Texte intégral
Mes amis, nous voici à nouveau réunis, 4 ans après Tours, 4 ans après que nous avons décidé de bâtir notre nouvelle CFE-CGC, la CFE-CGC du troisième millénaire. Eh bien ! je vous propose tout simplement de poursuivre et d'accentuer les orientations que nous avions retenues. Je vous propose aussi d'aller plus loin, de nous fixer des objectifs encore plus ambitieux.
Je vous avais dit à Tours : " Nous devons retrouver notre place par un effort de développement et de notoriété ". Qui peut prétendre que ce n'a pas été le cas ?
Elections MSA en 1999 : 20 % des suffrages, la deuxième organisation syndicale du monde agricole.
Elections prud'homales en décembre 2002 : 7 % des suffrages, en progression de 18,8 %. Alors que les chroniques nécrologiques étaient déjà prêtes, nous avons mis un terme à 20 ans d'effritement.
Elections professionnelles : nous avons accru notre avance dans le collège cadres sur nos concurrents et nous avons gagné 1 point dans le deuxième collège, avec 12,7 %.
Nous sommes devenus la troisième organisation syndicale des entreprises du CAC 40, tous collèges confondus. A simple titre d'exemple, je citerais Renault parce que c'est symbolique, 1ère place en nombre d'élus, 2ème en nombre de voix ; Société Générale, 1ère en voix et en sièges ; Air France et Aéroport de Paris, Airbus, Dassault, Peugeot.
J'arrête là cette énumération parce qu'il faudrait y passer toute la Bourse. Que tous les autres me pardonnent.
Augmentation du nombre de nos adhérents : 14 % de progression en 3 ans cela fait plus de 4 % par an. Cela met un terme à des années de stagnation. Là encore je ne citerais que notre Fédération INOVA qui rassemble l'hôtellerie restauration, les métiers du sport et des loisirs et qui a plus que doublé ses effectifs en 3 ans.
Cela c'est votre travail avant tout. Vos efforts dans les sections syndicales, les Fédérations et les Unions territoriales. C'est aussi les nouveaux moyens mis en place :
- un vrai site Web moderne, complet, attractif, qui nous apporte d'ailleurs plus d'une adhésion spontanée par jour ;
- un Intra net qui est le vôtre, et sur lequel vous puisez tous les éléments indispensables à votre communication et à votre action. 4.000 militants disposent aujourd'hui de cette connexion intranet. Beaucoup plus encore demain. Et nos Unions seront équipées en ADSL dès les prochains jours.
J'ai dit, à Tours, que la notoriété de notre organisation n'était pas au niveau où elle devait être. Notre force de conviction, et nos efforts constants, ont facilité notre expression dans les médias.
Mais c'est également notre baromètre, tous les 4 mois, complété par le nouveau baromètre stress.
Et puis je crois que notre campagne prud'homale sur les murs et sur les ondes n'est pas passée tout à fait inaperçue. L'un d'entre vous a-t-il manqué nos affiches ?
Mais il faut aujourd'hui franchir un cap supplémentaire. Un cap qui nous permettra d'aller encore plus loin pour le développement syndical.
Vous savez tous que, contrairement à la plupart des pays voisins, l'adhésion syndicale n'apporte en France aucun avantage particulier, ce qui, au passage, rend vain le discours apitoyé et pour le moins hypocrite sur la faiblesse des effectifs syndicaux.
Etre syndiqué c'est encore trop souvent synonyme de blocage des carrières, de marginalisation, quand ce n'est pas carrément de passage par la case ANPE. Le fait syndical reste un combat. Pour aider nos militants et les soutenir dans leur action, il nous faut donc inventer notre propre plus-value syndicale.
C'est l'assurance collective pour nos adhérents et militants dans le cadre de leurs activités syndicales.
C'est l'assurance de la responsabilité professionnelle pour tous les adhérents. Bien évidemment, là encore, auprès de notre partenaire privilégié, la MACIF.
C'est encore l'assurance pour nos adhérents de pouvoir bénéficier de la compétence de nos services spécialisés en droit du travail, sur la protection sociale ou en fiscalité.
C'est aujourd'hui l'assistance psychologique pour tous, qui est disponible à dater de ce Congrès et qui vous sera présentée tout à l'heure.
J'avais proposé à Tours une assistance juridique pour tous. Les réticences de certaines Fédérations, qui rendaient déjà ce service, n'ont pas permis de le concrétiser. Mais les esprits ont évolué, et je pense que cette solidarité avec nos structures plus démunies, devrait nous permettre d'aboutir et de concrétiser cette assistance juridique au cours de ce mandat. Nous avons un nouveau logiciel de fichier, beaucoup plus performant, qui sera consultable par nos Unions territoriales et que nous mettrons gratuitement à la disposition de nos Fédérations.
Répondre aux attentes des sections syndicales d'entreprise et d'administrations, qui s'adressent de plus en plus à la Confédération, constitue un axe de service que nous entendons poursuivre. Pour cela le nouveau bureau que vous aurez à élire cet après-midi comprendra trois secrétaires nationaux pour gérer l'action, le développement et la communication interne.
Nous avons placé ce Congrès sous le signe de la voile, des nouvelles conquêtes et des nouveaux horizons. Bien sûr c'est un clin d'il à notre militante dans la course, Henriette LEMAY, notre déléguée syndicale d'Hurel-Hispano, partie le 1er novembre du Havre pour la Transat Jacques Vabre. C'est aussi parce qu'il est grand temps de partir à la conquête d'un nouveau modèle social.
Notre modèle social né à la Libération a été formidable. Mais avez-vous un seul exemple d'un modèle qui soit resté immuable, imperturbable aux bouleversements ?
OUI, ce modèle des années 50, 60, 70 est arrivé au bout de ce qu'il pouvait donner.
OUI, il faut le reprendre avec le même courage que nos anciens et la même imagination créatrice.
OUI, il faut oser imaginer l'avenir.
OUI, il faut bouger.
Curieux pays que la France où l'on considère trop souvent que lorsqu'on ne bouge pas, on avance.
OUI, il fallait adapter notre régime de retraite.
OUI, il fallait réinventer notre système de formation professionnelle.
OUI, il faudra revoir l'assurance maladie.
OUI, il faudra repenser l'emploi.
OUI, nous devons imaginer une autre relation au travail et d'autres relations de travail.
OUI, le syndicalisme français devra, lui aussi, évoluermais pas en favorisant ceux qui fuient leurs responsabilités au détriment de ceux qui les prennent. Vous voyez certainement ce que je veux dire.
Je vous invite donc à inventer le monde de demain et non à reproduire à l'identique celui d'hier.
Hier, l'entreprise était une communauté d'hommes et de femmes, réunis dans un but commun : produire et vendre des biens et services. Mais ce n'est plus le cas.
Aujourd'hui la grande entreprise n'est plus regardée qu'à travers deux filtres magiques : le cours de bourse et le dividende versé.
