Interviews de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, à RTL le 1er avril 2004, à Radio Classique le 21, à LCI le 30 et à Europe 1 le 7 mai, sur la composition du nouveau gouvernement, l'Unedic, l'élargissement de l'UE et la politique économique du gouvernement.

Prononcé le 1er avril 2004

Média : Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - La Chaîne Info - Radio Classique - RTL - Télévision

Texte intégral

RTL - 7h50
Le 1e Avril 2004
Q- R. Arzt-. Est-ce que vous attendiez plus de bouleversements dans la composition du nouveau gouvernement ?
R- "Je n'ai pas trop d'avis là-dessus. Je crois que ce qui est important en effet, c'est que Raffarin III a mis en place une équipe avec quelques renvois aux vestiaires, avec quelques modifications de joueurs, et surtout avec un Zidane aux Finances. C'est un peu le buteur, celui dont on attend qu'il mette beaucoup de points pour la croissance, avec son jus, avec son astuce, avec son dynamisme. Et donc ça, c'est quelque chose sur lequel les 700.000 entrepreneurs que je représente, ont de l'espoir. On lui dit : vas-y mon gaillard. Montre-nous que tu sais agir, entreprendre, entraîner, oser !"
Q- C'est-à-dire que l'énergie qu'il a dégagée pour lutter contre l'insécurité, à votre avis elle peut dynamiser l'économie ?
R- "En tout cas, c'est ce qu'on lui demande : donner confiance, croire à la France, croire à la croissance, et surtout croire dans les entrepreneurs."
Q- Il a des convictions libérales à vos yeux ?
R- "Je pense que oui. Mais enfin, cela ne veut pas trop dire grand-chose. Cela veut dire que c'est un réaliste, il a envie de réformer l'Etat. Il a envie de rétablir, j'espère, l'équilibre des finances publiques. On attend beaucoup de lui, mais on attend aussi beaucoup de Raffarin, attention. Nous ne prenons pas évidemment parti dans cette affaire."
Q- Ce gouvernement est formé après l'échec électoral de la majorité aux élections régionales. On entend beaucoup dire à gauche surtout, et puis à droite aussi, que le Medef a beaucoup influencé depuis deux ans le Gouvernement, et que c'est ça qui a coûté cher électoralement à la majorité...
R- "Je pense que Monsieur Raffarin a beaucoup de raisons d'être peiné. Mais je pense que quand il entend ça, alors il doit être effondré ! Parce que regardons les choses en face, et soyons vrais : les 700.000 entrepreneurs, encore une fois, pensent en fait que monsieur Raffarin n'a rien fait de la politique du Medef. Les 35 heures sont toujours là, le déficit des finances publiques est énorme, les prélèvements ont augmenté, et le code du Travail est toujours aussi inflexible !"
Q- Vous n'avez pas été si influents que ça...
R- "C'est très injuste pour monsieur Raffarin de lui dire cela ! En réalité, ce qu'on lui reproche, ce sont des choses pour lesquelles le Medef n'a pas grand-chose à voir : le prix des cigarettes, les avocats, les radars sur les routes, les buralistes, les chercheurs. Tout cela c'est hors du champ du Medef ! Mais c'est vrai qu'il y a des choses qui ont bougé dans la société française, et que les Français n'ont pas aimées. Mais c'est le résultat de la négociation sociale ! Ce sont les syndicats et les employeurs dont évidemment le Medef, qui, eux, ont fait bouger la France, dans leur secteur de responsabilités, c'est-à-dire là où ils ont en réalité à faire des choses afin de rétablir des équilibres. L'assurance chômage, c'est les partenaires sociaux, les intermittents, c'est les partenaires sociaux, la retraite complémentaire, la formation, l'égalité. Au Medef, on négocie toute la journée avec les syndicats. Les partenaires sociaux, eux, ils veulent changer la France."
Les syndicats, après ces élections, on a l'impression qu'ils veulent faire monter la pression vers plus de social. Est-ce que cela vous inquiète ?
R- "Plus de social, c'est plus d'argent pour le social. Et plus d'argent pour le social, c'est le cap sur la croissance ! S'il n'y a pas de cap sur la croissance, il n'y aura pas de cap sur le social ! C'est tout à fait clair ! Les caisses sont vides, et faire du social sans argent, personnellement je ne sais pas faire ! Donc il faut en réalité dynamiser l'économie française."
Q- C'est possible ça ? Vous pensez que les objectifs de croissance sont crédibles ? 1,7 % ?
R- "Oui, 1,7 % est toujours crédible et atteignable, mais c'est surtout une politique de croissance, d'emploi, et en réalité de pouvoir d'achat, qui passe par la réussite de l'entreprise. Et c'est cela qui est absolument fondamental ! Si on veut un cap sur la pauvreté, sur la dette, sur le chômage, alors il n'y a qu'à taper sur l'entreprise, taxer l'entreprise. On connaît à cet égard d'ailleurs le discours de l'opposition [...] qui se réunit toujours sur l'idée qu'il faut taper sur l'entreprise. Là, je préfère vous dire qu'il n'y aura pas de cap sur le social s'il n'y a pas de cap sur la croissance,"
Q- Là où il pourrait y avoir des inflexions vers le social, c'est dans les régions qui vont être maintenant présidées par la gauche. Au moins pour montrer ce que peut être une autre politique. Les nouveaux présidents de régions peuvent être tentés...
