Texte intégral
Q- La guerre civile menace en Ukraine, où l'une des parties a le soutien de V. Poutine, et l'autre l'appui de G. Bush ; est-ce que ces drames ne donnent pas une autre dimension aux petites querelles subalternes autour de l'Europe ?
R- Non, je crois qu'au contraire, ils éclairent mieux les questions qui sont posées. Il faut que l'Europe existe, il faut que l'Europe soit forte. Nous n'avons pas le temps d'attendre, nous n'avons pas le temps de jouer la crise. Il faut que l'Europe puisse être un élément protecteur par rapport à ce qui est en train de se passe en Ukraine. Donc, je crois que le débat que nous avons est un débat important en ce moment. C'est-à-dire que nous ne voulons pas perdre de temps, nous ne voulons pas de crise, nous ne voulons pas attendre encore quatre ou cinq ans pour renégocier. Il faut que l'Europe ait une politique de défense commune, qu'elle ait une politique étrangère commune. Ces questions sont contenues dans la discussion que nous avons aujourd'hui et on voit bien l'importance d'une Europe puissance et d'une Europe forte.
Q-L'Ukraine entre dans le débat européen aujourd'hui en France et en Europe ?
R-L'Ukraine montre l'urgence d'une Europe forte et l'Ukraine montre que nous n'avons pas le temps d'attendre. Nous savons que l'administration américaine est forte aujourd'hui et qu'elle va jouer de toute sa puissance, nous savons que l'Europe a besoin aujourd'hui de mieux exister. Et nous ne pouvons pas prendre le temps de la crise.
Q-Vous voulez dire que si, par exemple, le nouvel élu de Kiev demandait à Poutine d'envoyer un soutien militaire, qu'est-ce qui l'en empêcherait ?
R-Il faudrait justement qu'il ne puisse pas le faire, puisqu'il faudrait qu'il sache qu'il y a une puissance européenne qui fait respecter la démocratie, qui fait respecter les principes et qui ne confie pas son sort, par exemple, à l'administration américaine.
Q-Aujourd'hui, il n'y a donc que l'OTAN et l'Amérique ?
R-C'est justement ce que nous essayons de faire : construire une politique de défense qui soit adossée à l'OTAN.
Q-N'y a-t-il pas un paradoxe pour les démocrates à propos de l'Ukraine ? Aujourd'hui, on soutient la rue contre les élections, qui ont peut-être été truquées de part et d'autre...
R-Oui, c'est pour cela que je pense que la bonne solution, aujourd'hui, en Ukraine, à mon avis, serait de recommencer les élections. Et justement, l'Europe pourrait être un élément qui supervise le processus électoral et qui garantisse aujourd'hui le résultat.
Q-Au PS, on sent monter le suspense ; est-ce qu'en provoquant le référendum interne, F. Hollande n'a pas pris un risque gros, et d'abord un effet boomerang : tel est pris qui croyait prendre ?
R-Non, parce que ce que fait F. Hollande depuis maintenant plusieurs mois à a tête du PS, c'est d'essayer de faire une véritable rénovation. Qu'y avait-il dans la défaite du 21 avril ? Il y avait des militants et des militantes qui nous ont dit "vous ne nous avez pas assez entendus, vous ne nous avez pas assez écoutés, vous nous ne nous avez pas assez associés, vous n'avez pas compris les problèmes que nous évoquions, vous avez été sourds à tout cela". Ce que nous essayons de faire, c'est de construire un parti moderne, un parti qui débatte.
Q-Oui, mais là, ils cherchent surtout à réussir un bon coup et un unique coup !
R-Non, je ne suis pas d'accord avec cela. C'est une méthode depuis le congrès de Dijon, qui vise justement à recréer les conditions d'une rénovation politique. Ce que nous avons fait au travers de ce référendum sur l'Europe, nous le referons dans toute l'élaboration du programme du PS.
Q-Cela veut dire qu'il y aura d'autres consultations du même type au sein du PS ? Une fois ne suffit pas ?
