Entretiens de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, avec une télévision sénégalaise, avec RFI et l'agence Mena et avec TF1 le 12 novembre 2004 au Caire, sur les conséquences de la disparition de Yasser Arafat sur le processus de paix au Proche-Orient, la crise en Côte d'Ivoire et la libération du chauffeur syrien des deux journalistes français otages en Irak.

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Circonstance : Présence de Michel Barnier aux funérailles de Yasser Arafat : cérémonie officielle internationale le 12 novembre 2004 au Caire (Egypte)

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Texte intégral

Entretien avec une télévision sénégalaise, Le Caire le 12 novembre 2004) :
Q - (A propos des funérailles du président Arafat)
R - Nous avons rendu un hommage solennel, hier à Paris, au président Arafat. Il nous avait demandé de l'accueillir pour le soigner et ce que nous avons fait était simplement normal, compte tenu de la dimension historique mais encore pour des raisons simplement humaines, humanitaires et puis en raison du dialogue que nous avons toujours eu avec lui, en tant que chef incontesté du peuple palestinien. Actuellement, un hommage lui est rendu et le monde entier est là aujourd'hui pour rendre cet hommage, mais il faut lui rendre aussi un hommage politique. Et, dans ces nouvelles pages qui sont devant nous, avec des élections présidentielles en Palestine, avec la nécessité de relancer le Processus de paix, nous avons beaucoup de travail à faire pour appliquer cette Feuille de route, pour la paix, pour le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. En tout cas mon pays, comme le souhaite le président de la République, avec les autres pays européens, va travailler dans le but de réaliser cet objectif.
Q - L'avenir des relations entre Palestine et Israël, comment la France va se déployer maintenant après la disparition de Arafat ?
R - La paix passe par le dialogue et seulement par le dialogue. Je me trouvais en Israël il y a quelques semaines pour une visite officielle. J'étais allé voir le président Arafat au mois de juin, je crois être l'un des derniers à être allé le voir à Moqata et à Ramallah où j'ai passé une nuit.
Aujourd'hui, nous allons travailler. Nous voulons être utiles pour ce dialogue. Nous avons le chemin, le chemin c'est cette Feuille de route avec l'objectif, sur lequel nous sommes tous d'accord, d'avoir deux Etats, vivant côte à côte : l'Etat d'Israël dont nous ne voulons pas transiger avec la sécurité ; et un Etat palestinien indépendant et viable. Nous avons l'objectif. Nous avons une Feuille de route. Maintenant, il faut se remettre autour de la table.
Q - Une question africaine, parce que nous allons à Abuja. La situation en Côte d'Ivoire. Un commentaire de la France à propos de la situation en Côte d'Ivoire ?
R - Notre premier objectif maintenant c'est que le calme revienne durablement. Je crois que l'objectif de la France a été bien compris. Il n'était en aucun cas dans nos intentions de déstabiliser quiconque, mais simplement de participer à la paix et à la stabilité dans le cadre du mandat des Nations unies. Et puis naturellement, d'apporter de l'aide, de la sécurité à tous nos compatriotes et à toutes les communautés européennes ou internationales qui le souhaitent. Donc, le calme revient. Je souhaite vraiment que ce message soit bien compris et puis, là encore, il faut reprendre le chemin de la discussion politique.
Q - Comment faire revenir le calme pour la France ?
R - Le calme et la raison dépendent d'abord de l'ensemble des responsables ivoiriens.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2004)
(Entretien avec RFI et l'agence Mena, Le Caire le 12 novembre 2004) :
Q - Vous êtes optimiste ?
R - Naturellement, le moment que nous vivons en ce moment, ici au Caire, après cette cérémonie officielle internationale où le monde entier était représenté et dans quelques heures l'enterrement en terre de Palestine, au milieu de son peuple, est d'abord un moment de recueillement, plus que de politique. Mais quel est l'hommage que l'on peut rendre à cet homme qui a marqué l'histoire, qui a exprimé, incarné la cause palestinienne, au-delà de l'hommage humain et personnel ? C'est probablement un hommage politique et de faire en sorte qu'on écrive de nouvelles pages pour la paix.
