Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis vivement de pouvoir ouvrir ce séminaire de travail. Car il marque une étape importante dans la réforme de l'État.
Un nouveau métier vous rassemble : responsables de programme LOLF. A travers vous toutes et vous tous, la performance fait son entrée dans les objectifs de gestion de l'administration.
Je suis heureux que nous puissions réunir ce matin l'ensemble des responsables de programme LOLF à Bercy. C'est une première que je suis très honoré de vivre avec vous.
Comme je l'avais souligné devant certains d'entre vous le 11 octobre dernier, à l'occasion d'une rencontre autour du Premier ministre, nous devons travailler pour préparer dans les meilleures conditions l'année 2005. Même si la LOLF n'entre officiellement en vigueur que pour le budget 2006, la prochaine année sera décisive pour le succès de la réforme budgétaire : c'est sur le socle que vous allez bâtir avec nous, tout au long de 2005, que reposera toute la réforme.
Ce succès, nous le bâtirons ensemble. Pour ce faire, la LOLF ne doit plus rester une affaire de spécialistes, confinée à Bercy et dans les directions financières des grands ministères. Les principes de la réforme budgétaire doivent irriguer l'ensemble des champs de l'action publique. C'est de vous que dépend, pour une très large part, la diffusion des nouvelles pratiques de gestion.
Les enjeux managériaux de cette très forte évolution sont essentiels.
Il est nécessaire que nous nous arrêtions ensemble, ce matin, sur ce nouvel esprit managérial que vous avez à faire vivre au sein de chacun des programmes dont vous avez la responsabilité.
C'est un nouveau et beau défi qu'il vous faut relever. C'est pour cela que vos ministres vous ont choisis.
Quel est l'enjeu fondamental de la loi organique relative aux lois de finances ? Rien de moins que de faire passer la gestion de l'État d'une logique de moyens à une logique de résultats. Les budgets ne seront plus présentés par ministères, mais par grandes politiques publiques.
Des stratégies et des objectifs seront assignés à chacun des programmes de l'État et la performance de l'action administrative ne sera plus un thème de discours, mais au contraire une réalité, votre performance en tant que responsables de programme, suivie grâce à des indicateurs de performance.
Où en sommes-nous au moment où je vous parle ?
Le nouveau cadre budgétaire est à présent en place. Les 34 missions (dont 9 sont interministérielles), les 132 programmes et les quelques 580 actions sont maintenant clairement identifiés.
Les crédits du budget 2005 ont été répartis, à titre indicatif, selon cette nouvelle architecture. Et surtout, les premiers objectifs et indicateurs de performance sont prêts et seront présentés au Parlement cette semaine dans les avant-projets annuels de performances, avec une bonne année d'avance. Nous sommes donc en mesure de montrer que cette réforme est bel et bien en marche. Et je vous remercie, ainsi que toute l'équipe de Franck Mordacq, pour tout le travail que vous avez accompli ces dernières semaines pour parvenir à finaliser ces nouveaux documents.
Cela étant, ce n'est pas parce que les nouveaux documents budgétaires commencent à prendre forme que la partie est gagnée.
Nous nous sommes rapprochés de l'objectif, mais bien des efforts restent à accomplir dans les mois qui nous séparent du 1er janvier 2006 pour que la LOLF vienne transformer, avec le succès et la force que nous souhaitons tous, la vie de notre administration. De toute notre administration.
Et pour vous toutes et vous tous, les choses sérieuses commenceront dès le 1er janvier 2005 avec l'ouverture du premier cycle budgétaire en mode LOLF.
Je voudrais insister particulièrement sur trois points, que vous allez pouvoir approfondir par vos échanges ce matin : la réflexion stratégique, le pilotage des services et l'évolution de la gestion des ressources humaines (GRH).
1. Intensifier la réflexion sur la stratégie
Dans les avant-projets annuels de performances, vous avez exposé les premiers éléments de votre stratégie. Mais, la réflexion stratégique doit se poursuivre et s'intensifier.
La stratégie d'un programme est un élément clé de la réforme. C'est un instrument de dialogue avec Bercy et avec le Parlement.
C'est la base du dialogue de gestion qui sera le vecteur de votre pilotage du programme.
Cette stratégie doit servir à mettre en perspective l'action de l'État pour la politique concernée. Cette stratégie donnera son sens à l'action publique dont vous aurez la charge, et justifiera les moyens que vous obtiendrez en contrepartie de vos objectifs, au regard de l'utilité économique et sociale du programme dont vous aurez la charge.