R-A chaque étape il y aura une consultation. Cela n'aura pas forcément la forme d'un référendum par oui ou par non, mais cela veut dire que nous voulons associer les militants à la discussion du programme. Je veux même aller plus loin : nous voulons aussi associer tous les sympathisants de gauche, parce que ce qui est important dans ce qui vient de ce passer - et c'est à l'honneur du PS -, j'ai vu des centaines de gens, qui ne sont pas militants du PS, venir me dire "comment on pourrait intervenir dans ce débat, nous aussi on a quelque chose à dire". Je leur dis que la meilleure chose serait de venir renforcer les partis politiques, de prendre leur carte. Mais on ne le fera pas tout de suite, et donc on va aussi les associer à ces discussions.
Q-Vous mettez l'accent sur un point : il est quand même étrange - c'est J. Jaffré qui le disait hier dans Le Monde - que 100.000 militants UMP dans trois jours, 100.000 militants PS dans six jours, 200.000 au total, soit 0,5 % du corps électoral, décident pour tant de Français.
R-Cela veut dire à nos compatriotes - le message est clair - : adhérer aux partis politiques. Mais pour qu'ils adhérent, il faut qu'ils aient le sentiment que cela serve à quelque chose. Je regarde le débat que nous avons eu. C'est un débat sérieux qui a intéressé tout le monde. J'entendais hier N. Sarkozy dire qu'il voulait redonner de la passion à la vie politique...
Q-Il a raison !
R-Eh bien, je dis que lui il en rêve, nous on le fait, nous on l'a fait. Pour la première fois, c'est un débat qui a été structurant. Et je pense que ce débat est fondateur d'une nouvelle identité du PS.
Q-Quand vous poussez les gens à aller vers les partis, on renforce à la fois l'UMP, l'UDF, le PS sans faire une démocratie de partis.
R- Si, puisque regardez : pour la première fois, les gens vont pouvoir décider. Personne ne va leur opposer quelque chose. Et ça, c'est important. Et c'est cela qui fait que l'on a envie d'adhérer à un parti politique, parce qu'on se dit que le parti politique n'est pas seulement une machine à fabriquer un candidat.
Q-Est-ce qu'il n'y a pas un parfum d'exagération au PS ? "La victoire du "non" serait une déflagration" dit E. Guigou, "la tourmente" dit J. Lang, d'autres disent que c'est "un choix destructeur", une "cata", et pour F. Hollande "un saut dans le vide" - évidemment sans élastique. Ce n'est pas un peu gros ?
R-Je pense qu'il ne faut pas forcer le vote des militants. Ils sont responsables et je leur fais confiance. Je pense qu'ils voteront, en dernière analyse, majoritairement pour le "oui". Maintenant, ce que nous disons - et c'est normal, c'est notre rôle de responsable politique, c'est qu'il y a d'un côté, dans le camp du "oui", des certitudes, des garantis, on sait où l'on va. De l'autre, il n'y a que des incertitudes et des doutes. Dans tout ce débat - c'est cela qui était important -, les questions posées aux partisans du "non" étaient de savoir ce qui se passait après ; ils n'ont pas apporté de réponse.
Q-Oui, mais avec L. Fabius, ils ont des arguments qui font mal ou qui font moche. Par exemple, dire "oui" à la Constitution européenne, c'est voter une nouvelle fois pour J. Chirac...
R-Oui, mais il y a un paradoxe : c'est que peut-être que nous allons être accompagnés dans ce vote pour le "oui" avec J. Chirac, mais regardez ce qui se passe si on vote "non" : a qui on confie la responsabilité de renégocier le traité ? A J. Chirac. Eh bien, je préfère être accompagné dans le vote avec J. Chirac que de confier mon destin dans la renégociation du traité à J. Chirac.
Q-Et quand L. Fabius vous accuse en ce moment de faire la danse du ventre ou plutôt du centre ?