Mais pour nous, CFE-CGC, l'entreprise c'est :
- une communauté d'hommes et de femmes qui ont des intérêts communs ;
- une organisation efficace, un encadrement compétent et des équipes motivées ;
- une entité qui n'a pas qu'une dimension financière mais qui a aussi une dimension économique et une dimension sociale.
L'entreprise a une place dans la Société. Elle en est responsable. Elle est regardée, observée, comparée et parfois épiée sur ses comportements. Une fermeture de site ici, un accident, une pollution par-là, un salaire abusif d'un dirigeant en échec ! Cette responsabilité, elle est aujourd'hui sociétale. En créant l'ORSE, l'observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, c'est devenu une réalité.
Mais cette présence dans la cité, doit être aussi, et d'abord, celle des cadres et de l'encadrement. C'est tout le sens du contrat d'engagement social que nous voulons promouvoir.
Cette thématique nous tient particulièrement à cur. Mais comme souvent nous avons eu raison trop tôt. Il faut convaincre de la nécessité de permettre aux salariés du secteur marchand de s'engager dans le domaine syndical, politique ou associatif. Et cet engagement doit être valorisé dans la dimension professionnelle, dans la carrière. Et je vous le dis, j'ai bon espoir de voir apparaître bientôt les premiers éléments de ce contrat d'engagement social.
Nous voulons aussi permettre aux salariés de réussir leur vie professionnelle et leur équilibre personnel. La question du sacrifice de la vie familiale à l'évolution de carrière ou du sacrifice de la carrière à l'épanouissement familial, ne doit plus se poser.
Mais dans l'entreprise cessons de ne raisonner qu'en termes de coûts. Les compétences humaines sont une ressource pour l'entreprise. Nous demandons que l'on passe d'une logique de coûts à une logique d'investissement.
Les chiffres parlent et les faits sont têtus : toutes les enquêtes montrent que plus de la moitié des cadres ne connaissent pas la stratégie de leur entreprise et, plus grave encore, que le même pourcentage déclare ne pas savoir ce que l'entreprise attend d'eux. L'entreprise doit donner des repères. Et j'ai envie de dire à nos patrons communiquez.
Communiquez en interne, en permanence, et d'abord avec votre encadrement. Redescendez sur terre, la communication de l'entreprise ne peut pas se limiter aux road shows, avec un parterre d'analystes financiers, américains ou japonais. Ce ne sont pas eux qui font les résultats. Ce sont vos salariés, et en premier lieu l'encadrement.
Redonnons du sens à l'engagement et à l'implication, et pourquoi pas par la mise en uvre d'un contrat de fidélité. La ressource humaine qualifiée va devenir la denrée la plus rare, celle qu'il faudra aller chercher, attirer, conserver. Je mets en garde les chefs d'entreprise. N'attendez pas d'y être contraints, sachez anticiper votre gestion humaine et adapter votre management, comme vous essayez de le faire sur le plan des marchés.
Cette anticipation nécessite de reconnaître l'implication de l'encadrement. Sans oublier nos attentes fortes sur les rémunérations.
Il ne peut pas y avoir une France d'en haut qui a droit à tous les privilèges, une France d'en bas qui a droit à toutes les attentions et une France du milieu qui n'a que le droit de payer et de se taire.
Nous attendons également que la mise en place d'une rémunération au mérite pour nos collègues fonctionnaires ne soit pas simplement l'occasion de poursuivre un blocage des salaires, et le creusement de cette fosse aux cadres qui leur à fait tant de mal.
Il ne peut plus, il ne doit plus y avoir de cadres dont la rémunération soit inférieure au plafond de la Sécurité sociale. C'est le sens de notre revendication d'un Salaire minimum interprofessionnel, le SMIP.
Je lis tous les jours avec beaucoup d'étonnement, dans les journaux, le débat sur la disparition de la valeur travail ! Mais avant de remettre la France au travail il faudrait déjà éviter que ceux qui y sont en soient éjectés ! L'alpha et l'oméga d'une politique de l'emploi ne consiste pas à diminuer constamment les effectifs des entreprises pour augmenter ceux de l'ANPE et de l'UNEDIC.
La valeur travail, l'encadrement la connaît !
Les agents de maîtrise, les techniciens, les cadres, souhaitent pouvoir s'impliquer, pouvoir innover. Ils souhaitent prendre leurs responsabilités, avec l'autonomie qui les caractérise.
Et nous dénonçons ce transfert qui rend les cadres responsables, y compris sur leurs biens propres, lorsqu'ils n'ont fait qu'exécuter les directives qui leur ont été transmises. Plus jamais de responsabilités sans moyens de les assumer.
Nous entendons participer aux enjeux et à la veille stratégique de l'entreprise. Vous avez remarqué, dans vos comités d'entreprise, à quel point les décisions en matière sociale sont dictées par des considérations qui viennent de loin, de très loin, hors de l'entreprise. Argument, qui permet aujourd'hui à tout dirigeant d'échapper à sa responsabilité économique et sociale.
Nous voulons participer au développement des compétences de nos collaborateurs. Pour eux-mêmes d'abord et leur employabilité. Pour l'entreprise aussi, pour qu'elle dispose toujours d'un personnel formé et adapté, afin de mieux résister à la concurrence.
Vu pieux direz-vous ? Je commençais à me poser sérieusement la question lorsque je suis tombé sur un document du 3 Juillet 1974. Un document remarquable, auquel je n'aurais pas à changer une virgule. Un document qui a dû malheureusement se perdre lors du déménagement du MEDEF, de la rue Pierre 1er de Serbie à l'Avenue Bosquet. Mais que bien évidemment je tiens à leur disposition.
Ce document s'appelle : " Déclaration commune sur le développement de la concertation avec le personnel d'encadrement des entreprises ". Le texte intégral sera prochainement publié dans Encadrement Magazine. Il est signé par le CNPF et la CGC.
Je sais bien que pour certain Ministre une déclaration commune n'est qu'un chiffon de papier. J'aurais l'occasion d'y revenir. Mais lorsque les partenaires sociaux sont seuls concernés, je respecte toujours la signature de mes prédécesseurs, et j'ai la faiblesse de penser qu'il en est de même chez nos partenaires.
Je ne peux résister à vous en citer un passage :
" La mise en uvre de la délégation des responsabilités ouvre la voie à la concertation avec les cadres, qui sont le véhicule normal des informations dans l'entreprise ". ()
" De même qu'une certaine forme de concertation quotidienne doit se développer dans l'entreprise par la voie hiérarchique aux niveaux opérationnels, notamment à ceux qui sont immédiatement subordonnés, la concertation avec les cadres sur le plan de la politique générale est aussi une nécessité, sans que soit mis en cause le rôle des organes de représentation existant dans l'entreprise. "
Dans ce document tout est dit et bien dit, nous allons donc demander au MEDEF de redonner vie aux engagements du CNPF.
