Texte intégral
F. Laborde-. Avec J.-F. Mattei, ce matin, nous allons évoquer la santé de la Sécurité sociale puisque hier le Premier ministre a mis en place le haut Conseil qui va ausculter l'avenir de la Sécurité sociale. Pour l'instant, le malade n'est pas en très grande forme, le déficit est assez important. Plus sérieusement, J.-F. Mattei, il y a déjà eu 16 plans de sauvetage de la Sécurité sociale depuis 1977 - à peu près, entre 16 et 20, d'ailleurs les spécialistes s'y perdent. En quoi votre démarche aujourd'hui est différente des autres ?
- "Nous avons l'intention cette fois-ci de ne pas tenter de rafistoler, de mettre une rustine. Nous allons tout remettre à plat. C'est-à-dire que nous allons donner au système de santé français ses deux jambes, c'est-à-dire le soin et d'autre part la prévention, et la santé publique, parce que malgré tout, si on prévient mieux, eh bien on est moins souvent malade, et c'est ce que nous voulions faire la semaine dernière à l'Assemblée Nationale. Nous avons voté une première loi de santé publique pour la prévention, l'éducation à la santé, et le dépistage. Tout le monde comprend tout ce que cela comporte. La prévention c'est la lutte contre le cancer des voies aériennes respiratoires, donc pour le tabac ; pour l'éducation, c'est l'obésité par exemple, apprendre à mieux manger, puis le dépistage c'est le cancer du sein. Et puis il y a le soin, alors le soin c'est ce qui touche le plus les français d'ailleurs, parce que quand ils sont malades, ils veulent être pris en charge, ils veulent être soulagés, ils veulent être soignés et ça coûte de plus en plus cher."
Un déficit de 10 milliards d'euros cette année.
- "Ça coûte de plus en plus cher et la question qui se pose est la suivante : est-ce que cette augmentation est totalement justifiée ou est-ce qu'elle est exagérée ? C'est ce que nous allons faire, nous allons vérifier ce qui est indispensable, même si les dépenses augmentent, à cause du vieillissement de la population. On l'a vu, les personnes qui ont passé un certain âge deviennent souvent plus malades, plus dépendantes, nécessitent des soins supplémentaires, et elles y ont droit bien entendu. Il y a le progrès médical, ce n'est pas le même prix d'avoir une résonance magnétique nucléaire, un scanner ou une simple radio. Et puis, il faut par ailleurs s'assurer que ce bien commun qu'est la Sécurité sociale, on ne le gaspille pas, il n'y a pas d'abus, il n'y a pas d'excès. Or je n'arrête pas dans mon exercice personnel, professionnel, médical, d'avoir des témoignages de gens qui me disent : " vous savez la CMU, vous savez, les arrêts de travail, vous savez, le remboursement à 100,%, tout cela les gens en abusent ". Alors il faut arrêter."
Parmi les abus justement, dont on parle régulièrement, il y a aussi le système de tiers payant et de carte Vitale qui fait qu'il y a un certain nombre de gens qui disent maintenant que plus personne ne sort de l'argent de sa poche, il y a l'idée que tout ça est gratuit et que tout ça ne coûte rien. Est-ce que ça veut dire que ça fait partie des questions que vous pourrez éventuellement soulever dans le cadre de ce haut Conseil ? Est-ce qu'il faut garder ce système de prise en charge ?
- "Le haut Conseil, je n'en suis pas, c'est une instance indépendante qui va nous donner ses avis, mais il y a quelques mois, j'avais exactement soulevé cette question en disant qu'il faut sortir du tout gratuit, non pas parce que j'avais le sentiment qu'il fallait faire payer les gens davantage - nous verrons si cela est nécessaire -, mais parce qu'il faut que les gens sachent que lorsqu'ils tendent leur carte Vitale à la pharmacie et qu'ils s'en vont avec les médicaments, il faut qu'ils sachent que ce n'est pas parce qu'ils ne paient rien que c'est gratuit et que c'est leur argent, c'est leurs cotisations, et que quand il n'y a plus d'argent dans le pot commun qu'est la Sécurité sociale, il faut en remettre. Donc ce que je voudrais, c'est que les gens prennent conscience de tout ce que les soins coûtent : à l'hôpital, sur le plan des médicaments, sur le plan des consultations.."