R-Ce n'est pas sérieux. Je pense que quand on en est là, cela veut dire que l'on n'a pas plus grand-chose à dire sur le contenu du traité. Et je crois que c'est la difficulté dans laquelle se trouve aujourd'hui L. Fabius. C'est peut-être passé inaperçu mais le Conseil constitutionnel a dit la loi, il a dit ces choses très importantes sur la nature du traité, qui, je crois, effacent tous les arguments qui étaient opposés par L. Fabius jusqu'à présent. Pourquoi ? Parce qu'il a rappelé que la Constitution française était supérieure au traité constitutionnel. Cela veut dire qu'il n'y a pas aujourd'hui une Constitution européenne qui empêcherait la France de vivre. Il a rappelé par exemple que la laïcité restait la laïcité à la française et qu'il n'y avait donc pas de menace. Il a rappelé que les droits du Parlement français étaient renforcés dans le cadre de ce traité constitutionnel. Et il a surtout rappelé que la Charte des droits fondamentaux qui était invoquée dans le traité de Nice devient une référence. C'est-à-dire que tous les citoyens européens pourront revendiquer le droit au logement, au travail, la protection sociale...
Q-Merci le Conseil constitutionnel...
R-Oui, je pense que Conseil continue à faire un bon travail là-dessus.
Q-Est-ce que pour vous aussi, l'Europe n'impose pas à votre parti de trancher le 1er décembre, comme l'écrit A. Duhamel dans Libération, entre le "socialisme virtuel et imaginaire" et le "réformisme du possible et du réel" ?
R-Je pense que ce débat a été utile, je pense même que l'on aurait dû l'avoir plus tôt, parce qu'il permet, après, si nous votons "oui", au Parti socialiste de s'assumer pleinement comme un parti social-démocrate et de ne pas avoir honte d'être un parti social-démocrate, c'est-à-dire à dire un parti qui veut la transformation sociale dans le cadre du compromis et qui ne pense pas à la rupture et quand il arrive au pouvoir, comme il ne peut pas faire la rupture, à ce moment-là, il ne fait rien d'autre.
Q-Est-ce qu'un "oui" le 1er décembre entraîne, lors du référendum 2005 voulu par le président de la République, un même "oui" ?
R-Si la question est la même, il y aura une cohérence. Si on dit "oui" aujourd'hui et que l'on nous pose la question devant le pays, nous dirons "oui", et j'espère même que nous entraînerons le pays à dire "oui".
Q-Le 2 décembre, le sacre de l'empereur Hollande Ier va commencer, et c'est peut-être ce qui passe mal chez ceux qui l'ont connu lieutenant ?
R-Non, ce que je crois, c'est qu'il y a effectivement un passage de témoin, à droite comme à gauche. C'est-à-dire qu'il y a une nouvelle génération qui arrive en première ligne, qui arrive au niveau des plus hautes responsabilités. Je crois que c'est utile, c'était attendu par les Françaises et les Français, c'était nécessaire. Il y a aujourd'hui besoin d'une rénovation et dans cette rénovation, il faut aussi des nouvelles têtes ; elles arrivent à la tête des deux partis. Maintenant, il n'y a pas de "sacre", parce qu'il n'y a pas d'empereur. Et vous savez pourquoi ? Parce que les empereurs, ça fini en Waterloo. Ce que nous voulons, c'est justement créer les conditions d'une gauche qui reste durablement au pouvoir. Quel est le vrai challenge de la gauche française ? Ce n'est pas de gagner une élection, c'est d'être capable de durer au pouvoir. Je dis cela sous la forme suivante : gagner et gagner. C'est-à-dire de gagner une première fois et d'être capable d'être confirmé une deuxième fois, et donc, d'avoir un programme crédible qui mobilise la société française, parce qu'il est efficace et qu'il répond aux aspirations.
Q-Mais faites attention, le moment venu, quand vous aurez un vrai leader qui incarnera le nouveau projet et que vous aurez le projet au PS, vous aurez un adversaire de taille avec N. Sarkozy...
R-Oui mais tant mieux, parce que cela va nous forcer à être intelligents, à avoir une vraie différenciation, à ne pas être simplement en contre, mais d'avoir aussi un projet politique moderne.
Q-Je ne veux pas vous laisser partir sans vous posez une question : au nom du PS, vous êtes violemment intervenu contre la chaîne de télévision Al-Manar qui émet de la partie Hezbollah du Liban et que le CSA vient d'autoriser sous sévères conditions. Est-ce que vos raisons pour protester sont assez solides ?
