Texte intégral
Q - Cette semaine très chargée pour les questions européennes a commencé à Strasbourg jeudi dernier avec l'investiture de la Commission Barroso, après trois semaines de crise. Selon vous, la Commission Barroso commence-t-elle sur de bonnes bases ou plutôt dans un climat de suspicion de la part du Parlement européen ?
R - La Commission Barroso a obtenu une large majorité au Parlement européen à l'occasion de son investiture, et c'est un élément qui permet aux institutions européennes de commencer à travailler dans la confiance. Je suis très heureuse que cette nouvelle Commission ait acquis une légitimité par un vote majoritaire ; je crois que les évènements qui se sont déroulés ces trois dernières semaines montrent que l'on travaille dans un cadre véritablement démocratique au niveau communautaire.
Q - Certaines critiques demeurent, au-delà de la résolution de ce problème, sur le fait notamment que la commissaire néerlandaise à la Concurrence, Neelie Kroes, soit, d'entrée de jeu, dessaisie de trois dossiers, dont le dossier industriel, pour conflit d'intérêts avec ses précédentes fonctions. Est-ce que cela ne nuit pas à la crédibilité de la Commission ?
R - Ces éléments ont été pris en compte dans les propositions qui ont été faites par le président Barroso. Personne ne remet en cause la compétence de Neelie Kroes, et je crois qu'il est important qu'une personnalité du secteur privé puisse apporter un éclairage différent sur ces questions relatives à la concurrence dans le nouveau collège des commissaires. Je crois que tout cela va s'organiser dans la transparence et que la nouvelle Commission va commencer à travailler sur de très bonnes bases.
Q - Vous étiez la semaine dernière en Angleterre en compagnie de Jacques Chirac, pour célébrer l'Entente cordiale, une entente qui, finalement, n'avait pas l'air si cordiale avec les Anglais, puisqu'on campe sur nos positions en ce qui concerne l'Irak, et surtout qu'on a peu de choses nouvelles à proposer en collaboration avec eux.
R - Je ne suis pas d'accord sur l'analyse que vous venez de faire. J'étais effectivement jeudi à Londres pour le sommet franco-britannique qui avait pour but de célébrer le centenaire de l'Entente cordiale. Pendant toute l'année 2004, nous avons mené en commun un grand nombre d'actions dans de multiples domaines, scientifique, de politique étrangère, industriel, de coopération, et cette collaboration a donné lieu à de beaux succès. Jeudi dernier à Londres, j'ai ressenti une atmosphère de confiance, de dialogue, une envie mutuelle de pouvoir continuer à travailler ensemble. Les divergences sur la question irakienne ont existé, mais elles appartiennent au passé ; aujourd'hui, des éléments communs ont été actés, dans un cadre multilatéral, et nous travaillons ensemble sur ce point.
Q - Une position du discours de Tony Blair, qui parle maintenant de multilatéralisme
R - C'est également le discours que le président de la République et Michel Barnier ont porté jeudi à Londres, en donnant toute son importance à une Europe forte, coordonnée, capable de porter des positions et d'influer sur le cours des décisions qui seront prises dans un cadre beaucoup plus large, au niveau international.
Q - Jacques Chirac a proposé à Tony Blair le rôle de pont entre l'Europe et les Etats-Unis, M. Barroso s'est déclaré pour des liens solides avec la nouvelle administration Bush. Vous croyez vraiment, alors que les "faucons" détiennent les principaux postes, que les rapports Etats-Unis-Europe vont s'améliorer ?
R - Je crois que c'est dans le dialogue et l'écoute de l'autre que l'on peut progresser. Chacun a conscience de sa responsabilité dans la mise en place d'un ordre mondial, d'une gouvernance des affaires du monde. Nous devons essayer de travailler ensemble dans cette direction. Je crois qu'il faut profiter des relations privilégiées que chacun des vingt-cinq Etats membres de l'Union entretient avec d'autres Etats du monde pour contribuer à établir cet ordre : je pense ici aux relations privilégiées qu'entretiennent les dix nouveaux Etats membres avec certains de nos voisins de l'Est, comme la Russie, aux relations des Etats du Sud de l'Union européenne avec les pays du Maghreb
Q - Vous mentionnez le nouveau traité constitutionnel. Le 1er décembre, il y aura un vote au sein du parti socialiste (PS) sur cette Constitution. Est-ce que c'est une date importante seulement pour le PS ou également pour la France ?
R - Je suis satisfaite de la qualité des débats qui se déroulent actuellement au sein du Parti Socialiste. C'est un moment important dans la vie de ce parti, mais aussi dans le débat démocratique qui s'ouvre, et pour l'information des citoyens. Ce que je souhaite, c'est que ce débat pédagogique et de qualité se prolonge en France, que l'on puisse expliquer les enjeux de ce texte pour que chacun ait à sa disposition les moyens de se prononcer au moment du référendum sur le traité constitutionnel.
Q - Si le "non" venait à l'emporter, cela mettrait tout de même en cause le résultat final du référendum ?
