Interview de M. François Baroin, secrétaire général délégué de l'UMP, à France 2 le 15 septembre 2004, sur l'élection du prochain président de l'UMP, les relations au sein du PS après la décision de M. Laurent Fabius de voter "non" au référendum sur la Constitution européenne.

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

Texte intégral

QUESTION : Ce soir à minuit que les candidatures à la présidence de l'UMP doivent toutes être déposées. Un certain N. Sarkozy aurait ramassé plus de 20 000 signatures, alors qu'il en faut 3 000 à peu près pour être candidat. Il y aura d'autres candidatures ou les autres n'ont pas eu suffisamment de signatures ? On parle notamment de N. Dupont-Aignan et de C. Boutin.
François BAROIN (Réponse) : Le dépôt est à minuit, donc les 20 000, je ne peux pas vous les confirmer. Les autres candidats - pour l'instant, on est en plein dépouillement - n'ont pas encore, à l'heure où je vous parle, les 3 400 signatures. Donc ce n'est pas inutile de rappeler ce que cela veut dire selon les statuts. En fait, on s'est un peu calqué sur le système de parrainage de l'élection présidentielle : il faut, pour un président de la République, 500 maires minimum, eh bien il fallait 3 400 militants. Peut-être que la barre est un peu haute, peut-être que nous devrons réfléchir à faire en sorte qu'il y ait un peu plus de possibilités de candidatures pour un débat un peu plus fourni.
QUESTION : N. Sarkozy a obtenu 20 000 signatures, c'était une façon de dire que, en effet, il y avait un appel qui venait du fond des militants.
François BAROIN (Réponse) : Je crois qu'il n'y a pas de contestation possible: N. Sarkozy sera le prochain président de l'UMP, qu'il y ait un ou plusieurs candidats. Il y a aujourd'hui une équation politique entre l'accord avec J. Chirac, entre son potentiel personnel, entre sa surface et puis le projet qu'il va défendre pour l'UMP. Tout cela permettra d'avoir une campagne qui donnera de l'élan à l'UMP.
QUESTION : On imagine qu'à ses côtés il pourrait y avoir - enfin, c'est ce qui se dit en tout cas, puisqu'il pourrait déposer une liste avec un certain nombre de colistiers -, J.-C. Gaudin, de P. Méhaignerie. Vous même, il vous a proposé de garder votre poste et vous ne l'avez pas souhaité, pourquoi ?
François BAROIN (Réponse) : Je crois que j'avais dit chez vous dès le départ que la mission qui m'a été confiée par A. Juppé et le bureau politique était une mission entre le moment où l'on avait perdu les régionales et la préparation du congrès. Ma mission était de sauver, en quelque sorte, l'unité de l'UMP, qui était une maison qui a été secouée. Je crois que l'on y est parvenu. Il y avait plusieurs tendances, plusieurs sensibilités, aujourd'hui, il y a un accord global. Je n'ai pas vocation à aller au-delà. Je rappelle que le pacte fondateur de l'UMP, c'est trois familles politiques : ce sont les gaullistes, ce sont les libéraux, ce sont les centristes, plus les radicaux. Sarkozy plus un autre gaulliste, moi ou un autre, cela faisait un peu déséquilibré. Je pense que c'est mieux comme cela.
QUESTION : Vous dites justement que c'est un rassemblement de trois familles, est-ce qu'il y aura des courants à l'UMP ? N. Sarkozy a dit hier encore qu'il n'était pas favorable à cette idée de courants ; est-ce que vous, vous pensez qu'il faut des courants ? On n'a pas trouvé nos marques sur cette affaire de courants.
François BAROIN (Réponse) : Les courants, c'est plutôt le PS, c'est plutôt la culture, semble-t-il, du débat - ceci, d'ailleurs, aujourd'hui, de manière assez spectaculaire... On va l'évoquer... Nous, on n'a pas tellement la culture du débat à droite, il faut le reconnaître, on a plutôt la culture du chef. En 2002, on l'a mis dans les statuts ; pour ne pas gêner le Gouvernement, parce que l'on est le parti majoritaire, on a dit : "on va enterrer les courants et on va faire vivre le débat d'une autre façon". Après les régionales, certains ont dit - P. Méhaignerie et quelques autres - qu'il fallait des courants, parce que c'est ce qui nous avait manqué. E puis, au final, on a dit qu'il ne fallait plus de courants. Je réunirai un bureau politique la semaine prochaine ; je crois que l'on peut faire confiance aussi à la future direction pour organiser le débat. Est-ce que le courant, c'est-à-dire au fond, un contrepouvoir à l'intérieur, avec de l'argent et des gens qui sont nommés, doit être organisé ? Est-ce que c'est cela la bonne solution pour quelque chose comme l'UMP ? Il y a plusieurs avis.
QUESTION : Mais vous, quel est votre sentiment personnel là-dessus ? Vous pensez effectivement qu'il faut que statutairement, il y ait des courants qui aient leur autonomie ?
François BAROIN (Réponse) : Je suis plutôt historiquement pour les courants, parce que je crois que ce n'est pas parce qu'on fait l'UMP que le gaullisme a disparu, que les centristes sont effacés et que les libéraux n'existent plus. Mais ce n'est peut-être pas la bonne méthode. En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il faut qu'on offre au débat une réalité en interne et qu'on offre également aux Français une possibilité de faire vivre leurs sensibilités et leurs expressions autour de l'UMP.
QUESTION : L'UMP sous la tutelle de N. Sarkozy doit rester un parti majoritaire, un parti du gouvernement, mais N. Sarkozy, dans ses dernières déclarations dit, entre autres choses, qu'il veut défendre la France moyenne, qu'il veut être avec ceux qui travaillent plus pour gagner plus. Il dit : "plus ça va, plus j'ai envie de dire ce que je pense". Est-ce que ce n'est pas autant un discours j'allais dire de candidat tout court, que de chef de parti ?