Les lignes de force de la pensée et de l'action confédérale vous sont bien connues. Vous savez tous que nous ne brandissons pas en permanence le petit livre rouge, intangible et verrouillé, de la doctrine confédérale. Avec pragmatisme, nous nous adaptons en permanence à ce monde qui bouge, et qui bouge très vite.
Sur l'emploi.
Sujet incontournable pour une organisation syndicale. Objet de toutes les incantations, mais sujet de toutes les inefficacités.
Nous ne croyons plus aux mesures ponctuelles pour l'emploi. Depuis 30 ans que nous sommes entrés dans une crise, qui rebondit chaque fois que l'on croit en sortir, elles ont toutes eu l'effet d'un cautère sur une jambe de bois.
La désindustrialisation s'amplifie de jour en jour. Je constate même qu'elle s'accélère. Or, malgré toutes les affirmations sur les nouveaux emplois à forte valeur ajoutée, le développement des services etc. tout pays développé a besoin d'un support industriel.
Les mesures d'adaptation sont nécessaires, avec leur cortège de plans, dits sociaux ou de fermeture de sites. Pour y faire face, nous prônons l'anticipation et l'employabilité.
Et je vous propose trois axes de travail.
Utilisons les moyens nouveaux que nous donne le récent accord sur la formation pour que tous les salariés soient en mesure de pouvoir rebondir, saisir des opportunités, changer de métier le plus rapidement possible. Si l'interdiction des licenciements est une démagogie, le besoin de gérer l'emploi largement en amont de la décision économique est une nécessité. L'employabilité est une aventure commune, rassemblant employeurs et salariés, qui doit se discuter, doit se négocier.
Ensuite, agir sur l'emploi, c'est oser changer de périmètre d'action. Il faut s'habituer à travailler localement, au niveau des bassins d'emploi, en interprofessionnel. Les solutions sont locales, elles ne sont ni au niveau de l'entreprise ou du groupe, ni au niveau de la branche professionnelle
Osons poser la question du coût du travail chargé, même si dans les rangs syndicaux c'est un sujet tabou, que personne n'ose affronter en face. Bien sûr, il n'est pas question d'infliger une politique de rigueur salariale, bien au contraire.
Est-ce que la protection sociale, la politique des transports urbains, le logement, et que sais-je encore, doivent toujours être financés, systématiquement, par des charges sur les salaires et donc sur l'emploi ? Il faut ouvrir le débat et j'y reviens au sujet de l'assurance maladie.
Justement, à ce propos, la concertation vient d'être ouverte par Jean-François MATTEI. Il n'y a pas un problème de la santé en France. L'Organisation Mondiale de la Santé classe la France en tête de tous les pays pour la qualité de son système de soins, et l'état sanitaire de la population. Et, de surcroît, avec le meilleur rapport qualité prix. Cessons de nous flageller inutilement.
OUI, il y a un problème d'équilibre et de financement de l'assurance maladie.
Ne racontons pas n'importe quoi, les économies sont hors de proportions avec les déficits. Nous devrons traquer le moindre centime dépensé en trop. Et de cela nous aurons largement l'occasion de débattre tout au long de l'année qui vient.
Mais je refuse d'accepter cet ukase ultra-libéral : pas un sou de plus pour l'assurance maladie.
OUI, ça va nous coûter plus cher. Dans ces conditions, posons sérieusement la problématique du financement.
Il est plus que temps d'étudier, y compris pour les raisons de coût du travail dont je parlais, la mise en place d'une cotisation sociale sur la consommation.
Ce n'est pas un prélèvement supplémentaire, mais un substitut aux cotisations, dites patronales, assises sur les salaires. Parce que nous payons déjà, en tant que consommateurs, ces charges sociales.
Elles font bien partie des coûts des biens et services. Elles ne sortent ni de la poche des patrons, ni de celle des actionnaires.
Le fait de les payer au moment de la consommation n'entraîne aucun surcoût pour les produits fabriqués en France. En revanche les biens et services importés participeront, eux aussi, au financement de notre protection sociale. Ainsi :
nous accroîtrons les ressources de l'assurance maladie ;
nous réduirons le coût du travail sur notre territoire ;
nous favoriserons nos exportations ;
et nous réduirons l'avantage concurrentiel des produits importés.
Après tout, pourquoi serions-nous plus bêtes que les Danois ou les Japonais ?
Et puisque nous en sommes à la santé, il faut régler d'urgence le problème de la dépendance, qu'elle concerne les personnes âgées ou les personnes handicapées. Il est plus que temps de mettre en place un cinquième risque. C'est la seule façon d'être certains de l'affectation des recettes pour cet usage exclusif. On ne nous refera pas le coup de la vignette des vieux !
Le financement de cette solidarité doit peser sur l'ensemble de la Société. À partir de là, et si ces conditions sont remplies, on peut s'interroger, pour les salariés, sur le choix entre un prélèvement supplémentaire sur nos salaires -et donc une diminution de nos revenus disponibles- ou la suppression d'un jour férié.
Nous engagerons un débat serein, hors de l'agitation médiatique, sur ce thème, avec notre Comité Directeur.
Et quant aux retraites, je ne reviens pas sur la réforme du régime général intervenue au printemps, sinon pour dire qu'elle a été préparée, concertée, voire négociée, contrairement à ce que certains ont pu prétendre. Qu'en ce qui concerne la CFE-CGC, nous avons pu rentrer totalement dans l'épure que nous nous étions fixée.
Nous avons obtenu :
- pour tous, la possibilité d'avancer l'âge de la retraite pour ceux qui ont effectué des carrières longues ;
- pour tous aussi, la possibilité de rachat des années d'études est devenue une réalité, après avoir été une revendication pendant plus de 10 ans ;
- pour nos amis fonctionnaires, la contrepartie du passage de 37,5 ans à 40 ans est constituée par la prise en compte des primes pour la retraite, fût-ce dans un régime spécifique, et le maintien du mode de calcul sur les 6 derniers mois ;
- pour les salariés du privé, la diminution par deux de la décote pour liquidation anticipée, et la création d'une surcote lorsque l'on dépasse les annuités nécessaires.
C'est donc sans état d'âme que nous avons pu faire part de notre accord sur ce qui a été négocié.
Il nous reste à adapter ce texte de base pour les retraites complémentaires, ce qui devra être fait dans les jours qui viennent. Quant à l'allongement progressif de la durée d'activité, il faudra bien partager les gains d'espérance de vie entre le temps pendant lequel on crée des richesses et le temps pendant lequel on les consomme.
Certains ont essayé d'ouvrir une vaine querelle sur le fait qu'actuellement la solidarité entre l'AGIRC et l'ARRCO joue en faveur de l'AGIRC. Et, bien sûr, la conséquence ne pouvait être que la disparition de l'AGIRC et son intégration dans l'ARRCO. Je ferais remarquer que depuis 1973, la solidarité du régime de retraite des cadres envers l'ARRCO a été de plus de 100 milliards d'euros. Alors restons mesurés dans le " qui aide qui ? "
Et puis évadons-nous de notre paysage gaulois.