R - Je suis moi-même convaincue des apports du traité constitutionnel, qui est une étape importante dans la construction européenne. Je souhaiterais que chacun soit du même avis ; je serais évidemment plus confiante si les socialistes français se prononcent pour le "oui". L'élaboration du texte s'est faite dans le cadre très pluraliste de la Convention, où les socialistes français eux-mêmes ont pu s'exprimer sur ce traité. Un "oui" rendrait les choses plus faciles, et j'espère que c'est cette décision qui sera prise au final au sein du PS. Mais c'est le référendum national qui restera une étape décisive. Il est d'ailleurs indispensable : c'était un souhait majeur de la part des Français, puisque plus de 80% d'entre eux le souhaitaient. Mais c'est aussi une entreprise difficile ; je pense vraiment que le "oui" de la France a un poids particulier dans la construction européenne.
Q - Elle s'exclurait par un "non", de l'Europe ?
R - Je sais à quel point nos partenaires européens attendent de la France qu'elle continue à être un moteur de la construction européenne. C'est vrai que cette étape là, c'est aussi un "oui" qui doit permettre d'aller plus loin. On a déjà franchi ensemble certaines étapes fondamentales dans les cinquante premières années de la construction européenne. La France est un moteur, un pays fondateur, et le regard des autres Européens sur notre pays démontre que nous sommes porteurs d'une vision, et que la France est influente en Europe. Cette influence doit être constructive aujourd'hui.
Q - Il y a tout de même un sujet sur lequel les Français sont hostiles, à savoir l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Le chef de l'Etat est pour cette adhésion, son parti est majoritairement contre, est-ce que c'est un paradoxe ?
R - Il faut analyser raisonnablement les sondages sur ce point. Il est normal de dire aujourd'hui que la Turquie n'est pas prête à entrer dans l'Union européenne et que l'Union européenne n'est pas prête à accueillir la Turquie. C'est cela que nous disent les Français dans les sondages. En revanche, engager un dialogue, des négociations, pour envisager les moyens de faire un chemin ensemble, c'est un point très important pour la stabilité de notre continent. Il faut que nous amenions la Turquie à être plus proche des valeurs fondamentales de l'Europe : l'Etat de droit, la démocratie, le respect des minorités, l'égalité. C'est un chemin que nous devons parcourir ensemble, encore faut-il que les portes soient ouvertes pour cela. Je pense que le Conseil européen du 17 décembre décidera d'ouvrir les négociations pour le faire. Mais, comme le président de la République l'a souligné, il nous faudra rester exigeants et vigilants, car la Turquie n'est pas un pays comme les autres. Tout au long de ce long processus, qui durera dix ou quinze ans, nous verrons ensemble si la convergence est possible, et à quel moment nos chemins pourront se rejoindre.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 novembre 2004)
R - La Commission Barroso a obtenu une large majorité au Parlement européen à l'occasion de son investiture, et c'est un élément qui permet aux institutions européennes de commencer à travailler dans la confiance. Je suis très heureuse que cette nouvelle Commission ait acquis une légitimité par un vote majoritaire ; je crois que les évènements qui se sont déroulés ces trois dernières semaines montrent que l'on travaille dans un cadre véritablement démocratique au niveau communautaire.
Q - Certaines critiques demeurent, au-delà de la résolution de ce problème, sur le fait notamment que la commissaire néerlandaise à la Concurrence, Neelie Kroes, soit, d'entrée de jeu, dessaisie de trois dossiers, dont le dossier industriel, pour conflit d'intérêts avec ses précédentes fonctions. Est-ce que cela ne nuit pas à la crédibilité de la Commission ?
R - Ces éléments ont été pris en compte dans les propositions qui ont été faites par le président Barroso. Personne ne remet en cause la compétence de Neelie Kroes, et je crois qu'il est important qu'une personnalité du secteur privé puisse apporter un éclairage différent sur ces questions relatives à la concurrence dans le nouveau collège des commissaires. Je crois que tout cela va s'organiser dans la transparence et que la nouvelle Commission va commencer à travailler sur de très bonnes bases.
Q - Vous étiez la semaine dernière en Angleterre en compagnie de Jacques Chirac, pour célébrer l'Entente cordiale, une entente qui, finalement, n'avait pas l'air si cordiale avec les Anglais, puisqu'on campe sur nos positions en ce qui concerne l'Irak, et surtout qu'on a peu de choses nouvelles à proposer en collaboration avec eux.
R - Je ne suis pas d'accord sur l'analyse que vous venez de faire. J'étais effectivement jeudi à Londres pour le sommet franco-britannique qui avait pour but de célébrer le centenaire de l'Entente cordiale. Pendant toute l'année 2004, nous avons mené en commun un grand nombre d'actions dans de multiples domaines, scientifique, de politique étrangère, industriel, de coopération, et cette collaboration a donné lieu à de beaux succès. Jeudi dernier à Londres, j'ai ressenti une atmosphère de confiance, de dialogue, une envie mutuelle de pouvoir continuer à travailler ensemble. Les divergences sur la question irakienne ont existé, mais elles appartiennent au passé ; aujourd'hui, des éléments communs ont été actés, dans un cadre multilatéral, et nous travaillons ensemble sur ce point.
