Texte intégral
Q- Avec N. Ameline, nous allons parler d'un plan qui va être présenté, ce matin, en Conseil des ministres, et que N. Ameline nous fait l'amitié de dévoiler en avant-première et en exclusivité. Cela s'appelle "Le plan global de lutte contre les violences : dix mesures pour l'autonomie des femmes". Avant de revenir sur ces mesures, quel est l'état des lieux ? Aujourd'hui, on considère qu'en France, une femme sur dix est victime de violence. Au-delà, c'est tous les milieux, toutes les formes de violences ?
R- Oui, absolument. Et on peut dire que la violence est contraire à toute idée de progrès, progrès social ou individuel. La société est donc bien dans son rôle lorsqu'elle y répond. C'était l'esprit de cette enquête, qui effectivement a démontré qu'une femme sur dix, en France, se déclare victime de violence, de toutes les violences - physiques, morales, psychologiques. Pire encore : six femmes meurent en France, chaque mois, à la suite de violences conjugales."
Q-Elles sont battues par leur mari, elles sont parfois violées... Aujourd'hui, la loi française reconnaît-elle tout cela ?
R-Précisément, la première réponse, c'est le droit, et nous avons, hier soir, fait voter une loi très importante, qui est la loi contre les discriminations sexistes, qui est importante parce qu'elle réaffirme le droit au respect, à la dignité de la personne. Ce sont des valeurs fondamentales qu'il faut absolument réaffirmer. Mais au-delà, nous avons fait voter, il y a quelques mois, un dispositif très important qui est un signal, qui est l'éviction du conjoint violent. Aujourd'hui, ce sont les conjoints violents qui doivent et qui peuvent quitter le domicile conjugal.
Q-Oui, parce que, jusqu'à présent, c'étaient effectivement les femmes qui étaient doublement victimes, car elles devaient partir souvent en catastrophe, avec ou sans les enfants...
R-En effet, elles devaient en effet ajouter l'errance à la souffrance. Et aujourd'hui, il faut qu'elles sachent que, de l'appel de détresse au retour à l'autonomie, la société est là pour aider chaque acte de la vie courante, et les aider à retrouver leur propre existence et leurs propres responsabilités.
Q-Ce sont donc dix mesures, que l'on va les regarder ensemble, qui sont à la fois, simples, de bon sens, mais extrêmement efficaces. La première, c'est, en effet, héberger.
R-Oui, parce qu'il nous a semblé que le premier acte de courage, c'est de dire "non" à la violence, mais il faut savoir ce qui se passe derrière la porte, c'est-à-dire, quel est le parcours. Donc, sécuriser ce parcours, cela commence par l'hébergement. Donc, nous avons décidé, et nous le ferons dans les mois qui viennent, d'identifier clairement l'ensemble des mesures d'accueil qui peuvent être mises à disposition prioritairement pour les femmes battues.
Q-Cela veut dire qu'elles peuvent se rendre dans des centres, mais peut-être même aller dans un hôtel, une structure d'urgence provisoire ?
R-Oui, elles auront effectivement tout à fait "un parcours balisé", si je puis m'exprimer ainsi. Elles auront un centre qui sera identifié et qui leur permettra d'avoir immédiatement l'orientation vers un foyer d'accueil. Et comme nous créons 1.800 places supplémentaires en foyers d'accueil, elles seront prioritaires sur ces logements.
Q-Deux autres mesures, qui sont d'ordre économique : proposer des aides financières et accompagner professionnellement ?
R-Absolument. La question des ressources est fondamentale. Il y a aujourd'hui des moyens qui ne sont pas mobilisés. Nous allons mobiliser soit le RMI, soit l'Allocation personnalisée pour personne isolée, et qui permettront à ces femmes d'avoir, en temps réel, quasiment immédiatement, les moyens de vivre. Et c'est aussi très important. Et puis professionnellement, c'est une mesure neuve qui va être extraordinairement essentielle, qui permettra aux femmes qui doivent démissionner de leur emploi, parce qu'elles ont à quitter la ville, par exemple, de pouvoir accéder aux Assedic.
Q-Ce plan contre la violence faite aux femmes concerne aussi la violence au travail, puisque vous évoquez l'emploi, ou pas du tout ?
R- Non. Nous avons déjà des dispositions avec le harcèlement sexuel etc. vis-à-vis de la violence au travail. Là, nous sommes plutôt dans la violence domestique conjugale.