R-Oui, parce que le Hezbollah reste une organisation terroriste. Et d'ailleurs, le juge Marchoux, sur la chaîne Public Sénat, hier, le rappelait : le Hezbollah est responsable des attentats de 1986. Je ne comprends pas ce qui s'est passé, je ne comprends pas que l'on puisse autoriser une chaîne qui prône l'antisémitisme, qui prône la violence. Il y a une contradiction entre le combat que l'on mène dans le pays aujourd'hui contre l'antisémitisme et une politique diplomatique qui deviendrait complaisante à l'égard de ces terroristes.
Q-Aux premiers excès racistes, le CSA a promis de couper son et image.
R-Le CSA lui-même, dans une lettre qu'il a adressée à la chaîne, le 16 novembre, reconnaissait que les programmes de cette chaîne étaient incompatibles avec les fondements de la République. Je ne comprends donc pas ce qui s'est passé, et ce n'est pas une décision [inaud]...
Q-Que voulez-vous dire ?
R-Je pense qu'il y a quelque part une négociation qui a eu lieu et c'est cela qui me pose problème.
Q-Vous voulez dire que ce serait une décision de caractère politique ?
R-Personne ne peut penser que le CSA a agi sans en référer aux autorités politiques.
Q-Mais Al-Manar est soutenue par des pays arabes qui pourraient entraîner des représailles, pas seulement dans la diffusion ou le blocage de diffusion de télévisions françaises au Proche-Orient.
R-C'est là qu'est le problème. Cela veut dire qu'au lieu de combattre, on est en train d'essayer de négocier et je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que la France est forte quand elle défend ses principes et je pense surtout qu'il y a aujourd'hui des millions de musulmans qui ne se reconnaissent pas dans cette islamisme. Et le plus mauvais des services, c'est de rendre public ou de montrer que l'on négocie ou que l'on pactise avec ces gens-là, avec les terroristes.
Q-Vous voulez une clarification ?
R-Je veux une clarification, je veux une décision politique qui dise qu'il y a des choses qui sont incompatibles aujourd'hui et nous ne pouvons pas accepter cela.
Q-Si je comprends bien, vous suggérez que la démocratie censure et interdise
la télé ?
R-La démocratie ne donne pas la liberté aux ennemis de la liberté.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 novembre 2004)
R- Non, je crois qu'au contraire, ils éclairent mieux les questions qui sont posées. Il faut que l'Europe existe, il faut que l'Europe soit forte. Nous n'avons pas le temps d'attendre, nous n'avons pas le temps de jouer la crise. Il faut que l'Europe puisse être un élément protecteur par rapport à ce qui est en train de se passe en Ukraine. Donc, je crois que le débat que nous avons est un débat important en ce moment. C'est-à-dire que nous ne voulons pas perdre de temps, nous ne voulons pas de crise, nous ne voulons pas attendre encore quatre ou cinq ans pour renégocier. Il faut que l'Europe ait une politique de défense commune, qu'elle ait une politique étrangère commune. Ces questions sont contenues dans la discussion que nous avons aujourd'hui et on voit bien l'importance d'une Europe puissance et d'une Europe forte.
Q-L'Ukraine entre dans le débat européen aujourd'hui en France et en Europe ?
R-L'Ukraine montre l'urgence d'une Europe forte et l'Ukraine montre que nous n'avons pas le temps d'attendre. Nous savons que l'administration américaine est forte aujourd'hui et qu'elle va jouer de toute sa puissance, nous savons que l'Europe a besoin aujourd'hui de mieux exister. Et nous ne pouvons pas prendre le temps de la crise.
Q-Vous voulez dire que si, par exemple, le nouvel élu de Kiev demandait à Poutine d'envoyer un soutien militaire, qu'est-ce qui l'en empêcherait ?
R-Il faudrait justement qu'il ne puisse pas le faire, puisqu'il faudrait qu'il sache qu'il y a une puissance européenne qui fait respecter la démocratie, qui fait respecter les principes et qui ne confie pas son sort, par exemple, à l'administration américaine.
Q-Aujourd'hui, il n'y a donc que l'OTAN et l'Amérique ?
R-C'est justement ce que nous essayons de faire : construire une politique de défense qui soit adossée à l'OTAN.