Il y a l'Europe, il y a la mondialisation, qui prennent une place de plus en plus importante dans notre vie de tous les jours. Une Europe qui est éternellement en construction, mais dont le social demeure le maillon faible. Une Europe qui ne s'intéresse qu'à la concurrence et à la finance. Une Europe qui ne considère que les entreprises et les consommateurs, au détriment des salariés. Une Europe qui se mobilise plus sur les fromages au lait cru, que sur les plans sociaux. Ce n'est pas cette Europe que nous appelons de nos vux.
Notre Confédération Européenne des Cadres est rentrée dans le dialogue social depuis le protocole d'Helsinki, avec la CES, à l'été 1999.
Et c'est la CFE-CGC, plus habituée à ce dialogue social, qui représente la CEC dans les négociations avec le patronat européen. Mais sur quels thèmes L'intérim, le télétravail C'est intéressant, mais c'est quand même à la marge des problèmes de fond qui nous préoccupent : emploi, salaires, conventions collectives, protection sociale.
Alors, si nous entendons bien prendre systématiquement en compte la dimension européenne, c'est d'abord pour construire, avec nos collègues des autres pays, une véritable Europe sociale.
Une Europe suffisamment forte pour être une réponse à la globalisation.
Une Europe qui défende les populations des États membres, dans leur condition de producteurs, de travailleurs et pas simplement de consommateurs.
Une Europe enfin, qui ne sacrifie pas les intérêts pratiques des pays membres au maintien aveugle des principes de la concurrence ou de l'orthodoxie budgétaire ou monétaire, dogmes idéologiques, déconnectés des réalités.
Il me reste maintenant à traiter d'un sujet d'actualité. Un sujet de désaccord, un sujet de conflit, un sujet d'opposition frontale.
Vous avez tous compris qu'il s'agit de la Loi dite de démocratie sociale. Manifestement les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde. Certains doivent écrire démocratie avec un K et deux S. On se gargarise depuis 2 ans de la place éminente qui faut accorder à la société civile. Bravo ! On se félicite de rendre au contrat sa place par rapport à la Loi. Bravo !
Mais au-delà des mots, on fait exactement le contraire. On critique le gouvernement précédent qui a autoritairement imposé les 35 heures par la Loi, sans tenir compte des partenaires sociaux. Oui, mais que fait-on de la déclaration commune des dits partenaires sociaux sur les voies et moyens de la négociation ? Eh bien ! François FILLON emboîte parfaitement le pas à Martine AUBRY. Plus ça change, plus c'est pareil !
Quel est ce prurit d'inversion des normes, qui ne laisserait aux branches professionnelles que les salaires minima, les classifications et la prévoyance collective ? Autant décider tout de suite que les branches professionnelles sont supprimées et les conventions collectives avec.
A-t-on réellement pensé à l'impact colossal d'une telle mesure sur l'élargissement de la fracture sociale ? Nous savons bien le fossé qui sépare les conditions sociales des petites entreprises, de celles des grandes sociétés, où l'équilibre des rapports de force et la présence des organisations syndicales, ont permis de conquérir un haut niveau de condition sociale.
Mais demain, il suffira qu'un chef d'entreprise puisse imposer de nouveaux reculs, au nom de la diminution des coûts nécessaires à la compétitivité, pour créer des ruptures de concurrence, qui contraindront toutes les autres entreprises du même secteur à emboîter le pas. On réunit, par ce projet, toutes les conditions pour engager une concurrence effrénée sur la base du moins-disant social.
Ce ne sera plus un fossé qui séparera les salariés des PME de ceux des grands groupes ou des entreprises publiques, mais un gouffre. Et ce propos est tout à fait désintéressé, car dans les grandes entreprises où nous sommes présents, nous combattrons toute tentative de dérégulation. Mais pour les deux tiers des salariés, ceux qui ne bénéficient ni de la présence, ni de l'action des syndicats, la situation sera catastrophique.
N'importons pas en France les effets malsains de la dérégulation sociale, résultant de la mondialisation.
Après avoir soi-disant écouté nos objections, François Fillon propose maintenant un texte aggravé par rapport à sa version initiale. Un texte qui met définitivement un terme au principe de faveur. Un texte qui insère dans le Code du travail la mention qu'un accord de branche ne s'appliquera sans dérogation que "si les signataires lui ont expressément conféré un caractère impératif".
Vous connaissez beaucoup de fédérations patronales qui seront d'accord pour interdire aux entreprises de déroger aux accords de branches ? Alors que nous avions proposé, nous, une démarche positive d'ouvertures de degré de liberté aux entreprises sur décision et sous contrôle des branches.
Alors je le déclare solennellement à la tribune de ce Congrès : à partir du jour même de la publication de ce texte, la CFE-CGC ne signera plus un seul accord de branche. Et comme je n'imagine pas que les autres organisations syndicales acceptent de leur coté cette inversion des normes, il n'y aura plus de politique contractuelle. Monsieur François FILLON portera aux yeux de tout le pays la responsabilité d'être le Ministre de la République qui aura tué le dialogue social en France.
NON ! Nous ne sommes pas contents. OUI, nous sommes en colère.
Nous n'acceptons pas par ailleurs que le politique impose au social des règles qu'il juge trop dangereuses pour se les appliquer à lui-même. Pour sortir des impasses de la règle majoritaire, les gouvernements hésitent rarement à utiliser l'article 49-3. Et qu'est ce que l'article 49-3, sinon la possibilité de faire adopter un texte qui n'est pas majoritaire, en l'absence d'opposition ? C'est exactement ce qu'ont proposé les partenaires sociaux. Le gouvernement serait-il hypocrite au point de nous dire " fait ce que je dis, mais ne fait pas ce que je fais " ?
Je sais bien qu'en Congrès il arrive que l'on dise n'importe quoi. Rassurez-vous, je ne parle pas de moi mais souvenez-vous de certaines petites phrases célèbres. Eh bien ! François FILLON est en train de nous dire :
" Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes syndicalement minoritaire " !
Pourquoi mettre le dialogue social sous le joug de l'accord majoritaire ? Vous savez comment se traduit majoritaire en russe ? Ce mot se traduit par bolchevique.
Eh bien ! je n'accepte pas un dialogue social bolchevique en France !!!
Alors, pour conclure, je vous invite aujourd'hui à un effort de mobilisation intense, dans toutes les entreprises, dans toutes les branches professionnelles, dans toutes les régions. Défendons le contrat collectif, car il faut défendre non pas quelque acquis indu, comme se plaisent à le colporter certains idéologues obtus, incompétents et fascisants, mais ces garanties que nous-mêmes, comme nos prédécesseurs, ont eu tant de mal à arracher, et qui sont les fondations mêmes de la démocratie sociale.