François BAROIN (Réponse) : Vous savez, à l'heure où le PS est en train d'exploser sur l'Europe, nous contre toute attente, nous avons à faire un visage un peu plus uni. Nous n'allons pas les uns et les autres, par nos déclarations respectives, mettre de l'huile...
QUESTION : Mais ce n'est pas un visage uni par défaut, parce que justement les socialistes sont très déchirés ?
François BAROIN (Réponse) : Ceux qui ne nous aiment pas diront que c'est une tartuferie, ceux qui n'aiment pas N. Sarkozy vivront dans le doute, ceux qui n'aiment pas J. Chirac vivront également dans la suspicion. Je crois qu'il y a une règle simple : on peut être fidèle au président de la République et loyal au président de l'UMP. Fidèle à Chirac, loyal à Sarkozy. On peut parfaitement vivre comme cela jusqu'en 2007.
QUESTION : Madelin qui n'est pas à l'UMP et qui souhaite ne pas rentrer, rester en dehors, si je puis dire, pronostique une rivalité dangereuse, une bataille impitoyable entre, pour faire simple, N. Sarkozy et J. Chirac...
François BAROIN (Réponse) : Devant les jeunes populaires, dans mon discours en conclusion, j'avais expliqué qu'il y avait beaucoup de Cassandres et que souvent les Cassandres pouvaient dire une vérité, mais qu'il y avait rarement une volonté. On peut dire une vérité, mais le pire n'est jamais sûr, on peut affirmer une volonté ; la mienne et celle de beaucoup d'entre nous, c'est de faire en sorte que ça marche.
QUESTION : Et donc on vous trouvera toujours pour jouer les bons offices s'il le faut et la carte de l'apaisement, c'est ça ?
François BAROIN (Réponse) : Dans l'état d'esprit que je viens de développer, avec le rappel qu'il ne peut pas y avoir l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarettes entre l'UMP et le président de la République.
QUESTION : Alors côté socialiste, en effet, ça tangue beaucoup, puisque après le "non sauf ", le "finalement non", ou "au bout du compte non", ou "sans doute non" de Fabius...
François BAROIN (Réponse) : Et il a encore changé d'avis ?
QUESTION : Non, c'est une façon un peu ironique de dire les choses. Hier, les courants, les deux familles, le "oui" et le "non", se réunissaient au sein du PS. Manifestement, il n'y a pas d'entente possible. Vu de l'extérieur, vous pensez quoi ? Que le PS pourrait imploser sur une affaire comme ça ?
François BAROIN (Réponse) : Je pense que sur un sujet comme ça, le PS peut éclater. C'est un congrès de Rennes rampant qui se déroule sous nos yeux. Il faut rappeler qu'au congrès de Rennes, les fabiusiens et les jospiniens s'étaient affrontés de façon extrêmement brutale. Il avait voulu se compter pour des petits gains électoraux, cela avait explosé, des noms d'oiseaux... Enfin, la réalité de la nature de leurs relations intimes était apparue au grand jour. Ce n'est pas le "non" qui est choquant, parce que le "non" c'est un argument politique. Chacun peut avoir dans son for intérieur la conviction que la Constitution est imparfaite, que la construction de l'Union européenne n'est pas satisfaisante. C'est parce que c'est Fabius, qu'il a été Premier ministre, qu'il est un peu l'enfant de Mitterrand - qui était, il faut lui reconnaître cela, un grand constructeur de l'Union européenne -, qui se positionne pour des raisons tactiques en s'adressant aux militants des fédérations du PS dans la perspective des présidentielles. C'est cela qu'il faut mettre en lumière. C'est donc un aspect tactique, individualiste, qui, à titre personnel, m'a donné l'impression d'être plutôt un homme à la mer qu'un homme d'Etat, et sur le plan politique, évidemment, va provoquer des secousses considérables rue de Solferino.
QUESTION : Secousses rue de Solferino, mais secousses peut-être aussi plus graves, parce que s'il y a toute une frange du pays qui écoute L. Fabius et dit "non" au référendum, est-ce que ce ne sera pas aussi une façon de dire "non" à J. Chirac ?
François BAROIN (Réponse) : On sait bien que dans un référendum on ne répond pas toujours à la question, mais on répond toujours à celui qui la pose. Vous savez, un référendum sur l'Europe, il y a toutes les raisons de s'orienter dans un contexte difficile : on est contre la météo, l'air, le temps, le vent, les cours de la Bourse, la communion de la gamine qui s'est mal passée... Enfin, il y aura toutes les raisons de faire avec beaucoup de facilité et beaucoup de démagogie une campagne en faveur du "non". Il faudra, je crois, de notre côté, les uns et les autres qui y croyons, faire une forte campagne de pédagogie. Il faudra le temps. Je crois que la bonne idée serait de bien européaniser ce scrutin. C'est pour cela que je crois qu'il ne faut pas enterrer l'idée selon laquelle, tous les pays en même temps, au même jour, selon leurs règles constitutionnelles, pourront s'exprimer sur ce texte européen.
QUESTION : Il pourrait donc y avoir un référendum commun, le même jour à tout le monde ?
François BAROIN (Réponse) : Un référendum probablement pas, puisque vous le savez, par exemple en Allemagne, la Constitution ne permet pas l'organisation d'une consultation référendaire. Mais en revanche, une consultation le même jour, je crois qu'il ne faut pas perdre de vue, cette idée. Et puis une fois qu'on a cela, on a peut-être aussi un peu plus d'élan pour faire campagne pour le "oui".

(Source http://www.u-m-p.org, le 16 septembre 2004)