Déclaration et interview de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, sur RTL le 21 octobre 2004, sur la position du MEDEF concernant le contrat 2005 et la création d'un droit au reclassement personnalisé prévu par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, Paris le 20 octobre 2004.

Prononcé le

Circonstance : Rencontre entre M. J.-P. Raffarin, Premier ministre, et M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, à Paris le 20 octobre 2004

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Déclaration de M. Ernest-Antoine Seillière le 20/10/2004 :
" Nous avons été longuement reçus par le Premier ministre et avons constaté le profond différend qui existe avec le gouvernement à propos du projet de loi sur les restructurations. Nous avons redit à quel point l'ensemble des entrepreneurs français, petits, grands et moyens, l'ensemble de la communauté entrepreneuriale représentée par le MEDEF, a ressenti comme un véritable recul le fait que le gouvernement l'ait vidé de son contenu, prenant en compte l'intérêt syndical avant l'intérêt général. Nous nous sommes donc expliqués à ce propos, même si l'entretien était prévu de longue date.
S'agissant du contrat 2005 pour l'emploi, pour l'école et contre la vie chère qui est l'objet de l'action politique en 2005 du Premier ministre, et sur lequel nous étions consultés, nous avons remis au premier ministre les propositions du MEDEF pour l'emploi en 2005 qui comprennent cinq points :
Le premier, c'est de pouvoir travailler plus pour gagner plus en entreprise, sur la base d'un travail volontaire, convenu par contrat entre l'entreprise et le salarié. Nous avons donc détaillé notre proposition sur ce point estimant qu'elle était susceptible de faire évoluer le problème des 35 heures et de créer de nombreux emplois dans notre pays.
Deuxièmement, nous avons indiqué qu'il était nécessaire d'alléger le code du travail de façon très substantielle.
Nous avons également dit qu'il ne fallait pas surcharger le coût de l'heure de travail et indiqué que, depuis le premier janvier 2003, 2 % de prélèvements supplémentaires pèsent sur les entreprises. C'est intenable.
Voilà l'essentiel de ce que nous avons proposé. C'est dans l'esprit extrêmement positif de contribuer au développement français auquel nous croyons que le MEDEF a remis ses propositions. Le MEDEF est convaincu que les atouts de notre pays sont considérables et que la volonté politique doit être là pour faire en sorte que ces atouts soient valorisés dans notre pays. Nous avons confiance dans la France."

(Source http://www.medef.fr, le 26 novembre 2004)
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Interview de M. Ernest-Antoine SEILLIERE, le 21 octobre 2001 :

