Déclaration de M. Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, sur le retour de la croissance en fin d'année 2003 et les choix économiques du gouvernement pour la soutenir en 2004, Paris le 17 décembre 2003.

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Circonstance : Débat sur :" La conjoncture au second semestre 2003 " à Paris au Conseil Economique et Social le 17 décembre 2003

Texte intégral


" Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, Monsieur le rapporteur, oui, nous pouvons dire aujourd'hui que la croissance est de retour. C'est une donnée objective qui se confirmera d'autant plus que nous y ajouterons la confiance des acteurs économiques, consommateurs et investisseurs.
Pourquoi pouvons-nous dire que la croissance est de retour ? D'abord parce que la situation conjoncturelle de la France est hautement liée à celle du reste du monde et que la reprise aujourd'hui est mondiale : aux Etats-Unis, plus de 8 % en rythme annuel au troisième trimestre et plus de 4 % prévus pour 2004 ; au Japon, une croissance plus forte que celle qui était attendue, soit 2 % pour 2004 ; en Chine enfin, des rythmes de croissance de l'ordre de 8 et 6 %. Mais la reprise a également gagné l'économie européenne et sur la zone euro, au troisième trimestre, le rythme de la croissance est en moyenne annuelle de 1,5 %.
L'activité s'est accélérée en cette fin d'année. Les chefs d'entreprise, à travers les différentes enquêtes qui sont réalisées, se révèlent de plus en plus optimistes, qu'il s'agisse d'enquêtes de conjoncture sur l'industrie ou sur les services, en particulier en Allemagne, notre principal partenaire. Nous bénéficions donc de l'effet d'entraînement de la reprise mondiale. Nous bénéficions également de taux d'intérêt extrêmement bas : 2 % pour les taux monétaires, soit 0 % pour les taux d'intérêt réels.
Cet élément est très positif pour stimuler la demande internationale. La France est bien placée dans le " peloton européen " où, si l'on regarde les indicateurs les plus récents, ceux qui viennent de nous parvenir ces jours derniers, la productivité industrielle est bien repartie, avec plus de 1 % par mois en septembre et en octobre. La reprise est aussi marquée dans les biens intermédiaires, secteur qui est un bon indicateur de la reprise du moteur économique, avec 3,2 % sur septembre et octobre. Elle est également sensible dans les composants électriques et électroniques depuis maintenant la fin de l'année 2002, ainsi que dans les produits minéraux, papier-carton, chimie, des secteurs qui sont en amont de la demande finale et restent de bons indicateurs d'une économie qui recommence à tourner. Nous constatons également que les biens de consommation d'équipement se maintiennent à un niveau positif.
Le moral des chefs d'entreprise s'est redressé dans tous les secteurs : l'industrie, les services, le commerce, la construction. Nous avons aujourd'hui une perception de l'avenir qui s'est nettement améliorée. Les " directeurs d'achat ", qui sont aussi de bons observateurs de la croissance, ceux en charge des commandes dans les entreprises, se révèlent ainsi beaucoup plus optimistes que ces derniers mois.
La création d'entreprises, élément important du tonus d'une nation, d'une société, est particulièrement dynamique. Nous avons depuis que le Premier ministre et moi-même avons annoncé les mesures en faveur de la création et de la transmission d'entreprises, assisté à un véritable boom de créations d'entreprises : plus 18,6 % sur un an, ce qui est du jamais vu ces vingt dernières années. Nous avions cet objectif ambitieux de créer deux cent mille entreprises par an, soit un million d'entreprises nouvelles sur cinq ans, rythme dont nous pouvons d'ores et déjà constater qu'il est atteint.
En moyenne, la consommation, qui représente plus de la moitié du PIB, reste forte. Les achats de produits manufacturés ont beaucoup progressé ces derniers mois, notamment pour des biens comme les télévisions, les vidéos et les ordinateurs portables. Le marché du téléphone portable a été dynamique avec plus de sept cent cinquante mille nouveaux abonnés au troisième trimestre, soit trois fois plus qu'au cours des trimestres précédents. Notre consommation est plus forte que dans le reste de l'Europe et c'est un élément à souligner, car ce sont les consommateurs qui ont permis à la France de traverser cette période de crise sans toucher la récession. Enfin, l'investissement logement est bien orienté, avec soixante dix huit mille mises en chantier de logements au troisième trimestre, soit une hausse de 4,9 % en un an.
