Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je me présente devant vous, en ce début d'année, pour vous exprimer mes voeux sincères et chaleureux pour vous-même, pour vos familles, sur le plan privé aussi bien que professionnel, tout en restant bien évidemment convaincu que les voeux et les souhaits que nous devons adresser d'abord, le sont aux populations de l'Indonésie, du Sri Lanka, des Philippines, de l'Inde et de la Thaïlande, à toute cette partie de l'Asie du Sud durement touchée par le séisme et par le raz de marée qui l'a suivi.
Je tiens aussi à témoigner de ma profonde affliction aux familles des étrangers disparus dans ces pays, particulièrement à la famille et au compagnon d'Isabelle Attali, directrice de recherche à l'INRIA, disparue avec ses deux enfants au Sri Lanka.
Il n'y a pas dans de telles situations d'action qui puisse suppléer la douleur et la peine. Pour autant notre mobilisation collective est le témoignage de notre solidarité. Celle qui a suivi ce tremblement de terre a été exemplaire.
Au Ministère de la Recherche, la réponse que nous avons apportée fût celle d'un ministère qui, soucieux de la situation présente, s'essaie néanmoins avant tout à préparer l'avenir.
Pour autant, nous avons, je le crois, agit rapidement. L'expertise qui a pu être mobilisée l'a été instantanément, grâce aux travaux effectués depuis de longues années par de nombreux scientifiques à travers le pays. Ces scientifiques vont proposer, dans les prochaines semaines, au niveau européen, un plan d'action en faveur de la détection et de la prévention sismique. La rapidité de cette mobilisation et le caractère opérationnel des premières propositions plaide en faveur d'un investissement régulier et pérenne dans la science, tant celui-ci peut s'avérer utile mais bien des années plus tard.
Ce moment parmi vous me donne aussi la possibilité de faire un point de situation, à la fois sur l'année 2004 qui vient de s'écouler et sur les perspectives qui s'ouvrent pour l'année nouvelle.
L'année 2004 a été une année charnière pour la politique de recherche de notre pays. Elle fût l'année des grands débats.
Elle a débuté par un mouvement de mobilisation sans précédent de la communauté scientifique. La pétition des chercheurs, la démission administrative des directeurs de laboratoires, l'appel de la rue, les manifestes des jeunes chercheurs expatriés représentent autant d'évènements que je garde en mémoire comme le témoignage d'un mal-être profond qui avait saisi la communauté scientifique.
Par delà la question des postes et des moyens sur lesquels se focalisèrent les mécontentements, il y avait en effet, chez les scientifiques de toutes disciplines, les rancoeurs accumulées à l'égard d'un système vieillissant et sclérosé, à l'égard, aussi, des gouvernements successifs accusés de n'avoir pas su redonner espoir et ambition à la politique scientifique du pays, ainsi qu'un désarroi face à l'action publique.
D'ailleurs, à peine arrivé au Ministère, que n'ai-je entendu sur la Recherche française, souvent même des principaux protagonistes de la contestation?
Le monde scientifique a ceci de remarquable qu'il sait parfaitement s'analyser, et dépeindre, sans complaisance, le tableau de ses dysfonctionnements et de ses insuffisances. Les Etats Généraux de la Recherche, mais aussi les nombreux comités locaux qui les ont préparés, l'ont, je crois, parfaitement démontré.
Toutefois, il ne saurait y avoir, pour notre Recherche, de fatalité. Et la contribution du CIP, attestant aussi d'une substantielle capacité de réflexion et de propositions, nous incitent, avec François FILLON, à l'optimisme, à l'action et au volontarisme
Des indices inquiétants, pour nombreux et étayés qu'ils soient, ne peuvent pas conduire au pessimisme et à la léthargie.
Et cela d'autant plus que, dans bien des domaines de la science, nous continuons à être aux tout premiers rangs. Notre recherche bénéficie d'un potentiel humain extraordinaire, alors même que la ressource rare, dans l'environnement international, est avant tout celle des femmes et des hommes.
Nous pouvons aussi tirer parti de la structuration originale de notre recherche nationale, comme de l'excellence de certaines de nos entreprises qui occupent les tous premiers rangs mondiaux dans leurs secteurs, et qui ont construit leurs positions à partir de la recherche et de l'innovation.
En ce début d'année 2005, nous ne partons, donc, pas de rien. Nous ne ferons pas, non plus, table rase.
Les derniers mois ont ceci de salutaire qu'ils ont conduit la Nation à prendre conscience de l'importance de la recherche comme des difficultés qu'elle rencontre au quotidien.
Les citoyens saisissent mieux, désormais, les possibilités qu'ouvre la Recherche pour leur santé, leur environnement, leur sécurité, mais aussi, avec générosité et altruisme, l'impact qu'elle peut avoir dans l'émergence d'un monde plus juste et plus solidaire.
