Déclaration de Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, sur le volet logement du plan de cohésion sociale présenté le 30 juin 2004 par M. Jean-louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, Paris le 1er juillet 2004.

Prononcé le 1er juillet 2004

Intervenant(s) : 

Circonstance : Ouverture de la 2ème conférence annuelle sur le renouvellment urbain organisée par "Les Echos", à Paris le 1er juillet 2004.

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus, les représentants d'associations,
Mesdames et Messieurs,
Votre conférence au lendemain de la présentation du plan de cohésion sociale est vraiment au cur de l'actualité.
160 quartiers de notre pays sont dans un état de délabrement certain, en 15 ans, l'attente pour un logement social a été multipliée par quatre. Le parc social n'est pas toujours adapté à la réalité de l'évaluation de la société.
Nous menons une action déterminée pour rapprocher l'humain de l'urbain. Cette action, nous la voulons lisible et volontariste, car c'est à ce prix que nous rétablirons le pacte républicain dans les quartiers.
Le plan de cohésion sociale que nous venons de présenter avec Jean Louis BORLOO adopte une démarche inédite consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays. Nous les connaissons bien, ils ont pour nom : le chômage persistant de longue durée, le chômage des jeunes, l'accroissement du nombre des exclus, la crise du logement, les zones défavorisées, les discriminations, ou encore la crise du système éducatif dans de trop nombreux quartiers.
Trop longtemps, une approche cloisonnée et morcelée de ces questions qui, en fait, se nourrissent les unes des autres a prévalu. Le but de ce plan, je le rappelle, est d'agir simultanément sur tous les leviers qui contribueront à briser cet engrenage et à établir le cercle vertueux de la réussite et de la cohésion.
Je voudrais d'abord évoquer le logement qui constitue une urgence et doit mobiliser toutes nos énergies.
Nos objectifs sont parfaitement clairs : il nous faut résoudre tout d'abord la crise du logement par le rattrapage des retards accumulés en matière de logements locatifs social. Nous allons progressivement faire passer la production effective de logements locatifs sociaux de 80.000 en 2004 à 120.000 en 2009, soit un total de 500.000 logements construits en cinq années.
Pour réussir ce défi, le gouvernement passera notamment un contrat avec l'Union Sociale pour l'Habitat qui simplifiera les financements apportés par l'Etat et fixera les obligations des organismes HLM.
Il nous faut ensuite décrisper le parc privé. Nous porterons à 40.000 le nombre de logement à loyers maîtrisés conventionnés avec les aides de l'ANAH. Nous entreprenons une reconquête de 100.000 logements privés vacants, au rythme de 20.000 par an, en sécurisant la créance de loyer pour un paiement rapide en cas de carence du locataire. Dans le même temps, et pour des raisons évidentes qui tiennent à la conception de la dignité humaine qui est au cur de nos valeurs, nous nous mobilisons de façon résolue contre l'habitat indigne.
La loi d'août 2003 voulue par Jean-Louis BORLOO apportait déjà une première approche en matière d'égalité des chances par la création de l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine).
L'Agence réunit les partenaires nationaux dans un guichet unique pour financer les projets de développement global des quartiers. Il s'agit d'un outil doté d'un budget de 6 milliards d'euros sur 5 ans, dont 465 millions déjà alloués par l'Etat pour cette année, un outil qui a donc une incontestable " force de frappe ", avec une cible prioritaire : les 751 ZUS et parmi elles les 160 quartiers les plus en difficulté.
Moins d'un an après le vote de cette loi, nous pouvons déjà mesurer le chemin parcouru et l'effet de levier généré par les dispositifs nouvellement créés.
Les financements arrivent, les dossiers de projets urbains sont instruits en comité d'engagement. Bref, la " machinerie " de la rénovation urbaine est en ordre de marche ! et j'oserai dire victoire de son succès à la fin de cette année 2004, ce sont près de 200 dossiers qui avaient été étudiés d'où la nécessité de proroger le programme de 3 ans.
Mais nous ne traitons pas seulement de l'urbain, de l'immobilier, du " dur " : la dimension humaine de notre politique est une composante essentielle du renouvellement urbain, dont il ne faut jamais perdre de vue que ce sont des hommes et des femmes qui en sont les destinataires et les acteurs.
