Texte intégral
Question : C'est l'aube d'une semaine sociale qui va être agitée. Aujourd'hui, c'est la grève des transports, avec, au coeur de l'inquiétude des cheminots, le service minimum. Que dites-vous de cela, à la CGC ?
Réponse : Je crois qu'il ne faut pas se leurrer : ce n'est pas un texte ou une loi qui changera quelque chose. On a un gros problème à la SNCF, qui est un problème de management. Parce que dans les entreprises publiques, on se rend compte que le dialogue social s'est amélioré à EDF, à la RATP, à La Poste, et pourquoi cela ne fonctionne pas à la SNCF ? Je pense que la direction de la SNCF n'a pas les coudées franches...
Question : Ce n'est pas la faute de L. Gallois, c'est parce qu'il ne peut pas faire exactement ce qu'il veut ?
Réponse : Non, c'est qu'on ne lui laisse pas la possibilité de négocier. Derrière, le poids de la tutelle qui est beaucoup plus omniprésente sur la SNCF que sur les autres entreprises nationales.
La SNCF a aussi la particularité, c'est que c'est une entreprise qui fait vivre beaucoup de permanents syndicaux - c'est une tradition française. Cela pèse dans le climat d'une entreprise ? J'imagine qu'il y a assez peu de délégués CGC à la SNCF...
Réponse : De moins en moins, puisque notre structure SNCF a été exclue de la confédération récemment. Ce qui est curieux, c'est que le président de la SNCF refuse d'accepter cet [...]. Il choisit ses interlocuteurs, certainement, parmi les plus proches. Mais c'est un problème qui pèse et on de voit bien, malgré la faiblesse de la structure qu'on l'on avait sur la SNCF, le nombre de détachements, de permanents était important. Il y a un équilibre à trouver par rapport à ce qui se passe dans les autres entreprises.
Question : On dit, du côté gouvernemental, qu'il ne faut pas pour autant redouter un embrasement social, bien qu'on voie aujourd'hui la SNCF, qu'il y a quelques inquiétudes à EDF avec la privatisation. Demain, ce sont les services hospitaliers qui devraient se mettre en grève. Pensez-vous que l'on est vers une tension sociale et pourrait-il y avoir un front syndical ?
Réponse : Je pense que le Gouvernement fait une grosse erreur d'appréciation en ce moment, parce qu'il vit toujours sur ce qui s'est passé en 2003, sur la fracture syndicale, qui a été claire et précise, au moment de la négociation sur les retraites. Cette époque est une époque révolue. Nous allons avoir, prochainement, avec l'ensemble des autres responsables syndicaux, une rencontre, sans doute début février, après le congrès de FO, parce qu'il faut tenir compte de son successeur pour essayer de trouver en commun - d'abord, d'épuiser les sujets du passé, de repartir sur de bonnes bases et de trouver en commun - les moyens de pouvoir présenter un front uni par rapport à un certain nombre de menaces graves."
Vous avez écrit à tous vos confrères ?
Réponse : Oui, à la fin de l'année dernière. Je les ai revus début janvier, à l'occasion des voeux du président de la République. On a convenu d'un rendez-vous ; ils sont tout à fait d'accord, pour que l'on essaie de tirer un trait sur cette période de méfiance réciproque.
Question : Ce que vous dites, c'est que dans la négociation actuelle, le Gouvernement pioche un peu ce qui l'intéresse dans vos propositions et laisse de côté... Il y a une sorte de rapport un peu consumériste avec la chose syndicale ?
Réponse : Le Gouvernement nous parle beaucoup du contrat, du respect du contrat, de la négociation sociale... Mais il suffit que l'on signe un accord avec le patronat - un accord, ce sont des compromis, des concessions réciproques, en principe. Et une fois que l'on a signé cet accord, le Gouvernement vient dire que les concessions que nous avons faites, qu'il les entérine dans la loi, mais que les concessions faites par les employeurs, qu'il va revenir dessus. On a encore un bel exemple tout récemment, où nous avons signé à 5 un accord sur la formation ; le Gouvernement fait un projet de loi où il retire un certain nombre de choses que nous avions obtenues du Medef à l'époque. Ca, c'est insupportable !
Le contrat de mission, qui est une des proposition du rapport de Virville et qui vise directement les cadres, cela fait-il partie des propositions sur lesquels vous pouvez trouver des choses intéressantes ou vous dites "non" en bloc ?
Réponse : Dans l'état actuel des choses, on dit "non" en bloc. D'abord, j'attends que l'on me montre les emplois qui pourraient être concernés. On cite toujours le bâtiment, mais ça c'est réglé ; on nous parle de l'informatique, mais c'est réglé avec les sociétés de service. Il y a deux solutions pour cette souplesse nécessaires pour les entreprises : il y a celle de dire qu'on va précariser avec les contrats de mission ; il y a la solution de nos voisins d'Europe du Nord - Suède et Finlande - où, même les intérimaires sont des travailleurs en contrat à durée indéterminée dans les sociétés d'intérim et qui sont placés dans les entreprise, à droite, à gauche. Donc, il y a 50 moyens de donner aux entreprises la souplesse nécessaire. Il ne faut pas systématiquement aller chercher celle de la précarité."
