Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'état aux personnes handicapées, sur l'émergence de l'accueil temporaire comme modalité d'accompagnement des personnes handicapées, Assemblée nationale le 30 septembre 2004.

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Circonstance : Clôture de la Conférence nationale du Groupe de Réflexion et Réseau pour l' Accueil Temporaire des personnes handicapées (GRATH) à l'Assemblée nationale le 30 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens clore cette première conférence nationale de l'accueil temporaire que vous avez organisée, tout au long de cette journée ici à l'Assemblée nationale.
Mon emploi du temps ne m'a pas permis, comme je l'aurais souhaité, de participer à vos débats, mais la lecture du programme et des noms des participants m'ont permis de mesurer l'importance et la richesse des échanges qui se sont déroulés tout au long de cette journée.
Cette journée a eu aussi le grand mérite de voir réunis différentes catégories d'acteurs : les responsables associatifs, présidents et directeurs, les représentants des administrations centrales et déconcentrées
Tout cela pour évoquer un projet dont vous vous faites, Monsieur le Président, depuis de longues années avec une générosité et une ténacité admirable - j'oserai presque dire une obstination toute bretonne - un intrépide avocat : l'accueil temporaire des personnes handicapées.
Nous sommes ici à l'Assemblée nationale, dans la salle " Victor Hugo ". Ce nom et ce lieu m'apparaissent tout à fait symboliques du combat que le GRATH mène en faveur de l'accueil temporaire : Victor Hugo, l'auteur qui a, à sa façon, porté la cause sociale, tout au long du XIXème siècle, et qui, sans doute, s'il était parmi nous aujourd'hui, se pencherait sur la cause du handicap ; l'Assemblée nationale, car c'est elle qui, par la loi du 2 janvier 2002, a ouvert cette brèche législative permettant de donner base légale aux accompagnements temporaires et qui sera prochainement à nouveau saisie du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
L'accueil temporaire mérite l'engagement fervent que vous mettez à le défendre. C'est pour vous redire toute ma participation à votre démarche que je suis venue aujourd'hui. Elle est fondée sur la conviction qu'au-delà du service précieux qu'il apporte aux personnes et aux familles, qu'au-delà de l'enrichissement de l'offre d'accompagnement qu'il constitue, l'accueil temporaire est porteur de modifications profondes dans notre système d'accompagnement des personnes handicapées dans notre pays.
Je voudrais revenir un instant sur ces trois points.
1/ L'accueil temporaire est un outil de la politique d'aide aux aidants qu'il nous faut véritablement mettre en place.
Les familles de personnes handicapées, que certains d'entre vous représentent aujourd'hui, ne veulent plus et ne doivent plus être confrontées à des alternatives aussi tranchées que celles qui consistent à choisir sans nuance entre une solution de maintien à domicile, à plein temps et sans répit, et une prise en charge totale en établissement.
Depuis quelques années, le système médico-social s'est assoupli progressivement mais l'attention portée aux aidants doit encore être renforcée. L'accueil temporaire et son développement est le signe du soutien que la société pense à leur apporter.
D'autres pays nous montrent l'exemple en affirmant plus nettement encore l'importance de ce type de solutions pour la préservation de l'équilibre familial.
Vous aviez évoqué, Monsieur le Président, lors de notre entrevue en juillet dernier, l'offre de " week ends romantiques " faites aux parents d'enfants handicapés au Danemark, à travers des propositions de recours à l'accueil temporaire.
Cette conception a sans doute été à nouveau évoquée avec vos hôtes étrangers. Je veux en profiter pour les saluer et les remercier d'être venus du Royaume-Uni, de Belgique, du Luxembourg, du Danemark, et de plus loin encore pour nous faire partager leur expérience.
2/ L'émergence de l'accueil temporaire est également un encouragement à recourir à l'innovation pour enrichir l'accompagnement que nous proposons aux personnes handicapées et répondre à leurs besoins et leur projet de vie.
Si je parle d'encouragement, ce n'est pas pour cacher la complexité que cela représente toujours de faire émerger des solutions nouvelles, qui sortent des cadres administratifs et réglementaires existants. Je n'aurai pas besoin de vous convaincre.
Mais c'est pour insister sur la nécessité qu'il y a à le faire parce que c'est ainsi que nous progressons et faisons avancer notre législation.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale a reconnu l'accueil temporaire comme un élément de soutien aux personnes handicapées et à leurs familles. C'est le GRATH qui a permis la seconde étape, celle de l'encadrement juridique précis de ce type de prise en charge.
Le décret du 17 mars 2004 relatif à la définition et à l'organisation de l'accueil temporaire des personnes handicapées et des personnes âgées est issu des propositions contenues dans le rapport que Jean-Jacques OLIVIN a remis en avril 2003 au Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées.
