Texte intégral
invité de J.P. Elkabbach sur Europe 1 Jeudi 20 juillet 2000
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Monsieur Ernest-Antoine Seillière, bonjour. Vous n'êtes pas encore en vacances ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, mais je vais partir comme tout le monde.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Alors, les 100 salariés de la brasserie de Adelshoffen menacent, s'ils ne sont pas entendus, de faire exploser leur usine. Est-ce que vous voyez là un nouveau mode d'action, disons, radicale ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, c'est très grave. C'est un problème de sécurité publique, c'est un problème pour le ministre de l'Intérieur. Mais, disons-le comme nous le pensons, cela révèle même que nous avons besoin dans notre pays d'une vraie refondation sociale, c'est-à-dire d'une ouverture forte vers le dialogue, vers la compréhension à la base, dans l'entreprise, pas au niveau des lois, mais véritablement dans l'entreprise.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Mais grâce à l'intervention de Martine Aubry, vous l'avez entendu dans le journal de 8 h d'Europe 1, à Givet un accord est intervenu cette nuit qui est accepté par les parties, en tout cas par les personnels. Comment éviter que les salariés conduits au chômage, donc dans certains cas au désespoir, fassent sauter leur entreprise ou l'incendient ? Est-ce qu'il y a des risques de contagion ? Quand on est le patron des patrons, est-ce qu'on se pose cette question ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non. Il n'y a pas de risque de contagion, ce sont des cas extrêmes. Chacun le comprend bien. Cela dit, il n'est pas bon que l'ordre social français, l'organisation sociale conduise chacun à estimer qu'il est dans son droit à 100 % et que s'il n'obtient pas satisfaction alors il s'adresse directement au Premier ministre et il menace en effet de mesures extrêmes. C'est une déficience de dialogue social, de compréhension sociale à la base. C'est le sens de notre action à la refondation sociale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Monsieur Seillière, quelle leçon tire les patrons employeurs ? Est-ce qu'ils ne peuvent pas faire attention à leurs plans sociaux au moment de licencier, de respecter davantage peut-être les salariés ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je pense qu'il faut reconnaître que dans la refondation sociale les entrepreneurs ont également à se mettre dans une autre disposition d'esprit et, bien entendu, nous ferons nos propres progrès en même temps que l'ensemble du dialogue social se mettra en place. Encore une fois, vous avez de notre part un sens profond, une volonté de transformer en profondeur le dialogue social dans notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Pour la convention sur l'assurance chômage qui a été signée le 29 juin, si je me souviens bien, avec la CFDT et la CFTC, vous vouliez aller vite. Elle n'est pas encore validée. Si le gouvernement vous donne rendez-vous après l'été, en septembre, pour décider, est-ce que ça vous va ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je voudrais d'abord, si vous le voulez, attirer l'attention sur le caractère vraiment scandaleusement arbitraire de l'intervention du gouvernent dans ces affaires sociales fondamentales. Il n'y a ni délai, ni motivation, ni appel. La ministre, selon son calendrier personnel, selon je dirais le vu de chacun au gouvernement prend son temps, croit qu'en gagnant du temps elle va échapper ou on va échapper à la nécessité de prendre position sur un accord qui est bon, chacun le sait, pour les chômeurs. Il faut que le gouvernement se décide.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous ne pensez pas que l'Etat a son propre rythme et n'a pas à céder à la pression que vous pouvez vouloir faire exercer sur lui ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je crois, si vous voulez, que l'opinion publique française est à 80 % en faveur du nouveau système d'assurance chômage qui a été préconisé par la CFDT, Nicole Notat, par la CFTC et n'oublions pas Alain Deleu, n'oublions pas le courant syndical puissant chrétien de notre pays. Il compte moralement et donc nous avons avec deux fortes puissances syndicales un accord. Il n'est pas normal que l'on attende éternellement. Le gouvernement doit prendre sa position et ça n'est pas en attendant que tout le monde soit parti sur les plages qu'on réglera mieux le problème.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous n'attendez pas septembre ? Vous voulez un accord, vous allez prendre votre mal en patience.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous sommes bien obligés de prendre notre mal en patience mais qu'on ne s'y trompe pas, la solidarité des signataires autour de cet accord est totale, nous l'avons vérifiée hier. Nous faisons un communiqué commun ce matin. Monsieur Jalmain, le n° 2 de la CFDT, a dit ce matin même dans Les Echos, " Attendez, le gouvernement doit prendre sa position sans tarder. Il n'a pas le droit de faire son marché dans notre accord. Qu'il dise oui et qu'il dise non, c'est sa responsabilité mais qu'il la prenne. "
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Monsieur Seillière, hier, au Conseil supérieur sur l'emploi, les trois syndicats non signataires et majoritaires s'opposent à votre accord, vous avez vu, et ils peuvent obtenir le blocage juridique de cet accord et les trois, je le répète, sont majoritaires.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, ne rentrons pas dans les choses juridiques, ils ne peuvent pas obtenir le blocage juridique, le gouvernement est obligé de convoquer une nouvelle réunion de cet organisme, soit. Mais, j'appelle votre attention également sur le fait qu'hier il y a cinq organisations sur huit qui ont donné leur accord, à cet accord fondamental pour l'avenir de l'organisation sociale française. Cinq sur Huit, il ne me semble pas que ce soit minoritaire et donc je crois qu'il faut également voir les choses en face, il y a cinq organisations représentatives des employeurs et des salariés qui donnent leur accord sur huit. Est-ce que c'est minoritaire ? Qu'on me l'explique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : A quelles conditions accepteriez-vous, vous et la CFDT de revenir à la table des discussions avec ceux qui n'ont pas signé ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Mais il n'en est pas question. Nous avons signé un accord, cet accord est valable, juridiquement valable, il est légal, il est conclu. La seule chose que nous attendons c'est un oui ou un non du gouvernement et il n'y a aucune espèce de renégociation. L'idée que le gouvernement voudrait provoquer une renégociation ne traverse pas l'esprit des signataires. Ils ont fait leur travail, allons-y...
JEAN-PIERRE ELKABBACH :... si vous permettez, sur quoi êtes-vous prêts à faire, vous, MEDEF, un effort pour arriver au compromis ? Sur quoi ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Mais le compromis il a été fait dans la négociation, monsieur Elkabbach. C'est fini. Nous avons discuté, nous avons renoncé à beaucoup de choses, les syndicats signataires aussi et quand un accord est fait, il est bon tel qu'il est. Il n'est pas question de revenir dessus parce que le gouvernement souhaiterait ceci ou cela. Qu'il nous dise oui ou non, qu'il ait le courage. Vous savez nous avons signé, c'était courageux, nous avons proposé, c'était courageux, le chef de l'Etat a dit : " C'est pas mal, c'est courageux ", que le gouvernement prenne ses responsabilités, oui ou non.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Et si en septembre, vous avez une réponse qui est négative, qu'est-ce que vous faites ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah écoutez, les signataires...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : ... elle ne le sera pas aussi nettement probablement mais si elle l'était.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, les signataires se réuniront, nous avons avec nous la CFTC, la CFDT, l'UPA, la CGPME et notre position est bien connue . Si cet accord est refusé par le gouvernement nous mettons un terme au paritarisme. Nous l'avons dit depuis un an et il faut croire que dans ce domaine-là, nous ferons ce que nous avons dit. Mais, bien entendu, nous allons discuter de tout cela, si le gouvernement encore une fois refuse cet accord, il prendra ses responsabilité vis-à-vis de la construction sociale française.