Et tout cela, nous le ferons avec une CFE-CGC qui avance, une CFE-CGC conquérante, une CFE-CGC qui gagne, vôtre CFE-CGC, nôtre CFE-CGC.
(source http://www.cfecgc.org, le 21 novembre 2003)
Je vous avais dit à Tours : " Nous devons retrouver notre place par un effort de développement et de notoriété ". Qui peut prétendre que ce n'a pas été le cas ?
Elections MSA en 1999 : 20 % des suffrages, la deuxième organisation syndicale du monde agricole.
Elections prud'homales en décembre 2002 : 7 % des suffrages, en progression de 18,8 %. Alors que les chroniques nécrologiques étaient déjà prêtes, nous avons mis un terme à 20 ans d'effritement.
Elections professionnelles : nous avons accru notre avance dans le collège cadres sur nos concurrents et nous avons gagné 1 point dans le deuxième collège, avec 12,7 %.
Nous sommes devenus la troisième organisation syndicale des entreprises du CAC 40, tous collèges confondus. A simple titre d'exemple, je citerais Renault parce que c'est symbolique, 1ère place en nombre d'élus, 2ème en nombre de voix ; Société Générale, 1ère en voix et en sièges ; Air France et Aéroport de Paris, Airbus, Dassault, Peugeot.
J'arrête là cette énumération parce qu'il faudrait y passer toute la Bourse. Que tous les autres me pardonnent.
Augmentation du nombre de nos adhérents : 14 % de progression en 3 ans cela fait plus de 4 % par an. Cela met un terme à des années de stagnation. Là encore je ne citerais que notre Fédération INOVA qui rassemble l'hôtellerie restauration, les métiers du sport et des loisirs et qui a plus que doublé ses effectifs en 3 ans.
Cela c'est votre travail avant tout. Vos efforts dans les sections syndicales, les Fédérations et les Unions territoriales. C'est aussi les nouveaux moyens mis en place :
- un vrai site Web moderne, complet, attractif, qui nous apporte d'ailleurs plus d'une adhésion spontanée par jour ;
- un Intra net qui est le vôtre, et sur lequel vous puisez tous les éléments indispensables à votre communication et à votre action. 4.000 militants disposent aujourd'hui de cette connexion intranet. Beaucoup plus encore demain. Et nos Unions seront équipées en ADSL dès les prochains jours.
J'ai dit, à Tours, que la notoriété de notre organisation n'était pas au niveau où elle devait être. Notre force de conviction, et nos efforts constants, ont facilité notre expression dans les médias.
Mais c'est également notre baromètre, tous les 4 mois, complété par le nouveau baromètre stress.
Et puis je crois que notre campagne prud'homale sur les murs et sur les ondes n'est pas passée tout à fait inaperçue. L'un d'entre vous a-t-il manqué nos affiches ?
Mais il faut aujourd'hui franchir un cap supplémentaire. Un cap qui nous permettra d'aller encore plus loin pour le développement syndical.
Vous savez tous que, contrairement à la plupart des pays voisins, l'adhésion syndicale n'apporte en France aucun avantage particulier, ce qui, au passage, rend vain le discours apitoyé et pour le moins hypocrite sur la faiblesse des effectifs syndicaux.
Etre syndiqué c'est encore trop souvent synonyme de blocage des carrières, de marginalisation, quand ce n'est pas carrément de passage par la case ANPE. Le fait syndical reste un combat. Pour aider nos militants et les soutenir dans leur action, il nous faut donc inventer notre propre plus-value syndicale.
C'est l'assurance collective pour nos adhérents et militants dans le cadre de leurs activités syndicales.
C'est l'assurance de la responsabilité professionnelle pour tous les adhérents. Bien évidemment, là encore, auprès de notre partenaire privilégié, la MACIF.
C'est encore l'assurance pour nos adhérents de pouvoir bénéficier de la compétence de nos services spécialisés en droit du travail, sur la protection sociale ou en fiscalité.
C'est aujourd'hui l'assistance psychologique pour tous, qui est disponible à dater de ce Congrès et qui vous sera présentée tout à l'heure.
J'avais proposé à Tours une assistance juridique pour tous. Les réticences de certaines Fédérations, qui rendaient déjà ce service, n'ont pas permis de le concrétiser. Mais les esprits ont évolué, et je pense que cette solidarité avec nos structures plus démunies, devrait nous permettre d'aboutir et de concrétiser cette assistance juridique au cours de ce mandat. Nous avons un nouveau logiciel de fichier, beaucoup plus performant, qui sera consultable par nos Unions territoriales et que nous mettrons gratuitement à la disposition de nos Fédérations.
Répondre aux attentes des sections syndicales d'entreprise et d'administrations, qui s'adressent de plus en plus à la Confédération, constitue un axe de service que nous entendons poursuivre. Pour cela le nouveau bureau que vous aurez à élire cet après-midi comprendra trois secrétaires nationaux pour gérer l'action, le développement et la communication interne.
Nous avons placé ce Congrès sous le signe de la voile, des nouvelles conquêtes et des nouveaux horizons. Bien sûr c'est un clin d'il à notre militante dans la course, Henriette LEMAY, notre déléguée syndicale d'Hurel-Hispano, partie le 1er novembre du Havre pour la Transat Jacques Vabre. C'est aussi parce qu'il est grand temps de partir à la conquête d'un nouveau modèle social.
Notre modèle social né à la Libération a été formidable. Mais avez-vous un seul exemple d'un modèle qui soit resté immuable, imperturbable aux bouleversements ?
OUI, ce modèle des années 50, 60, 70 est arrivé au bout de ce qu'il pouvait donner.
OUI, il faut le reprendre avec le même courage que nos anciens et la même imagination créatrice.
OUI, il faut oser imaginer l'avenir.
OUI, il faut bouger.
Curieux pays que la France où l'on considère trop souvent que lorsqu'on ne bouge pas, on avance.
OUI, il fallait adapter notre régime de retraite.
OUI, il fallait réinventer notre système de formation professionnelle.
OUI, il faudra revoir l'assurance maladie.
OUI, il faudra repenser l'emploi.
OUI, nous devons imaginer une autre relation au travail et d'autres relations de travail.
OUI, le syndicalisme français devra, lui aussi, évoluermais pas en favorisant ceux qui fuient leurs responsabilités au détriment de ceux qui les prennent. Vous voyez certainement ce que je veux dire.
Je vous invite donc à inventer le monde de demain et non à reproduire à l'identique celui d'hier.
Hier, l'entreprise était une communauté d'hommes et de femmes, réunis dans un but commun : produire et vendre des biens et services. Mais ce n'est plus le cas.
Aujourd'hui la grande entreprise n'est plus regardée qu'à travers deux filtres magiques : le cours de bourse et le dividende versé.
Mais pour nous, CFE-CGC, l'entreprise c'est :
- une communauté d'hommes et de femmes qui ont des intérêts communs ;
- une organisation efficace, un encadrement compétent et des équipes motivées ;
- une entité qui n'a pas qu'une dimension financière mais qui a aussi une dimension économique et une dimension sociale.
