Déclaration de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur l'insertion professionnelle et la formation des personnes handicapées, les discriminations à l'emploi et la reconnaissance des droits de ces populations, Paris le 9 octobre 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 10ème anniversaire du réseau national OHE Prométhée à Paris le 9 octobre 2003

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous.
La célébration du 10ème anniversaire de la création du réseau OHE PROMETHEE est pour moi l'occasion de rendre hommage aux chefs d'entreprise qui ont pris l'initiative de le créer et à tous ceux qui, avec l'appui de l'Etat et de l'Agence nationale de gestion du fond pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) en ont assuré le développement.
Je suis particulièrement sensible au rôle positif que jouent les équipes de votre réseau auprès des personnes handicapées pour leur permettre d'accéder à un emploi en milieu ordinaire de travail ; un emploi correspondant à la fois à leurs aspirations et à leurs compétences, et je tiens à les en remercier.
L'engagement personnel et bénévole d'un grand nombre de chefs d'entreprises au sein du réseau Prométhée est, j'en suis convaincu, l'une des raisons essentielles du succès des actions menées au cours de la dernière décennie.
C'est en tenant compte des réalités du monde des entreprises, et en partenariat avec leurs dirigeants, que de nouveaux progrès pourront être accomplis. C'est à reconnaître et à faciliter leurs initiatives et l'expression de leur créativité qu'il convient de s'attacher.
Le Président de la République a, vous le savez, fait de la réforme de l'action en faveur des personnes handicapées l'une des priorités de son quinquennat.
L'adoption de la loi d'orientation du 30 juin 1975 et de la loi du 10 juillet 1987 en faveur des personnes handicapées, ont constitué, sans aucun doute, des étapes extrêmement importantes dans la reconnaissance des droits des personnes handicapées, et leurs dispositions conservent à beaucoup d'égards toute leur actualité.
Au cours des dernières décennies nous avons cependant assisté à une profonde évolution des attentes des personnes handicapées. Celles-ci entendent désormais, et cela est pleinement légitime, pouvoir choisir librement leur mode de vie, et voir leurs difficultés trouver une solution, autant que faire se peut, dans le cadre de procédures de droit commun. Elles souhaitent jouir d'une égalité de chances avec les autres catégories de la population et pour cela d'un droit à compensation. Bref, elles n'ont d'autre aspiration que d'être reconnues comme des citoyens à part entière.
Le regard que porte la société sur le handicap tant en France qu'à l'étranger a lui-même changé.
La nécessité de revoir le dispositif mis en place dans le cadre de la loi de 1975 et des textes votés dans son prolongement, est donc aujourd'hui vivement ressentie non seulement par les personnes handicapées et leurs familles, mais également par tous ceux qui uvrent quotidiennement en faveur de leur insertion.
Nul n'est besoin de souligner à cet égard, l'importance pour notre société de la réforme élaborée par le gouvernement en terme de dignité humaine. Le travail est une valeur essentielle de la socialisation de l'individu et de son identité. II l'est plus encore pour la personne handicapée.
Cette réforme comportera naturellement un volet relatif à l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Jouir d'un emploi, c'est pour la très grande majorité d'entre eux, non seulement la possibilité de mener une vie autonome, mais également un élément essentiel de dignité.
En dépit des progrès accomplis, notamment depuis la loi du 10 juillet 1987, la situation des personnes handicapées au regard de l'emploi apparaît peu satisfaisante. C'est là un diagnostic très largement partagé :
o Le taux de chômage au sein de la population handicapée est nettement plus élevé que celui constaté pour l'ensemble de la population ;
o Les personnes handicapées bénéficient moins que les autres catégories de la population de l'amélioration de la situation en période de croissance et à l'inverse sont les premières touchées par la dégradation du marché de l'emploi ;
o L'objectif assigné aux employeurs de plus de vingt salariés, tant publics que privés d'employer au moins 6% de travailleurs handicapés est loin d'être atteint.
o Enfin, un certain nombre de personnes handicapées sont orientées vers des établissements de travail protégé ou y demeurent alors qu'elles pourraient accéder à un emploi en milieu ordinaire si elles bénéficiaient de l'accompagnement et des aides qui leur sont nécessaires.
Les difficultés auxquelles se heurtent les personnes handicapées pour trouver un emploi sont, vous le savez, de natures très diverses et ne sont pas toujours liées à leur handicap.
o L'un des premiers obstacles à l'insertion professionnelle tient certainement au faible niveau de qualification de la très grande majorité : 85 % des travailleurs handicapés inscrits à l'ANPE ont en effet un niveau de formation inférieur ou égal au CAP/BEP ;
o On ne saurait par ailleurs méconnaître les barrières psychologiques auxquelles se heurte encore très souvent l'emploi des personnes handicapées. Alors même que la très grande majorité des chefs d'entreprise employant des personnes handicapées, s'en déclarent satisfaits, la représentation du handicap dans le milieu professionnel reste empreinte de stéréotypes.
o Enfin, la multiplication des instances compétentes pour apprécier de la situation de la personne handicapée, l'aider dans son parcours d'insertion professionnelle, et se prononcer sur ses droits, s'est faite au détriment de la lisibilité du dispositif d'ensemble. La personne handicapée, dans son parcours d'insertion, est ainsi conduite à S'adresser à de multiples institutions et devient l'otage d'une complexité administrative qui lui échappe.