Q-N'y a-t-il pas un paradoxe pour les démocrates à propos de l'Ukraine ? Aujourd'hui, on soutient la rue contre les élections, qui ont peut-être été truquées de part et d'autre...
R-Oui, c'est pour cela que je pense que la bonne solution, aujourd'hui, en Ukraine, à mon avis, serait de recommencer les élections. Et justement, l'Europe pourrait être un élément qui supervise le processus électoral et qui garantisse aujourd'hui le résultat.
Q-Au PS, on sent monter le suspense ; est-ce qu'en provoquant le référendum interne, F. Hollande n'a pas pris un risque gros, et d'abord un effet boomerang : tel est pris qui croyait prendre ?
R-Non, parce que ce que fait F. Hollande depuis maintenant plusieurs mois à a tête du PS, c'est d'essayer de faire une véritable rénovation. Qu'y avait-il dans la défaite du 21 avril ? Il y avait des militants et des militantes qui nous ont dit "vous ne nous avez pas assez entendus, vous ne nous avez pas assez écoutés, vous nous ne nous avez pas assez associés, vous n'avez pas compris les problèmes que nous évoquions, vous avez été sourds à tout cela". Ce que nous essayons de faire, c'est de construire un parti moderne, un parti qui débatte.
Q-Oui, mais là, ils cherchent surtout à réussir un bon coup et un unique coup !
R-Non, je ne suis pas d'accord avec cela. C'est une méthode depuis le congrès de Dijon, qui vise justement à recréer les conditions d'une rénovation politique. Ce que nous avons fait au travers de ce référendum sur l'Europe, nous le referons dans toute l'élaboration du programme du PS.
Q-Cela veut dire qu'il y aura d'autres consultations du même type au sein du PS ? Une fois ne suffit pas ?
R-A chaque étape il y aura une consultation. Cela n'aura pas forcément la forme d'un référendum par oui ou par non, mais cela veut dire que nous voulons associer les militants à la discussion du programme. Je veux même aller plus loin : nous voulons aussi associer tous les sympathisants de gauche, parce que ce qui est important dans ce qui vient de ce passer - et c'est à l'honneur du PS -, j'ai vu des centaines de gens, qui ne sont pas militants du PS, venir me dire "comment on pourrait intervenir dans ce débat, nous aussi on a quelque chose à dire". Je leur dis que la meilleure chose serait de venir renforcer les partis politiques, de prendre leur carte. Mais on ne le fera pas tout de suite, et donc on va aussi les associer à ces discussions.
Q-Vous mettez l'accent sur un point : il est quand même étrange - c'est J. Jaffré qui le disait hier dans Le Monde - que 100.000 militants UMP dans trois jours, 100.000 militants PS dans six jours, 200.000 au total, soit 0,5 % du corps électoral, décident pour tant de Français.
R-Cela veut dire à nos compatriotes - le message est clair - : adhérer aux partis politiques. Mais pour qu'ils adhérent, il faut qu'ils aient le sentiment que cela serve à quelque chose. Je regarde le débat que nous avons eu. C'est un débat sérieux qui a intéressé tout le monde. J'entendais hier N. Sarkozy dire qu'il voulait redonner de la passion à la vie politique...
Q-Il a raison !
R-Eh bien, je dis que lui il en rêve, nous on le fait, nous on l'a fait. Pour la première fois, c'est un débat qui a été structurant. Et je pense que ce débat est fondateur d'une nouvelle identité du PS.
Q-Quand vous poussez les gens à aller vers les partis, on renforce à la fois l'UMP, l'UDF, le PS sans faire une démocratie de partis.
R- Si, puisque regardez : pour la première fois, les gens vont pouvoir décider. Personne ne va leur opposer quelque chose. Et ça, c'est important. Et c'est cela qui fait que l'on a envie d'adhérer à un parti politique, parce qu'on se dit que le parti politique n'est pas seulement une machine à fabriquer un candidat.
Q-Est-ce qu'il n'y a pas un parfum d'exagération au PS ? "La victoire du "non" serait une déflagration" dit E. Guigou, "la tourmente" dit J. Lang, d'autres disent que c'est "un choix destructeur", une "cata", et pour F. Hollande "un saut dans le vide" - évidemment sans élastique. Ce n'est pas un peu gros ?