JEAN-PIERRE ELKABBACH :Vous dites : "Nous faisons aucun effort, nous en avons fait". Sur le fond, Martine Aubry semble ne pas être hostile au PARE, monsieur Seillière, au Plan d'Action au Retour à l'Emploi, même avec sanctions. Comment financez-vous les mesures prévues par la convention parce que, si vous me permettez, on dit, il y a deux chiffres, les baisses de charges de cotisations sociales demandées, c'est plus de 71 milliards, l'amélioration du sort des chômeurs, c'est 4 milliards. Qu'est-ce que le MEDEF et la CFDT font pour réduire cet écart ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, il ne faut pas écouter ceux qui disent n'importe quoi. Nous mettons en effet dans cette affaire 50 milliards de plus pour les chômeurs. C'est la fin de ce qu'on appelle la dégressivité. C'est un système de retour personnel à l'emploi qui est mis en place avec des mesures personnalisées pour chacun. Le chômeur au lieu d'être devant une administration anonyme sera devant quelqu'un qui lui proposera des emplois pour qu'il retrouve un emploi...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : .... est-ce que vous faites un effort financier supplémentaire, oui, non ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Il y aura 50 milliards de plus en trois ans pour les chômeurs et nous rendrons...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : ... les chômeurs déjà indemnisés, les 40 % de chômeurs indemnisés. Les autres alors qu'est-ce que vous en faites ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, l'UNEDIC s'occupe bien entendu de ceux qui ont cotisé, c'est un système dans lequel on cotise et puis ensuite on a des droits et des devoirs. Nous avons bien entendu des chômeurs qui ne sont pas dans le système de l'UNEDIC, dont s'occupe l'Etat. Que l'Etat se mette à faire ce que nous faisons, c'est-à-dire à améliorer lui aussi le sort des demandeurs d'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH :Et qui donne ces aides personnalisées, monsieur Seillière ? C'est l'ANPE, qui ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, alors ça si vous voulez, l'ANPE et l'UNEDIC...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : ...ah...
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : ... mais non, mais c'est un problème mineur. On ne va pas acheter l'appartement où vous ne sauriez pas ouvrir la porte. Ce sont des choses que nous savons faire, nous, gérer des systèmes. L'UNEDIC et l'ANPE feront un accord et qu'on ne se mette pas derrière ces arguments de deuxième ordre pour refuser un accord qui est bon.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Alors, pour ça, on vous a compris. Vous avez cité tout à l'heure le Président de la République. Est-ce que le nouveau chevalier de la refondation sociale, c'est désormais celui qu'on connaît depuis le 14 juillet, le Président de la République ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Attendez, on voit bien que sur des sujets fondamentaux pour le pays, eh bien on s'entend dans notre pays entre les deux têtes de l'exécutif. Le quinquennat, la politique européenne, pourquoi pas la politique sociale ? Nous, nous sommes fiers qu'on nous rejoigne sur des propositions que nous avons faites avec des signataires CFTC et CFDT. Nous attendons du gouvernement qu'il rejoigne nos positions, qu'il appuie la politique de refondation sociale et nous ne comprenons pas pourquoi il ne le fait pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH :Mais est-ce que le soutien du Président de la République au PARE, au nouveau style de relations sociales, c'est bon pour vous ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : C'est bon pour le pays si on fait des choses qui sont bonnes pour le chômeur, bonnes pour le salarié, bonnes pour l'entreprise. Regardez ce qui se passe dans les autres pays autour de nous, chacun a adopté des systèmes de ce genre sans se prendre les pieds dans je ne sais quel embarras politique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous vouliez la refondation sociale et le MEDEF la voulait. Est-ce que ce n'est pas plus dur que prévu finalement ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non. Ca marche mieux que prévu. Nous sommes déjà avec un accord important, nous en avons un deuxième qui est en place, nous avons mis en place toutes les négociations pour couvrir l'ensemble du terrain social. C'est au gouvernement de nous dire s'il veut que tout ceci s'arrête ou si ça peut continuer pour, encore une fois, l'intérêt de tous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Je vous pose une dernière question. Le Chancelier Schroeder vient d'appliquer une réforme fiscale d'envergure aux multiples effets. Qu'est-ce que ça vous inspire pour ici ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, ça m'inspire beaucoup d'admiration pour le courage politique également de ce socialiste allemand qui, regardant le monde comme il l'est, prend des décisions courageuses qui vont beaucoup profiter à l'économie allemande, aux entreprises allemandes et aux salariés allemands. Et nous, qu'est-ce que nous voyons en face ? Eh bien, permettez-moi de vous le dire, le même jour dans la presse : " France, 12 500 fonctionnaires de plus ". Dépenses publiques, prélèvements, aucune ouverture actuellement sur l'accroissement et l'ouverture de la France économique à une vision forte demain. Nous sommes en train de nous enliser dans les visions passéistes et archaïques. Nous voyons se faire autour de nous des choses grandes et fortes. L'Allemagne montre la voie, l'Angleterre montre la voie. Alors, en avant la France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Si vous êtes de cette humeur en juillet avant de partir en vacances, dans quel état serez-vous, Monsieur Seillière, quand vous rentrerez de vacances. Enfin, on le verra en septembre. Bonnes vacances, bonne journée aussi.
invité du JOURNAL DE 20 HEURES sur France 2 Lundi 24 juillet 2000
Dans les titres
BENOIT DUQUESNE : Le non de Martine Aubry à la nouvelle convention d'assurance-chômage. Le MEDEF, la CFDT et la CFTC suspendent leur participation à l'Unedic. Ernest-Antoine Seillière, le président du MEDEF, sera notre invité dans ce journal.
BENOIT DUQUESNE : Le non du gouvernement à la nouvelle convention de l'Unedic et à son fameux plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, négocié entre le MEDEF, la CFDT et la CFTC mais rejeté par la CGT, FO et la CGC. Ce soir les signataires décident de suspendre leur participation à l'Unedic. Alors, avant d'en parler plus longuement avec Ernest-Antoine Seillière les raisons du refus de Martine Aubry. Reportage de Juliette Bot
JULIETTE BOT : Ils sont arrivés ensemble, syndicats et patronat, tous signataires de la convention Unedic ?. Une convention que le gouvernement a décidé ne pas avaliser ce matin. Leur réponse n'a pas tardé, ils suspendent leur participation à toute réunion et par tirage au sort, c'est la CFDT qui lit le communiqué.
MICHEL JALMAIN : L'ensemble des arguments invoqués pour justifier cette décision apparaissent aux organisations signataires infondées, erronées et de mauvaise foi.