Q-Je continue à dérouler le fil des mesures : faciliter l'accès des femmes à la justice et assurer leur protection, c'est évidemment l'aide judiciaire pour qu'elles puissent entamer les démarches.
R- Vous avez tout à fait raison et cela n'est pas toujours aussi garanti. Aujourd'hui, on peut dire que la police, la justice sont mobilisées. D'ailleurs, nous avons, avec D. Perben, lancé un "Guide de l'action publique", il y a quelque temps, pour bien cadrer ces procédures. Mais il faut qu'elles se sentent en sécurité, surtout lorsqu'elles restent chez elles.
Q-Repérer des situations de violence : là encore, très souvent, les femmes disent qu'elles ont essayé d'appeler la police pour dire que leur mari ou leur compagnon était violent, et la police leur dit qu'elle ne peut pas forcément intervenir, car cela se passe au domicile, que ce n'est pas sur la voie publique. Et après on dit que c'est triste, qu'elle est morte, que tout le monde le savait et que l'on n'a rien fait !
R-Cela arrive encore, mais je dois dire qu'avec D. de Villepin, nous avons décidé de renforcer encore la mobilisation des services de police, de manière à ce qu'il n'y ait aucune négligence à cet égard. C'est le premier pas qui est important. Et je voudrais rappeler combien les femmes doivent ressentir le fait que, le courage aujourd'hui, la fierté, c'est de dire "non" à l'inacceptable. Pour elles-mêmes et pour leurs enfants, nous allons les y aider.
Q-Renforcer le soutien financier des associations, c'est évidemment un élément important ; accroître l'effort de communication vers le grand public, c'est ce que vous, êtes en train de faire ; prendre la mesure du coût humain, sanitaire, financier de la violence et prévenir les violences dès l'école : c'est en effet, là aussi, que beaucoup de choses se jouent. Et on est frappé de voir aujourd'hui à quel point, y compris entre petits garçons et petites filles, il peut y avoir des propos et des comportements extrêmement violents.
R-Il y a trois réponses à la violence : c'est le droit, ce sont les associations - et vous avez raison, nous allons les aider davantage - et c'est l'éducation. Et à l'école, la mixité ne doit pas seulement être un principe, une coexistence plus ou moins pacifique entre garçons et filles, mais bien un contenu de valeurs. Et je souhaiterais vraiment qu'il y ait une forme d'éducation au respect et à la différence.
Q-Etes-vous préoccupée par cette espèce de banalisation de propos violents, misogynes, y compris dans les cours de récréation, y compris dans tout le discours des jeunes, à certaines antennes de radio où, en effet, les termes fleurissent pour décrire les jeunes filles, et qui ne sont pas forcément très élégants ?
R-Très préoccupée, parce que je crois que la violence est effectivement très présente dans la société, à tous les niveaux, et que nous avons à réaffirmer partout où nous nous trouvons, des valeurs de respect, de respect de soi, de respect de l'autre. Et cela passe, je le répète, par tous les stades, c'est-à-dire l'école, la famille bien sûr, et puis l'environnement social et culturel. Et nous y travaillons.
Q-A terme, à l'école, il pourrait y avoir un peu plus de "cours", de morale, apprentissage de l'autre, éducation sexuelle et affective ?
R- Je dirais tout simplement, la "citoyenneté". Je crois que la citoyenneté est un très beau mot, c'est le fondement de notre République et les valeurs qui la composent ce sont celles de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, c'est-à-dire du respect de l'autre.
Q-Dans ce plan, vous mettez aussi en place un dispositif "Stop violence", avec des numéros de téléphone, un pour les violences conjugales, un pour les viols, un pour les violences sexuelles au travail. Cela veut dire qu'à chaque numéro, il y a une écoute particulière, des conseils très précis qui sont donnés ?
R-Absolument. Le parcours sera indiqué et il sera sécurisé, comme je vous l'ai dit.
Q- Vous disiez tout à l'heure que cette nuit, la loi a été votée contre les discriminations. Finalement, on va mettre l'ensemble de ce dispositif sous la tutelle de la nouvelle Haute autorité ?
