Texte intégral
Q - Allons-nous vers l'Europe puissance, Monsieur le Ministre ?
R - Ma réponse est oui. Une Constitution, ce n'est pas un projet, ce n'est pas la Constitution qui donne la puissance. Une Constitution, c'est un outil au service du projet, et pour autant, il faut encore la volonté des dirigeants européens pour utiliser ces outils et construire des politiques qui donnent de la puissance et de l'influence. C'est ce que nous avons d'ailleurs fait depuis cinquante ans, progressivement, avant même d'avoir cette Constitution, dans certains domaines où l'Europe est devenue une vraie puissance. Nous sommes une vraie puissance commerciale dans le monde, avec 450 millions de consommateurs, des entreprises présentes partout sur la planète. Nous sommes une puissance commerciale qui négocie avec une seule voix. Nous parlons d'une seule voix quand il s'agit de négociation de l'Organisation mondiale du commerce, par exemple. Nous avons une puissance économique, nous avons une puissance monétaire avec la monnaie unique qui sera bientôt, j'en suis sûr, la deuxième grande monnaie de référence ; elle l'est presque déjà devenue dans le monde aux côtés du dollar, mais cela ne suffit pas. Et voilà pourquoi, dans cette Constitution, il y a les outils pour la puissance politique. Ma conviction, c'est que l'Europe doit être capable - à condition que nous ayons confiance en nous-mêmes - d'être un acteur majeur dans le monde, au côté d'autres acteurs. Le monde est instable, le monde est actuellement dangereux, il y a des menaces ou des explosions un peu partout ; d'ailleurs, je le dis en passant, sauf dans les pays de l'Union européenne parce qu'ils ont voulu se mettre dans un mouvement de paix et de stabilité définitif, et que nous avons réussi à tenir cette promesse de paix et de stabilité grâce à l'Union européenne. Mais partout ailleurs, le monde est instable. Voulons-nous ou pas participer à une autre organisation du monde que celle que nous connaissons aujourd'hui avec une seule grande puissance, et beaucoup de désordre tout autour ? Je pense que c'est l'intérêt des Etats-Unis, qui sont nos alliés, c'est notre propre intérêt, c'est l'intérêt du monde de demain que d'être organisés entre plusieurs pôles. Il y a l'Europe qui s'organise, il y a d'autres grandes puissances qui sont des pays qui ont une dimension continentale : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil ; nous-mêmes, en Europe, aucun pays de l'Union n'a la capacité de compter par lui-même tout seul, même l'Allemagne ou la France ou la Pologne qui sont de grands pays, ou l'Espagne, ou l'Italie. En revanche, ensemble, nous pouvons compter. Donc nous comptons sur le plan économique, nous comptons sur le plan monétaire, il faut désormais avoir l'ambition de compter sur le plan politique : avoir une politique étrangère commune - je n'ai pas dit "unique" mais "commune" - et dans la Constitution, il y a le poste, l'outil qui nous le permettra avec ce ministre des Affaires étrangères de l'Europe. L'europe deviendra également une puissance militaire, en ayant une capacité complémentaire, mais aussi autonome, en matière de défense et de sécurité.
Q - Monsieur le Ministre, comment ce pôle Europe va-t-il se présenter face à l'ONU ? Le pôle Europe devra rentrer dans l'ONU, il n'y est pas ; il y est par certains Etats, mais pas par tous.
R - Je pense qu'il faut mettre les choses dans l'ordre et ne pas vouloir aller trop vite. Nous avons plusieurs pays européens - la France, le Royaume-Uni, peut-être un jour l'Allemagne - qui sont membres du Conseil de sécurité des Nations unies, membres permanents, et ce sont des voix et des positions très utiles. La première étape, c'est qu'on utilise cette voix et ce pouvoir d'influence en coordination, en bonne intelligence avec les autres pays européens, et voilà pourquoi il nous faut d'abord les outils, les lieux et les moments d'une diplomatie commune et d'une politique étrangère, d'une réflexion géopolitique commune. Il y aura pour cela le ministre des Affaires étrangères qui va animer à Bruxelles un lieu où s'élaborera une culture diplomatique commune. C'est cela qui nous a manqué à propos de l'Irak, c'est cela qui nous a manqué, il y a quinze ans, quand la Yougoslavie a explosé. Nous sommes toujours surpris par les crises et, dans l'urgence, dans la crise, on ne peut pas être unis si on ne l'a pas été avant. Donc commençons par le début, faisons des analyses sur les grands enjeux qui nous entourent : les Balkans, la Méditerranée, nos relations transatlantiques. Et cela va être le travail de ce ministre des Affaires étrangères européen que d'élaborer patiemment, avec une alchimie entre nos différents diplomates, ces positions communes et cette géopolitique commune européenne. Et ainsi, vous verrez que, aux Nations unies, progressivement, nous aurons - c'est déjà souvent le cas - des positions communes à travers nos représentants au Conseil de sécurité. Mais prenons les choses dans l'ordre et commençons, avec les outils de cette Constitution, à nous doter d'une vision commune, d'une analyse commune sur les grands problèmes du monde.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2004)