L'entreprise a une place dans la Société. Elle en est responsable. Elle est regardée, observée, comparée et parfois épiée sur ses comportements. Une fermeture de site ici, un accident, une pollution par-là, un salaire abusif d'un dirigeant en échec ! Cette responsabilité, elle est aujourd'hui sociétale. En créant l'ORSE, l'observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, c'est devenu une réalité.
Mais cette présence dans la cité, doit être aussi, et d'abord, celle des cadres et de l'encadrement. C'est tout le sens du contrat d'engagement social que nous voulons promouvoir.
Cette thématique nous tient particulièrement à cur. Mais comme souvent nous avons eu raison trop tôt. Il faut convaincre de la nécessité de permettre aux salariés du secteur marchand de s'engager dans le domaine syndical, politique ou associatif. Et cet engagement doit être valorisé dans la dimension professionnelle, dans la carrière. Et je vous le dis, j'ai bon espoir de voir apparaître bientôt les premiers éléments de ce contrat d'engagement social.
Nous voulons aussi permettre aux salariés de réussir leur vie professionnelle et leur équilibre personnel. La question du sacrifice de la vie familiale à l'évolution de carrière ou du sacrifice de la carrière à l'épanouissement familial, ne doit plus se poser.
Mais dans l'entreprise cessons de ne raisonner qu'en termes de coûts. Les compétences humaines sont une ressource pour l'entreprise. Nous demandons que l'on passe d'une logique de coûts à une logique d'investissement.
Les chiffres parlent et les faits sont têtus : toutes les enquêtes montrent que plus de la moitié des cadres ne connaissent pas la stratégie de leur entreprise et, plus grave encore, que le même pourcentage déclare ne pas savoir ce que l'entreprise attend d'eux. L'entreprise doit donner des repères. Et j'ai envie de dire à nos patrons communiquez.
Communiquez en interne, en permanence, et d'abord avec votre encadrement. Redescendez sur terre, la communication de l'entreprise ne peut pas se limiter aux road shows, avec un parterre d'analystes financiers, américains ou japonais. Ce ne sont pas eux qui font les résultats. Ce sont vos salariés, et en premier lieu l'encadrement.
Redonnons du sens à l'engagement et à l'implication, et pourquoi pas par la mise en uvre d'un contrat de fidélité. La ressource humaine qualifiée va devenir la denrée la plus rare, celle qu'il faudra aller chercher, attirer, conserver. Je mets en garde les chefs d'entreprise. N'attendez pas d'y être contraints, sachez anticiper votre gestion humaine et adapter votre management, comme vous essayez de le faire sur le plan des marchés.
Cette anticipation nécessite de reconnaître l'implication de l'encadrement. Sans oublier nos attentes fortes sur les rémunérations.
Il ne peut pas y avoir une France d'en haut qui a droit à tous les privilèges, une France d'en bas qui a droit à toutes les attentions et une France du milieu qui n'a que le droit de payer et de se taire.
Nous attendons également que la mise en place d'une rémunération au mérite pour nos collègues fonctionnaires ne soit pas simplement l'occasion de poursuivre un blocage des salaires, et le creusement de cette fosse aux cadres qui leur à fait tant de mal.
Il ne peut plus, il ne doit plus y avoir de cadres dont la rémunération soit inférieure au plafond de la Sécurité sociale. C'est le sens de notre revendication d'un Salaire minimum interprofessionnel, le SMIP.
Je lis tous les jours avec beaucoup d'étonnement, dans les journaux, le débat sur la disparition de la valeur travail ! Mais avant de remettre la France au travail il faudrait déjà éviter que ceux qui y sont en soient éjectés ! L'alpha et l'oméga d'une politique de l'emploi ne consiste pas à diminuer constamment les effectifs des entreprises pour augmenter ceux de l'ANPE et de l'UNEDIC.
La valeur travail, l'encadrement la connaît !
Les agents de maîtrise, les techniciens, les cadres, souhaitent pouvoir s'impliquer, pouvoir innover. Ils souhaitent prendre leurs responsabilités, avec l'autonomie qui les caractérise.
Et nous dénonçons ce transfert qui rend les cadres responsables, y compris sur leurs biens propres, lorsqu'ils n'ont fait qu'exécuter les directives qui leur ont été transmises. Plus jamais de responsabilités sans moyens de les assumer.
Nous entendons participer aux enjeux et à la veille stratégique de l'entreprise. Vous avez remarqué, dans vos comités d'entreprise, à quel point les décisions en matière sociale sont dictées par des considérations qui viennent de loin, de très loin, hors de l'entreprise. Argument, qui permet aujourd'hui à tout dirigeant d'échapper à sa responsabilité économique et sociale.
Nous voulons participer au développement des compétences de nos collaborateurs. Pour eux-mêmes d'abord et leur employabilité. Pour l'entreprise aussi, pour qu'elle dispose toujours d'un personnel formé et adapté, afin de mieux résister à la concurrence.
Vu pieux direz-vous ? Je commençais à me poser sérieusement la question lorsque je suis tombé sur un document du 3 Juillet 1974. Un document remarquable, auquel je n'aurais pas à changer une virgule. Un document qui a dû malheureusement se perdre lors du déménagement du MEDEF, de la rue Pierre 1er de Serbie à l'Avenue Bosquet. Mais que bien évidemment je tiens à leur disposition.
Ce document s'appelle : " Déclaration commune sur le développement de la concertation avec le personnel d'encadrement des entreprises ". Le texte intégral sera prochainement publié dans Encadrement Magazine. Il est signé par le CNPF et la CGC.
Je sais bien que pour certain Ministre une déclaration commune n'est qu'un chiffon de papier. J'aurais l'occasion d'y revenir. Mais lorsque les partenaires sociaux sont seuls concernés, je respecte toujours la signature de mes prédécesseurs, et j'ai la faiblesse de penser qu'il en est de même chez nos partenaires.
Je ne peux résister à vous en citer un passage :
" La mise en uvre de la délégation des responsabilités ouvre la voie à la concertation avec les cadres, qui sont le véhicule normal des informations dans l'entreprise ". ()
" De même qu'une certaine forme de concertation quotidienne doit se développer dans l'entreprise par la voie hiérarchique aux niveaux opérationnels, notamment à ceux qui sont immédiatement subordonnés, la concertation avec les cadres sur le plan de la politique générale est aussi une nécessité, sans que soit mis en cause le rôle des organes de représentation existant dans l'entreprise. "
Dans ce document tout est dit et bien dit, nous allons donc demander au MEDEF de redonner vie aux engagements du CNPF.
Les lignes de force de la pensée et de l'action confédérale vous sont bien connues. Vous savez tous que nous ne brandissons pas en permanence le petit livre rouge, intangible et verrouillé, de la doctrine confédérale. Avec pragmatisme, nous nous adaptons en permanence à ce monde qui bouge, et qui bouge très vite.