C'est la chasse aux gaspis quoi.
- "Il faut faire la chasse aux gaspis, très exactement, parce que nous sommes tous responsables. Cela va être mon maître mot quand j'aurai le diagnostic. Nous serons tous responsables, que ce soit l'Etat, que ce soit les gestionnaires, pas de gaspillages.."
Oui parce qu'en plus il faut rappeler quand même qu'en France on est dans un système extrêmement compliqué. La Sécurité sociale a été gérée par les syndicats et le patronat, qui se sont retirés, l'Etat gère mais pas totalement, enfin je veux dire on n'y comprend rien, pour dire les choses simplement. Un peu de transparence ne serait pas forcément... ?
- "La transparence de toute façon il la faut, et c'est vrai que c'est une de mes surprises, quand même, même si c'est compliqué, je pensais que les français savaient un peu mieux comment ça marchait. Manifestement, ils ne savent pas. Quand vous leur demandez, par exemple, ce qu'est un ticket modérateur, ils ne savent absolument pas ce que c'est. Or le ticket modérateur, c'est l'argent qu'il reste à devoir payer eux-mêmes ou leur mutuelle, après que la Sécurité sociale ait remboursé, mais ils n'en savent rien. Je disais donc que les responsables, les patients doivent prendre leurs responsabilités, il faut que les assureurs complémentaires trouvent leur place aussi, comme des partenaires à part entière, bref, nous avons à recomposer un système, mais avec un souci majeur : c'est de le garder juste et solidaire, car c'est ça qui fait la force de notre Sécurité sociale. Il faut que nous gardions les principes fondateurs. Chacun doit recevoir en fonction de ses besoins, et pas de ses moyens."
Les syndicats pensaient à un moment donné qu'il y avait peut-être une solution pour combler le déficit qui était notamment d'augmenter la CSG. C'est une piste que vous... ?
- "Mais non, mais c'est une piste, pardonnez-moi, mais un peu facile. On ne rajoute pas de l'eau dans un bassin qui fuit. Avant, il faut colmater les fissures, revoir la tuyauterie, et donc nous verrons bien s'il faut remettre de l'eau après, s'il faut demander un peu plus d'argent. J'ajoute que tous les pays autour de nous - l'Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, le Danemark, la plupart des pays autour de nous - sont en train de réévaluer le coût de leur santé. Je pense que nous n'y couperons pas, la croissance des dépenses est inéluctable, mais une fois remis de l'ordre dans la maison."
Alors parmi les critiques, notamment à gauche, le Parti socialiste vous suspecte de vouloir privatiser ce système, justement en donnant peut-être un peu trop de place aux assurances privées, en essayant de déresponsabiliser un peu la Sécurité sociale.
- "Il faut bien qu'il y ait un chiffon rouge dans le débat politique. Pour les retraites, c'était pareil : nous devions privatiser, nous devions avoir des assurances privées, personnalisées etc. On a bien que ce n'était pas le cas. Là, je vous le redis, notre but c'est ni la privatisation, ni la main mise de l'Etat. C'est une gestion qui est une gestion d'un budget social, et autant que possible par les partenaires sociaux."
Parmi les dispositions que vous avez prises récemment, qui ne sont pas dans le cadre de ce plan, mais qui ont fait un peu causer, il y a eu la décision de dérembourser un certain nombre de médicaments dont des médicaments homéopathiques. Pourquoi vous avez pris cette décision ? Un certain nombre de gens ont dit mais pourquoi...