JULIETTE BOT : Des propos cinglants pour répondre à une lettre de cinq pages envoyée par Martine Aubry. Dans cette lettre cosignée par Laurent Fabius, elle explique les raison du refus. Un système à double vitesse qui privilégie les chômeurs indemnisés par rapport aux autres. Un dispositif de sanctions trop sévère pour les chômeurs refusant un emploi et enfin un équilibre financier critiquable. Car selon le gouvernement sur les 75 milliards d'excédents prévus dans les trois prochaines années, 71 milliards de francs permettraient d'alléger les cotisations et seulement 4 milliards seraient alloués à une meilleure indemnisation des chômeurs. Quant au Plan d'aide au retour à l'emploi, son financement ne serait pas précisé. Pas question d'un agrément donc, le gouvernement considère qu'une reprise des négociations est souhaitable. Et renégocier, c'est justement la position des syndicats non-signataires, ils approuvent la décision de Martine Aubry.
MARC BLONDEL : Je pense qu'il a joué ce qu'il fallait, ni plus, ni moins. Je regrette moi, j'aurais autant aimé que l'on puisse traiter directement avec les patrons et que la position des patrons soit suffisamment permissive pour qu'on puisse négocier.
JULIETTE BOT : En attendant, l'Unedic fonctionne normalement, les chômeurs continuent d'être indemnisés, les signataires se sont donné rendez-vous le 4 septembre prochain pour de nouvelles négociations.
BENOIT DUQUESNE : Côté politique, Robert Hue se félicite de la décision du gouvernement. En revanche au RPR on dénonce ce que l'on considère être une atteinte au paritarisme. François Bayrou pour l'UDF s'étonne de ce que les partenaires mériteraient moins de respect et de considération que les nationalistes corses. Alors, Ernest-Antoine Seillière bonsoir. C'est un patron des patrons, un patron du MEDEF en colère qui est là ce soir ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, plutôt grave. C'est grave, voyez-vous, de priver les demandeurs d'emploi dans notre pays d'une bonne convention approuvée par la CFDT, par la CFTC, par l'ensemble des entrepreneurs et qui allait mettre 50 milliards de francs à leur disposition pour un système meilleur, personnalisé de retour à l'emploi, il y avait de l'espoir là-dedans, nous avons beaucoup travaillé et le gouvernement avec son habituelle brutalité, c'est un mauvais coup social pour la France, c'est un mauvais coup social
BENOIT DUQUESNE : Il y avait de l'espoir, mais tout le monde n'avait pas signé, il y a des critiques explicites formulées par Martine Aubry sur le financement, enfin on vient de les voir. Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : D'abord si vous voulez, comme la CFDT l'a dit, pour nous, les signataires, les arguments du gouvernement sont faux. C'est-à-dire que pour des raisons politiques on a voulu interdire cet accord et on n'a pas regardé les choses telles qu'elles sont. Et nous avons d'ailleurs décidé bien entendu de répondre point par point à une lettre qui est fausse ! C'est assez rare de voir deux ministres, pourtant je dirais talentueux, décider pour des raisons politiques d'aligner des arguments faux pour condamner une bonne convention et donc nous sommes indignés contre cette caricature de notre accord donnée par des pouvoirs publics.
BENOIT DUQUESNE : Alors vous êtes indignés, ça veut dire quoi ? Ca veut dire que vous claquez la porte pour un long moment, définitivement, qu'est-ce vous faites ce soir ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien puisque l'on nous interdit de faire des accords, comme on, l'a dit on est prêt à donner un pouvoir législatif, je crois, aux Corses, mais nous, les partenaires sociaux on n' a pas le droit de faire des accords alors nous avons dit : dans ces conditions là, nous sortons de l'Unedic.
BENOIT DUQUESNE : Mais pour longtemps ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, d'abord c'est les vacances, il va y avoir le mois d'août
BENOIT DUQUESNE : Vous partez en vacances ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Et donc on s'est dit Nous ne partons pas en vacances, nous allons beaucoup travailler, et nous avons dit rendez-vous le 4 septembre après que nous ayons tous nous sommes cinq signataires, cinq organisations, c'est beaucoup, ce sont les partenaires sociaux, nous allons réunir nos instances et décider ensemble de ce que nous faisons. Pour notre part, nous n'avons jamais caché que si le gouvernement décidait de priver la France d'un bon accord sur le chômage, bien entendu nous en tirerions les conséquences sur notre participation à ce que l'on appelle le paritarisme.
BENOIT DUQUESNE : Vous vous êtes fait justement le chantre du paritarisme, du dialogue social etc. quand on voit ce s'est passé à l'usine Cellatex de Givet et ce qui se passe encore près de Strasbourg dans une brasserie, le dialogue social ça n'a pas l'air de marcher très, très fort quand même
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous proposons la Refondation sociale, c'est-à-dire rendre impossible en effet cette espèce de manière que l'on a de passer du cas individuel du salarié directement au ministre, au gouvernement. Nous voulons du dialogue social, c'est pour cela que nous voulons le rénover. Le gouvernement semble vouloir nous l'interdire, eh bien les partenaires sociaux, la CFDT, j'y reviens, grand mouvement syndical, la CFTC, grand mouvement syndical, et l'ensemble des entrepreneurs nous sommes décidés à faire en sorte que le système social en France change et s'améliore et ce n'est pas la péripétie d'un gouvernement qui interdit un accord qui nous empêchera d'avancer.
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invité du JOURNAL DE 18 HEURES sur RTL Lundi 24 juillet 2000
En tête des titres
JOURNALISTE : Un avenir en pointillé pour le paritarisme après la décision du gouvernement de refuser la convention d'assurance-chômage. Le patronat, la CFDT, la CFTC suspendent leur participation aux instances de l'Unedic en attendant une décision ferme à la rentrée. Ernest-Antoine Seillière, le président du MEDEF, est notre invité.
En cours de journal
JOURNALISTE : Comme prévu, le gouvernement a donc dit non. Martine Aubry et Laurent Fabius ont refusé la convention d'assurance-chômage signée par le MEDEF, la CFDT, la CFTC. Les ministres de l'Economie et de l'Emploi demandent une renégociation du Plan d'aide au retour à l'emploi. En revanche, ils acceptent les dispositifs Arpe, autrement dit le système de préretraite contre embauche, et l'aide aux licenciés économiques. Claude Poznanski, voyons d'abord avec vous ce qui a motivé la décision du gouvernement.
CLAUDE POZNANSKI : Oui, la nouvelle convention assurance-chômage a franchi la ligne jaune fixée par le gouvernement et obéit plus à une logique d'exclusion que d'insertion des chômeurs, souligne-t-on dans l'entourage de Martine Aubry. Toutefois dans une lettre adressée aux partenaires sociaux la ministre de l'Emploi considère qu'une reprise des négociations est souhaitable. Elle estime que le PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, contenu dans la convention n'est pas financé dans la mesure où sur les 75 milliards de francs d'excédents prévus pour l'Unedic d'ici trois ans, 71 milliards sont affectés à la baisse des cotisations et 4 milliards seulement à une meilleure indemnisation des chômeurs. Mais aucune enveloppe spécifique n'est prévue pour le PARE. Par ailleurs, elle craint que ce système ne débouche sur une assurance-chômage à deux vitesses qui prendrait en charge les chômeurs aptes à retrouver du travail mais qui laisserait de côté tous les chômeurs en fin de droits ou en situation précaire. Enfin, les sanctions prévues pour les chômeurs qui refusent un emploi correspondant à leurs compétences doivent rester de la responsabilité de l'Etat.