Il reste du chemin à parcourir, vous me l'avez rappelé.
Je sais que vous attendez tout d'abord la circulaire d'application de ce décret. Je puis vous annoncer que vous serez consulté dans les prochains jours sur le texte en cours d'élaboration et qu'elle sera publiée avant la fin du mois de novembre.
Je veillerai également à ce que les dispositions d'ordre budgétaire et comptable qui doivent préciser notamment les modalités de financement de l'accueil temporaire interviennent dans les meilleurs délais. Je ne peux être plus précise aujourd'hui mais vous serez tenu informés de l'échéancier.
Tous ces textes démontrent que l'accueil temporaire a trouvé sa place dans notre paysage juridique et institutionnel. Peut-être avons-nous, en cela, à apporter en retour de l'expérience dont nous avons pu bénéficier d'ailleurs. Si tel est le cas, je ne doute pas de l'énergie des membres du GRATH pour être les ambassadeurs de cette cause.
3/ L'accueil temporaire, enfin, va bouleverser nos pratiques d'accompagnement. C'est ma conviction profonde.
Il nous fait sortir, des alternatives binaires. Il introduit de la souplesse dans les modes de prise en charge. Or, cette souplesse n'est plus une dérogation à un modèle normal, mais peut devenir, petit à petit, le modèle de prise en charge.
C'est l'esprit du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui nous invite à partir du projet de vie de la personne. Les formules souples de prise en charge en sont une traduction.
Cette révolution, nous la favoriserons par le développement de l'offre d'accueil temporaire dans notre pays. Plusieurs projets existent. Le guide de l'accueil temporaire publié par le GRATH en fait état. D'autres projets existent. Leur multiplication sera encouragée.
Je souhaite que soit reconduite en 2005 la démarche initiée par la circulaire ministérielle en date du 30 janvier 2004 qui fixait, pour l'année 2004, les modalités de mise en uvre, dans toute la France, de la création des places en établissements accueillant des personnes handicapées. Celle-ci insistait particulièrement sur la priorité qui s'attache au développement des structures d'accueil temporaire, et demandait que chaque région voie financer des places d'accueil temporaire.
Au-delà des structures dédiées à l'accueil temporaire, il me paraît nécessaire d'aller plus loin en se fixant l'objectif de créer, au sein de chaque structure qui sera financée par l'Assurance maladie, une ou deux places d'accueil temporaire. Il sera ainsi possible, au fil du temps, d'établir un maillage, le plus serré possible, dans notre pays, des structures d'accueil temporaire et d'offrir aux familles et aux personnes des solutions de proximité.
Vous me pardonnerez de m'adresser maintenant de façon un peu plus personnelle à Monsieur Jean-Jacques OLIVIN et lui rendre l'hommage qu'il mérite :
Pour avoir déployé autant d'énergie pour monter cette première conférence de l'accueil temporaire
Pour en avoir fait un succès - il joue à guichet fermé et a dû refuser du monde !
Pour être, je le pressens, un aiguillon déterminé de mon action en matière d'accueil temporaire dans les mois qui viennent. Je ne l'en félicite pas, car il prêchera une convaincue, mais je l'en remercie.
Monsieur le Président,
Vous n'êtes pas seulement -ce qui serait déjà très bien-, un visionnaire -, mais vous êtes aussi un gestionnaire, puisque vous avez créé, de façon expérimentale, votre maison " Arc en ciel " que vous dirigez avec votre épouse, et qui accueille une dizaine d'enfants à Quistinic depuis 10 ans
Il est temps, je crois, d'envoyer un signe à ces familles qui vous font confiance, à celles aussi dont l'enfant attend une place, et d'offrir une pérennité à cette réalisation en confirmant l'avis du CROSS de février dernier.
J'ai le plaisir, Monsieur le Président, de vous annoncer que j'ai donné instruction pour que votre projet reçoive prochainement le financement de l'Assurance maladie à hauteur de 665 000 dont il a besoin pour fonctionner et se développer.
Avant de conclure mon propos, et par la même façon votre journée, je souhaitais dire que j'entends souvent dire qu'il faut changer le regard porté sur les personnes handicapées.
Commençons par changer les pratiques et d'abord celle des institutions publiques, inspirons-nous de l'exemple du GRATH et de ceux qui s'engagent avec courage et imagination sur la voie difficile mais riche de l'innovation, et nous créerons ainsi une société accueillante pour tous, celle qui, selon le mot d'un bénévole d'une association de personnes handicapées, sait " tendre la main à ceux qui souffrent pour aller à la rencontre d'une richesse intérieure inouïe ".
Je vous remercie.

(Source http://www.handicape.gouv.fr, le 1er octobre 2004)