Sur l'emploi.
Sujet incontournable pour une organisation syndicale. Objet de toutes les incantations, mais sujet de toutes les inefficacités.
Nous ne croyons plus aux mesures ponctuelles pour l'emploi. Depuis 30 ans que nous sommes entrés dans une crise, qui rebondit chaque fois que l'on croit en sortir, elles ont toutes eu l'effet d'un cautère sur une jambe de bois.
La désindustrialisation s'amplifie de jour en jour. Je constate même qu'elle s'accélère. Or, malgré toutes les affirmations sur les nouveaux emplois à forte valeur ajoutée, le développement des services etc. tout pays développé a besoin d'un support industriel.
Les mesures d'adaptation sont nécessaires, avec leur cortège de plans, dits sociaux ou de fermeture de sites. Pour y faire face, nous prônons l'anticipation et l'employabilité.
Et je vous propose trois axes de travail.
Utilisons les moyens nouveaux que nous donne le récent accord sur la formation pour que tous les salariés soient en mesure de pouvoir rebondir, saisir des opportunités, changer de métier le plus rapidement possible. Si l'interdiction des licenciements est une démagogie, le besoin de gérer l'emploi largement en amont de la décision économique est une nécessité. L'employabilité est une aventure commune, rassemblant employeurs et salariés, qui doit se discuter, doit se négocier.
Ensuite, agir sur l'emploi, c'est oser changer de périmètre d'action. Il faut s'habituer à travailler localement, au niveau des bassins d'emploi, en interprofessionnel. Les solutions sont locales, elles ne sont ni au niveau de l'entreprise ou du groupe, ni au niveau de la branche professionnelle
Osons poser la question du coût du travail chargé, même si dans les rangs syndicaux c'est un sujet tabou, que personne n'ose affronter en face. Bien sûr, il n'est pas question d'infliger une politique de rigueur salariale, bien au contraire.
Est-ce que la protection sociale, la politique des transports urbains, le logement, et que sais-je encore, doivent toujours être financés, systématiquement, par des charges sur les salaires et donc sur l'emploi ? Il faut ouvrir le débat et j'y reviens au sujet de l'assurance maladie.
Justement, à ce propos, la concertation vient d'être ouverte par Jean-François MATTEI. Il n'y a pas un problème de la santé en France. L'Organisation Mondiale de la Santé classe la France en tête de tous les pays pour la qualité de son système de soins, et l'état sanitaire de la population. Et, de surcroît, avec le meilleur rapport qualité prix. Cessons de nous flageller inutilement.
OUI, il y a un problème d'équilibre et de financement de l'assurance maladie.
Ne racontons pas n'importe quoi, les économies sont hors de proportions avec les déficits. Nous devrons traquer le moindre centime dépensé en trop. Et de cela nous aurons largement l'occasion de débattre tout au long de l'année qui vient.
Mais je refuse d'accepter cet ukase ultra-libéral : pas un sou de plus pour l'assurance maladie.
OUI, ça va nous coûter plus cher. Dans ces conditions, posons sérieusement la problématique du financement.
Il est plus que temps d'étudier, y compris pour les raisons de coût du travail dont je parlais, la mise en place d'une cotisation sociale sur la consommation.
Ce n'est pas un prélèvement supplémentaire, mais un substitut aux cotisations, dites patronales, assises sur les salaires. Parce que nous payons déjà, en tant que consommateurs, ces charges sociales.
Elles font bien partie des coûts des biens et services. Elles ne sortent ni de la poche des patrons, ni de celle des actionnaires.
Le fait de les payer au moment de la consommation n'entraîne aucun surcoût pour les produits fabriqués en France. En revanche les biens et services importés participeront, eux aussi, au financement de notre protection sociale. Ainsi :
nous accroîtrons les ressources de l'assurance maladie ;
nous réduirons le coût du travail sur notre territoire ;
nous favoriserons nos exportations ;
et nous réduirons l'avantage concurrentiel des produits importés.
Après tout, pourquoi serions-nous plus bêtes que les Danois ou les Japonais ?
Et puisque nous en sommes à la santé, il faut régler d'urgence le problème de la dépendance, qu'elle concerne les personnes âgées ou les personnes handicapées. Il est plus que temps de mettre en place un cinquième risque. C'est la seule façon d'être certains de l'affectation des recettes pour cet usage exclusif. On ne nous refera pas le coup de la vignette des vieux !
Le financement de cette solidarité doit peser sur l'ensemble de la Société. À partir de là, et si ces conditions sont remplies, on peut s'interroger, pour les salariés, sur le choix entre un prélèvement supplémentaire sur nos salaires -et donc une diminution de nos revenus disponibles- ou la suppression d'un jour férié.
Nous engagerons un débat serein, hors de l'agitation médiatique, sur ce thème, avec notre Comité Directeur.
Et quant aux retraites, je ne reviens pas sur la réforme du régime général intervenue au printemps, sinon pour dire qu'elle a été préparée, concertée, voire négociée, contrairement à ce que certains ont pu prétendre. Qu'en ce qui concerne la CFE-CGC, nous avons pu rentrer totalement dans l'épure que nous nous étions fixée.
Nous avons obtenu :
- pour tous, la possibilité d'avancer l'âge de la retraite pour ceux qui ont effectué des carrières longues ;
- pour tous aussi, la possibilité de rachat des années d'études est devenue une réalité, après avoir été une revendication pendant plus de 10 ans ;
- pour nos amis fonctionnaires, la contrepartie du passage de 37,5 ans à 40 ans est constituée par la prise en compte des primes pour la retraite, fût-ce dans un régime spécifique, et le maintien du mode de calcul sur les 6 derniers mois ;
- pour les salariés du privé, la diminution par deux de la décote pour liquidation anticipée, et la création d'une surcote lorsque l'on dépasse les annuités nécessaires.
C'est donc sans état d'âme que nous avons pu faire part de notre accord sur ce qui a été négocié.
Il nous reste à adapter ce texte de base pour les retraites complémentaires, ce qui devra être fait dans les jours qui viennent. Quant à l'allongement progressif de la durée d'activité, il faudra bien partager les gains d'espérance de vie entre le temps pendant lequel on crée des richesses et le temps pendant lequel on les consomme.
Certains ont essayé d'ouvrir une vaine querelle sur le fait qu'actuellement la solidarité entre l'AGIRC et l'ARRCO joue en faveur de l'AGIRC. Et, bien sûr, la conséquence ne pouvait être que la disparition de l'AGIRC et son intégration dans l'ARRCO. Je ferais remarquer que depuis 1973, la solidarité du régime de retraite des cadres envers l'ARRCO a été de plus de 100 milliards d'euros. Alors restons mesurés dans le " qui aide qui ? "
Et puis évadons-nous de notre paysage gaulois.