JOURNALISTE : Alors, côté réactions, Force Ouvrière, qui avait refusé de parapher le texte, Force Ouvrière est satisfaite. Par la voix de Marc Blondel elle se dit satisfaite mais pas triomphante, Marc Blondel qui appelle de ses vux de nouvelles négociations. A la CGC aussi on se dit prêt aussi à s'asseoir à la table des négociations. Le président du MEDEF est justement notre invité. Ernest-Antoine Seillière, bonsoir. Alors le gouvernement a dit non à la convention d'assurance-chômage que vous aviez signée, pourtant le Président de la République vous avait apporté son soutien. J'imagine que ça été une déception pour vous.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oh, il ne s'agit pas de Président de la République, il s'agit des chômeurs ? Il s'agit d'une convention qui avait été signée par la CFDT, la CFTC et les trois organisations d'entrepreneurs, c'est-à-dire cinq organisations sur huit, pour mettre au point un régime d'assurance-chômage qui était considérée par l'opinion comme bon, appuyé par près de 80 % des français parce qu'ils considéraient que chaque chômeur devait être suivi personnellement en vue de lui assurer le plus rapidement possible un retour à l'emploi. Il sembler que de gérer ainsi l'assurance-chômage ait été considéré par le gouvernement comme quelque chose d'impossible et ils nous ont présenté une lettre que très honnêtement j'aurais considéré, excusez-moi du terme, comme un torchon si c'était un examen parce que les partenaires sociaux, la CFDT, en notre nom, a critiqué cette lettre en disant, je lis La déclaration qu'ils ont lue au MEDEF, la CFDT est venue au MEDEF lire une déclaration commune des partenaires sociaux qui avaient signé cette affaire pour dire que les arguments étaient infondés, erronés et de mauvaise foi et qu'en lieu et place d'une analyse objective, les ministres se sont livré à une présentation partisane et caricaturale de nos accords. Nous sommes
JOURNALISTE : Alors justement, pour évoquer les arguments du gouvernement, ils redoutent que le fossé ne se creuse entre les chômeurs indemnisés et les chômeurs de longue durée.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, le coup de force social auquel se livre le gouvernement contre les signataires de la convention, qui est encore une fois une convention parfaitement valable, ce coup de force implique que le gouvernement en quelque sorte s'accuse lui-même. Il n'est pas capable de faire pour les chômeurs dont il a la responsabilité ce que nous voulons faire pour ceux dont nous avons, les partenaires sociaux, la responsabilité et cette affaire de deux vitesses, si elle existe, est entièrement de son fait. Encore une fois, il faut bien considérer que les partenaires sociaux ont la responsabilité des demandeurs d'emploi, veulent la prendre, et que l'Etat, arbitraire, leur refuse la possibilité de le faire.
JOURNALISTE : Ernest-Antoine Seillière, vous avez décidé de suspendre, avec la CFDT et la CFTC, votre participation à l'Unedic. On peut considérer que c'est une solution d'attente, vous ne claquez pas la porte.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, c'est une décision qui a été prise aujourd'hui par nos cinq organisations indignées par ce coup de force, encore une fois, contre les partenaires sociaux par un gouvernement au nom d'intérêts exclusivement politiques, avec des arguments infondés. Nous avons dit, nous partons et nous partons tout de suite. Nous confirmerons dans les semaines qui viennent, par la réunion de nos organismes, le caractère définitif ou non, ça peut dépendre des uns ou des autres, mais encore une fois la réaction a été immédiate : nous ne resterons pas dans un paritarisme dans lequel le gouvernement, avec son arbitraire, ne respecte pas des décisions prises. Vous savez, on veut donner aux Corses, paraît-il, le pouvoir législatif mais quand il s'agit des partenaires sociaux qui rédigent une convention et la signent, alors semble-t-il il n'est pas tolérable qu'on puisse l'appliquer. Nous sommes sincèrement indignés.
JOURNALISTE : Alors je vous propose d'écouter quelqu'un qui ne partage pas du tout votre point de vue, je veux parler de Marc Blonde, le secrétaire général de FO qui a réagi à votre décision de suspendre votre participation à l'Unedic. Il est au micro d'Armelle Levi. MARC BLONDEL : Voyez, ma réaction c'est plutôt un encouragement. Et s'ils étaient partis j'aurais dit : c'est autre chose. Mais là, la suspension ça veut dire que peut-être on va pouvoir discuter. Peut-être, peut-être. Moi, j'aimerais mieux que le patronat regarde la lettre de madame Aubry et tienne compte des propositions qui sont faites, et plus particulièrement de dire : eh bien il faut reprendre les négociations. J'insiste sur le fait que si nous reprenons les négociations avec beaucoup moins d'intolérance, il est fort probable que nous trouverons une solution. Maintenant, si le patronat veut jeter le manche après la cognée, c'est autre chose, il prendra la responsabilité de mettre le régime Unedic entre les mains du gouvernement. C'est très exactement ce contre quoi il voulait lutter. Il me semble que son comportement le conduit à une contradiction. Il faut bien qu'il lève ce paradoxe assez rapidement.
JOURNALISTE : Alors Marc Blondel vous invite au dialogue, Ernest-Antoine Seillière, qu'est-ce que vous lui répondez ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : En bien nous l'invitions, nous, à signer une excellente convention, il n'a pas cru devoir le faire et maintenant il appelle le gouvernement à la rescousse pour obliger les partenaires sociaux qui ont conclu un accord à le renégocier. Bien entendu les cinq signataires s'y refusent absolument
JOURNALISTE : C'est ce que vous dites pour l'instant
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : s'y refusent absolument ! La convention a été signée, c'est dans la manière la plus classique de la tradition républicaine des négociations sociales, et ceux qui n'ont pas voulu signer ne peuvent pas enrayer la marche encore une fois vers la rénovation du système social de notre pays. Nous sommes avec un syndicalisme réformateur et moderne au travail pour présenter à notre pays un système social qui fonctionne dans l'intérêt des salariés et il y a des passéistes, il y a des gens au regret et il y a toujours des gens pour appeler bien entendu au secours les politiques.
JOURNALISTE : Rapidement, le 4 septembre vous allez donc réunir vos instances, la CFDT, la CFTC feront de même, est-ce qu'il est envisageable que vous tiriez un trait sur le paritarisme ? Vraiment vous êtes prêts à le faire, vous l'avez clamé haut et fort, vous ne le faites pas tout de suite, est-ce que le 4 septembre vous pourrie le faire ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, écoutez nous, c'est tout à fait clair, nous avons dit de la manière la plus nette, nous avons été mandatés par nos organisations, nous mettons en place la Refondation sociale, c'est pour moderniser le système social de notre pays, si on n'en veut pas bien entendu nous ne serons plus dans le paritarisme. Mais nous avons l'espoir que ce que nous avons lancé aujourd'hui est trop puissant pour qu'une péripétie, même autoritaire et arbitraire comme celle que prend aujourd'hui le gouvernement, arrête ce qui sera la modernisation nécessaire de notre pays sur le plan social, comme l'ont fait tous ceux sui autour de nous en Europe ont su donner à leur pays un tour social moderne et efficace. Le rendez-vous est pris, bien entendu, mais qu'on le sache : nous ne nous laisserons pas faire par l'alliance des passéistes et des politiques.