R - Ma réponse est oui. Une Constitution, ce n'est pas un projet, ce n'est pas la Constitution qui donne la puissance. Une Constitution, c'est un outil au service du projet, et pour autant, il faut encore la volonté des dirigeants européens pour utiliser ces outils et construire des politiques qui donnent de la puissance et de l'influence. C'est ce que nous avons d'ailleurs fait depuis cinquante ans, progressivement, avant même d'avoir cette Constitution, dans certains domaines où l'Europe est devenue une vraie puissance. Nous sommes une vraie puissance commerciale dans le monde, avec 450 millions de consommateurs, des entreprises présentes partout sur la planète. Nous sommes une puissance commerciale qui négocie avec une seule voix. Nous parlons d'une seule voix quand il s'agit de négociation de l'Organisation mondiale du commerce, par exemple. Nous avons une puissance économique, nous avons une puissance monétaire avec la monnaie unique qui sera bientôt, j'en suis sûr, la deuxième grande monnaie de référence ; elle l'est presque déjà devenue dans le monde aux côtés du dollar, mais cela ne suffit pas. Et voilà pourquoi, dans cette Constitution, il y a les outils pour la puissance politique. Ma conviction, c'est que l'Europe doit être capable - à condition que nous ayons confiance en nous-mêmes - d'être un acteur majeur dans le monde, au côté d'autres acteurs. Le monde est instable, le monde est actuellement dangereux, il y a des menaces ou des explosions un peu partout ; d'ailleurs, je le dis en passant, sauf dans les pays de l'Union européenne parce qu'ils ont voulu se mettre dans un mouvement de paix et de stabilité définitif, et que nous avons réussi à tenir cette promesse de paix et de stabilité grâce à l'Union européenne. Mais partout ailleurs, le monde est instable. Voulons-nous ou pas participer à une autre organisation du monde que celle que nous connaissons aujourd'hui avec une seule grande puissance, et beaucoup de désordre tout autour ? Je pense que c'est l'intérêt des Etats-Unis, qui sont nos alliés, c'est notre propre intérêt, c'est l'intérêt du monde de demain que d'être organisés entre plusieurs pôles. Il y a l'Europe qui s'organise, il y a d'autres grandes puissances qui sont des pays qui ont une dimension continentale : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil ; nous-mêmes, en Europe, aucun pays de l'Union n'a la capacité de compter par lui-même tout seul, même l'Allemagne ou la France ou la Pologne qui sont de grands pays, ou l'Espagne, ou l'Italie. En revanche, ensemble, nous pouvons compter. Donc nous comptons sur le plan économique, nous comptons sur le plan monétaire, il faut désormais avoir l'ambition de compter sur le plan politique : avoir une politique étrangère commune - je n'ai pas dit "unique" mais "commune" - et dans la Constitution, il y a le poste, l'outil qui nous le permettra avec ce ministre des Affaires étrangères de l'Europe. L'europe deviendra également une puissance militaire, en ayant une capacité complémentaire, mais aussi autonome, en matière de défense et de sécurité.
Q - Monsieur le Ministre, comment ce pôle Europe va-t-il se présenter face à l'ONU ? Le pôle Europe devra rentrer dans l'ONU, il n'y est pas ; il y est par certains Etats, mais pas par tous.
R - Je pense qu'il faut mettre les choses dans l'ordre et ne pas vouloir aller trop vite. Nous avons plusieurs pays européens - la France, le Royaume-Uni, peut-être un jour l'Allemagne - qui sont membres du Conseil de sécurité des Nations unies, membres permanents, et ce sont des voix et des positions très utiles. La première étape, c'est qu'on utilise cette voix et ce pouvoir d'influence en coordination, en bonne intelligence avec les autres pays européens, et voilà pourquoi il nous faut d'abord les outils, les lieux et les moments d'une diplomatie commune et d'une politique étrangère, d'une réflexion géopolitique commune. Il y aura pour cela le ministre des Affaires étrangères qui va animer à Bruxelles un lieu où s'élaborera une culture diplomatique commune. C'est cela qui nous a manqué à propos de l'Irak, c'est cela qui nous a manqué, il y a quinze ans, quand la Yougoslavie a explosé. Nous sommes toujours surpris par les crises et, dans l'urgence, dans la crise, on ne peut pas être unis si on ne l'a pas été avant. Donc commençons par le début, faisons des analyses sur les grands enjeux qui nous entourent : les Balkans, la Méditerranée, nos relations transatlantiques. Et cela va être le travail de ce ministre des Affaires étrangères européen que d'élaborer patiemment, avec une alchimie entre nos différents diplomates, ces positions communes et cette géopolitique commune européenne. Et ainsi, vous verrez que, aux Nations unies, progressivement, nous aurons - c'est déjà souvent le cas - des positions communes à travers nos représentants au Conseil de sécurité. Mais prenons les choses dans l'ordre et commençons, avec les outils de cette Constitution, à nous doter d'une vision commune, d'une analyse commune sur les grands problèmes du monde.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2004)