R- "Oui. Les entrepreneurs travaillent depuis maintenant très longtemps avec les autorités régionales de gauche. Ceci ne représente pas en fait sur le plan régional de grands changements. On sait ce que c'est dans une région que l'importance, bien entendu, des entrepreneurs, de l'emploi régional. Tout cela ne change pas. Bien entendu, il peut y avoir là aussi, je dirais quelques tendances démagogiques, faciles, du genre : tapons sur l'entreprise ! L'entreprise, si on tape sur elle, elle ira ailleurs !"
Q- Puisque vous dites que vous n'avez pas suffisamment été entendus par le gouvernement jusqu'ici, Comment allez-vous faire pour être influents maintenant ?
R- "En réalité, nous continuerons, et ce n'est pas nouveau - Raffarin I, II, III et peut-être IV un jour - à dire la même chose. C'est-à-dire en fait adapter et moderniser la société française là où elle doit l'être, c'est-à-dire : n'hésitez pas. D'ailleurs le Président de la République nous a donné une carte, un chemin, en début d'année : c'est le service minimum - il l'a dit, il le fera -, l'assurance maladie, la taxe professionnelle."
Q- Vous pensez que dans le contexte actuel, il le fera ?
R- "Si le contexte actuel modifie les intentions du président de la République de moderniser la France, alors je crois en effet qu'on peut dire à nos enfants : vous aurez une France plus pauvre."
Q- Un des vice-présidents du Medef, G. Sarkozy, est le frère du nouveau ministre de l'Economie. Il y a des négociations où ils vont se retrouver face à face...
R- "Il faut leur demander s'ils se fréquentent ou pas. En réalité, chacun est dans sa responsabilité. Je suis très content d'avoir moi une équipe de négociation. Monsieur Sarkozy Guillaume négocie avec les syndicats dans le domaine de la protection sociale. Monsieur Gautier-Sauvagnac, dans le domaine du code du Travail. Ce sont peut-être pour vous des inconnus, mais c'est toute l'équipe de négociation. N'oubliez pas, le vrai ministère qu'il fallait créer, ce n'est pas celui de la cohésion sociale, parce que je pense que la cohésion sociale, en réalité elle existe dans notre pays beaucoup plus qu'on ne le croit, mais c'est celui de la négociation sociale. C'est dans l'entreprise, dans la négociation sociale, que vous trouverez en réalité l'équilibre dans notre pays. Et ça, il faut le favoriser, et les syndicats le savent, et nous comptons sur eux pour poursuivre dans la voie de la négociation sociale, où on est déjà bien engagés."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e avril 2004)
Radio Classique - 8h15
Le 21 avril 2004
Q- H. Lauret-. On vous a rarement senti aussi tendu depuis vos fameux démêlés avec M. Aubry et L. Jospin. Apparemment, la tournure des événements à l'Unedic vous inquiète beaucoup. Il y a évidemment cette affaire des intermittents. Il y a surtout les conséquences de la victoire juridique des fameux "recalculés", la victoire des chômeurs contre l'assurance maladie. On a l'impression que tout ce que vous avez tricoté est en train de voler en éclats ?
R- "Peut-être pas à ce point, mais c'est certain qu'on est dans une situation que nous avons qualifiée, au conseil exécutif du Medef, d'embarrassante et confuse. C'est-à-dire que les accords qui résultent du dialogue social et qui sont pour nous et pour le syndicalisme réformiste, qui participe à l'amélioration des choses..."
Q- La CFDT
R- "La CFDT, la CGC, la CFTC, trois syndicats sur cinq, qui donc s'engagent avec nous, et quelquefois d'ailleurs FO et CGT le font. Souvenez-vous l'accord sur la formation, l'accord sur la parité... Donc ce dialogue social que tout le monde reconnaît comme absolument fondamental n'a d'intérêt, vraiment, que s'il fait du contrat, s'il fait de l'accord. Or, si les accords auxquels on conduit le dialogue social sont remis en question par les juges, combattus par la rue et confisqués par la loi, alors c'est vrai que les bases même de la relation sociale sont en question. Et ça, nous le jugeons, nous, très grave. Sur les modalités des opérations actuelles qui concernent l'assurance chômage, nous avons le sentiment que la décision du tribunal de Marseille est très surprenante et, selon nous, elle ne sera pas confirmée par ni l'appel, ni les décisions d'autres tribunaux saisis de la même affaire..."
Q- C'est une spéculation que vous faites, là ?
R- "Nous attendons en tout cas d'y voir clair. S'il devait y avoir, à notre surprise, une inversion totale de l'analyse juridique des faits, alors nous serions devant une catastrophe. Cela a été dit par la CFDT. Nous disons, nous, probablement un drame, parce qu'on rajouterait à la crise de l'assurance maladie qui, on le sait, met le système français de santé en question, une crise sur l'assurance chômage qui mettrait le système d'assurance chômage lui-même en question. Cela ferait quand même beaucoup dans une situation où la croissance, qui est évidemment l'objectif des entreprises françaises, ne serait, en fait, plus soutenue par un équilibre social correct."
Q- Revenons une seconde sur la décision du tribunal de grande instance de Marseille, parce qu'au fond, il s'est prononcé autour du lien entre le chômeur et l'Assedic. Alors le Conseil d'Etat c'est autre chose : le Conseil d'Etat va devoir se prononcer sur le rôle qu'a joué l'Etat, qui a agréé l'accord entre vous-même, le patronat, et les syndicats. Qu'est-ce que cela veut dire ?