(source http://www.medef.fr, le 27 juillet 2000)
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Monsieur Ernest-Antoine Seillière, bonjour. Vous n'êtes pas encore en vacances ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, mais je vais partir comme tout le monde.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Alors, les 100 salariés de la brasserie de Adelshoffen menacent, s'ils ne sont pas entendus, de faire exploser leur usine. Est-ce que vous voyez là un nouveau mode d'action, disons, radicale ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, c'est très grave. C'est un problème de sécurité publique, c'est un problème pour le ministre de l'Intérieur. Mais, disons-le comme nous le pensons, cela révèle même que nous avons besoin dans notre pays d'une vraie refondation sociale, c'est-à-dire d'une ouverture forte vers le dialogue, vers la compréhension à la base, dans l'entreprise, pas au niveau des lois, mais véritablement dans l'entreprise.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Mais grâce à l'intervention de Martine Aubry, vous l'avez entendu dans le journal de 8 h d'Europe 1, à Givet un accord est intervenu cette nuit qui est accepté par les parties, en tout cas par les personnels. Comment éviter que les salariés conduits au chômage, donc dans certains cas au désespoir, fassent sauter leur entreprise ou l'incendient ? Est-ce qu'il y a des risques de contagion ? Quand on est le patron des patrons, est-ce qu'on se pose cette question ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non. Il n'y a pas de risque de contagion, ce sont des cas extrêmes. Chacun le comprend bien. Cela dit, il n'est pas bon que l'ordre social français, l'organisation sociale conduise chacun à estimer qu'il est dans son droit à 100 % et que s'il n'obtient pas satisfaction alors il s'adresse directement au Premier ministre et il menace en effet de mesures extrêmes. C'est une déficience de dialogue social, de compréhension sociale à la base. C'est le sens de notre action à la refondation sociale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Monsieur Seillière, quelle leçon tire les patrons employeurs ? Est-ce qu'ils ne peuvent pas faire attention à leurs plans sociaux au moment de licencier, de respecter davantage peut-être les salariés ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je pense qu'il faut reconnaître que dans la refondation sociale les entrepreneurs ont également à se mettre dans une autre disposition d'esprit et, bien entendu, nous ferons nos propres progrès en même temps que l'ensemble du dialogue social se mettra en place. Encore une fois, vous avez de notre part un sens profond, une volonté de transformer en profondeur le dialogue social dans notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Pour la convention sur l'assurance chômage qui a été signée le 29 juin, si je me souviens bien, avec la CFDT et la CFTC, vous vouliez aller vite. Elle n'est pas encore validée. Si le gouvernement vous donne rendez-vous après l'été, en septembre, pour décider, est-ce que ça vous va ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je voudrais d'abord, si vous le voulez, attirer l'attention sur le caractère vraiment scandaleusement arbitraire de l'intervention du gouvernent dans ces affaires sociales fondamentales. Il n'y a ni délai, ni motivation, ni appel. La ministre, selon son calendrier personnel, selon je dirais le vu de chacun au gouvernement prend son temps, croit qu'en gagnant du temps elle va échapper ou on va échapper à la nécessité de prendre position sur un accord qui est bon, chacun le sait, pour les chômeurs. Il faut que le gouvernement se décide.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous ne pensez pas que l'Etat a son propre rythme et n'a pas à céder à la pression que vous pouvez vouloir faire exercer sur lui ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je crois, si vous voulez, que l'opinion publique française est à 80 % en faveur du nouveau système d'assurance chômage qui a été préconisé par la CFDT, Nicole Notat, par la CFTC et n'oublions pas Alain Deleu, n'oublions pas le courant syndical puissant chrétien de notre pays. Il compte moralement et donc nous avons avec deux fortes puissances syndicales un accord. Il n'est pas normal que l'on attende éternellement. Le gouvernement doit prendre sa position et ça n'est pas en attendant que tout le monde soit parti sur les plages qu'on réglera mieux le problème.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous n'attendez pas septembre ? Vous voulez un accord, vous allez prendre votre mal en patience.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous sommes bien obligés de prendre notre mal en patience mais qu'on ne s'y trompe pas, la solidarité des signataires autour de cet accord est totale, nous l'avons vérifiée hier. Nous faisons un communiqué commun ce matin. Monsieur Jalmain, le n° 2 de la CFDT, a dit ce matin même dans Les Echos, " Attendez, le gouvernement doit prendre sa position sans tarder. Il n'a pas le droit de faire son marché dans notre accord. Qu'il dise oui et qu'il dise non, c'est sa responsabilité mais qu'il la prenne. "
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Monsieur Seillière, hier, au Conseil supérieur sur l'emploi, les trois syndicats non signataires et majoritaires s'opposent à votre accord, vous avez vu, et ils peuvent obtenir le blocage juridique de cet accord et les trois, je le répète, sont majoritaires.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, ne rentrons pas dans les choses juridiques, ils ne peuvent pas obtenir le blocage juridique, le gouvernement est obligé de convoquer une nouvelle réunion de cet organisme, soit. Mais, j'appelle votre attention également sur le fait qu'hier il y a cinq organisations sur huit qui ont donné leur accord, à cet accord fondamental pour l'avenir de l'organisation sociale française. Cinq sur Huit, il ne me semble pas que ce soit minoritaire et donc je crois qu'il faut également voir les choses en face, il y a cinq organisations représentatives des employeurs et des salariés qui donnent leur accord sur huit. Est-ce que c'est minoritaire ? Qu'on me l'explique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : A quelles conditions accepteriez-vous, vous et la CFDT de revenir à la table des discussions avec ceux qui n'ont pas signé ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Mais il n'en est pas question. Nous avons signé un accord, cet accord est valable, juridiquement valable, il est légal, il est conclu. La seule chose que nous attendons c'est un oui ou un non du gouvernement et il n'y a aucune espèce de renégociation. L'idée que le gouvernement voudrait provoquer une renégociation ne traverse pas l'esprit des signataires. Ils ont fait leur travail, allons-y...
JEAN-PIERRE ELKABBACH :... si vous permettez, sur quoi êtes-vous prêts à faire, vous, MEDEF, un effort pour arriver au compromis ? Sur quoi ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Mais le compromis il a été fait dans la négociation, monsieur Elkabbach. C'est fini. Nous avons discuté, nous avons renoncé à beaucoup de choses, les syndicats signataires aussi et quand un accord est fait, il est bon tel qu'il est. Il n'est pas question de revenir dessus parce que le gouvernement souhaiterait ceci ou cela. Qu'il nous dise oui ou non, qu'il ait le courage. Vous savez nous avons signé, c'était courageux, nous avons proposé, c'était courageux, le chef de l'Etat a dit : " C'est pas mal, c'est courageux ", que le gouvernement prenne ses responsabilités, oui ou non.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Et si en septembre, vous avez une réponse qui est négative, qu'est-ce que vous faites ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah écoutez, les signataires...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : ... elle ne le sera pas aussi nettement probablement mais si elle l'était.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, les signataires se réuniront, nous avons avec nous la CFTC, la CFDT, l'UPA, la CGPME et notre position est bien connue . Si cet accord est refusé par le gouvernement nous mettons un terme au paritarisme. Nous l'avons dit depuis un an et il faut croire que dans ce domaine-là, nous ferons ce que nous avons dit. Mais, bien entendu, nous allons discuter de tout cela, si le gouvernement encore une fois refuse cet accord, il prendra ses responsabilité vis-à-vis de la construction sociale française.
