. Il y a d'autres gouvernements qui se sont exprimés, me semble-t-il, dans le même sens.
Q - Monsieur le Ministre, nous aimerions que vous nous fassiez le point sur la situation de nos deux confrères otages, Christian Chesnot et Georges Malbrunot.
R - D'abord, puisque nous nous trouvons ici à Rome, je voudrais dire que, de tout coeur, nous avons partagé la joie, le bonheur, de Simona Torretta, de Simona Pari, de leurs familles, de leurs amis, des organisations non gouvernementales dont elles s'occupaient, dont elles s'occupent depuis leur libération. Nous avons partagé de tout coeur la joie, que nous avons vue, du peuple italien.
Je veux bien répondre à votre question, faire le point le plus précis de la situation de vos confrères, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, et de leur chauffeur syrien. Voilà plusieurs semaines que la communauté nationale française démontre chaque jour son unité, sa mobilisation, sa solidarité. Voilà plusieurs semaines que nous conduisons des efforts patients, discrets, pour obtenir leur libération. Nous sommes parvenus, à partir du 18 septembre, à établir un contact fiable, indirect, avec le groupe "Armée islamique d'Irak", qui détient Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ainsi que leur chauffeur syrien. Tout au long de cette période, vous l'avez entendu, vous l'avez observé, nous avons ensemble porté l'explication de ce qu'est la réalité républicaine française, de ce que sont nos lois qui protègent pour tous, pour chacun, la liberté de conscience et de religion. Nous avons la conviction que ces explications étaient à la fois utiles et nécessaires. C'est ainsi que nous avons obtenu la preuve que Christian Chesnot et Georges Malbrunot étaient vivants, sont vivants et bien traités. C'est ainsi qu'un processus de libération a été enclenché.
Dans le contexte dramatique, instable, qui est celui de l'Irak et de Bagdad, une sortie de crise est toujours un moment extrêmement sensible et incertain. Les progrès que nous avons enregistrés, jusqu'au mardi 28 septembre, ont été interrompus. Des démarches parallèles, que je ne veux pas commenter aujourd'hui, semblent avoir été engagées par un groupe ayant en Irak des relations anciennes. Je veux espérer que ces démarches parallèles n'auront pas de conséquences sur la sécurité de Christian Chesnot, Georges Malbrunot et de leur compagnon syrien et qu'elles ne retarderont pas le moment effectif de leur libération. Pour notre part, nous allons continuer, jusqu'à cette libération effective, nos efforts avec détermination, en mesurant à chaque instant notre responsabilité, et avec toutes les précautions, toutes les vérifications nécessaires. Le moment viendra de chercher et d'apporter des réponses à toutes les questions que l'on peut se poser sur ce qui s'est passé cette semaine.
A cet instant, quand je pense à Christian Chesnot, Georges Malbrunot et à leur compagnon syrien, lorsque je pense à leurs familles qui sont si dignes et si courageuses, quand je pense à tous leurs confrères qui sont constamment mobilisés, aux Français qui sont unis et à nous, qui au nom de l'État, simplement faisons notre travail, je veux dire que ce qui compte aujourd'hui, d'abord et surtout, c'est d'obtenir le plus rapidement possible leur libération.
Q - Pour le ministre, Monsieur Barnier, pourriez-vous nous dire quelque chose sur les démarches de M. Julia ?
R - Il est évident que c'est à ces démarches parallèles-là que je faisais allusion.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2004)