Jean-Michel APHATIE : Bonjour Ernest-Antoine Seillière. "La bêtise économique ne fera pas l'avenir de notre pays". C'est comme ça que vous avez commenté au début de cette semaine le projet de loi sur les licenciements économiques qu'a mis au point le gouvernement. Et, hasard du calendrier, hier soir vous étiez dans le bureau de Jean-Pierre Raffarin. Ca s'est passé comment ? Ca ne devait pas être chaleureux chaleureux ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non, ce n'était pas très très chaleureux, parce que nous étions en effet dans la situation d'une très grande déception. Ca fait maintenant deux ans et demi que ce gouvernement est en place ; nous attendions de lui qu'il prenne vigoureusement en main la situation économique et sociale de notre pays, en laissant les entreprises se moderniser et s'adapter. Nous avons été déçus, nous l'avons dit, et je dirais la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est vrai, c'est quand le Premier ministre - et on ne s'attendait pas à ça - a, à notre point de vue, confondu "intérêt général de notre pays" et "intérêt syndical", et a mis en pièces un projet de loi dont on attendait qu'il donne aux entreprises un peu plus de facilités pour s'adapter dans la compétition mondiale.
Q - Alors, pour être précis, dans les projets du gouvernement, il était envisagé d'autoriser des licenciements économiques pour la sauvegarde de la compétitivité des entreprises. Et puis cette notion a été retirée...
R - Voilà.
Q - A la demande des syndicats, qui n'étaient pas contents. Avez-vous conscience, Ernest-Antoine Seillière, que pour des salariés, pouvoir être licenciés par un chef d'entreprise qui veut sauvegarder la compétitivité de son outil de travail, c'est une insécurité très profonde ?
R - Bien entendu, mais je vous rappelle que les entreprises ont d'abord pour rôle d'embaucher. Elles ont embauché 15 millions de salariés qui tous les matins se rendent dans les entreprises, et donc c'est ça leur vocation. De temps en temps, l'une d'entre elles - et ce n'est pas si fréquent que ça sur le nombre d'entreprises existant, deux millions dans notre pays - a besoin de s'adapter, parce qu'elle n'a plus de commandes, parce que ceux qui sont en compétition avec elle ont un produit qu'il faut produire différemment, et donc il faut s'adapter. C'est ça qu'on appelle "la sauvegarde de la compétitivité", c'est la capacité de s'adapter pour continuer à faire son travail. Il faut pour ceci réaménager la production, donc forcément licencier - les licenciements d'ailleurs sont pris en charge par une assurance chômage dans notre pays extrêmement efficace et généreuse - et donc tout ceci doit pouvoir se faire. Et quand un gouvernement dit: je refuse de prendre en compte cette notion de la sauvegarde de la compétitivité pour autoriser les entreprises à licencier, nous disons - excusez-moi - c'est en effet ce que j'appelle d'un terme un peu fort, mais il faut se faire entendre: "de la bêtise économique". On ne comprend pas le réel, on ne le regarde pas, on reste en effet dans un univers - je dirais de conflits politiques, de positionnements de postures - qui ne convient pas à la réalité de l'entreprise dont l'entrepreneur ne peut pas bien entendu sortir.
Q - Le Sénat sera saisi de ce projet de loi à partir de la semaine prochaine. Tenterez-vous, ferez-vous en sorte que des amendements soient déposés pour faire revenir cette notion de sauvegarde de la compétitivité ?
R - Oui, bien entendu. Et on nous a même dit à certains moments dans les milieux gouvernementaux, écoutez il y a quand même le Parlement qui va peut-être pouvoir essayer de rattraper ça. Mais alors là on ne comprend plus...
Q - Jean-Pierre Raffarin vous l'a dit hier soir ?
R - Non, Jean-Pierre Raffarin n'est pas rentré dans ces détails-là avec nous. Mais qu'un gouvernement n'ose pas dire et faire des choses parce que ce serait pour une entreprise un mieux, et qui dit: écoutez si quelqu'un doit le faire c'est plutôt les parlementaires, parce que je n'ai pas au fond le courage de le faire, je n'ose pas le faire. Voilà ce que les entrepreneurs de notre pays ne comprennent pas. Ils en ont de l'amertume. Il faut qu'un gouvernement ose devenir un partenaire des entreprises, et ne considère pas que c'est pour lui politiquement difficile de l'admettre. Il n'y a pas un pays au monde qui n'a pas compris que l'alliance entre l'entreprise et le pouvoir administratif et politique fait la richesse et le devenir d'un pays. Je vous rappelle que nous sommes aujourd'hui 27ème dans le monde en termes d'attractivité pour notre économie, notre espace économique. 12ème sur 15 en Europe, et il y a des rapports, dont celui de Monsieur Camdessus, dont on a parlé ces jours derniers, qui dit: "attention... on va décrocher". Donc il faut que le gouvernement comprenne qu'il faut être en appui des entreprises, et non pas les combattre pour je ne sais quelle raison politique qui n'est pas de mon fait.