JEAN-PIERRE ELKABBACH :Vous dites : "Nous faisons aucun effort, nous en avons fait". Sur le fond, Martine Aubry semble ne pas être hostile au PARE, monsieur Seillière, au Plan d'Action au Retour à l'Emploi, même avec sanctions. Comment financez-vous les mesures prévues par la convention parce que, si vous me permettez, on dit, il y a deux chiffres, les baisses de charges de cotisations sociales demandées, c'est plus de 71 milliards, l'amélioration du sort des chômeurs, c'est 4 milliards. Qu'est-ce que le MEDEF et la CFDT font pour réduire cet écart ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, il ne faut pas écouter ceux qui disent n'importe quoi. Nous mettons en effet dans cette affaire 50 milliards de plus pour les chômeurs. C'est la fin de ce qu'on appelle la dégressivité. C'est un système de retour personnel à l'emploi qui est mis en place avec des mesures personnalisées pour chacun. Le chômeur au lieu d'être devant une administration anonyme sera devant quelqu'un qui lui proposera des emplois pour qu'il retrouve un emploi...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : .... est-ce que vous faites un effort financier supplémentaire, oui, non ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Il y aura 50 milliards de plus en trois ans pour les chômeurs et nous rendrons...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : ... les chômeurs déjà indemnisés, les 40 % de chômeurs indemnisés. Les autres alors qu'est-ce que vous en faites ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, l'UNEDIC s'occupe bien entendu de ceux qui ont cotisé, c'est un système dans lequel on cotise et puis ensuite on a des droits et des devoirs. Nous avons bien entendu des chômeurs qui ne sont pas dans le système de l'UNEDIC, dont s'occupe l'Etat. Que l'Etat se mette à faire ce que nous faisons, c'est-à-dire à améliorer lui aussi le sort des demandeurs d'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH :Et qui donne ces aides personnalisées, monsieur Seillière ? C'est l'ANPE, qui ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, alors ça si vous voulez, l'ANPE et l'UNEDIC...
JEAN-PIERRE ELKABBACH : ...ah...
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : ... mais non, mais c'est un problème mineur. On ne va pas acheter l'appartement où vous ne sauriez pas ouvrir la porte. Ce sont des choses que nous savons faire, nous, gérer des systèmes. L'UNEDIC et l'ANPE feront un accord et qu'on ne se mette pas derrière ces arguments de deuxième ordre pour refuser un accord qui est bon.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Alors, pour ça, on vous a compris. Vous avez cité tout à l'heure le Président de la République. Est-ce que le nouveau chevalier de la refondation sociale, c'est désormais celui qu'on connaît depuis le 14 juillet, le Président de la République ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Attendez, on voit bien que sur des sujets fondamentaux pour le pays, eh bien on s'entend dans notre pays entre les deux têtes de l'exécutif. Le quinquennat, la politique européenne, pourquoi pas la politique sociale ? Nous, nous sommes fiers qu'on nous rejoigne sur des propositions que nous avons faites avec des signataires CFTC et CFDT. Nous attendons du gouvernement qu'il rejoigne nos positions, qu'il appuie la politique de refondation sociale et nous ne comprenons pas pourquoi il ne le fait pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH :Mais est-ce que le soutien du Président de la République au PARE, au nouveau style de relations sociales, c'est bon pour vous ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : C'est bon pour le pays si on fait des choses qui sont bonnes pour le chômeur, bonnes pour le salarié, bonnes pour l'entreprise. Regardez ce qui se passe dans les autres pays autour de nous, chacun a adopté des systèmes de ce genre sans se prendre les pieds dans je ne sais quel embarras politique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous vouliez la refondation sociale et le MEDEF la voulait. Est-ce que ce n'est pas plus dur que prévu finalement ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non. Ca marche mieux que prévu. Nous sommes déjà avec un accord important, nous en avons un deuxième qui est en place, nous avons mis en place toutes les négociations pour couvrir l'ensemble du terrain social. C'est au gouvernement de nous dire s'il veut que tout ceci s'arrête ou si ça peut continuer pour, encore une fois, l'intérêt de tous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Je vous pose une dernière question. Le Chancelier Schroeder vient d'appliquer une réforme fiscale d'envergure aux multiples effets. Qu'est-ce que ça vous inspire pour ici ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, ça m'inspire beaucoup d'admiration pour le courage politique également de ce socialiste allemand qui, regardant le monde comme il l'est, prend des décisions courageuses qui vont beaucoup profiter à l'économie allemande, aux entreprises allemandes et aux salariés allemands. Et nous, qu'est-ce que nous voyons en face ? Eh bien, permettez-moi de vous le dire, le même jour dans la presse : " France, 12 500 fonctionnaires de plus ". Dépenses publiques, prélèvements, aucune ouverture actuellement sur l'accroissement et l'ouverture de la France économique à une vision forte demain. Nous sommes en train de nous enliser dans les visions passéistes et archaïques. Nous voyons se faire autour de nous des choses grandes et fortes. L'Allemagne montre la voie, l'Angleterre montre la voie. Alors, en avant la France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Si vous êtes de cette humeur en juillet avant de partir en vacances, dans quel état serez-vous, Monsieur Seillière, quand vous rentrerez de vacances. Enfin, on le verra en septembre. Bonnes vacances, bonne journée aussi.
invité du JOURNAL DE 20 HEURES sur France 2 Lundi 24 juillet 2000
Dans les titres
BENOIT DUQUESNE : Le non de Martine Aubry à la nouvelle convention d'assurance-chômage. Le MEDEF, la CFDT et la CFTC suspendent leur participation à l'Unedic. Ernest-Antoine Seillière, le président du MEDEF, sera notre invité dans ce journal.
BENOIT DUQUESNE : Le non du gouvernement à la nouvelle convention de l'Unedic et à son fameux plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, négocié entre le MEDEF, la CFDT et la CFTC mais rejeté par la CGT, FO et la CGC. Ce soir les signataires décident de suspendre leur participation à l'Unedic. Alors, avant d'en parler plus longuement avec Ernest-Antoine Seillière les raisons du refus de Martine Aubry. Reportage de Juliette Bot
JULIETTE BOT : Ils sont arrivés ensemble, syndicats et patronat, tous signataires de la convention Unedic ?. Une convention que le gouvernement a décidé ne pas avaliser ce matin. Leur réponse n'a pas tardé, ils suspendent leur participation à toute réunion et par tirage au sort, c'est la CFDT qui lit le communiqué.
MICHEL JALMAIN : L'ensemble des arguments invoqués pour justifier cette décision apparaissent aux organisations signataires infondées, erronées et de mauvaise foi.