R- "Cela veut dire que les syndicats qui ne signent pas, quand ils voient leurs camarades signer quelque chose qui construit, s'efforcent de le démolir par tout moyen. Alors, vous comprenez qu'il existe toujours des possibilités. Regardez, en matière de la convention d'assurance chômage, il y a une forme qui, depuis 1990, n'est pas respectée. C'est-à-dire que sur je ne sais quel comité consultatif, on n'a pas pris l'arrêté qui confirme la nomination des membres qui se succèdent Les syndicats hostiles à la construction par l'accord social se sont saisis de cette affaire, l'ont porté devant le Conseil d'Etat et avec un juridisme probablement automatique, le Conseil d'Etat va peut-être dire : "Ah, je suis désolé, dans ces conditions, tout ce qui a été décidé en matière d'assurance chômage n'est plus légal et donc remboursez vos cotisations, reprenez les prestations" ! Enfin, cela flanque en l'air le système. Alors nous considérons que ces manières de faire sont vraiment destructives du dialogue social et la société française est en question quand, au nom de chicaneries juridiques, on met en réalité en cause la manière dont des millions d'hommes et de femmes dans notre pays, reçoivent une prestation qui en fait les assure contre le chômage et leur donne la possibilité de vivre pendant qu'ils sont demandeurs d'emploi, et qu'ils cherchent un emploi. Nous considérons que cette manière de faire est très hostile au dialogue social et destructeur de la construction sociale à laquelle nous sommes, nous Medef, attachés avec le syndicalisme réformiste."
Q- Mais quel est le rôle du politique là-dedans ? Parce qu'on a entendu tout de même le président de la République et le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale dire, grosso modo, qu'ils allaient revenir en arrière, notamment sur les fameux "recalculés", notamment sur l'accord à propos des intermittents du spectacle... Aujourd'hui, tout ce que vous aviez effectivement négocié, vous dites que c'est remis en cause par la rue. En vérité, c'est par les urnes ?
R- "Non, le vote des régionales n'a rien à voir avec tout ça. Le vote des régionales a concerné les problèmes politiques. Le voile, la canicule, les radars, les buralistes, le prix du tabac, que sais-je, n'a rien à voir avec les problèmes de l'assurance chômage. Et le Gouvernement avait lui-même réduit une prestation de chômage, l'ASS, ce qui a été reproché par les urnes. Ne confondons pas dialogue social et problèmes politiques, je vous en prie, parce qu'il y a une frontière. Et justement nous, Medef, nous disons que nous ne nous laisserons pas instrumentaliser, parce que nous faisons du dialogue social, dans le débat politique politicien. Il faut voir les choses avec beaucoup d'honnêteté. Le Gouvernement lui est embarrassé par la situation qui se crée bien sûr, il sait bien qu'il ne pourra pas laisser le système d'assurance chômage en l'air, avec des milliards d'euros supplémentaires de déficit et puis probablement, une base juridique qui aurait disparu pour le faire fonctionner."
Q- La base juridique peut disparaître. Si tel était le cas, qu'est-ce qui se passerait ?
R- "On verra. Pour l'instant, je dis et je critique, en effet, lourdement, une société qui s'efforce par tout moyen de détruire le dialogue social et les accords sociaux. J'en suis là, le Medef en est là. On verra bien si les décisions des tribunaux vont dans le sens que vous dites. Si c'est le cas, on verra bien. La société française sera devant un énorme problème qu'on aura créé pour elle, on verra comment on le traite."
Q- Il y a eu un précédent
R- "Oh ! Il y a toujours des précédents mais enfin, cela dit, là, je crois que nous serions devant une situation nouvelle et extrêmement grave."
Q- Car il en va de plusieurs milliards d'euros
R- "Oui, il en va de 2 milliards d'euros, sur un système qui est déjà déficitaire de 5 milliards, donc ça fait 7 milliards. Vous savez, on s'habitue aux milliards d'euros mais il faut les trouver ! Et je vous dirais que 12 ou 13 milliards d'euros de déficit de l'assurance maladie et 7 milliards d'euros de déficit de l'assurance chômage, nous sommes en réalité, à ce moment-là, en péril."
Q- A l'heure actuelle, le nouveau ministre de la Culture, R. Donnedieu de Vabres, a pour consigne de tout faire pour éviter un nouvel été sans festival. Là encore, vous aviez signé, vous Medef, avec la CFDT, un accord qui a fait beaucoup de bruit et pour cause. Le président de la République et le Gouvernement ont décidé de revenir en arrière sur la pression, vous dites, de la rue. Ce n'est pas nouveau, mais le déficit est toujours supérieur à 800 millions d'euros. Qui va payer ?
R- "Les partenaires sociaux, là, ont fait également un accord sur cette question des intermittents, un accord qui doit réduire le déficit très impressionnant de 800 millions d'euros qui s'affectent aux 100.000 intermittents. La réforme doit conduire à une vraie économie et évidemment, les intermittents ne l'acceptent pas, ou en tout cas une poignée d'intermittents ne l'acceptent pas et donc créent des désordres, afin d'essayer de faire revenir en arrière sur cet accord. Leur objectif, c'est l'annulation de l'accord. Ni la CFDT, ni la CGC, ni la CFTC, ni le Medef et les autres organisations d'employeurs ne sont prêts à revenir sur un accord qui a été signé, agréé et qui, justement, fait fonctionner le régime des intermittents, qui est un régime exceptionnellement favorable, probablement unique au monde, dans des conditions de déficit qui seraient moins inacceptables. Alors, s'il y a des aspects de la réforme, qui a été mise en uvre, qui compromettent le développement de telle ou telle catégorie d'artistes - on parle des jeunes artistes -, le ministère de la Culture, dont c'est la fonction, prendra les mesures complémentaires et s'intéressera à développer le spectacle vivant, pour telle ou telle catégorie d'artistes."