A l'occasion des opérations de rénovation urbaine, il est impératif de veiller aux conditions d'habitation des populations et pas seulement aux caractéristiques du bâti et à son strict environnement architectural.
La dimension humaine des projets et la variété des types de logements constituent une garantie de mixité sociale et une possibilité pour les foyers de s'élever socialement par le logement et notamment par l'accession à la propriété. Tout cela doit être au coeur des préoccupations des opérateurs.
Pendant la durée des opérations, les familles doivent être très accompagnées. Cette phase de mutation, parfois traumatisante dans le cas de la destruction d'un immeuble où l'on a vécu des années, exige donc, non seulement une parfaite mobilisation des moyens et procédures de relogement, mais aussi un suivi humain, personnalisé, presque " psychologique ".
Enfin, je voudrais rappeler une évidence : il n'y a pas, il ne peut pas y avoir, de vraie rénovation urbaine sans développement économique, à finalité sociale.
A côté de l'indispensable effort de restructuration des logements et du cadre de vie, nous devons plus que jamais aider les entreprises à s'installer dans les quartiers sensibles, à y rester, à s'y développer, à y recruter de la main-d'oeuvre locale et enfin à " essaimer ", c'est-à-dire à susciter, à partir de leur activité propre, de nouvelles créations ou de nouveaux transferts d'entreprise dans ces quartiers.
La politique de la ville doit conjuguer la logique urbanistique et la logique économique. D'ailleurs, la loi d'août 2003 a redonné un nouvel élan aux ZFU, et en a créé 44 nouvelles.
Si le Gouvernement a souhaité instituer une " seconde génération " de zones franches urbaines, c'est que le bilan de la " première " était positif. Ces ZFU ont contribué à changer la représentation des quartiers, démontrant qu'il était possible d'y travailler et de venir y travailler.
Fin 2002, 11 000 entreprises s'étaient installées dans les zones franches et 45 000 emplois y avaient été créés, dont 80 % de CDI. Preuve que ça marche ! A ce jour, le résultat est au moins de 50 000 emplois, dont 35 000 créations nettes. Et nous sommes tous convaincus qu'avec ces 41 nouvelles ZFU, qui sont le signe d'une volonté politique forte, le coefficient multiplicateur va encore s'accroître et enclencher une nouvelle dynamique vertueuse.
Notre objectif est de créer 100.000 emplois nouveaux en 5 ans.
L'exemple français est en passe de devenir une référence européenne.
Je voudrais particulièrement insister sur l'emploi des jeunes. Je vous rappelle que 32 % des habitants de ces quartiers ont moins de 20 ans. Il faut valoriser cette tendance démographique qui a pour cadre un contexte socio-économique souvent difficile mais qui présente beaucoup d'énergies potentielles.
Faire éclore les talents des jeunes, c'est pour moi une absolue priorité. Dans ce but, nous devons d'abord prévenir l'échec scolaire, familial et personnel.
D'où l'idée que nous avons eue de mobiliser autour de l'enfant et des parents une équipe pluridisciplinaire composée d'enseignants, d'éducateurs, d'animateurs, travaillant de concert sur un programme conjuguant soutien scolaire, activités récréatives et écoute de l'enfant. C'est ce que nous avons appelé les " équipes de réussite éducative ".
Au-delà des vux pieux et des déclarations, l'égalité des chances et la cohésion sociale passent par la possibilité de combler effectivement les handicaps des enfants les plus défavorisés par leur environnement économique et socio-culturel.
C'est l'objet de ce programme ambitieux, qui est également adossé à un réaménagement des conditions de vie et de scolarité dans certains quartiers, via l'attribution de moyens spécifiques pour mettre en uvre, avec les chefs d'établissements situés en ZEP-REP et ZUS, des modules d'accompagnement individualisé des collégiens à caractère social, médical et éducatif ainsi que la création d'internats de réussite éducative.
Vous le voyez, la politique de renouvellement urbain a été profondément revisitée. Au service d'une " humanisation " des actions conduites dans les quartiers. Au service aussi d'une nouvelle représentation de ces quartiers dans l'opinion et dans le monde de l'entreprise. Au service enfin et surtout des résidents eux-mêmes qui attendent une réponse énergique de l'Etat et de la République.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 2 juin 2004)