JULIETTE BOT : Des propos cinglants pour répondre à une lettre de cinq pages envoyée par Martine Aubry. Dans cette lettre cosignée par Laurent Fabius, elle explique les raison du refus. Un système à double vitesse qui privilégie les chômeurs indemnisés par rapport aux autres. Un dispositif de sanctions trop sévère pour les chômeurs refusant un emploi et enfin un équilibre financier critiquable. Car selon le gouvernement sur les 75 milliards d'excédents prévus dans les trois prochaines années, 71 milliards de francs permettraient d'alléger les cotisations et seulement 4 milliards seraient alloués à une meilleure indemnisation des chômeurs. Quant au Plan d'aide au retour à l'emploi, son financement ne serait pas précisé. Pas question d'un agrément donc, le gouvernement considère qu'une reprise des négociations est souhaitable. Et renégocier, c'est justement la position des syndicats non-signataires, ils approuvent la décision de Martine Aubry.
MARC BLONDEL : Je pense qu'il a joué ce qu'il fallait, ni plus, ni moins. Je regrette moi, j'aurais autant aimé que l'on puisse traiter directement avec les patrons et que la position des patrons soit suffisamment permissive pour qu'on puisse négocier.
JULIETTE BOT : En attendant, l'Unedic fonctionne normalement, les chômeurs continuent d'être indemnisés, les signataires se sont donné rendez-vous le 4 septembre prochain pour de nouvelles négociations.
BENOIT DUQUESNE : Côté politique, Robert Hue se félicite de la décision du gouvernement. En revanche au RPR on dénonce ce que l'on considère être une atteinte au paritarisme. François Bayrou pour l'UDF s'étonne de ce que les partenaires mériteraient moins de respect et de considération que les nationalistes corses. Alors, Ernest-Antoine Seillière bonsoir. C'est un patron des patrons, un patron du MEDEF en colère qui est là ce soir ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, plutôt grave. C'est grave, voyez-vous, de priver les demandeurs d'emploi dans notre pays d'une bonne convention approuvée par la CFDT, par la CFTC, par l'ensemble des entrepreneurs et qui allait mettre 50 milliards de francs à leur disposition pour un système meilleur, personnalisé de retour à l'emploi, il y avait de l'espoir là-dedans, nous avons beaucoup travaillé et le gouvernement avec son habituelle brutalité, c'est un mauvais coup social pour la France, c'est un mauvais coup social
BENOIT DUQUESNE : Il y avait de l'espoir, mais tout le monde n'avait pas signé, il y a des critiques explicites formulées par Martine Aubry sur le financement, enfin on vient de les voir. Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : D'abord si vous voulez, comme la CFDT l'a dit, pour nous, les signataires, les arguments du gouvernement sont faux. C'est-à-dire que pour des raisons politiques on a voulu interdire cet accord et on n'a pas regardé les choses telles qu'elles sont. Et nous avons d'ailleurs décidé bien entendu de répondre point par point à une lettre qui est fausse ! C'est assez rare de voir deux ministres, pourtant je dirais talentueux, décider pour des raisons politiques d'aligner des arguments faux pour condamner une bonne convention et donc nous sommes indignés contre cette caricature de notre accord donnée par des pouvoirs publics.
BENOIT DUQUESNE : Alors vous êtes indignés, ça veut dire quoi ? Ca veut dire que vous claquez la porte pour un long moment, définitivement, qu'est-ce vous faites ce soir ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien puisque l'on nous interdit de faire des accords, comme on, l'a dit on est prêt à donner un pouvoir législatif, je crois, aux Corses, mais nous, les partenaires sociaux on n' a pas le droit de faire des accords alors nous avons dit : dans ces conditions là, nous sortons de l'Unedic.
BENOIT DUQUESNE : Mais pour longtemps ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, d'abord c'est les vacances, il va y avoir le mois d'août
BENOIT DUQUESNE : Vous partez en vacances ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Et donc on s'est dit Nous ne partons pas en vacances, nous allons beaucoup travailler, et nous avons dit rendez-vous le 4 septembre après que nous ayons tous nous sommes cinq signataires, cinq organisations, c'est beaucoup, ce sont les partenaires sociaux, nous allons réunir nos instances et décider ensemble de ce que nous faisons. Pour notre part, nous n'avons jamais caché que si le gouvernement décidait de priver la France d'un bon accord sur le chômage, bien entendu nous en tirerions les conséquences sur notre participation à ce que l'on appelle le paritarisme.
BENOIT DUQUESNE : Vous vous êtes fait justement le chantre du paritarisme, du dialogue social etc. quand on voit ce s'est passé à l'usine Cellatex de Givet et ce qui se passe encore près de Strasbourg dans une brasserie, le dialogue social ça n'a pas l'air de marcher très, très fort quand même
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous proposons la Refondation sociale, c'est-à-dire rendre impossible en effet cette espèce de manière que l'on a de passer du cas individuel du salarié directement au ministre, au gouvernement. Nous voulons du dialogue social, c'est pour cela que nous voulons le rénover. Le gouvernement semble vouloir nous l'interdire, eh bien les partenaires sociaux, la CFDT, j'y reviens, grand mouvement syndical, la CFTC, grand mouvement syndical, et l'ensemble des entrepreneurs nous sommes décidés à faire en sorte que le système social en France change et s'améliore et ce n'est pas la péripétie d'un gouvernement qui interdit un accord qui nous empêchera d'avancer.
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invité du JOURNAL DE 18 HEURES sur RTL Lundi 24 juillet 2000
En tête des titres
JOURNALISTE : Un avenir en pointillé pour le paritarisme après la décision du gouvernement de refuser la convention d'assurance-chômage. Le patronat, la CFDT, la CFTC suspendent leur participation aux instances de l'Unedic en attendant une décision ferme à la rentrée. Ernest-Antoine Seillière, le président du MEDEF, est notre invité.
En cours de journal
JOURNALISTE : Comme prévu, le gouvernement a donc dit non. Martine Aubry et Laurent Fabius ont refusé la convention d'assurance-chômage signée par le MEDEF, la CFDT, la CFTC. Les ministres de l'Economie et de l'Emploi demandent une renégociation du Plan d'aide au retour à l'emploi. En revanche, ils acceptent les dispositifs Arpe, autrement dit le système de préretraite contre embauche, et l'aide aux licenciés économiques. Claude Poznanski, voyons d'abord avec vous ce qui a motivé la décision du gouvernement.
CLAUDE POZNANSKI : Oui, la nouvelle convention assurance-chômage a franchi la ligne jaune fixée par le gouvernement et obéit plus à une logique d'exclusion que d'insertion des chômeurs, souligne-t-on dans l'entourage de Martine Aubry. Toutefois dans une lettre adressée aux partenaires sociaux la ministre de l'Emploi considère qu'une reprise des négociations est souhaitable. Elle estime que le PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, contenu dans la convention n'est pas financé dans la mesure où sur les 75 milliards de francs d'excédents prévus pour l'Unedic d'ici trois ans, 71 milliards sont affectés à la baisse des cotisations et 4 milliards seulement à une meilleure indemnisation des chômeurs. Mais aucune enveloppe spécifique n'est prévue pour le PARE. Par ailleurs, elle craint que ce système ne débouche sur une assurance-chômage à deux vitesses qui prendrait en charge les chômeurs aptes à retrouver du travail mais qui laisserait de côté tous les chômeurs en fin de droits ou en situation précaire. Enfin, les sanctions prévues pour les chômeurs qui refusent un emploi correspondant à leurs compétences doivent rester de la responsabilité de l'Etat.