Q- Donc c'est l'Etat qui paiera, d'une façon ou d'une autre
R- "C'est bien entendu en dehors de la responsabilité des salariés de la chimie, des grandes surfaces, des assurances, de payer en plus je ne sais quel développement de la politique culturelle pour laquelle nous sommes très favorables mais qui, à l'évidence, n'ont rien à voir avec une caisse d'assurance chômage. Et donc si M. Donnedieu de Vabres porte un intérêt, et je l'en félicite, aux spectacles vivants..."
Q- Vous lui : "Débrouillez-vous, financez-le" ?
R- "Comme l'a d'ailleurs proposé déjà la CFDT, il y a la possibilité d'associer les collectivités locales, les entreprises de spectacles, les spectateurs..."
Q- On veut associer les collectivités locales à tout, elles n'ont déjà pas les moyens !
R- "Nous sommes en déficit de 800 millions d'euros sur cette seule catégorie de salariés, dont on a dénoncé d'ailleurs le caractère très scandaleux d'abus, qui sont toujours d'ailleurs là, et sur lequel l'Inspection du travail n'a pas fait encore le travail qui devrait être le sien. Donc tout ceci, à la vérité, ne concerne plus la caisse d'assurance chômage et le financement par les salariés de l'ensemble. Que voulez-vous ? C'est ce que nous disons depuis le début : tout de même l'ensemble des salariés français n'a pas à venir compléter la politique culturelle de la France, cela va de soi."
Q- Deux mots sur l'assurance maladie. Vous avez rencontré P. Douste-Blazy, le nouveau ministre. Dans ce domaine, qu'êtes-vous prêt à accepter ? De toute façon, on a aussi l'impression, là, qu'il faudra remettre la main à la poche. Les déficits sont considérables, tout le monde le sait...
R- "Nous avons eu, avec M. Douste-Blazy, un entretien qui a été intéressant, parce qu'il a, en quelque sorte, présenté la gamme des mesures qu'il met à l'étude pour mener sur quelques années - nous, nous disons d'ici 2007 - l'équilibre de fonctionnement de l'assurance maladie. C'est évidemment au vu de cette réforme que nous prendrions, nous, position en ce qui concerne notre participation à quelque chose..."
Q- Sans revenir au paritarisme d'antan ?
R- "De toute façon, nous ne reviendrons pas au paritarisme d'antan qui, depuis 1945, a évolué de telle manière qu'il est véritablement devenu incapable de gérer l'assurance maladie. Et nous avons proposé les formes d'une nouvelle gouvernance, qui associerait la légitimité de l'Etat et la légitimité de la société civile. Et, bien entendu, si cet équilibre se trouvait dans la gouvernance, avec véritablement un exécutif fort, et que nous jugeons devoir être inamovible pendant quelques années, pour mettre en uvre une politique de santé, alors nous serions dans le conseil de surveillance d'une organisation"
Q- Pour faire simple, ce n'est plus l'Etat qui aurait la gestion et la responsabilité, ni les syndicats, ni le patronat, mais une nouvelle structure ?
R- "Une nouvelle structure, c'est-à-dire une nouvelle gouvernance et nous pensons qu'elle peut être construite, elle peut être crédible. D'ailleurs si on ne veut ni de l'étatisation, ni de la privatisation, ni du paritarisme, je ne sais pas comment on gérera. Donc il faut bien proposer quelque chose, et le Medef a proposé quelque chose autour duquel on peut construire une gouvernance crédible pour mettre en uvre une vraie réforme."
[...]
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 avril 2004)
LCI - 8h20
Le 30 avril 2004
Q- A. Hausser-. On va parler de l'élargissement de l'Europe, mais aussi d'autres choses. Le Medef a salué l'élargissement hier, mais vous avez entendu les déclarations de J. Chirac sur la Turquie. Dites-vous : vivement que la Turquie entre dans l'Union ?
R- "Nous avons, nous, avec la Turquie, des relations économiques fortes, nous avons beaucoup travaillé avec les entreprises turques, il y a beaucoup d'entreprises françaises en Turquie, c'est un grand marché, ils veulent réussir, ils sont modernes, et donc il faut que la Turquie ait avec l'ensemble européen, vaste, constitué, des relations économiques très fortes. Cela doit-il aller ou non jusqu'à l'adhésion ? C'est un problème politique sur lequel l'entreprise ne prend pas parti. Mais il faut absolument pouvoir accentuer les échanges économiques. Il y a beaucoup d'entreprises françaises qui investissent en Turquie - Renault y produit des voitures ; Carrefour y a beaucoup de magasins etc."
Q- Plus d'entreprises qui investissent en Turquie que dans les pays entrants, parce que nous ne sommes pas très présents dans les dix nouveaux pays entrants...
R- "Détrompez-vous. Nous sommes les premiers ou deuxièmes investisseurs à la fois en Pologne, en Hongrie, en Tchéquie, en Slovaquie. Nous avons fait depuis maintenant cinq à six ans, de très très gros efforts."