R-Pas les violences conjugales, mais les discriminations en général. Je suis vraiment très fière que l'Assemblée, qui sera saisie dans quelque temps, mais surtout le Sénat hier soir, ait pu voter un dispositif qui place effectivement ces questions de respect au coeur du projet de société. Et c'est tout à fait fondamental, c'est un projet qui était attendu depuis 20 ans par toutes les femmes, par les associations, et que ce Gouvernement a pu faire voter hier soir. Je crois que c'est un moment assez historique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 226 novembre 2004)
R- Oui, absolument. Et on peut dire que la violence est contraire à toute idée de progrès, progrès social ou individuel. La société est donc bien dans son rôle lorsqu'elle y répond. C'était l'esprit de cette enquête, qui effectivement a démontré qu'une femme sur dix, en France, se déclare victime de violence, de toutes les violences - physiques, morales, psychologiques. Pire encore : six femmes meurent en France, chaque mois, à la suite de violences conjugales."
Q-Elles sont battues par leur mari, elles sont parfois violées... Aujourd'hui, la loi française reconnaît-elle tout cela ?
R-Précisément, la première réponse, c'est le droit, et nous avons, hier soir, fait voter une loi très importante, qui est la loi contre les discriminations sexistes, qui est importante parce qu'elle réaffirme le droit au respect, à la dignité de la personne. Ce sont des valeurs fondamentales qu'il faut absolument réaffirmer. Mais au-delà, nous avons fait voter, il y a quelques mois, un dispositif très important qui est un signal, qui est l'éviction du conjoint violent. Aujourd'hui, ce sont les conjoints violents qui doivent et qui peuvent quitter le domicile conjugal.
Q-Oui, parce que, jusqu'à présent, c'étaient effectivement les femmes qui étaient doublement victimes, car elles devaient partir souvent en catastrophe, avec ou sans les enfants...
R-En effet, elles devaient en effet ajouter l'errance à la souffrance. Et aujourd'hui, il faut qu'elles sachent que, de l'appel de détresse au retour à l'autonomie, la société est là pour aider chaque acte de la vie courante, et les aider à retrouver leur propre existence et leurs propres responsabilités.
Q-Ce sont donc dix mesures, que l'on va les regarder ensemble, qui sont à la fois, simples, de bon sens, mais extrêmement efficaces. La première, c'est, en effet, héberger.
R-Oui, parce qu'il nous a semblé que le premier acte de courage, c'est de dire "non" à la violence, mais il faut savoir ce qui se passe derrière la porte, c'est-à-dire, quel est le parcours. Donc, sécuriser ce parcours, cela commence par l'hébergement. Donc, nous avons décidé, et nous le ferons dans les mois qui viennent, d'identifier clairement l'ensemble des mesures d'accueil qui peuvent être mises à disposition prioritairement pour les femmes battues.
Q-Cela veut dire qu'elles peuvent se rendre dans des centres, mais peut-être même aller dans un hôtel, une structure d'urgence provisoire ?
R-Oui, elles auront effectivement tout à fait "un parcours balisé", si je puis m'exprimer ainsi. Elles auront un centre qui sera identifié et qui leur permettra d'avoir immédiatement l'orientation vers un foyer d'accueil. Et comme nous créons 1.800 places supplémentaires en foyers d'accueil, elles seront prioritaires sur ces logements.
Q-Deux autres mesures, qui sont d'ordre économique : proposer des aides financières et accompagner professionnellement ?
R-Absolument. La question des ressources est fondamentale. Il y a aujourd'hui des moyens qui ne sont pas mobilisés. Nous allons mobiliser soit le RMI, soit l'Allocation personnalisée pour personne isolée, et qui permettront à ces femmes d'avoir, en temps réel, quasiment immédiatement, les moyens de vivre. Et c'est aussi très important. Et puis professionnellement, c'est une mesure neuve qui va être extraordinairement essentielle, qui permettra aux femmes qui doivent démissionner de leur emploi, parce qu'elles ont à quitter la ville, par exemple, de pouvoir accéder aux Assedic.
Q-Ce plan contre la violence faite aux femmes concerne aussi la violence au travail, puisque vous évoquez l'emploi, ou pas du tout ?
R- Non. Nous avons déjà des dispositions avec le harcèlement sexuel etc. vis-à-vis de la violence au travail. Là, nous sommes plutôt dans la violence domestique conjugale.
Q-Je continue à dérouler le fil des mesures : faciliter l'accès des femmes à la justice et assurer leur protection, c'est évidemment l'aide judiciaire pour qu'elles puissent entamer les démarches.