Ces constats nous obligent à agir avec une double volonté :
o Celle d'assurer l'égalité des chances entre les travailleurs handicapés et les autres catégories de travailleurs
o Celle de permettre à toute personne handicapée qui est en mesure de travailler, de trouver un emploi en priorité en milieu ordinaire ou en établissement de travail protégé, lorsque la situation de la personne le justifie.
La détermination du Gouvernement est sans ambiguïté : il faut réformer le dispositif actuel et impulser un nouveau dynamisme à la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées !
La prévention du handicap, les modalités de scolarisation des enfants et adolescents handicapés, l'accès des personnes handicapées aux soins qui leurs sont parfois nécessaires, sont autant de questions qui doivent être prioritairement traitées dans le cadre de la réforme en cours.
S'agissant plus spécifiquement de l'insertion professionnelle des personnes handicapées :
Le principe de non-discrimination doit être réaffirmé! D'ores et déjà inscrit dans notre code du travail, j'entends veiller à ce que l'application qui en est faite soit bien conforme à ce qu'exigent les directives européennes. II sera procédé aux adaptations nécessaires, en étroite concertation avec l'ensemble des intéressés et notamment les partenaires sociaux ;
o II nous faut par ailleurs revoir le dispositif de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et de son orientation, et en particulier les conditions de fonctionnement des Cotorep. II s'agit a la fois de prendre en compte les aptitudes et les souhaits de la personne handicapée et non seulement ses déficiences, de l'aider à élaborer un projet professionnel et de lui apporter l'aide qui lui est nécessaire pour réaliser ce projet.
La réflexion sur ce point ne saurait être, à mes yeux, dissociée de celle qui doit être menée d'une manière plus générale sur les moyens :
o Les personnes handicapées doivent bénéficier d'un accueil et d'une information de qualité, d'une simplification les démarches qui leur sont imposées, et d'un renforcement de l'efficacité des services chargés de les accompagner dans leur parcours d'insertion. A ce titre, le rôle des équipes appartenant au réseau cap emploi et en particulier au réseau OHE Prométhée mérite d'être précisé et conforté, en tenant compte des missions qui sont celles de l'ANPE ;
o II est, en outre, indispensable de clarifier les responsabilités des différents acteurs de l'insertion et d'assurer une véritable synergie des efforts de chacun.
Une politique volontariste doit être menée pour permettre l'accès des personnes handicapées a un emploi en milieu ordinaire de travail :
o L'insertion professionnelle de ces personnes dans toutes ses dimensions mérite ainsi de figurer parmi les thèmes qui doivent être abordés par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation des accords d'entreprise et de branche ;
o Le maintien d'un taux d'emploi obligatoire est très largement jugé nécessaire. Il doit s'accompagner d'une réflexion sur la possibilité de diversifier les voies offertes aux employeurs concernés, tant publics que privés, de remplir leurs obligations. II s'agit de rendre éventuellement plus incitatif le dispositif actuel ainsi que d'un effort pour harmoniser et simplifier les formalités imposées aux employeurs ;
Le rôle de l'AGEFIPH dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées doit être précisé et conforté. Les progrès qu'à permis l'institution de cet organisme en 1987 sont reconnus. L'agence constitue dans l'immédiat un acteur difficilement remplaçable de la politique d insertion professionnelle des personnes handicapées. II convient, sans porter atteinte à l'autonomie dont elle jouit, de prévoir une meilleure articulation de ses actions avec celles menées dans le cadre de la politique générale de l'emploi dont les personnes handicapées sont l'un des publics prioritaires. Celle-ci pourrait être assurée notamment à travers la signature de conventions pluriannuelles d'objectifs entre L'Etat et l'AGEFIPH ;
o Parallèlement le respect par les employeurs publics de leurs obligations en matière de recrutement et d'emploi des personnes handicapées doit être plus strictement assuré ;
o II nous faut également améliorer le niveau de formation des personnes handicapées. Un effort particulier dans ce domaine conditionne en grande partie l'évolution favorable de leur intégration professionnelle. Dans le cadre de la négociation collective, une réflexion particulière doit être consacrée à l'accès des personnes handicapées à la formation et à l'exercice effectif de leurs droits dans ce domaine. L'offre de formation de droit commun doit être systématiquement ouverte aux personnes handicapées ; de même que l'effort fait pour améliorer l'efficience des dispositifs spécialisés et assurer leur décloisonnement doit être poursuivi ;
II nous faut enfin nous interroger sur la vocation et le statut des établissements de travail protégés et des personnes accueillies au sein de ces établissements avec pour objectif, de faciliter le passage d'un établissement de travail à un autre et d'assurer aux personnes concernées un statut aussi proche que possible du droit commun. La réflexion sur ce point est inséparable de celle qui est menée, par ailleurs, sur les ressources des personnes handicapées.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
A l'handicap, ne doit pas s'ajouter une discrimination à l'emploi.
Notre dispositif d'insertion des personnes handicapées dans le marché du travail a montré, ces dernières années, ses limites. Aussi, il est de notre devoir d'en modifier les contours.
En étroite concertation avec l'ensemble des acteurs, et en particulier les associations représentatives des personnes handicapées, le Gouvernement proposera de réformer le dispositif tel qu'il résulte des lois de 1975 et 1987. La réflexion engagée depuis plusieurs mois débouchera, vous le savez, sur le dépôt d'un projet de loi avant la fin de l'année.
Les avis et propositions des acteurs de terrain que vous êtes doivent contribuer à nourrir notre réflexion. Soyez assurés de ma volonté d'être à votre écoute.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 novembre 2003)