- "Attendez ! d'abord il ne s'agit pas de dérembourser. Les médicaments aujourd'hui sont soit remboursés à 65 % quand ils sont indispensables, soit à 35 % lorsqu'ils ont un effet modéré, soit à rien du tout lorsque leur effet est insuffisant ou nul. L'homéopathie était à 65 %, remboursée exactement comme les anticancéreux, comme les antibiotiques de dernière génération. Or l'homéopathie sort des critères scientifiques d'appréciation de l'utilité. Il n'y a pas d'études scientifiques, il n'y a pas de protocole, et les instances qui nous disent l'importance de chacune des molécules, disent que ce n'est pas possible de l'apprécier. Donc on ne l'a pas déremboursée, on l'a mis à 35%, ce qui en définitive, pour tous ceux qui ont une mutuelle, ne changera rien."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 octobre 2003)
- "Nous avons l'intention cette fois-ci de ne pas tenter de rafistoler, de mettre une rustine. Nous allons tout remettre à plat. C'est-à-dire que nous allons donner au système de santé français ses deux jambes, c'est-à-dire le soin et d'autre part la prévention, et la santé publique, parce que malgré tout, si on prévient mieux, eh bien on est moins souvent malade, et c'est ce que nous voulions faire la semaine dernière à l'Assemblée Nationale. Nous avons voté une première loi de santé publique pour la prévention, l'éducation à la santé, et le dépistage. Tout le monde comprend tout ce que cela comporte. La prévention c'est la lutte contre le cancer des voies aériennes respiratoires, donc pour le tabac ; pour l'éducation, c'est l'obésité par exemple, apprendre à mieux manger, puis le dépistage c'est le cancer du sein. Et puis il y a le soin, alors le soin c'est ce qui touche le plus les français d'ailleurs, parce que quand ils sont malades, ils veulent être pris en charge, ils veulent être soulagés, ils veulent être soignés et ça coûte de plus en plus cher."
Un déficit de 10 milliards d'euros cette année.
- "Ça coûte de plus en plus cher et la question qui se pose est la suivante : est-ce que cette augmentation est totalement justifiée ou est-ce qu'elle est exagérée ? C'est ce que nous allons faire, nous allons vérifier ce qui est indispensable, même si les dépenses augmentent, à cause du vieillissement de la population. On l'a vu, les personnes qui ont passé un certain âge deviennent souvent plus malades, plus dépendantes, nécessitent des soins supplémentaires, et elles y ont droit bien entendu. Il y a le progrès médical, ce n'est pas le même prix d'avoir une résonance magnétique nucléaire, un scanner ou une simple radio. Et puis, il faut par ailleurs s'assurer que ce bien commun qu'est la Sécurité sociale, on ne le gaspille pas, il n'y a pas d'abus, il n'y a pas d'excès. Or je n'arrête pas dans mon exercice personnel, professionnel, médical, d'avoir des témoignages de gens qui me disent : " vous savez la CMU, vous savez, les arrêts de travail, vous savez, le remboursement à 100,%, tout cela les gens en abusent ". Alors il faut arrêter."
Parmi les abus justement, dont on parle régulièrement, il y a aussi le système de tiers payant et de carte Vitale qui fait qu'il y a un certain nombre de gens qui disent maintenant que plus personne ne sort de l'argent de sa poche, il y a l'idée que tout ça est gratuit et que tout ça ne coûte rien. Est-ce que ça veut dire que ça fait partie des questions que vous pourrez éventuellement soulever dans le cadre de ce haut Conseil ? Est-ce qu'il faut garder ce système de prise en charge ?
- "Le haut Conseil, je n'en suis pas, c'est une instance indépendante qui va nous donner ses avis, mais il y a quelques mois, j'avais exactement soulevé cette question en disant qu'il faut sortir du tout gratuit, non pas parce que j'avais le sentiment qu'il fallait faire payer les gens davantage - nous verrons si cela est nécessaire -, mais parce qu'il faut que les gens sachent que lorsqu'ils tendent leur carte Vitale à la pharmacie et qu'ils s'en vont avec les médicaments, il faut qu'ils sachent que ce n'est pas parce qu'ils ne paient rien que c'est gratuit et que c'est leur argent, c'est leurs cotisations, et que quand il n'y a plus d'argent dans le pot commun qu'est la Sécurité sociale, il faut en remettre. Donc ce que je voudrais, c'est que les gens prennent conscience de tout ce que les soins coûtent : à l'hôpital, sur le plan des médicaments, sur le plan des consultations.."
C'est la chasse aux gaspis quoi.