R- Vous avez tout à fait raison et cela n'est pas toujours aussi garanti. Aujourd'hui, on peut dire que la police, la justice sont mobilisées. D'ailleurs, nous avons, avec D. Perben, lancé un "Guide de l'action publique", il y a quelque temps, pour bien cadrer ces procédures. Mais il faut qu'elles se sentent en sécurité, surtout lorsqu'elles restent chez elles.
Q-Repérer des situations de violence : là encore, très souvent, les femmes disent qu'elles ont essayé d'appeler la police pour dire que leur mari ou leur compagnon était violent, et la police leur dit qu'elle ne peut pas forcément intervenir, car cela se passe au domicile, que ce n'est pas sur la voie publique. Et après on dit que c'est triste, qu'elle est morte, que tout le monde le savait et que l'on n'a rien fait !
R-Cela arrive encore, mais je dois dire qu'avec D. de Villepin, nous avons décidé de renforcer encore la mobilisation des services de police, de manière à ce qu'il n'y ait aucune négligence à cet égard. C'est le premier pas qui est important. Et je voudrais rappeler combien les femmes doivent ressentir le fait que, le courage aujourd'hui, la fierté, c'est de dire "non" à l'inacceptable. Pour elles-mêmes et pour leurs enfants, nous allons les y aider.
Q-Renforcer le soutien financier des associations, c'est évidemment un élément important ; accroître l'effort de communication vers le grand public, c'est ce que vous, êtes en train de faire ; prendre la mesure du coût humain, sanitaire, financier de la violence et prévenir les violences dès l'école : c'est en effet, là aussi, que beaucoup de choses se jouent. Et on est frappé de voir aujourd'hui à quel point, y compris entre petits garçons et petites filles, il peut y avoir des propos et des comportements extrêmement violents.
R-Il y a trois réponses à la violence : c'est le droit, ce sont les associations - et vous avez raison, nous allons les aider davantage - et c'est l'éducation. Et à l'école, la mixité ne doit pas seulement être un principe, une coexistence plus ou moins pacifique entre garçons et filles, mais bien un contenu de valeurs. Et je souhaiterais vraiment qu'il y ait une forme d'éducation au respect et à la différence.
Q-Etes-vous préoccupée par cette espèce de banalisation de propos violents, misogynes, y compris dans les cours de récréation, y compris dans tout le discours des jeunes, à certaines antennes de radio où, en effet, les termes fleurissent pour décrire les jeunes filles, et qui ne sont pas forcément très élégants ?
R-Très préoccupée, parce que je crois que la violence est effectivement très présente dans la société, à tous les niveaux, et que nous avons à réaffirmer partout où nous nous trouvons, des valeurs de respect, de respect de soi, de respect de l'autre. Et cela passe, je le répète, par tous les stades, c'est-à-dire l'école, la famille bien sûr, et puis l'environnement social et culturel. Et nous y travaillons.
Q-A terme, à l'école, il pourrait y avoir un peu plus de "cours", de morale, apprentissage de l'autre, éducation sexuelle et affective ?
R- Je dirais tout simplement, la "citoyenneté". Je crois que la citoyenneté est un très beau mot, c'est le fondement de notre République et les valeurs qui la composent ce sont celles de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, c'est-à-dire du respect de l'autre.
Q-Dans ce plan, vous mettez aussi en place un dispositif "Stop violence", avec des numéros de téléphone, un pour les violences conjugales, un pour les viols, un pour les violences sexuelles au travail. Cela veut dire qu'à chaque numéro, il y a une écoute particulière, des conseils très précis qui sont donnés ?
R-Absolument. Le parcours sera indiqué et il sera sécurisé, comme je vous l'ai dit.
Q- Vous disiez tout à l'heure que cette nuit, la loi a été votée contre les discriminations. Finalement, on va mettre l'ensemble de ce dispositif sous la tutelle de la nouvelle Haute autorité ?
R-Pas les violences conjugales, mais les discriminations en général. Je suis vraiment très fière que l'Assemblée, qui sera saisie dans quelque temps, mais surtout le Sénat hier soir, ait pu voter un dispositif qui place effectivement ces questions de respect au coeur du projet de société. Et c'est tout à fait fondamental, c'est un projet qui était attendu depuis 20 ans par toutes les femmes, par les associations, et que ce Gouvernement a pu faire voter hier soir. Je crois que c'est un moment assez historique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 226 novembre 2004)