Q - La confiance est-elle rompue, Ernest-Antoine Seillière, entre le Medef et Jean-Pierre Raffarin ?
R - Non. Elle n'est pas rompue parce que nous avons beaucoup d'arguments, nous les avons fait valoir, pour expliquer que, nous, nous croyons fortement aux atouts de notre pays. Et c'est parce que nous y croyons d'ailleurs que nous nous battons!
Q - Ce n'était pas ma question Ernest-Antoine Seillière. Est-ce que vous faites encore confiance à Jean-Pierre Raffarin ? C'est ça ma question.
R - Bien entendu! On fait toujours confiance à un gouvernement de comprendre. Et nous allons évidemment vigoureusement présenter notre vision ; par exemple, hier, on a remis un document sur les raisons et la manière dont nous pouvions penser faire de l'emploi l'année prochaine. Un contrat pour l'emploi. Nous avons expliqué qu'il fallait d'abord accepter de travailler plus en entreprise, pour gagner plus, quand c'était souhaité par le salarié, et possible pour l'entreprise. Qu'on soit toujours - excusez-moi de le dire - dans cette contrainte des 35 heures, et qu'un gouvernement, qui semble avoir en effet, envie de bouger n'ose pas le faire non plus - tout ceci si vous voulez, nous, nous indigne!
Q - Mais qu'est-ce qui vous permet - je reviens à ma question - qu'est-ce qui vous permet ce matin de dire que vous avez encore confiance dans Jean-Pierre Raffarin. Vos mots sont tout de même très durs. Est-ce que lors de votre entretien hier soir, il vous a semblé hier soir qu'il pouvait accéder à certains de vos raisonnements ?
R - Mais bien entendu. Si nous avions l'impression que Monsieur Raffarin et le gouvernement d'une manière générale ne voulaient plus entendre les entreprises, alors nous serions profondément inquiets. Nous ne le sommes pas. Nous avons simplement à faire valoir. Il y a eu, comment dirais-je... il y a eu un court-circuit dans le fonctionnement des choses. Il est impensable que le gouvernement ait refusé la sauvegarde de la compétitivité comme raison d'adaptation des entreprises. Manifestement quelque chose n'a pas fonctionné. Alors nous nous attendons évidemment à ce que le gouvernement prenne conscience de ce qu'il est de sa responsabilité de créer les conditions pour qu'on puisse dans notre pays embaucher et faire de la croissance.
Q - Les 35 heures, ça ne bouge pas beaucoup. L'ISF ça bougera très peu. Et derrière tout ça, il y a Jacques Chirac qui ne souhaite pas que sur ces dossiers beaucoup de choses soient faites.
R - Ecoutez, je ne suis pas capable moi de dire qui veut quoi! Nous, nous regardons la réalité. Les entrepreneurs demandent trois choses, très claires, très simples: les prélèvements ne doivent pas augmenter - ils ont augmenté pratiquement de 2 % depuis deux ans. Deuxièmement, le code du travail doit s'assouplir ; il n'autorise pas l'entreprise à s'adapter ; et troisièmement, les 35 heures doivent en effet sérieusement s'assouplir par du volontariat. Sur ces trois plans, le gouvernement jusqu'à présent n'a rien fait. Qui en est responsable ? Ca n'est pas mon affaire! Nous, nous le constatons, et nous disons: si vous voulez qu'en 2005, et d'ici la fin du quinquennat, la France se soit adaptée et modernisée, il faut sortir de ces postures d'immobilisme dans lesquelles on s'attarde, en effet parce qu'on n'ose pas agir.
Q - Le slogan du Medef ça pourrait être "vivement Sarkozy" ?
R - Ah écoutez! Nous, nous ne faisons pas de politique, vous le savez bien...
Q - Mais oui, c'est bien connu. Ca ne nous a pas échappé.
R - Ca vous intéresse beaucoup, c'est bien connu. Nous faisons avec ce qu'il y a, et nous essayons de convaincre, c'est notre métier. En avant l'entreprise!
Q - Ernest-Antoine Seillière, "en lutte contre la bêtise économique", était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.

(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 octobre 2004)