Question : Et en matière de flexibilité, l'assouplissement des 35 heures, c'est possible aujourd'hui ? Parce que les cadres en ont beaucoup profité, même s'ils n'étaient pas demandeurs...
- "Les cadres en ont beaucoup profité... C'est vrai qu'il y a eu les journées de RTT et maintenant, c'est quelque chose qui est acquis et sur laquelle il sera difficile de revenir. En contre-partie, quand même, l'amplitude de la journée de travail a été largement agrandie et la charge de travail, la pression au travail se sont accrues. Ils ont le sentiment de ne pas avoir toujours le temps nécessaire pour faire ce qu'on leur demande de faire.
Autre sujet : la réforme de la Sécurité sociale. Il y a franchement une nécessité de mise à plat, tout le monde est d'accord. Sur les recettes, qu'est-ce qui est le plus pernicieux ? C'est le côté Carte vitale : on paie et on ne sait pas ce que cela coûte ?
Réponse : Il y a plusieurs choses. D'abord, il y a la liaison entre l'hôpital et la médecine de ville - un peu plus d'hospitalisation à domicile, cela coûte moins cher. Il y a effectivement tous les problèmes liés à la consommation, la mise en place des références médicales obligatoires qui, finalement, ne s'est jamais mise en place. Il y a également une action à mener sur les recettes, il y a aussi à faire sauter les numerus clausus, que ce soit le nombre de médecins, d'infirmières, etc. qui ont contribuer à augmenter cette pression sur les coûts.
Question : Il ne faut pas être Prix Nobel de mathématique pour deviner qu'il y a tant de lits, tant de malades et qu'il faut donc tant d'infirmières et qu'il faut les former.
Réponse : Il semble que l'on a toujours pensé, dans les hautes sphères, à une certaine époque, que si on laissait l'offre augmenter - c'est-à-dire le nombre de médecins et d'infirmières - cela allait entraîner une augmentation de la demande, et donc, une explosion des coûts. En fait, on s'aperçoit qu'à force de comprimer, l'offre est insuffisante et que cela entraîne aussi une augmentation des coûts.
Question : Sur la réforme de Sécu, il pourrait y avoir un front uni des syndicats avec de vraies contre-propositions ?
Réponse : Je pense déjà que l'on risque d'arriver - je crois que c'est jeudi, le rapport du Haut conseil - à une position unanime, sur ce rapport, cet état des lieux que finalement personne en conteste. Ensuite, on va rentrer dans la phase de concertation. Là, ce sera certainement plus difficile.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 janvier 2004)
Réponse : Je crois qu'il ne faut pas se leurrer : ce n'est pas un texte ou une loi qui changera quelque chose. On a un gros problème à la SNCF, qui est un problème de management. Parce que dans les entreprises publiques, on se rend compte que le dialogue social s'est amélioré à EDF, à la RATP, à La Poste, et pourquoi cela ne fonctionne pas à la SNCF ? Je pense que la direction de la SNCF n'a pas les coudées franches...
Question : Ce n'est pas la faute de L. Gallois, c'est parce qu'il ne peut pas faire exactement ce qu'il veut ?
Réponse : Non, c'est qu'on ne lui laisse pas la possibilité de négocier. Derrière, le poids de la tutelle qui est beaucoup plus omniprésente sur la SNCF que sur les autres entreprises nationales.
La SNCF a aussi la particularité, c'est que c'est une entreprise qui fait vivre beaucoup de permanents syndicaux - c'est une tradition française. Cela pèse dans le climat d'une entreprise ? J'imagine qu'il y a assez peu de délégués CGC à la SNCF...
Réponse : De moins en moins, puisque notre structure SNCF a été exclue de la confédération récemment. Ce qui est curieux, c'est que le président de la SNCF refuse d'accepter cet [...]. Il choisit ses interlocuteurs, certainement, parmi les plus proches. Mais c'est un problème qui pèse et on de voit bien, malgré la faiblesse de la structure qu'on l'on avait sur la SNCF, le nombre de détachements, de permanents était important. Il y a un équilibre à trouver par rapport à ce qui se passe dans les autres entreprises.
Question : On dit, du côté gouvernemental, qu'il ne faut pas pour autant redouter un embrasement social, bien qu'on voie aujourd'hui la SNCF, qu'il y a quelques inquiétudes à EDF avec la privatisation. Demain, ce sont les services hospitaliers qui devraient se mettre en grève. Pensez-vous que l'on est vers une tension sociale et pourrait-il y avoir un front syndical ?
Réponse : Je pense que le Gouvernement fait une grosse erreur d'appréciation en ce moment, parce qu'il vit toujours sur ce qui s'est passé en 2003, sur la fracture syndicale, qui a été claire et précise, au moment de la négociation sur les retraites. Cette époque est une époque révolue. Nous allons avoir, prochainement, avec l'ensemble des autres responsables syndicaux, une rencontre, sans doute début février, après le congrès de FO, parce qu'il faut tenir compte de son successeur pour essayer de trouver en commun - d'abord, d'épuiser les sujets du passé, de repartir sur de bonnes bases et de trouver en commun - les moyens de pouvoir présenter un front uni par rapport à un certain nombre de menaces graves."