JOURNALISTE : Alors, côté réactions, Force Ouvrière, qui avait refusé de parapher le texte, Force Ouvrière est satisfaite. Par la voix de Marc Blondel elle se dit satisfaite mais pas triomphante, Marc Blondel qui appelle de ses vux de nouvelles négociations. A la CGC aussi on se dit prêt aussi à s'asseoir à la table des négociations. Le président du MEDEF est justement notre invité. Ernest-Antoine Seillière, bonsoir. Alors le gouvernement a dit non à la convention d'assurance-chômage que vous aviez signée, pourtant le Président de la République vous avait apporté son soutien. J'imagine que ça été une déception pour vous.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oh, il ne s'agit pas de Président de la République, il s'agit des chômeurs ? Il s'agit d'une convention qui avait été signée par la CFDT, la CFTC et les trois organisations d'entrepreneurs, c'est-à-dire cinq organisations sur huit, pour mettre au point un régime d'assurance-chômage qui était considérée par l'opinion comme bon, appuyé par près de 80 % des français parce qu'ils considéraient que chaque chômeur devait être suivi personnellement en vue de lui assurer le plus rapidement possible un retour à l'emploi. Il sembler que de gérer ainsi l'assurance-chômage ait été considéré par le gouvernement comme quelque chose d'impossible et ils nous ont présenté une lettre que très honnêtement j'aurais considéré, excusez-moi du terme, comme un torchon si c'était un examen parce que les partenaires sociaux, la CFDT, en notre nom, a critiqué cette lettre en disant, je lis La déclaration qu'ils ont lue au MEDEF, la CFDT est venue au MEDEF lire une déclaration commune des partenaires sociaux qui avaient signé cette affaire pour dire que les arguments étaient infondés, erronés et de mauvaise foi et qu'en lieu et place d'une analyse objective, les ministres se sont livré à une présentation partisane et caricaturale de nos accords. Nous sommes
JOURNALISTE : Alors justement, pour évoquer les arguments du gouvernement, ils redoutent que le fossé ne se creuse entre les chômeurs indemnisés et les chômeurs de longue durée.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, le coup de force social auquel se livre le gouvernement contre les signataires de la convention, qui est encore une fois une convention parfaitement valable, ce coup de force implique que le gouvernement en quelque sorte s'accuse lui-même. Il n'est pas capable de faire pour les chômeurs dont il a la responsabilité ce que nous voulons faire pour ceux dont nous avons, les partenaires sociaux, la responsabilité et cette affaire de deux vitesses, si elle existe, est entièrement de son fait. Encore une fois, il faut bien considérer que les partenaires sociaux ont la responsabilité des demandeurs d'emploi, veulent la prendre, et que l'Etat, arbitraire, leur refuse la possibilité de le faire.
JOURNALISTE : Ernest-Antoine Seillière, vous avez décidé de suspendre, avec la CFDT et la CFTC, votre participation à l'Unedic. On peut considérer que c'est une solution d'attente, vous ne claquez pas la porte.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, c'est une décision qui a été prise aujourd'hui par nos cinq organisations indignées par ce coup de force, encore une fois, contre les partenaires sociaux par un gouvernement au nom d'intérêts exclusivement politiques, avec des arguments infondés. Nous avons dit, nous partons et nous partons tout de suite. Nous confirmerons dans les semaines qui viennent, par la réunion de nos organismes, le caractère définitif ou non, ça peut dépendre des uns ou des autres, mais encore une fois la réaction a été immédiate : nous ne resterons pas dans un paritarisme dans lequel le gouvernement, avec son arbitraire, ne respecte pas des décisions prises. Vous savez, on veut donner aux Corses, paraît-il, le pouvoir législatif mais quand il s'agit des partenaires sociaux qui rédigent une convention et la signent, alors semble-t-il il n'est pas tolérable qu'on puisse l'appliquer. Nous sommes sincèrement indignés.
JOURNALISTE : Alors je vous propose d'écouter quelqu'un qui ne partage pas du tout votre point de vue, je veux parler de Marc Blonde, le secrétaire général de FO qui a réagi à votre décision de suspendre votre participation à l'Unedic. Il est au micro d'Armelle Levi. MARC BLONDEL : Voyez, ma réaction c'est plutôt un encouragement. Et s'ils étaient partis j'aurais dit : c'est autre chose. Mais là, la suspension ça veut dire que peut-être on va pouvoir discuter. Peut-être, peut-être. Moi, j'aimerais mieux que le patronat regarde la lettre de madame Aubry et tienne compte des propositions qui sont faites, et plus particulièrement de dire : eh bien il faut reprendre les négociations. J'insiste sur le fait que si nous reprenons les négociations avec beaucoup moins d'intolérance, il est fort probable que nous trouverons une solution. Maintenant, si le patronat veut jeter le manche après la cognée, c'est autre chose, il prendra la responsabilité de mettre le régime Unedic entre les mains du gouvernement. C'est très exactement ce contre quoi il voulait lutter. Il me semble que son comportement le conduit à une contradiction. Il faut bien qu'il lève ce paradoxe assez rapidement.
JOURNALISTE : Alors Marc Blondel vous invite au dialogue, Ernest-Antoine Seillière, qu'est-ce que vous lui répondez ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : En bien nous l'invitions, nous, à signer une excellente convention, il n'a pas cru devoir le faire et maintenant il appelle le gouvernement à la rescousse pour obliger les partenaires sociaux qui ont conclu un accord à le renégocier. Bien entendu les cinq signataires s'y refusent absolument
JOURNALISTE : C'est ce que vous dites pour l'instant
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : s'y refusent absolument ! La convention a été signée, c'est dans la manière la plus classique de la tradition républicaine des négociations sociales, et ceux qui n'ont pas voulu signer ne peuvent pas enrayer la marche encore une fois vers la rénovation du système social de notre pays. Nous sommes avec un syndicalisme réformateur et moderne au travail pour présenter à notre pays un système social qui fonctionne dans l'intérêt des salariés et il y a des passéistes, il y a des gens au regret et il y a toujours des gens pour appeler bien entendu au secours les politiques.
JOURNALISTE : Rapidement, le 4 septembre vous allez donc réunir vos instances, la CFDT, la CFTC feront de même, est-ce qu'il est envisageable que vous tiriez un trait sur le paritarisme ? Vraiment vous êtes prêts à le faire, vous l'avez clamé haut et fort, vous ne le faites pas tout de suite, est-ce que le 4 septembre vous pourrie le faire ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, écoutez nous, c'est tout à fait clair, nous avons dit de la manière la plus nette, nous avons été mandatés par nos organisations, nous mettons en place la Refondation sociale, c'est pour moderniser le système social de notre pays, si on n'en veut pas bien entendu nous ne serons plus dans le paritarisme. Mais nous avons l'espoir que ce que nous avons lancé aujourd'hui est trop puissant pour qu'une péripétie, même autoritaire et arbitraire comme celle que prend aujourd'hui le gouvernement, arrête ce qui sera la modernisation nécessaire de notre pays sur le plan social, comme l'ont fait tous ceux sui autour de nous en Europe ont su donner à leur pays un tour social moderne et efficace. Le rendez-vous est pris, bien entendu, mais qu'on le sache : nous ne nous laisserons pas faire par l'alliance des passéistes et des politiques.
(source http://www.medef.fr, le 27 juillet 2000)