Texte intégral
Mathieu Vidard
Roland Mihail bonjour. Vous recevez aujourd'hui Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, au moment où d'après le premier bilan du Quai d'Orsay, ce sont 8 332 Français qui ont déjà quitté la Côte d'Ivoire.
Roland Mihail
Bonjour Michèle Alliot-Marie. Hier soir, Laurent Gbagbo a estimé que les témoignages, notamment celui de l'archevêque d'Abidjan, faisant état de la présence dans les morts d'Abidjan de jeunes manifestants, je le cite, décapités par l'armée française, ces témoignages, je cite toujours le président ivoirien, étaient vrais et crédibles. Alors, que répond le ministre français de la Défense, qui est aussi le ministre des Armées ? Considérez-vous qu'il s'agit là d'une nouvelle escalade du président ivoirien ou d'une nouvelle provocation ?
Michèle Alliot-Marie.-
L'outrance même des termes employés par le président Gbagbo leur enlève toute crédibilité. Ces propos relèvent de la désinformation, comme ceux qui ont conduit le président Gbagbo, je le rappelle, à mettre en doute la réalité des victimes militaires françaises de Bouaké. En l'absence de toute presse libre et indépendante, il se place dans le registre de la manipulation des foules à Abidjan. Et je note d'ailleurs que les organisations humanitaires internationales n'ont pas eu le droit d'accéder au centre hospitalier. Plutôt que de relancer des propos et des invectives de cette nature, le président Gbagbo devrait prendre la mesure de ses responsabilités. Il en va de l'intérêt de la Côte d'Ivoire et de l'intérêt de ses compatriotes.
QUESTION.- Cela Madame, dans la mesure où près de 8 000 Français ont déjà fui le pays, dans la mesure aussi où quelques 6 000 civils français y sont encore présents, et nous avons près de 5 000 militaires français sur place. Est-ce que ce climat de haine anti-française ne vous inquiète pas, franchement ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Ce climat est extrêmement inquiétant ; c'est d'ailleurs ce climat qui a conduit nos compatriotes à quitter la Côte d'Ivoire. Les Français qui résidaient là-bas y avaient toute leur vie ; ils y avaient tout construit. Il y avait aussi des couples binationaux. Je pense beaucoup à eux parce que pour qu'ils soient partis de Côte d'Ivoire, il fallait vraiment qu'ils sentent ce climat de haine. D'ailleurs, les quelques images que nous avons pu voir à la télévision le montrent bien : nous voyons nos soldats, nos militaires impassibles face à des foules haineuses. Nos militaires ont été tout à fait remarquables et tous les Français qui sont rentrés l'ont dit. Mais ce que je crois, c'est que cette manipulation des foules est quelque chose d'extrêmement dangereux. Les propos racistes et xénophobes que nous avons entendus de la part de dirigeants ivoiriens ne sont pas tolérables. C'est un problème pour leur pays. Et c'est un problème pour l'ensemble de l'Afrique.
QUESTION.- Oui, en attendant on n'est pas près de revenir au calme dans la mesure où dimanche dernier, à ce micro, le président Gbagbo qui était mon invité a clairement fait part de ses intentions belliqueuses de reconstituer ses moyens militaires aériens, détruits par la France après le bombardement de nos soldats à Bouaké. Alors on ne peut pas dire que le président ivoirien ou ses proches, qui parlent carrément de guerre coloniale, soient dans un plan pacificateur par rapport à la France non ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Je vous rappelle d'abord que depuis dimanche dernier, à la demande des présidents des différents pays africains, il y a eu le vote à l'unanimité par le Conseil de Sécurité de l'ONU de l'embargo sur les armes pour la Côte d'Ivoire. Ce qui veut dire que tout achat et tout transport d'armes, que ce soit d'ailleurs au bénéfice du président Gbagbo ou au bénéfice des forces nouvelles, est interdit et serait sanctionné. Il faut aussi rappeler que la France n'est en guerre ni contre la Côte d'Ivoire ni contre les Ivoiriens ; au contraire, nous ne sommes là que pour essayer d'assurer le cessez-le-feu entre le Nord et le Sud, cessez le feu qui a d'ailleurs été accepté par tout le monde et qui a été imposé lui-aussi par une résolution de l'ONU. Ce que nous voulons, c'est éviter la partition de la Côte d'Ivoire. Je voudrais aussi rappeler l'origine de cette affaire : elle a commencé en septembre 2002, lorsque le président Gbagbo a limogé une partie de son armée, sur des critères qui étaient en partie des critères ethniques. Le résultat, c'est que les militaires limogés se sont retournés contre lui. Nous voyons donc bien qu'il existe un vrai problème : la Côte d'Ivoire se partage en deux et elle est l'objet de massacres. Au départ, nous sommes intervenus pour protéger nos ressortissants, et pour éviter des massacres entre Ivoiriens. C'est notre rôle et c'est notre seul rôle. Je le dis. Alors parler de guerre coloniale, c'est quelque chose de ridicule. Nous empêchons les gens de se tuer de part et d'autre. C'est notre rôle je le répète. Et nous le faisons avec les forces de l'ONU qui ont été mandatées à cet effet, et nous sommes, nous-aussi, mandatés comme elles.