Q- Les premiers ?
R- "Oui, nous sommes les premiers investisseurs en Pologne actuellement. C'est vous dire que nous avons énormément de présence. Et il y a des années que le phénomène de l'entrée des nouveaux pays a été pris en compte par les entreprises françaises. Et l'élargissement est un moment sentimental important, que les entreprises ressentent comme un grand moment historique. Mais cela ne change pas les choses, parce que nous avons commencé depuis longtemps maintenant à porter intérêt à ces pays."
Q- Premiers investisseurs en Pologne, pour beaucoup de gens, cela signifie délocalisations et pertes d'emplois. Autrefois, on saluait les investisseurs. Quand les entreprises investissent à l'étranger aujourd'hui, on déplore leur départ, parce que l'on perd des emplois en France...
R- "Je crois qu'il faut bien voir les choses. Ces pays sont des marchés qui sont très ambitieux, ils ont envie de rattraper leur retard de niveau de vie, et donc les entreprises françaises qui investissent là-bas pour l'essentiel, investissent pour ces marchés, pour fournir les biens et les services à ces marchés. Et ceux qui délocalisent vraiment pour profiter des conditions de coûts et faire là-bas ce qu'ils peuvent faire en France, représentent en réalité assez peu de choses. Le vrai phénomène, c'est celui de l'installation sur les marchés pour fournir, et cela, c'est très positif."
Q- Et le vrai phénomène, c'est aussi la perte d'emplois industriels en France,
non ?
R- "La perte d'emplois industriels en France est due au mouvement général de dynamisme des pays émergents. C'est aussi bien la Chine, que l'Inde, que l'Amérique Latine. Et les Pays d'Europe de l'Est, ont au moins eux l'intérêt d'être en Europe, et quand on y produit, et produit moins cher, de favoriser la compétition européenne. Donc tout ceci est très positif."
Q- Un autre soupçon dont on vous gratifie, c'est l'arrivée d'une main-d'oeuvre moins chère puisque, qui dit entrée dans l'Union, même si les accords de Schengen ne vont pas s'appliquer tout de suite à ces pays, cela va favoriser la fluidité de la main-d'oeuvre et donc provoquer moins de tensions sur le marché du travail, et par conséquent une main-d'oeuvre moins chère...
R- "La France a pris toutes ses dispositions pour que l'arrivée de main-d'oeuvre de ces pays en réalité soit très contrôlée puisqu'il n'y a pas encore la liberté d'établissement, cela prendra cinq années. D'autre part, nous aurons démographiquement, nous, besoin de main-d'oeuvre dans cinq ans. Et donc tout ceci n'est pas défavorable. En plus de cela, le dynamisme dont peuvent faire preuve ces pays et leur main-d'oeuvre qualifiée, peut en effet dynamiser un peu nos propres atmosphères de travail. N'oubliez pas que la délocalisation, c'est peut-être quelque chose, mais que les 35 heures, l'inflexibilité du code du Travail pèsent beaucoup plus sur notre économie que la délocalisation en Slovaquie."
Q- Quand vous dites la "flexibilité", vous dites : vivement l'adoption de la Constitution européenne avec ses trois piliers ?
R- "La Constitution européenne est un pas en avant. Mais nous, entrepreneurs, nous disons, et nous disons beaucoup au Gouvernement : attention, à vingt-cinq, c'est très difficile de gouverner l'Europe. Et donc, si la Constitution est un pas en avant, il faut faire beaucoup plus. On a une monnaie commune, on a un espace économique commun, on peut investir partout, c'est un espace unique, la France est un morceau économique de l'Europe, on ne peut pas être dans cette circonstance-là et ne pas avoir un gouvernement européen qui vraiment soit efficace et simple. Nous n'en sommes pas là. Et nous demandons donc à ce qu'on aille beaucoup plus loin dans la construction politique de l'Europe."
Q- Les 35 heures : le problème se repose à propos du jour de solidarité. Certains députés voudraient carrément rouvrir le débat, il y a un rapport qui a été enterré. Faut-il aller plus loin dans ce que le Gouvernement appelle "l'assouplissement des 35 heures" ?
R- "Les 35 heures, c'est maintenant reconnu par tous, infiniment coûteux pour un Etat qui cherche des économies, elles sont socialement très ambiguës. Les Français sont partagés sur l'efficacité sociale. Et économiquement, un véritable moins. Un rapport parlementaire l'a dit avec clarté. Le Gouvernement, pour des raisons, je crois, de conjoncture politique, l'a écarté. Mais, bien entendu, le Medef, qui souhaite la réussite de la France, qui ne souhaite ni son appauvrissement, ni son endettement, ni son chômage, demande, bien entendu, que l'on revienne sur l'inflexibilité absurde des 35 heures, que aucun des pays entrants, bien entendu, ne connaît, pas plus d'ailleurs que nos voisins européens !"
Q- Vous dites "inflexibilité absurde", donc vous n'admettez pas, vous ne reconnaissez pas l'assouplissement qui a été apporté à la mesure ?
R- "Non. On a fait des choses très très légères, et nous demandons à ce que l'on puisse, en entreprise, entre soi, entreprise par entreprise, négocier dans quelles conditions on veut mettre en oeuvre les 35 heures, avec toute la possibilité de s'adapter dans chaque entreprise, aux souhaits de chacun. Il y a des gens qui veulent travailler plus pour gagner plus, bien sûr. Il y a des entreprises qui ont des commandes, et qui veulent travailler plus. Mais vous savez, tout cela est tellement évident qu'il faut être vraiment un idéologue retardé pour ne pas le reconnaître."
