Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans France-Antilles du 23 juin 2004, sur la réforme de l'OMC et ses conséquences pour l'agriculture aux Antilles, la situation sociale des Antilles notamment la violence dans les quartiers et le chômage.

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Média : France Antilles

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tourné sur la banane. Pour autant, vous inaugurerez le quai des Grives, point d'embarquement de la production. Pensez-vous néanmoins avoir un dialogue constructif avec les responsables de la filière ?
Brigitte GIRARDIN : Le dialogue avec les professionnels de la filière " banane " que le Gouvernement entretient depuis plus de deux ans, a toujours été constructif. Hervé Gaymard et moi-même travaillons ensemble sur ce dossier, en coordination et concertation avec tous les acteurs de la filière. Le Contrat de progrès dont le principe avait été annoncé le 3 mars 2004 au Salon international de l'agriculture vient d'ailleurs d'être signé comme vous le savez.
S'agissant de la réforme de l'OCM, et tout particulièrement de son volet interne, nous devons, dans le cadre des groupes de réflexion constitués en 2003, poursuivre nos échanges afin de parvenir dans les meilleurs délais à une position harmonisée entre administrations et professionnels, sur les orientations de cette réforme que le Gouvernement français défendra à Bruxelles. Je souhaite souligner l'esprit responsable des professionnels soucieux de défendre leur filière et le travail continu du Gouvernement sur ce dossier, en particulier dans le cadre des négociations bruxelloises.
FRANCE-ANTILLES : Les récents chiffres du chômage que vous avez publié indiquent une forte tendance à la baisse. Estimez-vous que les dispositions de la loi-programme seraient les seuls éléments explicatifs de la relance de l'emploi ?
Brigitte GIRARDIN : La situation de l'emploi dans les départements d'outre-mer connaît effectivement une évolution encourageante. Ainsi, en un an (d'avril 2003 à avril 2004), le chômage a baissé de 9,9 % dans ces collectivités alors qu'il a augmenté de 2,4 % en métropole.
Les mesures de la loi-programme et notamment celles qui abaissent le coût du travail (exonération de charges sociales) ou le coût de l'investissement (défiscalisation), créent un environnement favorable au développement économique et donc à l'emploi.
Ainsi, depuis le mois de septembre 2003, les offres d'emploi enregistrées par l'ANPE ont augmenté de plus de 5 % dans les DOM, et la baisse du chômage s'est accélérée entre septembre 2003 et avril 2004.
En rythme annuel, la baisse du chômage est aujourd'hui de 12 % et de près de 20 % s'agissant du chômage des jeunes.
Il n'est donc pas contestable que la loi-programme produit des effets positifs sur le marché de l'emploi de nos départements d'outre-mer et je serai attentive à ce que cette tendance se confirme dans les prochains mois.
FRANCE-ANTILLES : Vous n'êtes pas sans savoir qu'une recrudescence de la violence a touché la Martinique ces jours derniers. La manifestation d'une contestation de décision de justice a marqué les esprits la semaine dernière. Quel serait le message que vous auriez envie de délivrer auprès de cette jeunesse pour permettre un apaisement momentané sinon durable entre ces jeunes et le reste de la société ?
Brigitte GIRARDIN : Les tragiques événements que vous rappelez ont suscité une grande inquiétude légitime des habitants de ce quartier du Lamentin (Four- à- Chaux) où j'ai d'ailleurs souhaité me rendre à l'occasion de mon déplacement.
Aucun problème ne se règle par la violence et nous devons en permanence délivrer un double message : le respect de l'État de droit, et le respect de l'autre par le dialogue et la concertation.
En Martinique comme partout sur le territoire de la République, l'État de droit est une exigence. Mais la mission régalienne de l'État d'assurer la sécurité de nos concitoyens, doit absolument s'accompagner d'une action globale de réhabilitation des logements et des équipements publics, de prise en compte des difficultés que rencontre dans certains quartiers une jeunesse qui doit toujours être perçue comme une chance, et à qui il faut redonner des repères et offrir de vraies perspectives d'avenir.
Parallèlement, tout doit être fait pour encourager le dialogue et l'échange et éviter les malentendus. Il faut structurer la vie associative, favoriser les réunions de quartier, permettre l'accompagnement périscolaire, implanter des équipements de proximité.
Au-delà des aspects financiers, c'est une politique globale d'insertion qui doit être menée. Elle repose prioritairement sur la volonté de tous les partenaires de s'engager dans un projet collectif.
FRANCE-ANTILLES : Les récentes intempéries ont provoqué des dégâts importants sur le secteur de la canne à sucre, mais également le secteur maraîcher. Aurez-vous les moyens de répondre aux sollicitations que les professionnels formuleront en terme d'indemnités ?
Brigitte GIRARDIN : Les procédures nécessaires ont été engagées.
Dès le vendredi 18 juin 2004, le Préfet a transmis l'ensemble des données qui permettront d'instruire rapidement la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans sept communes de la Martinique.
Lorsque l'arrêté ministériel aura été pris, la clause catastrophe naturelle des contrats d'assurance pourra jouer.
En ce qui concerne les dégâts agricoles, la procédure spécifique à l'outre-mer est engagée. Dès le 7 juin 2004, un comité d'experts a tenu sa première réunion sous la présidence du directeur de l'agriculture et de la forêt. L'évaluation des pertes de récolte est en cours, en concertation entre les professionnels et l'État.
Ces évaluations une fois achevées, le comité du fonds de secours de mon ministère déterminera le montant des indemnisations.
FRANCE-ANTILLES : Sur le plan politique, les amis du Gouvernement n'ont pas été les grands vainqueurs des dernières consultations électorales. Ne vous sentez-vous pas isolé ? Ne l'êtes-vous pas encore plus au sein du Gouvernement ?
Brigitte GIRARDIN : Je pense qu'il faut être plus nuancé que vous ne l'êtes, s'agissant des résultats enregistrés, outre-mer, lors des dernières consultations électorales. Les changements intervenus à la Région Guadeloupe, en Nouvelle Calédonie ou en Polynésie française, ne doivent pas faire oublier les succès enregistrés par la majorité qui soutient le Gouvernement, au Conseil général de Guyane, de La Réunion ou de Mayotte, ni le bon score enregistré par Margie Sudre lors des dernières élections européennes. Pendant toutes ces campagnes électorales, je n'ai d'ailleurs pas observé de remise en cause de la politique que je mène, outre-mer, au nom du Gouvernement et dont les premiers effets positifs se font d'ores et déjà sentir. Les changements qui se sont produits illustrent l'aspiration des électeurs concernés, et notamment des plus jeunes d'entre eux, au renouvellement de leurs dirigeants, dans un contexte apaisé, où la légitimité historique de certains d'entre eux ne prime plus.
Je ne vois pas en conséquence pourquoi je devrais me sentir isolée au sein du Gouvernement du fait de ces évolutions. J'appartiens à une équipe qui est dirigée par le Premier ministre, et mon souci demeure avant tout d'uvrer, sous son autorité et dans le respect des engagements du Président de la République, au développement harmonieux des collectivités d'outre-mer. A cet égard, l'adoption récente à l'unanimité des parlementaires de droite comme de gauche du projet de loi sur l'octroi de mer, qui est essentiel pour le financement des communes et la bonne santé des entreprises d'outre-mer, atteste du soutien des élus de toutes tendances, à la politique que je conduis au service de nos compatriotes.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 juin 2004)