Texte intégral
Qu'il survienne en prison ou dans la vie courante, le suicide demeure toujours un échec qui plonge les familles, les soignants, les institutions, la société elle-même dans une profonde culpabilité, en même temps qu'il donne le sentiment d'impuissance sur les moyens sensés permettre d'éviter ces gestes d'ultime désespoir.
Manqué ou réussi, le suicide est un appel qui doit être entendu. Nous ne pouvons nous résigner à son constat sous forme de statistiques.
Vous le savez, j'ai tenu à ce que figure, parmi les cinq axes prioritaires de notre politique de santé publique, un plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives. Ce n'est pas un hasard si le suicide qui est d'abord une violence à soi-même, est de ce fait l'objet d'un plan d'action spécifique.
Il était donc tout naturel que nous nous soyions associés avec le Ministère de la Justice pour combattre un fléau qui affecte particulièrement les détenus en mettant en commun nos forces et nos compétences.
Le rapport, réalisé à notre demande, que vient de nous présenter le Professeur Terra s'inscrit parfaitement dans les préoccupations de mon Ministère : réduire de 20% en cinq ans la mortalité par suicide en France (objectif N° 92 de la LSP). C'est un plan ambitieux. Il est à notre portée. Nous allons le démarrer sans tarder.
La détection précoce et l'éducation constituent de toute évidence l'axe fort de cette politique de prévention. Elle nécessite de mobiliser tous les acteurs : personnels pénitentiaires, bénévoles mais aussi soignants moins habitués à la prise en charge de tels patients dans des formations en cascade dispensées par des psychologues et des spécialistes de ce sujet.
Ces moyens devront rapidement être complétés par d'autres mesures recherchant à mieux identifier les sujets à risque, à exercer une surveillance permettant de mieux prévenir les dangers de passages à l'acte, mais aussi chaque fois que nécessaire, à mieux prendre en charge psychologiquement les familles dans la postvention. Le rapport de Monsieur Terra nous donne des pistes concrètes de travail, certaines devant être expérimentées avant d'être généralisées. Déjà nos services travaillent conjointement à l'élaboration de certaines d'entre elles : hospitalisation de personnes détenues présentant des troubles mentaux dans des unités spécialement aménagées (UHSA), analyse de la morbidité et de la mortalité et de ses déterminants sous réserve du respect des nécessaires règles de confidentialité.
Je tenais aussi à vous dire que les propositions contenues dans ce rapport ne constituent qu'un maillon d'une collaboration plus étroite que le ministre de la justice et moi-même avons souhaité entreprendre au plan plus général des rapports entre Santé et Justice (prise en charge des addictions, réduction des risques de transmission du VIH et de l'Hépatite, prise en charge des auteurs d'infractions à caractère sexuel).
Dans cette perspective et de manière très concrète, le plan d'action en Santé Mentale que nous proposerons au premier trimestre 2004 comportera un volet entier sur la prise en charge médico-judiciaire.
Mesdames, Messieurs, j'ai souhaité, vous le savez, que nos actions de prévention fassent diminuer la mortalité prématurée en France car son taux est indigne d'un grand pays comme le nôtre. Il faut, sur ce sujet comme sur d'autres, faire preuve de détermination et de persévérance. A ce titre, nous ne devons jamais considérer le suicide comme une fatalité et le combattre par une vigilance de tous les instants.
Même en prison, tout faire pour préserver la vie reste pour moi un acte de liberté.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 décembre 2003)