Q- Vous vous adressez à qui quand vous parlez d'"idéologue retardé" ?
R- "A ceux qui défendent avec acharnement et archaïsme cette mesure, encore une fois que personne au monde n'a repris dans le monde entier."
Q- Le Premier ministre est-il devenu "idéologue" ?
R- "Non, je ne pense pas que ce soit quelque chose que je puisse dire, et je ne le dirai pas."
Q- On vous lance des appels, pas à vous personnellement, mais au Medef, à propos de l'Unedic. Hier, les trois syndicats signataires vous ont appelé à l'ouverture de négociations à la réouverture des négociations sur l'Unedic, après les tribulations judiciaires, qui ne sont d'ailleurs pas terminées...
R- "Nous sommes dans une situation assez étrange et confuse. Un tribunal a pris une décision de justice assez imprévue. Il dit : "La relation entre l'Unedic et le chômeur est une relation individuelle". Cela n'avait jamais été dit avant, ni politiquement par tous ceux qui avaient combattu ce que l'on appelle le PARE, ni juridiquement. Eh bien, en réalité, ceci donne raison à ceux qui ont voulu changer le système de chômage français d'un système administratif à un système personnalisé. Et donc nous sommes un peu dans la confusion parce que cette décision du tribunal va exactement dans le sens de la réforme que la refondation sociale a voulu apporter au régime du chômage, et qui a été soutenue aussi bien par les syndicats réformistes que par nous. Donc, cette décision est surprenante mais elle va dans le sens de la réforme souhaitée par ceux qui veulent donner l'efficacité au chômage. Alors, bien entendu, la situation est confuse, parce que tout ce qui avait été dit politiquement et juridiquement jusqu'à présent n'allait pas dans ce sens. Cela pose un problème financier parce que si l'on veut suivre cela, on a besoin de beaucoup d'argent et on ne sait pas où le trouver.
Q- Cela va coûter très cher et la caisse va mal !
R- "Alors renégocier, si c'est pour constater que l'on n'est pas d'accord, cela n'a franchement aucune espèce d'intérêt. Donc il faut essayer de réfléchir pour arriver à trouver la solution à ce problème. C'est ce qui se passe actuellement."
Q- Et la réflexion va durer jusqu'à quand ?
R- "Jusqu'à ce que l'on trouve une solution."
Q- Et c'est le Gouvernement qui va la trouver pour vous ?
R- "Je pense que le Gouvernement viendra en partenaire, aider les partenaires sociaux à trouver une solution. C'est comme cela d'ailleurs que fonctionne un bon paritarisme, en partenariat avec un Etat qui souhaite, avec les pouvoirs publics, un gouvernement, aider et ne pas bloquer, comme ce fut longuement le cas."
Q- Un partenaire qui boucherait les trous ?
R- "Non, je ne crois pas. Je crois qu'il ne faut pas demander, en effet, de l'argent. Nous ne sommes pas un patronat geignard."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 mai 2004)
Europe 1 - 8h20
Le 7 mai 2004
Q- J.-P. Elkabbach-. J.-P. Raffarin, a mis à mort, en direct, hier, sur France 2, un tabou : l'amnistie fiscale. Il voudrait rapatrier les capitaux exilés, les taxer à leur retour - les Italiens, les Belges et bientôt les Allemands le font. Et nous, aussi ?
R - "Je n'avais jamais entendu parler de cela. Ce n'est pas une affaire d'entrepreneurs. Les entrepreneurs, les entreprises ont leur argent, bien visible, investi, pour la croissance, pour l'emploi. Donc cela ne nous concerne pas. Si les gens sont partis avec de l'argent, en trichant, c'est tout de même parce que la fiscalité est devenue tellement insupportable que beaucoup ont cru devoir le faire. Et pour qu'ils reviennent et que cela rapporte de l'argent - ce que l'on peut, bien entendu souhaiter -, il ne faut tout de même pas se faire d'illusions : si la fiscalité sur le patrimoine reste au niveau où elle est, notamment l'ISF, qui est confiscatoire, les gens ne vont pas être évidemment extrêmement tentés."
Q- Autrement dit, vous préféreriez que l'on réduise ou que l'on supprime l'ISF ?
R - "Bien entendu, bien entendu."
Q- Mais sur le principe, le fait de recycler, le recyclage moral de l'argent expatrié, qui servirait à financer le plan de cohésion sociale ?
R - "Ecoutez, c'est de la politique. C'est un moyen politique. Le Gouvernement pense devoir le considérer. S'il rapporte, encore une fois, de l'argent pour la cohésion sociale, pourquoi pas ? Mais ce n'est pas une affaire sur laquelle nous avons été consultés et cela ne nous concerne pas."
Q- Oui, mais sur le principe ?
R - "Je n'ai pas à formuler de bonnes ou de mauvaises notes sur des principes de ce type."
Q- Et le plan Raffarin-Borloo de cohésion sociale, le soutiendrez-vous, par principe ?