QUESTION.- Mais Michèle Alliot-Marie, s'il s'avérait que Laurent Gbagbo ne pouvait assumer la protection de nos quelques 6 000 ressortissants encore présents en Côte d'Ivoire ou qu'il ne respectait pas la résolution de l'ONU sur les armes dont vous parliez tout à l'heure, que ferait alors la France ? Est-ce qu'elle demanderait qu'il parte, qu'il quitte le pouvoir ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Les règles du droit international sont connues. Il y a un embargo sur les armes. Si le président Gbagbo ne le respecte pas, ce sont les Nations unies elles-mêmes et la communauté internationale qui émettront des sanctions. Ces sanctions sont d'ailleurs prévues dans la résolution qui a été votée.
QUESTION.- Mais malgré tout ce qui s'est passé jusqu'à présent, vous considérez toujours le régime du président Gbagbo comme légitime, comme étant notre seul interlocuteur ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Le président Gbagbo a été élu par les Ivoiriens. A ce titre, nous considérons donc qu'il est un président légitime. Et nous le rappelons à ses responsabilités, notamment en matière de sécurité publique, de sécurité de nos compatriotes, et d'une façon générale de tous les ressortissants étrangers qui se trouvent encore en Côte d'Ivoire . Car ce n'est pas simplement la France qui a été visée par les groupes de ces jeunes, ou moins jeunes d'ailleurs, et qui se réclament du président Gbagbo. Ce sont tous les étrangers d'une façon générale. Un chef d'Etat a pour première obligation d'assurer cette sécurité, et nous le lui avons rappelé. Ce que nous voulons ensuite, c'est que les Ivoiriens puissent se prononcer clairement et librement lors des élections présidentielles qui doivent avoir lieu en 2005. Notre but, c'est de permettre aux Ivoiriens de retrouver à la fois une vie politique et une vie économique normales. Notre but, c'est aussi que la Côte d'Ivoire demeure une et indivisible. Dans le cas contraire, cela aurait des conséquences redoutables sur l'ensemble de l'Afrique de l'ouest, et probablement sur l'ensemble de l'Afrique. Si un pays se divise, il est évident qu'il servira d'" exemple " à tous les autres. Il y a toujours des groupes qui veulent faire éclater les Etats. Avoir une Afrique en crise, c'est extrêmement déstabilisant pour le monde entier.
Merci Madame, merci Madame Alliot-Marie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 29 novembre 2004)
Roland Mihail bonjour. Vous recevez aujourd'hui Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, au moment où d'après le premier bilan du Quai d'Orsay, ce sont 8 332 Français qui ont déjà quitté la Côte d'Ivoire.
Roland Mihail
Bonjour Michèle Alliot-Marie. Hier soir, Laurent Gbagbo a estimé que les témoignages, notamment celui de l'archevêque d'Abidjan, faisant état de la présence dans les morts d'Abidjan de jeunes manifestants, je le cite, décapités par l'armée française, ces témoignages, je cite toujours le président ivoirien, étaient vrais et crédibles. Alors, que répond le ministre français de la Défense, qui est aussi le ministre des Armées ? Considérez-vous qu'il s'agit là d'une nouvelle escalade du président ivoirien ou d'une nouvelle provocation ?
Michèle Alliot-Marie.-
L'outrance même des termes employés par le président Gbagbo leur enlève toute crédibilité. Ces propos relèvent de la désinformation, comme ceux qui ont conduit le président Gbagbo, je le rappelle, à mettre en doute la réalité des victimes militaires françaises de Bouaké. En l'absence de toute presse libre et indépendante, il se place dans le registre de la manipulation des foules à Abidjan. Et je note d'ailleurs que les organisations humanitaires internationales n'ont pas eu le droit d'accéder au centre hospitalier. Plutôt que de relancer des propos et des invectives de cette nature, le président Gbagbo devrait prendre la mesure de ses responsabilités. Il en va de l'intérêt de la Côte d'Ivoire et de l'intérêt de ses compatriotes.
QUESTION.- Cela Madame, dans la mesure où près de 8 000 Français ont déjà fui le pays, dans la mesure aussi où quelques 6 000 civils français y sont encore présents, et nous avons près de 5 000 militaires français sur place. Est-ce que ce climat de haine anti-française ne vous inquiète pas, franchement ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Ce climat est extrêmement inquiétant ; c'est d'ailleurs ce climat qui a conduit nos compatriotes à quitter la Côte d'Ivoire. Les Français qui résidaient là-bas y avaient toute leur vie ; ils y avaient tout construit. Il y avait aussi des couples binationaux. Je pense beaucoup à eux parce que pour qu'ils soient partis de Côte d'Ivoire, il fallait vraiment qu'ils sentent ce climat de haine. D'ailleurs, les quelques images que nous avons pu voir à la télévision le montrent bien : nous voyons nos soldats, nos militaires impassibles face à des foules haineuses. Nos militaires ont été tout à fait remarquables et tous les Français qui sont rentrés l'ont dit. Mais ce que je crois, c'est que cette manipulation des foules est quelque chose d'extrêmement dangereux. Les propos racistes et xénophobes que nous avons entendus de la part de dirigeants ivoiriens ne sont pas tolérables. C'est un problème pour leur pays. Et c'est un problème pour l'ensemble de l'Afrique.