Il s'agit de se poser les questions suivantes : est-il légitime que l'État intervienne dans ce domaine, oui ou non ? Quelle finalité ultime vise-t-on ? Pour atteindre ce but à moyen terme, quelle politique et quels dispositifs sont-ils les mieux adaptés ? Autour de quelles grandes priorités peut-on organiser cette politique et ces dispositifs ? Enfin, l'État est-il le mieux placé pour être l'opérateur, ou peut-il déléguer tout ou partie de cette mission à d'autres acteurs, privés ou parapublics ?
Si cette réflexion stratégique est pleinement conduite, les objectifs du programme en découlent ensuite presque naturellement. Ces quelques objectifs stratégiques doivent être choisis avec soin, vous le savez, pour orienter l'action sous tous les aspects de la performance : l'efficacité, c'est-à-dire le point de vue du citoyen, l'efficience, point de vue du contribuable, et la qualité, point de vue de l'usager des services publics.
Quant aux indicateurs de performance, ils se placent encore en aval, afin de mesurer chaque année l'atteinte des objectifs, et votre performance de gestionnaire public.
Cette phase de définition stratégique est donc centrale ! Parce que cette réflexion est fondamentale et qu'elle concerne au premier chef nos concitoyens, le Parlement est invité à se prononcer sur vos stratégies, vos objectifs et vos indicateurs de performance identifiés dans les avant-PAP.
Si nous prenions cette phase de la réforme à la légère, nous passerions à côté de l'esprit de la LOLF. Je compte donc sur vous pour qu'elle soit dès maintenant au coeur de vos préoccupations.
J'appelle aussi votre attention sur un exercice nouveau, mais fondamental, pour expliquer vos budgets au Parlement: la justification des crédits au premier euro.
Dès 2006, il n'y a plus d'un côté la masse des services votés, et de l'autre l'enjeu des mesures nouvelles.
Il ne s'agit plus de justifier une demande budgétaire supplémentaire, ni même de savoir comment vous pourrez réutiliser les économies dégagées en cours de gestion.
L'an prochain, l'utilité même de la dépense sera au coeur de la discussion du budget au Parlement : vous devrez reconquérir l'ensemble de vos moyens.
Vous avez à votre disposition toute une panoplie : moyens humains, crédits d'investissement, d'intervention et de fonctionnement. A vous de les agencer dans la combinaison la plus efficiente : c'est cela la fongibilité, pierre angulaire de votre liberté de gestion, mais également de votre responsabilité de gestionnaire.
La nouvelle procédure vous invite à réfléchir au but même des politiques que vous menez. Elle est l'occasion de redonner du sens à notre action commune. Elle est un gage de clarté, et par là même un facteur de motivation. En nous offrant l'occasion de remettre en cause nos pratiques et nos actions, elle nous rendra moins contestables, plus forts et finalement plus confiants. C'est le pari que je prends devant vous et que je vous invite à relever.
Voilà pourquoi nous ne devons pas perdre une minute pour travailler sur le thème de la justification au premier euro.
2. Revoir le pilotage des services à la lumière de la réforme en marche
Avec la LOLF, nous vivons une profonde mutation de notre cadre de gestion. Le choix très attentif des responsables que vous êtes n'est d'ailleurs pas sans conséquence sur l'organisation. Il est le signe visible d'une mutation qui dépasse tout ce que nous avons pu connaître.
Cette nouvelle donne nous appelle à repenser nos schémas internes de gestion. Elle nous invite à repenser à la fois l'organigramme de nos administrations et le rôle de chacun : celui de la direction des affaires financières, de la direction des ressources humaines, mais également votre propre mode de fonctionnement avec certaines directions de métiers et certaines fonctions transversales dans nos ministères.
C'est un travail important qui doit être pris très au sérieux. C'est un projet pour lequel doivent se mobiliser des ressources conséquentes. Pour réussir ce chantier d'organisation, les équipes projet LOLF doivent être renforcées. Vous devrez veiller à ce que tous les métiers concernés y soient représentés : les financiers et les comptables bien sûr, mais aussi les gestionnaires, les opérateurs, les spécialistes de communication et de formation, ainsi que les responsables des systèmes d'information.
Car il est une chose dont je suis bien convaincu : les changements ne se feront pas tous seuls, quel que soit votre enthousiasme et votre engagement !