Cette bonne tenue de la demande des ménages tient à deux facteurs. D'abord, la bonne résistance de l'emploi, la stabilité de l'emploi salarié et marchand depuis la fin 2001 étant un fait positif, mais également une politique vigoureuse de soutien de la demande, avec la revalorisation du SMIC sans précédent - l'équivalent d'un troisième mois -, la baisse de l'impôt sur le revenu et la revalorisation de la prime pour l'emploi.
Notre croissance est revenue sur un rythme annuel de 2 % en cette fin d'année, et il faut voir ce chiffre confirmé en 2004.
La politique économique du gouvernement vise à soutenir aussi bien la demande que l'offre. Tout d'abord, nous avons souhaité revaloriser le travail en réduisant les prélèvements obligatoires. Cela apparaît une mesure de bon sens, mais encore fallait-il avoir du bon sens. Le gouvernement a fait le choix de baisser les impôts et les charges, conformément aux engagements, mais également à l'intérêt de notre économie. La France est un pays atypique : le taux des prélèvements obligatoires y atteint 44 %, alors que la moyenne européenne est à 40 %. Faire le choix de baisser les charges, notamment sur les bas salaires et sur les jeunes, alléger les impôts et taxes sur le travail, réduire tous les taux du barème et plafonner à 50 %, c'est donner le signal qu'une politique nouvelle valorise le travail des Français. Il faut redonner aux Français non pas le goût du travail, mais l'envie de s'épanouir par le travail, un travail qui ne cessera d'évoluer et d'être probablement plus riche en satisfactions individuelles.
Cette diminution des charges sociales et des impôts n'est pas synonyme de remise en cause du volet social français, bien au contraire, car c'est en réformant notre système social que nous parviendrons à le garantir et à en protéger les acquis.
Avec le réaménagement des lois sur les 35 heures et sur la modernisation sociale, cette politique est en train de créer un environnement plus favorable à l'investissement, à l'entreprise et donc à l'emploi.
La France, vous le savez, est un des pays où l'on travaille le moins, puisqu'un actif y travaille mille cinq cents heures par an, contre mille sept cents heures au Royaume-Uni, mille huit cents heures en Espagne et mille neuf cents heures aux Etats-Unis. Comment ne pas voir qu'il y a une relation entre le travail d'un pays et sa croissance ? Cette relation est une relation de causalité tellement évidente qu'il a fallu des années pour la redécouvrir ! Les Français d'ailleurs ne s'y trompent pas et ne sont pas choqués par l'idée de travailler plus pour financer un système de protection sociale auquel ils sont attachés.
Nous avons engagé les réformes nécessaires à la sauvegarde d'un système de protection sociale qui fait le ciment de la nation et auquel nous sommes extrêmement attachés. Sur les retraites, une réforme longtemps promise est aujourd'hui tenue, réforme qui garantit l'avenir de notre système de pensions, le système de répartition, et qui lève les incertitudes des acteurs économiques. Et c'est un élément de la confiance nouvelle que de permettre aux Français de disposer d'une lisibilité plus grande sur le pouvoir d'achat de leur retraite.
Le gouvernement a parallèlement mis en chantier la réforme du système de santé, dont je vous rappelle que la dérive a été entamée sous le gouvernement précédent. Il a entrepris de décentraliser davantage l'Etat afin de redonner aux collectivités territoriales de nouvelles libertés et de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.
Enfin, la simplification administrative est engagée, car simplifier la vie des acteurs économiques, c'est également créer des conditions de dynamisme plus importantes.