QUESTION.- Oui, en attendant on n'est pas près de revenir au calme dans la mesure où dimanche dernier, à ce micro, le président Gbagbo qui était mon invité a clairement fait part de ses intentions belliqueuses de reconstituer ses moyens militaires aériens, détruits par la France après le bombardement de nos soldats à Bouaké. Alors on ne peut pas dire que le président ivoirien ou ses proches, qui parlent carrément de guerre coloniale, soient dans un plan pacificateur par rapport à la France non ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Je vous rappelle d'abord que depuis dimanche dernier, à la demande des présidents des différents pays africains, il y a eu le vote à l'unanimité par le Conseil de Sécurité de l'ONU de l'embargo sur les armes pour la Côte d'Ivoire. Ce qui veut dire que tout achat et tout transport d'armes, que ce soit d'ailleurs au bénéfice du président Gbagbo ou au bénéfice des forces nouvelles, est interdit et serait sanctionné. Il faut aussi rappeler que la France n'est en guerre ni contre la Côte d'Ivoire ni contre les Ivoiriens ; au contraire, nous ne sommes là que pour essayer d'assurer le cessez-le-feu entre le Nord et le Sud, cessez le feu qui a d'ailleurs été accepté par tout le monde et qui a été imposé lui-aussi par une résolution de l'ONU. Ce que nous voulons, c'est éviter la partition de la Côte d'Ivoire. Je voudrais aussi rappeler l'origine de cette affaire : elle a commencé en septembre 2002, lorsque le président Gbagbo a limogé une partie de son armée, sur des critères qui étaient en partie des critères ethniques. Le résultat, c'est que les militaires limogés se sont retournés contre lui. Nous voyons donc bien qu'il existe un vrai problème : la Côte d'Ivoire se partage en deux et elle est l'objet de massacres. Au départ, nous sommes intervenus pour protéger nos ressortissants, et pour éviter des massacres entre Ivoiriens. C'est notre rôle et c'est notre seul rôle. Je le dis. Alors parler de guerre coloniale, c'est quelque chose de ridicule. Nous empêchons les gens de se tuer de part et d'autre. C'est notre rôle je le répète. Et nous le faisons avec les forces de l'ONU qui ont été mandatées à cet effet, et nous sommes, nous-aussi, mandatés comme elles.
QUESTION.- Mais Michèle Alliot-Marie, s'il s'avérait que Laurent Gbagbo ne pouvait assumer la protection de nos quelques 6 000 ressortissants encore présents en Côte d'Ivoire ou qu'il ne respectait pas la résolution de l'ONU sur les armes dont vous parliez tout à l'heure, que ferait alors la France ? Est-ce qu'elle demanderait qu'il parte, qu'il quitte le pouvoir ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Les règles du droit international sont connues. Il y a un embargo sur les armes. Si le président Gbagbo ne le respecte pas, ce sont les Nations unies elles-mêmes et la communauté internationale qui émettront des sanctions. Ces sanctions sont d'ailleurs prévues dans la résolution qui a été votée.
QUESTION.- Mais malgré tout ce qui s'est passé jusqu'à présent, vous considérez toujours le régime du président Gbagbo comme légitime, comme étant notre seul interlocuteur ?
Michèle ALLIOT-MARIE.- Le président Gbagbo a été élu par les Ivoiriens. A ce titre, nous considérons donc qu'il est un président légitime. Et nous le rappelons à ses responsabilités, notamment en matière de sécurité publique, de sécurité de nos compatriotes, et d'une façon générale de tous les ressortissants étrangers qui se trouvent encore en Côte d'Ivoire . Car ce n'est pas simplement la France qui a été visée par les groupes de ces jeunes, ou moins jeunes d'ailleurs, et qui se réclament du président Gbagbo. Ce sont tous les étrangers d'une façon générale. Un chef d'Etat a pour première obligation d'assurer cette sécurité, et nous le lui avons rappelé. Ce que nous voulons ensuite, c'est que les Ivoiriens puissent se prononcer clairement et librement lors des élections présidentielles qui doivent avoir lieu en 2005. Notre but, c'est de permettre aux Ivoiriens de retrouver à la fois une vie politique et une vie économique normales. Notre but, c'est aussi que la Côte d'Ivoire demeure une et indivisible. Dans le cas contraire, cela aurait des conséquences redoutables sur l'ensemble de l'Afrique de l'ouest, et probablement sur l'ensemble de l'Afrique. Si un pays se divise, il est évident qu'il servira d'" exemple " à tous les autres. Il y a toujours des groupes qui veulent faire éclater les Etats. Avoir une Afrique en crise, c'est extrêmement déstabilisant pour le monde entier.
Merci Madame, merci Madame Alliot-Marie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 29 novembre 2004)