Il faudra aussi expliquer ces changements aux agents qui verront leur travail évoluer. Ils devront donc être accompagnés par une formation adaptée. Une information complète doit irriguer le dialogue social.
Les équipes doivent, en effet, se familiariser avec le nouveau cadre de gestion et la nouvelle répartition des responsabilités. Des secrétaires généraux vont être nommés dans chaque ministère pour coordonner les réformes et la mise en place des nouveaux circuits de décision et de gestion : c'est une bonne chose. Le Premier Ministre a insisté le mois dernier sur ce point.
Cette réforme exige aussi de vous que vous fassiez confiance à vos gestionnaires. C'est en diffusant cet esprit de confiance et de responsabilité que la réforme gagnera toutes les strates de notre État.
Je voudrais en venir aux aspects déconcentrés de la LOLF.
Comme vous le savez, les budgets opérationnels de programme (les BOP) vont être le support de la déclinaison des budgets et du pilotage par la performance au sein même de vos programmes, au niveau central et déconcentré.
Un BOP, c'est très simple, c'est un programme en miniature. Une sous-enveloppe de crédits globalisés, avec également des objectifs et des indicateurs opérationnels, déclinés à partir de ceux sur lesquels le ministre et le responsable de programme s'engagent devant le Parlement.
Le BOP repose sur une logique de responsabilisation des gestionnaires délégués. J'attends des responsables de programme qu'ils sélectionnent avec grand soin les gestionnaires auxquels ils délégueront un BOP et qu'ils mettent en place des outils de suivi de qualité de cette gestion déléguée. C'est parce qu'ils se sentiront investis de cette responsabilité de gestion qu'ils s'engageront de manière volontariste dans une logique de performance.
Encore faut-il que vous les ayez bien choisis, suffisamment motivés et correctement encadrés.
C'est ainsi, en engageant chacun des agents de l'État dans cette dynamique de changement, que la réforme sera le succès pour lequel nous nous battons.
Le dialogue de gestion constitue ce nouveau cadre de travail : il va structurer les échanges entre délégant et délégataire, particulièrement pour les services déconcentrés.
Les préfets auront un rôle important à jouer dans la vie des BOP : c'est à eux que reviendra la nécessaire coordination interministérielle sur leur territoire de compétence. J'ai déjà eu l'occasion de le dire le 23 septembre à l'ensemble des préfets, réunis pour la présentation du PLF 2005. Je leur redirai le mois prochain, lors de leur prochaine réunion autour du Ministre de l'Intérieur.
Pour janvier 2005, les schémas d'organisation des budgets opérationnels de programme devront être définis, ainsi que les caractéristiques du dialogue de gestion. Ainsi, dès le premier semestre 2005, les travaux préparatoires à l'élaboration des BOP 2006 pourront être entrepris, sur les meilleures bases. Naturellement, un important effort de formation devra, là encore, accompagner la constitution des BOP.
3. L'évolution de la GRH
Les nouvelles responsabilités des gestionnaires de BOP, mais également la mobilisation des agents autour de la performance, nécessitent que les modes de gestion des ressources humaines évoluent. Pour être performant, il faut pouvoir ajuster au mieux les effectifs en fonction des besoins et des compétences requises.
La fin du carcan des emplois budgétaires va permettre d'être plus réactif et proactif dans la gestion des ressources humaines. Et les marges de progrès sont énormes en la matière !
Je souhaite que ces nouvelles possibilités de gestion soient utilisées au mieux, et qu'elles permettent de prendre en compte l'aspiration d'évolution des agents, dans le cadre d'un dialogue personnalisé.
A l'occasion de la réunion du 11 octobre, le Premier ministre a insisté sur sa volonté de développer la rémunération au mérite. Celle-ci sera étendue à tous les directeurs d'ici la fin de l'année prochaine. Voilà de bons jalons sur notre route vers la performance.
En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la LOLF est, dans le contexte actuel, une opportunité unique.
Les expérimentations ont démontré l'apport de la réforme dans la gestion au quotidien.
Si le budget de l'État est contraint, il existe sur le terrain des marges de manoeuvre significatives pour améliorer le fonctionnement journalier de l'État.
L'enjeu de la mise en oeuvre du changement est justement de profiter de ces sources d'économies utiles et intelligentes.
La globalisation des crédits va permettre aux services qui font des économies d'en profiter pour réaliser d'autres dépenses dans l'intérêt du public, mais également dans celui des agents.