Nous voulons aussi développer à la fois en qualité et en quantité les entreprises de notre pays. Je disais, il y a un instant, que la loi initiative économique aujourd'hui appliquée est entrée en vigueur, bien avant sa publication au Journal officiel. Elle a produit des effets parce que les anticipations des acteurs économiques sont devenues favorables. Nous voyons ainsi aujourd'hui un phénomène inattendu en France, correspondant d'ailleurs à l'intention du législateur qui était de démocratiser la création d'entreprise et non de la réserver à une minorité qui se trouverait bénéficiaire d'un capital élevé ou d'une formation élevée, afin de donner le sentiment à tous les Français qu'ils peuvent eux-mêmes, quelle que soit leur origine sociale, géographique ou leur passé scolaire, tous prétendre créer une entreprise, se préparer, se former, utiliser cette voie de promotion sociale et d'ascension sociale qu'est aujourd'hui l'entreprise.
Et les Français ont répondu à ce message que nous leur avons adressé puisque aujourd'hui nous connaissons un rythme très soutenu de créations d'entreprise. Or, les entreprises nouvelles, je le rappelle, ce sont près de cinq cent mille emplois créés chaque année. Ce sont elles qui renouvellent l'économie et permettent à des emplois durables de s'installer : il fallait libérer ces énergies pour qu'aujourd'hui notre économie puisse se renouveler.
Nous avons cependant encore un retard à rattraper ici, car l'Espagne crée deux fois plus d'entreprises que la France, tandis que le nombre d'entreprises en Grande-Bretagne est de 3,4 millions contre 2,4 millions en France. Nous avons une économie qui est probablement encore insuffisamment diffusée sur l'ensemble du territoire sous la forme de petites et moyennes entreprises.
Enfin, nous voulons renforcer l'attractivité du territoire par une politique annoncée par le Premier ministre à La Baule, attirer davantage de compétences, attirer des capitaux et des investissements internationaux, attirer des activités stratégiques, enfin encourager la recherche et l'innovation car ce sont elles qui permettent à une économie de préparer le long terme.
Notre volonté est de porter à 3 % du PIB à l'horizon 2010 l'effort national de recherche et développement. Cet effort doit être équilibré et s'appuyer aussi bien sur un effort soutenu de recherche publique que sur une part plus importante prise par les acteurs privés de l'économie de marché, notamment les entreprises qui doivent également s'investir fortement dans la recherche et le développement.
Le Plan innovation qui a été voté dans la loi de finances 2004 mettra la France au tout premier rang des pays pour l'attractivité fiscale et sociale en faveur des investisseurs, qu'il s'agisse de " business angels " ou de chercheurs capables de transformer le fruit de leur intelligence en création de richesse et d'emploi, c'est-à-dire en entreprise. Nous devons faire cet effort de conversion d'une capacité à chercher en capacité à créer de la richesse et de la croissance.
Bref, notre politique économique est volontariste. Elle privilégie le long terme par rapport au court terme, elle soutient la demande tout en préparant ce qui fait l'ossature d'une économie, c'est-à-dire l'énergie et la capacité à innover des entreprises. Nous verrons très rapidement la confiance soutenir ces premières mesures, qui ont été celles des lois de finances de 2003 et 2004.
Nous envisageons bien sûr d'adosser cette politique nationale à nos engagements européens, car la France a rappelé qu'elle tiendrait ses engagements en matière de réduction des déficits publics, et cela non seulement parce qu'elle y est contrainte, mais parce qu'elle en a fait le choix, un choix politique voulu et assumé. Les déficits publics repasseront donc sous la barre des 3 % en 2005. En fait, la question ne portait pas sur l'ampleur de l'effort à fournir mais sur les délais, la France ne souhaitant pas faire porter tout l'effort sur l'année 2004, au risque d'étouffer un moteur qui repartait. Qu'aurions-nous dit si nous avions suivi aveuglément des préceptes qui, sur le plan théorique, pouvaient être satisfaisants, mais qui, si nous les avions appliqués, auraient tué dans l'uf une reprise encore fragile, qui doit être encore confirmée et que nous voyons aujourd'hui soutenue par des mesures courageuses prises en matière de réglage conjoncturel ?
Nous avons donc aujourd'hui reçu l'appui de nos partenaires, un appui net et qui permet au gouvernement de s'engager résolument dans cette politique de croissance et d'emploi.
Je vous remercie. "
(source http://www.ces.fr, le 29 décembre 2003)