Vous avez écrit à tous vos confrères ?
Réponse : Oui, à la fin de l'année dernière. Je les ai revus début janvier, à l'occasion des voeux du président de la République. On a convenu d'un rendez-vous ; ils sont tout à fait d'accord, pour que l'on essaie de tirer un trait sur cette période de méfiance réciproque.
Question : Ce que vous dites, c'est que dans la négociation actuelle, le Gouvernement pioche un peu ce qui l'intéresse dans vos propositions et laisse de côté... Il y a une sorte de rapport un peu consumériste avec la chose syndicale ?
Réponse : Le Gouvernement nous parle beaucoup du contrat, du respect du contrat, de la négociation sociale... Mais il suffit que l'on signe un accord avec le patronat - un accord, ce sont des compromis, des concessions réciproques, en principe. Et une fois que l'on a signé cet accord, le Gouvernement vient dire que les concessions que nous avons faites, qu'il les entérine dans la loi, mais que les concessions faites par les employeurs, qu'il va revenir dessus. On a encore un bel exemple tout récemment, où nous avons signé à 5 un accord sur la formation ; le Gouvernement fait un projet de loi où il retire un certain nombre de choses que nous avions obtenues du Medef à l'époque. Ca, c'est insupportable !
Le contrat de mission, qui est une des proposition du rapport de Virville et qui vise directement les cadres, cela fait-il partie des propositions sur lesquels vous pouvez trouver des choses intéressantes ou vous dites "non" en bloc ?
Réponse : Dans l'état actuel des choses, on dit "non" en bloc. D'abord, j'attends que l'on me montre les emplois qui pourraient être concernés. On cite toujours le bâtiment, mais ça c'est réglé ; on nous parle de l'informatique, mais c'est réglé avec les sociétés de service. Il y a deux solutions pour cette souplesse nécessaires pour les entreprises : il y a celle de dire qu'on va précariser avec les contrats de mission ; il y a la solution de nos voisins d'Europe du Nord - Suède et Finlande - où, même les intérimaires sont des travailleurs en contrat à durée indéterminée dans les sociétés d'intérim et qui sont placés dans les entreprise, à droite, à gauche. Donc, il y a 50 moyens de donner aux entreprises la souplesse nécessaire. Il ne faut pas systématiquement aller chercher celle de la précarité."
Question : Et en matière de flexibilité, l'assouplissement des 35 heures, c'est possible aujourd'hui ? Parce que les cadres en ont beaucoup profité, même s'ils n'étaient pas demandeurs...
- "Les cadres en ont beaucoup profité... C'est vrai qu'il y a eu les journées de RTT et maintenant, c'est quelque chose qui est acquis et sur laquelle il sera difficile de revenir. En contre-partie, quand même, l'amplitude de la journée de travail a été largement agrandie et la charge de travail, la pression au travail se sont accrues. Ils ont le sentiment de ne pas avoir toujours le temps nécessaire pour faire ce qu'on leur demande de faire.
Autre sujet : la réforme de la Sécurité sociale. Il y a franchement une nécessité de mise à plat, tout le monde est d'accord. Sur les recettes, qu'est-ce qui est le plus pernicieux ? C'est le côté Carte vitale : on paie et on ne sait pas ce que cela coûte ?
Réponse : Il y a plusieurs choses. D'abord, il y a la liaison entre l'hôpital et la médecine de ville - un peu plus d'hospitalisation à domicile, cela coûte moins cher. Il y a effectivement tous les problèmes liés à la consommation, la mise en place des références médicales obligatoires qui, finalement, ne s'est jamais mise en place. Il y a également une action à mener sur les recettes, il y a aussi à faire sauter les numerus clausus, que ce soit le nombre de médecins, d'infirmières, etc. qui ont contribuer à augmenter cette pression sur les coûts.
Question : Il ne faut pas être Prix Nobel de mathématique pour deviner qu'il y a tant de lits, tant de malades et qu'il faut donc tant d'infirmières et qu'il faut les former.
Réponse : Il semble que l'on a toujours pensé, dans les hautes sphères, à une certaine époque, que si on laissait l'offre augmenter - c'est-à-dire le nombre de médecins et d'infirmières - cela allait entraîner une augmentation de la demande, et donc, une explosion des coûts. En fait, on s'aperçoit qu'à force de comprimer, l'offre est insuffisante et que cela entraîne aussi une augmentation des coûts.
Question : Sur la réforme de Sécu, il pourrait y avoir un front uni des syndicats avec de vraies contre-propositions ?
Réponse : Je pense déjà que l'on risque d'arriver - je crois que c'est jeudi, le rapport du Haut conseil - à une position unanime, sur ce rapport, cet état des lieux que finalement personne en conteste. Ensuite, on va rentrer dans la phase de concertation. Là, ce sera certainement plus difficile.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 janvier 2004)