- "Il faut faire la chasse aux gaspis, très exactement, parce que nous sommes tous responsables. Cela va être mon maître mot quand j'aurai le diagnostic. Nous serons tous responsables, que ce soit l'Etat, que ce soit les gestionnaires, pas de gaspillages.."
Oui parce qu'en plus il faut rappeler quand même qu'en France on est dans un système extrêmement compliqué. La Sécurité sociale a été gérée par les syndicats et le patronat, qui se sont retirés, l'Etat gère mais pas totalement, enfin je veux dire on n'y comprend rien, pour dire les choses simplement. Un peu de transparence ne serait pas forcément... ?
- "La transparence de toute façon il la faut, et c'est vrai que c'est une de mes surprises, quand même, même si c'est compliqué, je pensais que les français savaient un peu mieux comment ça marchait. Manifestement, ils ne savent pas. Quand vous leur demandez, par exemple, ce qu'est un ticket modérateur, ils ne savent absolument pas ce que c'est. Or le ticket modérateur, c'est l'argent qu'il reste à devoir payer eux-mêmes ou leur mutuelle, après que la Sécurité sociale ait remboursé, mais ils n'en savent rien. Je disais donc que les responsables, les patients doivent prendre leurs responsabilités, il faut que les assureurs complémentaires trouvent leur place aussi, comme des partenaires à part entière, bref, nous avons à recomposer un système, mais avec un souci majeur : c'est de le garder juste et solidaire, car c'est ça qui fait la force de notre Sécurité sociale. Il faut que nous gardions les principes fondateurs. Chacun doit recevoir en fonction de ses besoins, et pas de ses moyens."
Les syndicats pensaient à un moment donné qu'il y avait peut-être une solution pour combler le déficit qui était notamment d'augmenter la CSG. C'est une piste que vous... ?
- "Mais non, mais c'est une piste, pardonnez-moi, mais un peu facile. On ne rajoute pas de l'eau dans un bassin qui fuit. Avant, il faut colmater les fissures, revoir la tuyauterie, et donc nous verrons bien s'il faut remettre de l'eau après, s'il faut demander un peu plus d'argent. J'ajoute que tous les pays autour de nous - l'Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, le Danemark, la plupart des pays autour de nous - sont en train de réévaluer le coût de leur santé. Je pense que nous n'y couperons pas, la croissance des dépenses est inéluctable, mais une fois remis de l'ordre dans la maison."
Alors parmi les critiques, notamment à gauche, le Parti socialiste vous suspecte de vouloir privatiser ce système, justement en donnant peut-être un peu trop de place aux assurances privées, en essayant de déresponsabiliser un peu la Sécurité sociale.
- "Il faut bien qu'il y ait un chiffon rouge dans le débat politique. Pour les retraites, c'était pareil : nous devions privatiser, nous devions avoir des assurances privées, personnalisées etc. On a bien que ce n'était pas le cas. Là, je vous le redis, notre but c'est ni la privatisation, ni la main mise de l'Etat. C'est une gestion qui est une gestion d'un budget social, et autant que possible par les partenaires sociaux."
Parmi les dispositions que vous avez prises récemment, qui ne sont pas dans le cadre de ce plan, mais qui ont fait un peu causer, il y a eu la décision de dérembourser un certain nombre de médicaments dont des médicaments homéopathiques. Pourquoi vous avez pris cette décision ? Un certain nombre de gens ont dit mais pourquoi...
- "Attendez ! d'abord il ne s'agit pas de dérembourser. Les médicaments aujourd'hui sont soit remboursés à 65 % quand ils sont indispensables, soit à 35 % lorsqu'ils ont un effet modéré, soit à rien du tout lorsque leur effet est insuffisant ou nul. L'homéopathie était à 65 %, remboursée exactement comme les anticancéreux, comme les antibiotiques de dernière génération. Or l'homéopathie sort des critères scientifiques d'appréciation de l'utilité. Il n'y a pas d'études scientifiques, il n'y a pas de protocole, et les instances qui nous disent l'importance de chacune des molécules, disent que ce n'est pas possible de l'apprécier. Donc on ne l'a pas déremboursée, on l'a mis à 35%, ce qui en définitive, pour tous ceux qui ont une mutuelle, ne changera rien."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 octobre 2003)