Il y a l'Europe, il y a la mondialisation, qui prennent une place de plus en plus importante dans notre vie de tous les jours. Une Europe qui est éternellement en construction, mais dont le social demeure le maillon faible. Une Europe qui ne s'intéresse qu'à la concurrence et à la finance. Une Europe qui ne considère que les entreprises et les consommateurs, au détriment des salariés. Une Europe qui se mobilise plus sur les fromages au lait cru, que sur les plans sociaux. Ce n'est pas cette Europe que nous appelons de nos vux.
Notre Confédération Européenne des Cadres est rentrée dans le dialogue social depuis le protocole d'Helsinki, avec la CES, à l'été 1999.
Et c'est la CFE-CGC, plus habituée à ce dialogue social, qui représente la CEC dans les négociations avec le patronat européen. Mais sur quels thèmes L'intérim, le télétravail C'est intéressant, mais c'est quand même à la marge des problèmes de fond qui nous préoccupent : emploi, salaires, conventions collectives, protection sociale.
Alors, si nous entendons bien prendre systématiquement en compte la dimension européenne, c'est d'abord pour construire, avec nos collègues des autres pays, une véritable Europe sociale.
Une Europe suffisamment forte pour être une réponse à la globalisation.
Une Europe qui défende les populations des États membres, dans leur condition de producteurs, de travailleurs et pas simplement de consommateurs.
Une Europe enfin, qui ne sacrifie pas les intérêts pratiques des pays membres au maintien aveugle des principes de la concurrence ou de l'orthodoxie budgétaire ou monétaire, dogmes idéologiques, déconnectés des réalités.
Il me reste maintenant à traiter d'un sujet d'actualité. Un sujet de désaccord, un sujet de conflit, un sujet d'opposition frontale.
Vous avez tous compris qu'il s'agit de la Loi dite de démocratie sociale. Manifestement les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde. Certains doivent écrire démocratie avec un K et deux S. On se gargarise depuis 2 ans de la place éminente qui faut accorder à la société civile. Bravo ! On se félicite de rendre au contrat sa place par rapport à la Loi. Bravo !
Mais au-delà des mots, on fait exactement le contraire. On critique le gouvernement précédent qui a autoritairement imposé les 35 heures par la Loi, sans tenir compte des partenaires sociaux. Oui, mais que fait-on de la déclaration commune des dits partenaires sociaux sur les voies et moyens de la négociation ? Eh bien ! François FILLON emboîte parfaitement le pas à Martine AUBRY. Plus ça change, plus c'est pareil !
Quel est ce prurit d'inversion des normes, qui ne laisserait aux branches professionnelles que les salaires minima, les classifications et la prévoyance collective ? Autant décider tout de suite que les branches professionnelles sont supprimées et les conventions collectives avec.
A-t-on réellement pensé à l'impact colossal d'une telle mesure sur l'élargissement de la fracture sociale ? Nous savons bien le fossé qui sépare les conditions sociales des petites entreprises, de celles des grandes sociétés, où l'équilibre des rapports de force et la présence des organisations syndicales, ont permis de conquérir un haut niveau de condition sociale.
Mais demain, il suffira qu'un chef d'entreprise puisse imposer de nouveaux reculs, au nom de la diminution des coûts nécessaires à la compétitivité, pour créer des ruptures de concurrence, qui contraindront toutes les autres entreprises du même secteur à emboîter le pas. On réunit, par ce projet, toutes les conditions pour engager une concurrence effrénée sur la base du moins-disant social.
Ce ne sera plus un fossé qui séparera les salariés des PME de ceux des grands groupes ou des entreprises publiques, mais un gouffre. Et ce propos est tout à fait désintéressé, car dans les grandes entreprises où nous sommes présents, nous combattrons toute tentative de dérégulation. Mais pour les deux tiers des salariés, ceux qui ne bénéficient ni de la présence, ni de l'action des syndicats, la situation sera catastrophique.
N'importons pas en France les effets malsains de la dérégulation sociale, résultant de la mondialisation.
Après avoir soi-disant écouté nos objections, François Fillon propose maintenant un texte aggravé par rapport à sa version initiale. Un texte qui met définitivement un terme au principe de faveur. Un texte qui insère dans le Code du travail la mention qu'un accord de branche ne s'appliquera sans dérogation que "si les signataires lui ont expressément conféré un caractère impératif".
Vous connaissez beaucoup de fédérations patronales qui seront d'accord pour interdire aux entreprises de déroger aux accords de branches ? Alors que nous avions proposé, nous, une démarche positive d'ouvertures de degré de liberté aux entreprises sur décision et sous contrôle des branches.
Alors je le déclare solennellement à la tribune de ce Congrès : à partir du jour même de la publication de ce texte, la CFE-CGC ne signera plus un seul accord de branche. Et comme je n'imagine pas que les autres organisations syndicales acceptent de leur coté cette inversion des normes, il n'y aura plus de politique contractuelle. Monsieur François FILLON portera aux yeux de tout le pays la responsabilité d'être le Ministre de la République qui aura tué le dialogue social en France.
NON ! Nous ne sommes pas contents. OUI, nous sommes en colère.
Nous n'acceptons pas par ailleurs que le politique impose au social des règles qu'il juge trop dangereuses pour se les appliquer à lui-même. Pour sortir des impasses de la règle majoritaire, les gouvernements hésitent rarement à utiliser l'article 49-3. Et qu'est ce que l'article 49-3, sinon la possibilité de faire adopter un texte qui n'est pas majoritaire, en l'absence d'opposition ? C'est exactement ce qu'ont proposé les partenaires sociaux. Le gouvernement serait-il hypocrite au point de nous dire " fait ce que je dis, mais ne fait pas ce que je fais " ?
Je sais bien qu'en Congrès il arrive que l'on dise n'importe quoi. Rassurez-vous, je ne parle pas de moi mais souvenez-vous de certaines petites phrases célèbres. Eh bien ! François FILLON est en train de nous dire :
" Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes syndicalement minoritaire " !
Pourquoi mettre le dialogue social sous le joug de l'accord majoritaire ? Vous savez comment se traduit majoritaire en russe ? Ce mot se traduit par bolchevique.
Eh bien ! je n'accepte pas un dialogue social bolchevique en France !!!
Alors, pour conclure, je vous invite aujourd'hui à un effort de mobilisation intense, dans toutes les entreprises, dans toutes les branches professionnelles, dans toutes les régions. Défendons le contrat collectif, car il faut défendre non pas quelque acquis indu, comme se plaisent à le colporter certains idéologues obtus, incompétents et fascisants, mais ces garanties que nous-mêmes, comme nos prédécesseurs, ont eu tant de mal à arracher, et qui sont les fondations mêmes de la démocratie sociale.
Et tout cela, nous le ferons avec une CFE-CGC qui avance, une CFE-CGC conquérante, une CFE-CGC qui gagne, vôtre CFE-CGC, nôtre CFE-CGC.
(source http://www.cfecgc.org, le 21 novembre 2003)