C'est au plus près de l'action et en ayant en main toute l'information nécessaire que l'on peut prendre des décisions pertinentes de bonne gestion.
Dans cet esprit, je vous invite à renforcer vos structures de contrôle de gestion. Celles-ci permettront d'identifier les gisements de productivité et d'orienter les réformes internes à entreprendre. L'émulation coopérative entre des entités dont les métiers et activités sont comparables doit également être encouragée : certains appellent cela le " benchmark ". Ce mot anglais me déplaît, mais pas ce qui est derrière : il permet de mobiliser les équipes autour de la recherche de la performance et de détecter les bonnes pratiques qui méritent d'être généralisées.
La création de services spécialisés, comme un service achat, peut être la source d'économies d'échelle significatives. Réfléchissez-y sans tarder.
Nous vous avons donné à travers la LOLF les outils pour accompagner vos efforts et construire votre succès. Aujourd'hui, nous mettons en ligne à Bercy un nouveau site.
Vous pouvez en avoir un avant-goût sur l'écran derrière moi. Ce site est plus convivial, plus complet et plus concret que les précédents. Il vous est destiné.
C'est un outil à la disposition des expérimentateurs qui, notamment, pourront échanger sur leurs bonnes pratiques.
Le 1er janvier 2006, c'est demain. A cette date, il faut que les nouveaux dispositifs de gestion soient en place et qu'ils fonctionnent.
C'est donc dès aujourd'hui qu'il faut se mobiliser sur les changements internes d'organisation, pour faire en sorte que la nouvelle gestion publique devienne une réalité.
Soyez ambitieux. Les idées et l'enthousiasme des dirigeants de terrain que j'ai rencontrés à l'occasion de mes déplacements en régions me confortent dans l'idée que le succès de la réforme est à votre portée, pour notre plus grand bénéfice à tous.
C'est en interne que nous trouverons les marges budgétaires permettant d'offrir aux Français un service public de meilleure qualité. A vous de savoir mobiliser ces ressources.
Mesdames et Messieurs les responsables de programme, j'ai confiance dans votre travail et dans votre engagement.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 8 novembre 2004)
Je me réjouis vivement de pouvoir ouvrir ce séminaire de travail. Car il marque une étape importante dans la réforme de l'État.
Un nouveau métier vous rassemble : responsables de programme LOLF. A travers vous toutes et vous tous, la performance fait son entrée dans les objectifs de gestion de l'administration.
Je suis heureux que nous puissions réunir ce matin l'ensemble des responsables de programme LOLF à Bercy. C'est une première que je suis très honoré de vivre avec vous.
Comme je l'avais souligné devant certains d'entre vous le 11 octobre dernier, à l'occasion d'une rencontre autour du Premier ministre, nous devons travailler pour préparer dans les meilleures conditions l'année 2005. Même si la LOLF n'entre officiellement en vigueur que pour le budget 2006, la prochaine année sera décisive pour le succès de la réforme budgétaire : c'est sur le socle que vous allez bâtir avec nous, tout au long de 2005, que reposera toute la réforme.
Ce succès, nous le bâtirons ensemble. Pour ce faire, la LOLF ne doit plus rester une affaire de spécialistes, confinée à Bercy et dans les directions financières des grands ministères. Les principes de la réforme budgétaire doivent irriguer l'ensemble des champs de l'action publique. C'est de vous que dépend, pour une très large part, la diffusion des nouvelles pratiques de gestion.
Les enjeux managériaux de cette très forte évolution sont essentiels.
Il est nécessaire que nous nous arrêtions ensemble, ce matin, sur ce nouvel esprit managérial que vous avez à faire vivre au sein de chacun des programmes dont vous avez la responsabilité.
C'est un nouveau et beau défi qu'il vous faut relever. C'est pour cela que vos ministres vous ont choisis.
Quel est l'enjeu fondamental de la loi organique relative aux lois de finances ? Rien de moins que de faire passer la gestion de l'État d'une logique de moyens à une logique de résultats. Les budgets ne seront plus présentés par ministères, mais par grandes politiques publiques.
Des stratégies et des objectifs seront assignés à chacun des programmes de l'État et la performance de l'action administrative ne sera plus un thème de discours, mais au contraire une réalité, votre performance en tant que responsables de programme, suivie grâce à des indicateurs de performance.