R-Je pense qu'il ne faut pas forcer le vote des militants. Ils sont responsables et je leur fais confiance. Je pense qu'ils voteront, en dernière analyse, majoritairement pour le "oui". Maintenant, ce que nous disons - et c'est normal, c'est notre rôle de responsable politique, c'est qu'il y a d'un côté, dans le camp du "oui", des certitudes, des garantis, on sait où l'on va. De l'autre, il n'y a que des incertitudes et des doutes. Dans tout ce débat - c'est cela qui était important -, les questions posées aux partisans du "non" étaient de savoir ce qui se passait après ; ils n'ont pas apporté de réponse.
Q-Oui, mais avec L. Fabius, ils ont des arguments qui font mal ou qui font moche. Par exemple, dire "oui" à la Constitution européenne, c'est voter une nouvelle fois pour J. Chirac...
R-Oui, mais il y a un paradoxe : c'est que peut-être que nous allons être accompagnés dans ce vote pour le "oui" avec J. Chirac, mais regardez ce qui se passe si on vote "non" : a qui on confie la responsabilité de renégocier le traité ? A J. Chirac. Eh bien, je préfère être accompagné dans le vote avec J. Chirac que de confier mon destin dans la renégociation du traité à J. Chirac.
Q-Et quand L. Fabius vous accuse en ce moment de faire la danse du ventre ou plutôt du centre ?
R-Ce n'est pas sérieux. Je pense que quand on en est là, cela veut dire que l'on n'a pas plus grand-chose à dire sur le contenu du traité. Et je crois que c'est la difficulté dans laquelle se trouve aujourd'hui L. Fabius. C'est peut-être passé inaperçu mais le Conseil constitutionnel a dit la loi, il a dit ces choses très importantes sur la nature du traité, qui, je crois, effacent tous les arguments qui étaient opposés par L. Fabius jusqu'à présent. Pourquoi ? Parce qu'il a rappelé que la Constitution française était supérieure au traité constitutionnel. Cela veut dire qu'il n'y a pas aujourd'hui une Constitution européenne qui empêcherait la France de vivre. Il a rappelé par exemple que la laïcité restait la laïcité à la française et qu'il n'y avait donc pas de menace. Il a rappelé que les droits du Parlement français étaient renforcés dans le cadre de ce traité constitutionnel. Et il a surtout rappelé que la Charte des droits fondamentaux qui était invoquée dans le traité de Nice devient une référence. C'est-à-dire que tous les citoyens européens pourront revendiquer le droit au logement, au travail, la protection sociale...
Q-Merci le Conseil constitutionnel...
R-Oui, je pense que Conseil continue à faire un bon travail là-dessus.
Q-Est-ce que pour vous aussi, l'Europe n'impose pas à votre parti de trancher le 1er décembre, comme l'écrit A. Duhamel dans Libération, entre le "socialisme virtuel et imaginaire" et le "réformisme du possible et du réel" ?
R-Je pense que ce débat a été utile, je pense même que l'on aurait dû l'avoir plus tôt, parce qu'il permet, après, si nous votons "oui", au Parti socialiste de s'assumer pleinement comme un parti social-démocrate et de ne pas avoir honte d'être un parti social-démocrate, c'est-à-dire à dire un parti qui veut la transformation sociale dans le cadre du compromis et qui ne pense pas à la rupture et quand il arrive au pouvoir, comme il ne peut pas faire la rupture, à ce moment-là, il ne fait rien d'autre.
Q-Est-ce qu'un "oui" le 1er décembre entraîne, lors du référendum 2005 voulu par le président de la République, un même "oui" ?
R-Si la question est la même, il y aura une cohérence. Si on dit "oui" aujourd'hui et que l'on nous pose la question devant le pays, nous dirons "oui", et j'espère même que nous entraînerons le pays à dire "oui".
Q-Le 2 décembre, le sacre de l'empereur Hollande Ier va commencer, et c'est peut-être ce qui passe mal chez ceux qui l'ont connu lieutenant ?