Q - Une position du discours de Tony Blair, qui parle maintenant de multilatéralisme
R - C'est également le discours que le président de la République et Michel Barnier ont porté jeudi à Londres, en donnant toute son importance à une Europe forte, coordonnée, capable de porter des positions et d'influer sur le cours des décisions qui seront prises dans un cadre beaucoup plus large, au niveau international.
Q - Jacques Chirac a proposé à Tony Blair le rôle de pont entre l'Europe et les Etats-Unis, M. Barroso s'est déclaré pour des liens solides avec la nouvelle administration Bush. Vous croyez vraiment, alors que les "faucons" détiennent les principaux postes, que les rapports Etats-Unis-Europe vont s'améliorer ?
R - Je crois que c'est dans le dialogue et l'écoute de l'autre que l'on peut progresser. Chacun a conscience de sa responsabilité dans la mise en place d'un ordre mondial, d'une gouvernance des affaires du monde. Nous devons essayer de travailler ensemble dans cette direction. Je crois qu'il faut profiter des relations privilégiées que chacun des vingt-cinq Etats membres de l'Union entretient avec d'autres Etats du monde pour contribuer à établir cet ordre : je pense ici aux relations privilégiées qu'entretiennent les dix nouveaux Etats membres avec certains de nos voisins de l'Est, comme la Russie, aux relations des Etats du Sud de l'Union européenne avec les pays du Maghreb
Q - Vous mentionnez le nouveau traité constitutionnel. Le 1er décembre, il y aura un vote au sein du parti socialiste (PS) sur cette Constitution. Est-ce que c'est une date importante seulement pour le PS ou également pour la France ?
R - Je suis satisfaite de la qualité des débats qui se déroulent actuellement au sein du Parti Socialiste. C'est un moment important dans la vie de ce parti, mais aussi dans le débat démocratique qui s'ouvre, et pour l'information des citoyens. Ce que je souhaite, c'est que ce débat pédagogique et de qualité se prolonge en France, que l'on puisse expliquer les enjeux de ce texte pour que chacun ait à sa disposition les moyens de se prononcer au moment du référendum sur le traité constitutionnel.
Q - Si le "non" venait à l'emporter, cela mettrait tout de même en cause le résultat final du référendum ?
R - Je suis moi-même convaincue des apports du traité constitutionnel, qui est une étape importante dans la construction européenne. Je souhaiterais que chacun soit du même avis ; je serais évidemment plus confiante si les socialistes français se prononcent pour le "oui". L'élaboration du texte s'est faite dans le cadre très pluraliste de la Convention, où les socialistes français eux-mêmes ont pu s'exprimer sur ce traité. Un "oui" rendrait les choses plus faciles, et j'espère que c'est cette décision qui sera prise au final au sein du PS. Mais c'est le référendum national qui restera une étape décisive. Il est d'ailleurs indispensable : c'était un souhait majeur de la part des Français, puisque plus de 80% d'entre eux le souhaitaient. Mais c'est aussi une entreprise difficile ; je pense vraiment que le "oui" de la France a un poids particulier dans la construction européenne.
Q - Elle s'exclurait par un "non", de l'Europe ?
R - Je sais à quel point nos partenaires européens attendent de la France qu'elle continue à être un moteur de la construction européenne. C'est vrai que cette étape là, c'est aussi un "oui" qui doit permettre d'aller plus loin. On a déjà franchi ensemble certaines étapes fondamentales dans les cinquante premières années de la construction européenne. La France est un moteur, un pays fondateur, et le regard des autres Européens sur notre pays démontre que nous sommes porteurs d'une vision, et que la France est influente en Europe. Cette influence doit être constructive aujourd'hui.
Q - Il y a tout de même un sujet sur lequel les Français sont hostiles, à savoir l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Le chef de l'Etat est pour cette adhésion, son parti est majoritairement contre, est-ce que c'est un paradoxe ?
R - Il faut analyser raisonnablement les sondages sur ce point. Il est normal de dire aujourd'hui que la Turquie n'est pas prête à entrer dans l'Union européenne et que l'Union européenne n'est pas prête à accueillir la Turquie. C'est cela que nous disent les Français dans les sondages. En revanche, engager un dialogue, des négociations, pour envisager les moyens de faire un chemin ensemble, c'est un point très important pour la stabilité de notre continent. Il faut que nous amenions la Turquie à être plus proche des valeurs fondamentales de l'Europe : l'Etat de droit, la démocratie, le respect des minorités, l'égalité. C'est un chemin que nous devons parcourir ensemble, encore faut-il que les portes soient ouvertes pour cela. Je pense que le Conseil européen du 17 décembre décidera d'ouvrir les négociations pour le faire. Mais, comme le président de la République l'a souligné, il nous faudra rester exigeants et vigilants, car la Turquie n'est pas un pays comme les autres. Tout au long de ce long processus, qui durera dix ou quinze ans, nous verrons ensemble si la convergence est possible, et à quel moment nos chemins pourront se rejoindre.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 novembre 2004)