Où en sommes-nous au moment où je vous parle ?
Le nouveau cadre budgétaire est à présent en place. Les 34 missions (dont 9 sont interministérielles), les 132 programmes et les quelques 580 actions sont maintenant clairement identifiés.
Les crédits du budget 2005 ont été répartis, à titre indicatif, selon cette nouvelle architecture. Et surtout, les premiers objectifs et indicateurs de performance sont prêts et seront présentés au Parlement cette semaine dans les avant-projets annuels de performances, avec une bonne année d'avance. Nous sommes donc en mesure de montrer que cette réforme est bel et bien en marche. Et je vous remercie, ainsi que toute l'équipe de Franck Mordacq, pour tout le travail que vous avez accompli ces dernières semaines pour parvenir à finaliser ces nouveaux documents.
Cela étant, ce n'est pas parce que les nouveaux documents budgétaires commencent à prendre forme que la partie est gagnée.
Nous nous sommes rapprochés de l'objectif, mais bien des efforts restent à accomplir dans les mois qui nous séparent du 1er janvier 2006 pour que la LOLF vienne transformer, avec le succès et la force que nous souhaitons tous, la vie de notre administration. De toute notre administration.
Et pour vous toutes et vous tous, les choses sérieuses commenceront dès le 1er janvier 2005 avec l'ouverture du premier cycle budgétaire en mode LOLF.
Je voudrais insister particulièrement sur trois points, que vous allez pouvoir approfondir par vos échanges ce matin : la réflexion stratégique, le pilotage des services et l'évolution de la gestion des ressources humaines (GRH).
1. Intensifier la réflexion sur la stratégie
Dans les avant-projets annuels de performances, vous avez exposé les premiers éléments de votre stratégie. Mais, la réflexion stratégique doit se poursuivre et s'intensifier.
La stratégie d'un programme est un élément clé de la réforme. C'est un instrument de dialogue avec Bercy et avec le Parlement.
C'est la base du dialogue de gestion qui sera le vecteur de votre pilotage du programme.
Cette stratégie doit servir à mettre en perspective l'action de l'État pour la politique concernée. Cette stratégie donnera son sens à l'action publique dont vous aurez la charge, et justifiera les moyens que vous obtiendrez en contrepartie de vos objectifs, au regard de l'utilité économique et sociale du programme dont vous aurez la charge.
Il s'agit de se poser les questions suivantes : est-il légitime que l'État intervienne dans ce domaine, oui ou non ? Quelle finalité ultime vise-t-on ? Pour atteindre ce but à moyen terme, quelle politique et quels dispositifs sont-ils les mieux adaptés ? Autour de quelles grandes priorités peut-on organiser cette politique et ces dispositifs ? Enfin, l'État est-il le mieux placé pour être l'opérateur, ou peut-il déléguer tout ou partie de cette mission à d'autres acteurs, privés ou parapublics ?
Si cette réflexion stratégique est pleinement conduite, les objectifs du programme en découlent ensuite presque naturellement. Ces quelques objectifs stratégiques doivent être choisis avec soin, vous le savez, pour orienter l'action sous tous les aspects de la performance : l'efficacité, c'est-à-dire le point de vue du citoyen, l'efficience, point de vue du contribuable, et la qualité, point de vue de l'usager des services publics.
Quant aux indicateurs de performance, ils se placent encore en aval, afin de mesurer chaque année l'atteinte des objectifs, et votre performance de gestionnaire public.
Cette phase de définition stratégique est donc centrale ! Parce que cette réflexion est fondamentale et qu'elle concerne au premier chef nos concitoyens, le Parlement est invité à se prononcer sur vos stratégies, vos objectifs et vos indicateurs de performance identifiés dans les avant-PAP.
Si nous prenions cette phase de la réforme à la légère, nous passerions à côté de l'esprit de la LOLF. Je compte donc sur vous pour qu'elle soit dès maintenant au coeur de vos préoccupations.
J'appelle aussi votre attention sur un exercice nouveau, mais fondamental, pour expliquer vos budgets au Parlement: la justification des crédits au premier euro.
Dès 2006, il n'y a plus d'un côté la masse des services votés, et de l'autre l'enjeu des mesures nouvelles.
Il ne s'agit plus de justifier une demande budgétaire supplémentaire, ni même de savoir comment vous pourrez réutiliser les économies dégagées en cours de gestion.