Une première page est naturellement l'organisation des élections présidentielles dans les délais prévus et l'Union européenne sera prête à participer, à aider pour cette organisation. Et puis, les pages qui sont devant nous sont naturellement les pages du Processus de paix et nous savons que son but, ce sont deux Etats. L'Etat d'Israël vivant dans la sécurité et, nous, Français, nous ne transigerons pas avec la sécurité d'Israël, et l'Etat palestinien, lui aussi sûr, viable, indépendant. Ce Processus de paix, cette paix passe par le dialogue entre Israéliens et Palestiniens, par la fin des violences, par la mise en oeuvre de la Feuille de route. Tous les éléments sont là aujourd'hui et j'ai été très impressionné par la dignité, l'unité, le sens des responsabilités des dirigeants palestiniens. Je les ai encore vus ce matin, dans le même état d'esprit ; cette unité, cette dignité, nous en avons vraiment besoin pour relancer le Processus de paix. J'avais dit la même chose en Israël il y a quelques semaines. Nous travaillons avec les Américains, avec les Russes, dans le cadre des Nations unies, pour écrire ces pages qui doivent être maintenant des pages de progrès et de paix.
Q - Pour ce que vous avez fait pour M. Arafat il y a quelques semaines avant sa mort. (...) Qu'est-ce que vous pouvez conseiller aux Palestiniens maintenant ?
R - Ce que nous avons fait pour Yasser Arafat, comme il le souhaitait - il a voulu venir en France pour être soigné -, était simplement normal vis-à-vis d'un homme qui était souffrant et vis-à-vis du chef de l'Autorité palestinienne qui représente son peuple. Encore une fois la France a fait ce qu'il était juste et normal de faire. Ce que je pense vraiment très important aujourd'hui, c'est que cette image d'unité, de responsabilité, de dignité, soit préservée, que les élections se passent de la meilleure manière possible pour qu'il y ait très vite de nouveaux dirigeants à la tête de l'Autorité palestinienne, des interlocuteurs pour participer au dialogue avec Israël, parce qu'on doit construire la paix ensemble. Et la France qui a cette écoute, qui souhaite aussi dire son exigence de la sécurité de l'Etat d'Israël, la France sera utile, par cette parole, par cette écoute, par ce dialogue qu'elle a toujours maintenu avec les Palestiniens.
Q - Israël et les Etats-Unis, n'ont pas considéré Arafat comme interlocuteur. Est-ce que vous croyez que son absence, maintenant, va ouvrir une perspective ?
R - On fait la paix ensemble. On fait la paix avec son adversaire qu'on ne choisit pas toujours. On fera la paix par le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Et il y aura, dans quelques semaines, de nouveaux dirigeants à la tête de l'Autorité palestinienne ; alors, il faudra bien qu'Israéliens et Palestiniens se retrouvent ensemble.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2004)
(Entretien avec TF1, Le Caire le 12 novembre 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, des informations ce matin sur le chauffeur syrien de nos deux otages, avez-vous des informations complémentaires ?
R - Nous avons reçu, en effet, l'indication que Mohamed al-Joundi aurait été retrouvé dans la zone de Falloujah. Au moment où je vous parle, ici au Caire, je n'ai pas la confirmation précise de cette libération mais si elle est vraie, très sincèrement, je m'en réjouis pour lui, pour toute sa famille. Et nous allons continuer notre travail pour obtenir que Christian Chesnot et Georges Malbrunot soient également libérés.
Q - C'est un signe d'espoir d'avoir retrouvé vivant le chauffeur ?
R - Je ne peux pas dire dans quelle condition il aurait été retrouvé, séparément ou pas de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot et depuis combien de temps. Très franchement, si cette information est exacte, j'en suis profondément heureux et nous continuerons avec une énergie renouvelée notre travail, nos contacts pour obtenir la libération de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot.
Q - Un mot sur la cérémonie de ce matin, les funérailles. La France a été en pointe pour faciliter, pour aider à l'organisation de ces funérailles. Votre sentiment aujourd'hui au Caire après cette cérémonie ?
R - Tous les chefs d'Etat, ils étaient très nombreux, tous les ministres notamment des pays arabes, ont exprimé leur reconnaissance à la France. Et naturellement les dirigeants de l'Autorité palestinienne. Ce que nous avons fait était simplement normal, d'abord du point de vue humain. Yasser Arafat était un personnage considérable pour l'histoire, pour incarner la cause palestinienne.
C'est une page qui se tourne mais il y a d'autres pages qui sont devant nous, qu'il faut écrire maintenant. D'abord celle des élections présidentielles pour avoir de nouveaux dirigeants palestiniens et puis la page de la paix qui exige qu'Israéliens et Palestiniens rediscutent ensemble et qui exige une nouvelle mobilisation internationale, celle des Etats-Unis, celle de l'Union européenne, celle des pays arabes, celle de la Russie et nous allons travailler à cette mobilisation.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2004)