R - "Oui, nous le soutiendrons et je vais vous dire pourquoi : d'abord, parce que nous pensons que M. Borloo a une vraie expérience sociale, à Valenciennes, il a été immergé dans la vraie réalité sociale, et donc il sait ce dont il parle. Quand nous avons parlé avec lui réforme de l'assurance chômage, par exemple, manifestement, l'idée du contrat, de la relation individuelle avec le demandeur d'emploi, avec des droits d'un côté, bien sûr, et des devoirs de chercher et de trouver un emploi, il partage ces visions, elles sont réalistes. Et donc, a priori, bien entendu, nous soutiendrons un plan de cohésion sociale."
Q- Vous notez dans tout ce qu'on entend en ce moment, que la baisse des impôts n'est plus automatique, mais conditionnée par la croissance ou par l'équilibre des comptes. Est-ce regrettable ou sage ?
R - "C'est regrettable parce que, bien entendu, on le sait, la réduction d'impôts cela crée de la demande, de la consommation, donc de la croissance. Cela dit, quand les déficits sont énormes, que la croissance est faible, à partir du moment où on maintient le cap et on se fixe toujours l'objectif de les réduire, que l'on prenne un peu de plus de temps, je crois que les entrepreneurs le comprennent."
Q- Cela ne vous choque pas ?
R - "Non."
Q- MM. Raffarin et Borloo, à propos de l'Unedic, ont réglé le conflit des chômeurs "recalculés". Vous avez vu que l'Etat reporte sa créance d'1,2 milliard sur l'Unedic. Leur donnez-vous, là aussi, raison ?
R - "Je pense que cette affaire a été menée avec intelligence au plan social, au plan politique et au plan financier. Il y avait un gros problème social, il montait, il était partagé par l'opinion, l'Etat a voulu le régler, a cherché la manière de le faire et, en même temps, a reconnu, ce qui est fondamental, que le contrat individuel de chômage - c'est ce qui a fondé sa décision, c'est la décision du tribunal de Marseille, qui a été applaudie par tous ceux qui nous ont, pendant des années dit : ce n'est pas un contrat ! Alors, nous considérons qu'il y a maintenant un progrès dans le sens de la réforme, de la bonne réforme, de la refondation sociale, avec un traitement individuel du chômage. C'est un progrès."
Q- Il y a encore des déficits et des dépassements annoncés de l'Unedic. Qui va les financer et comment ?
R - "Je crois que nous avons un déficit qui est très important mais supportable. Les partenaires sociaux n'ont pas la ressource, en effet, de faire des déficits éternellement. Ils prendront les voies et les moyens pour rétablir l'équilibre, par un mélange de mesures, bien entendu, et bien sûr, par la diminution du chômage par la croissance, qui est l'objectif de tous."
Q- Mais si cela ne suffit pas ? Par exemple, le Medef accepterait-il une surcotisation de 0,1, par exemple, pour payer la paix sociale, la dynamique économique ?
R - "Toute cotisation supplémentaire, toute taxation supplémentaire de l'entreprise qui est la plus taxée au monde, créera du chômage, moins de croissance, appauvrira la France. Alors, bien entendu, nous sommes tout à fait contre !"
Q- Pour régler le conflit qui menace autour de l'intermittence, R. Donnedieu de Vabres fait face avec un certain courage. Vous avez vu qu'il crée un fonds culturel, qu'il lutte contre les abus. Il refuse d'abroger l'accord que vous avez conclu avec la CFTC, la CFDT, etc. Accepteriez-vous de renégocier cet accord, comme certains le demandent ?
R - "Des irréductibles, une poignée d'irréductibles, en réalité, veut abroger cette réforme ! Cette réforme, on a mis dix ans à la mettre en place, après dix ans de refus et de blocage, avec un système, dont chacun sait aujourd'hui qu'il a été dévoyé et qu'il y a eu d'immenses abus ! Alors, écoutez, à Cannes, que les intermittents expliquent aux cinéastes du monde entier, la manière dont on traite les artistes dans notre pays. Le monde entier sera stupéfait d'entendre que nous avons un régime aussi favorable ! Je crois qu'il faut prendre les choses comme elles sont..."
Q- Vous jouez la politique du pire ?
R - "Pas du tout ! La politique du mieux, le régime des intermittents est le meilleur au monde, et je crois que nos amis les intermittents pourront l'expliquer au monde entier à Cannes, surtout qu'ils le fassent !"
Q- Donc, vous ne renégociez pas, vous ne réajustez pas cet accord. Par exemple, R. Donnedieu de Vabres a demandé, à vous, l'Unedic, de régler les cas particuliers : les congés maladie, le problème des femmes enceintes...
R - "Il y a les irréductibles qui veulent abroger et je pense que là, il n'y aura pas de renégociation. Et puis, il y a des adaptations. L'Unedic parle actuellement, entre partenaires sociaux, avec des délégations d'intermittents qui proposent des choses, de la manière d'améliorer, bien entendu, tel ou tel aspect de la réforme qui est inadapté, peut-être sur les femmes enceintes..."
Q- Vous êtes prêt ?
R - "Trois propositions ont déjà été faites pour améliorer, en effet, le régime des femmes enceintes dans l'intermittence : on va probablement progresser dans cette direction. Bien sûr, des indexations sont possibles. Mais la renégociation pour abroger, certainement pas !"
Q- Mais par exemple, les femmes enceintes demandent que chaque jour d'absence soit compté comme cinq heures de travail...
R - "C'est un traitement infiniment plus favorable que le traitement de n'importe quelle femme salariée enceinte. Et donc, il y a là un énorme et un immense privilège qui a été remis en question, et sur lequel il y aura probablement, en effet, des efforts, des discussions pour essayer de trouver une amélioration. Mais ce sera à la marge et ce ne sera pas une renégociation."