L'an prochain, l'utilité même de la dépense sera au coeur de la discussion du budget au Parlement : vous devrez reconquérir l'ensemble de vos moyens.
Vous avez à votre disposition toute une panoplie : moyens humains, crédits d'investissement, d'intervention et de fonctionnement. A vous de les agencer dans la combinaison la plus efficiente : c'est cela la fongibilité, pierre angulaire de votre liberté de gestion, mais également de votre responsabilité de gestionnaire.
La nouvelle procédure vous invite à réfléchir au but même des politiques que vous menez. Elle est l'occasion de redonner du sens à notre action commune. Elle est un gage de clarté, et par là même un facteur de motivation. En nous offrant l'occasion de remettre en cause nos pratiques et nos actions, elle nous rendra moins contestables, plus forts et finalement plus confiants. C'est le pari que je prends devant vous et que je vous invite à relever.
Voilà pourquoi nous ne devons pas perdre une minute pour travailler sur le thème de la justification au premier euro.
2. Revoir le pilotage des services à la lumière de la réforme en marche
Avec la LOLF, nous vivons une profonde mutation de notre cadre de gestion. Le choix très attentif des responsables que vous êtes n'est d'ailleurs pas sans conséquence sur l'organisation. Il est le signe visible d'une mutation qui dépasse tout ce que nous avons pu connaître.
Cette nouvelle donne nous appelle à repenser nos schémas internes de gestion. Elle nous invite à repenser à la fois l'organigramme de nos administrations et le rôle de chacun : celui de la direction des affaires financières, de la direction des ressources humaines, mais également votre propre mode de fonctionnement avec certaines directions de métiers et certaines fonctions transversales dans nos ministères.
C'est un travail important qui doit être pris très au sérieux. C'est un projet pour lequel doivent se mobiliser des ressources conséquentes. Pour réussir ce chantier d'organisation, les équipes projet LOLF doivent être renforcées. Vous devrez veiller à ce que tous les métiers concernés y soient représentés : les financiers et les comptables bien sûr, mais aussi les gestionnaires, les opérateurs, les spécialistes de communication et de formation, ainsi que les responsables des systèmes d'information.
Car il est une chose dont je suis bien convaincu : les changements ne se feront pas tous seuls, quel que soit votre enthousiasme et votre engagement !
Il faudra aussi expliquer ces changements aux agents qui verront leur travail évoluer. Ils devront donc être accompagnés par une formation adaptée. Une information complète doit irriguer le dialogue social.
Les équipes doivent, en effet, se familiariser avec le nouveau cadre de gestion et la nouvelle répartition des responsabilités. Des secrétaires généraux vont être nommés dans chaque ministère pour coordonner les réformes et la mise en place des nouveaux circuits de décision et de gestion : c'est une bonne chose. Le Premier Ministre a insisté le mois dernier sur ce point.
Cette réforme exige aussi de vous que vous fassiez confiance à vos gestionnaires. C'est en diffusant cet esprit de confiance et de responsabilité que la réforme gagnera toutes les strates de notre État.
Je voudrais en venir aux aspects déconcentrés de la LOLF.
Comme vous le savez, les budgets opérationnels de programme (les BOP) vont être le support de la déclinaison des budgets et du pilotage par la performance au sein même de vos programmes, au niveau central et déconcentré.
Un BOP, c'est très simple, c'est un programme en miniature. Une sous-enveloppe de crédits globalisés, avec également des objectifs et des indicateurs opérationnels, déclinés à partir de ceux sur lesquels le ministre et le responsable de programme s'engagent devant le Parlement.
Le BOP repose sur une logique de responsabilisation des gestionnaires délégués. J'attends des responsables de programme qu'ils sélectionnent avec grand soin les gestionnaires auxquels ils délégueront un BOP et qu'ils mettent en place des outils de suivi de qualité de cette gestion déléguée. C'est parce qu'ils se sentiront investis de cette responsabilité de gestion qu'ils s'engageront de manière volontariste dans une logique de performance.
Encore faut-il que vous les ayez bien choisis, suffisamment motivés et correctement encadrés.
C'est ainsi, en engageant chacun des agents de l'État dans cette dynamique de changement, que la réforme sera le succès pour lequel nous nous battons.
Le dialogue de gestion constitue ce nouveau cadre de travail : il va structurer les échanges entre délégant et délégataire, particulièrement pour les services déconcentrés.