R-Non, ce que je crois, c'est qu'il y a effectivement un passage de témoin, à droite comme à gauche. C'est-à-dire qu'il y a une nouvelle génération qui arrive en première ligne, qui arrive au niveau des plus hautes responsabilités. Je crois que c'est utile, c'était attendu par les Françaises et les Français, c'était nécessaire. Il y a aujourd'hui besoin d'une rénovation et dans cette rénovation, il faut aussi des nouvelles têtes ; elles arrivent à la tête des deux partis. Maintenant, il n'y a pas de "sacre", parce qu'il n'y a pas d'empereur. Et vous savez pourquoi ? Parce que les empereurs, ça fini en Waterloo. Ce que nous voulons, c'est justement créer les conditions d'une gauche qui reste durablement au pouvoir. Quel est le vrai challenge de la gauche française ? Ce n'est pas de gagner une élection, c'est d'être capable de durer au pouvoir. Je dis cela sous la forme suivante : gagner et gagner. C'est-à-dire de gagner une première fois et d'être capable d'être confirmé une deuxième fois, et donc, d'avoir un programme crédible qui mobilise la société française, parce qu'il est efficace et qu'il répond aux aspirations.
Q-Mais faites attention, le moment venu, quand vous aurez un vrai leader qui incarnera le nouveau projet et que vous aurez le projet au PS, vous aurez un adversaire de taille avec N. Sarkozy...
R-Oui mais tant mieux, parce que cela va nous forcer à être intelligents, à avoir une vraie différenciation, à ne pas être simplement en contre, mais d'avoir aussi un projet politique moderne.
Q-Je ne veux pas vous laisser partir sans vous posez une question : au nom du PS, vous êtes violemment intervenu contre la chaîne de télévision Al-Manar qui émet de la partie Hezbollah du Liban et que le CSA vient d'autoriser sous sévères conditions. Est-ce que vos raisons pour protester sont assez solides ?
R-Oui, parce que le Hezbollah reste une organisation terroriste. Et d'ailleurs, le juge Marchoux, sur la chaîne Public Sénat, hier, le rappelait : le Hezbollah est responsable des attentats de 1986. Je ne comprends pas ce qui s'est passé, je ne comprends pas que l'on puisse autoriser une chaîne qui prône l'antisémitisme, qui prône la violence. Il y a une contradiction entre le combat que l'on mène dans le pays aujourd'hui contre l'antisémitisme et une politique diplomatique qui deviendrait complaisante à l'égard de ces terroristes.
Q-Aux premiers excès racistes, le CSA a promis de couper son et image.
R-Le CSA lui-même, dans une lettre qu'il a adressée à la chaîne, le 16 novembre, reconnaissait que les programmes de cette chaîne étaient incompatibles avec les fondements de la République. Je ne comprends donc pas ce qui s'est passé, et ce n'est pas une décision [inaud]...
Q-Que voulez-vous dire ?
R-Je pense qu'il y a quelque part une négociation qui a eu lieu et c'est cela qui me pose problème.
Q-Vous voulez dire que ce serait une décision de caractère politique ?
R-Personne ne peut penser que le CSA a agi sans en référer aux autorités politiques.
Q-Mais Al-Manar est soutenue par des pays arabes qui pourraient entraîner des représailles, pas seulement dans la diffusion ou le blocage de diffusion de télévisions françaises au Proche-Orient.
R-C'est là qu'est le problème. Cela veut dire qu'au lieu de combattre, on est en train d'essayer de négocier et je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que la France est forte quand elle défend ses principes et je pense surtout qu'il y a aujourd'hui des millions de musulmans qui ne se reconnaissent pas dans cette islamisme. Et le plus mauvais des services, c'est de rendre public ou de montrer que l'on négocie ou que l'on pactise avec ces gens-là, avec les terroristes.
Q-Vous voulez une clarification ?
R-Je veux une clarification, je veux une décision politique qui dise qu'il y a des choses qui sont incompatibles aujourd'hui et nous ne pouvons pas accepter cela.
Q-Si je comprends bien, vous suggérez que la démocratie censure et interdise
la télé ?
R-La démocratie ne donne pas la liberté aux ennemis de la liberté.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 novembre 2004)