Q- M. Raffarin parlait de la réforme de l'assurance maladie, à laquelle il tient. Il y a, à la fois, le financement - vous direz ce que vous en pensez -, mais l'architecture ? Aujourd'hui, à quelles conditions le Medef accepterait-il, ou acceptera-t-il, de participer de la gouvernance de l'assurance maladie ? Et à quelle place ?
R - "Attendez, il y a un aspect tout à fait clair : il n'y aura pas de retour dans le paritarisme syndicats-patronat. Le syndicat et le patronat, qui gèrent la santé en France, c'était 1945. 60 ans après, ce n'est plus possible. En revanche, nous sommes prêts à arriver dans un système de gestion nouveau, dans lequel on associe clairement des responsabilités d'Etat auxquelles celui-ci ne peut pas échapper et sa légitimité pour conduire une politique de santé avec, bien entendu, un dialogue, un contrôle, une participation de la société civile."
Q- Vous participez, mais le Medef ou les partenaires sociaux, pour vous, n'ont pas le dernier mot ?
R - "Non, nous serons un des interlocuteurs d'une direction - pour nous d'ailleurs inamovible pour un certain temps, de façon à ce qu'elle puisse conduire une politique de santé -, un des interlocuteurs comme il y en aura d'autres, au titre de la société civile. Nous sommes importants mais enfin, nous n'avons pas, nous, à gérer le système de santé, les entrepreneurs ne savent pas le faire."
Q- Et quand M. Raffarin promet l'équilibre en 2007, dans trois ans, rêve-t-il un peu ?
R - "Non, c'est un objectif qui est atteignable par justement le mélange des mesures que l'on voit poindre - lutte contre les gaspillages, des déremboursements, et puis la pièce de responsabilité... [...] Ce n'est pas nous, les entrepreneurs, qui allons dire comment faire. Nous attendons du Gouvernement dans ce domaine, non pas des négociations, mais des décisions. C'est à lui de dire comment on réforme. Et si, en effet, la gouvernance est telle que la souhaitons, nous y serons actifs et enthousiastes."
Q- Le Medef et les chefs d'entreprise, à propos de la loi sur les 35 heures :
M. Raffarin dit que "c'est une mauvaise loi". Jusqu'à présent, on n'a pas vu les chefs d'entreprise défiler pour abroger ou supprimer la loi sur les 35 heures ?
R - "On a défilé une fois, c'est difficile de le faire plusieurs fois. Mais on a bien compris que c'était pour nous une mauvaise loi. Et entendre le Premier ministre - je dirais tout de même pas mal d'années après, parce que sept ans après - dire, avec cette netteté que c'est une mauvaise loi, pour nous, c'est vraiment une bonne nouvelle."
Q- Mais il n'a pas dit qu'on la supprime, mais il dit qu'il faut négocier par branche, par entreprise. Que va faire le Medef ?
R - "Que l'on modifie la loi, pour permettre à chaque entreprise de discuter avec ses salariés, peut-être même, un par un, le régime des 35 heures. Nous ne pouvons pas le faire, la loi nous l'interdit. Que l'on modifie la loi sur le point et nous négocierons dans l'entreprise, nous ne demandons que cela."
Q- Vous avez noté que M. Raffarin s'est dit "le pilote de l'Airbus gouvernemental". D'ailleurs, il est à Toulouse, ce matin, pour le premier assemblage de l'A380. Et Mme Buffet a complété : "Oui, mais qui est dans la tour de contrôle ? Seillière. Vous ?
R - "Les communistes ne changent pas de disque. Ce qu'il faut, c'est que ça vole, que ça vole vite, haut et que ça sache où ça va. Alors, qui pilote, qui copilote ? C'est une affaire d'institution..."
Q- Donc, vous n'êtes pas le copilote de cet "Airbus" ?
R - "Je ne peux pas être partout, à la fois dans la tour, dans l'avion, en train de réceptionner à l'arrivée ! Tout ceci n'a pas de sens et on connaît bien le disque et la chanson, là-dessus ce n'est pas nouveau. Nous souhaitons bien entendu une politique ferme, un avion qui vole vite et qui sait où il va. D'ailleurs, je ne vous cache pas que, pour avoir entendu tous ces jours-ci beaucoup tout de même de ministres, le Premier ministre, le président de la République s'exprimer, on a l'impression que ça bouge !"
Q- Que l'avion va décoller ? Qu'il décolle ?
R - "Je ne sais pas, ou on pousse un peu la manette des gaz !"
Q- Faîtes-vous confiance à ce Gouvernement ou attendez-vous le prochain ?
R - "Nous n'avons strictement aucun doute. Nous cherchons la confiance, nous faisons, par principe, confiance à ceux qui nous proposent, à nous entrepreneurs, dans la société française, la manière de faire de l'emploi et de la croissance. Et le Gouvernement qui propose de le faire, bien entendu, nous n'avons pas à exprimer de doute à son sujet."
Q- Vous traitez avec Matignon ou l'Elysée depuis longtemps. De quel côté ?
R - "Un peu avec tout le monde."
Q- C'est une réponse à la monsieur Queuille !
R- "C'est de la langue de bois. Quand on me met sur les terrains où je ne dois pas être, je la sors et c'est rare !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 mai 2004)