Les préfets auront un rôle important à jouer dans la vie des BOP : c'est à eux que reviendra la nécessaire coordination interministérielle sur leur territoire de compétence. J'ai déjà eu l'occasion de le dire le 23 septembre à l'ensemble des préfets, réunis pour la présentation du PLF 2005. Je leur redirai le mois prochain, lors de leur prochaine réunion autour du Ministre de l'Intérieur.
Pour janvier 2005, les schémas d'organisation des budgets opérationnels de programme devront être définis, ainsi que les caractéristiques du dialogue de gestion. Ainsi, dès le premier semestre 2005, les travaux préparatoires à l'élaboration des BOP 2006 pourront être entrepris, sur les meilleures bases. Naturellement, un important effort de formation devra, là encore, accompagner la constitution des BOP.
3. L'évolution de la GRH
Les nouvelles responsabilités des gestionnaires de BOP, mais également la mobilisation des agents autour de la performance, nécessitent que les modes de gestion des ressources humaines évoluent. Pour être performant, il faut pouvoir ajuster au mieux les effectifs en fonction des besoins et des compétences requises.
La fin du carcan des emplois budgétaires va permettre d'être plus réactif et proactif dans la gestion des ressources humaines. Et les marges de progrès sont énormes en la matière !
Je souhaite que ces nouvelles possibilités de gestion soient utilisées au mieux, et qu'elles permettent de prendre en compte l'aspiration d'évolution des agents, dans le cadre d'un dialogue personnalisé.
A l'occasion de la réunion du 11 octobre, le Premier ministre a insisté sur sa volonté de développer la rémunération au mérite. Celle-ci sera étendue à tous les directeurs d'ici la fin de l'année prochaine. Voilà de bons jalons sur notre route vers la performance.
En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la LOLF est, dans le contexte actuel, une opportunité unique.
Les expérimentations ont démontré l'apport de la réforme dans la gestion au quotidien.
Si le budget de l'État est contraint, il existe sur le terrain des marges de manoeuvre significatives pour améliorer le fonctionnement journalier de l'État.
L'enjeu de la mise en oeuvre du changement est justement de profiter de ces sources d'économies utiles et intelligentes.
La globalisation des crédits va permettre aux services qui font des économies d'en profiter pour réaliser d'autres dépenses dans l'intérêt du public, mais également dans celui des agents.
C'est au plus près de l'action et en ayant en main toute l'information nécessaire que l'on peut prendre des décisions pertinentes de bonne gestion.
Dans cet esprit, je vous invite à renforcer vos structures de contrôle de gestion. Celles-ci permettront d'identifier les gisements de productivité et d'orienter les réformes internes à entreprendre. L'émulation coopérative entre des entités dont les métiers et activités sont comparables doit également être encouragée : certains appellent cela le " benchmark ". Ce mot anglais me déplaît, mais pas ce qui est derrière : il permet de mobiliser les équipes autour de la recherche de la performance et de détecter les bonnes pratiques qui méritent d'être généralisées.
La création de services spécialisés, comme un service achat, peut être la source d'économies d'échelle significatives. Réfléchissez-y sans tarder.
Nous vous avons donné à travers la LOLF les outils pour accompagner vos efforts et construire votre succès. Aujourd'hui, nous mettons en ligne à Bercy un nouveau site.
Vous pouvez en avoir un avant-goût sur l'écran derrière moi. Ce site est plus convivial, plus complet et plus concret que les précédents. Il vous est destiné.
C'est un outil à la disposition des expérimentateurs qui, notamment, pourront échanger sur leurs bonnes pratiques.
Le 1er janvier 2006, c'est demain. A cette date, il faut que les nouveaux dispositifs de gestion soient en place et qu'ils fonctionnent.
C'est donc dès aujourd'hui qu'il faut se mobiliser sur les changements internes d'organisation, pour faire en sorte que la nouvelle gestion publique devienne une réalité.
Soyez ambitieux. Les idées et l'enthousiasme des dirigeants de terrain que j'ai rencontrés à l'occasion de mes déplacements en régions me confortent dans l'idée que le succès de la réforme est à votre portée, pour notre plus grand bénéfice à tous.
C'est en interne que nous trouverons les marges budgétaires permettant d'offrir aux Français un service public de meilleure qualité. A vous de savoir mobiliser ces ressources.
Mesdames et Messieurs les responsables de programme, j'ai confiance dans votre travail et dans votre engagement.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 8 novembre 2004)