Cette révolution de velours de la conscience collective, s'est doublée, tout au long de l'année dernière, et tout récemment encore, d'une attention et d'une considération exceptionnelle par le milieu politique.
L'ensemble du monde parlementaire a témoigné d'une attention encore plus soutenue pour la recherche et ses enjeux. Parmi eux, des dizaines de sénateurs et de députés sont notamment allés à la rencontre des chercheurs dans des laboratoires de leur circonscription. Ils y ont mieux compris leur fonctionnement comme les nécessités du changement.
Enfin, le Président de la République comme le Premier Ministre ont affirmé, dans leurs déclarations publiques comme dans leurs arbitrages budgétaires, un attachement particulier pour la Recherche et l'Innovation, bien au-delà des engagements a minima nécessaires pour répondre aux attentes de la communauté scientifique.
Pour preuve, il y a juste 10 jours, dans ses voeux aux forces vives, le Président a annoncé 6 milliards d'euros cumulés pour la Recherche d'ici 2007, auxquels viennent s'ajouter la mise en place de grands programmes d'innovation industrielle. Le Premier ministre, après les arbitrages favorables de l'année dernière, s'est engagé pour sa part, sur une hausse de l'emploi scientifique dans les prochaines années, ce qui, au regard des objectifs généraux du Gouvernement, n'allait pas -il faut bien en convenir- forcément de soi.
La Recherche se trouve ainsi placée, pour les années qui viennent, au coeur de l'ambition française, renouant avec une tradition qui s'était estompée depuis le Général de Gaulle.
Cette faveur particulière, cet attachement singulier, vous en êtes les témoins et les acteurs, et, pour votre part, Mesdames et Messieurs les journalistes, les articles nombreux, qui ont acquis en quelques mois des places de choix dans la politique éditoriale de vos journaux, témoignent et participent de ce changement profond.
Pour autant, il s'agit maintenant, pour le Ministère de la Recherche, de savoir saisir cette occasion exceptionnelle, de transformer en projet pour la France l'appel au changement de la communauté scientifique et les espoirs qui sont nés de ce nouvel état d'esprit.
La France a besoin d'une politique nationale de recherche ambitieuse et lisible. Pour redonner aux français le goût de l'avenir. Pour inscrire la France dans la compétition internationale, dans une mondialisation de plus en plus dure, et maintenir son rang de grande nation scientifique. Pour participer à cette solidarité Nord-Sud à laquelle tant de français aspirent pour la France. En un mot, pour établir un nouveau pacte entre la Nation et sa recherche.
L'année 2005 sera, pour la Recherche, une grande année. Elle enclenchera une dynamique nouvelle pour les années suivantes.
Pour mettre en oeuvre ce projet pour la Recherche et pour la France, nous disposons d'un levier législatif considérable, décidé, dans son principe, avant mon arrivée au Ministère, une loi d'orientation et de programmation.
Cette loi d'orientation et de programmation pour la Recherche et l'Innovation concernera la recherche publique et privée. L'avant projet sera rendu public vers la fin du mois de janvier, et jettera les bases de cette nouvelle ambition.
Les voeux que je formule devant vous prennent donc cette année, un relief particulier : Ce que je souhaite pour la Recherche, dès 2005, avec l'engagement de tous et de chacun, nous allons pouvoir le réaliser.
La société d'aujourd'hui semble à la fois trop attendre du progrès, et trop craindre de la science. Pour instiller les ferments d'une nouvelle adhésion, nous avons d'abord souhaité, avec François FILLON, rétablir les passerelles entre les Français et leur recherche.
Il s'agira donc d'élaborer et d'afficher plus lisiblement la politique de recherche de la Nation, mais aussi de mettre en place les priorités répondant aux attentes des français. L'échange entre le grand public et la recherche ne saurait se concevoir à sens unique.
Pour cela, nous avons décidé de renforcer la diffusion de la science auprès du grand public, pour laquelle les prestigieuses institutions que certains d'entre vous représentent jouent déjà un rôle de tout premier plan.
Nous proposerons la création d'un Haut Conseil de la Recherche et de l'Innovation, autonome, comprenant une vingtaine de membres, chargé en particulier d'une activité prospective. Son rôle sera central dans la définition des priorités de la Nation : il aura pour mission de conseiller le Gouvernement sur les grands choix stratégiques en matière scientifique et technologique. Ces priorités devront être claires, savoir s'inspirer des attentes de la société, participer à l'affirmation de la souveraineté du pays ou à son rayonnement international.
Ces priorités seront appliquées par un ministère qui veillera à la diligence des organismes sous sa tutelle, et en particulier de l'Agence Nationale de la Recherche créée spécialement pour financer rapidement les meilleurs projets de recherche sur ces thématiques prioritaires.
Nous avons aussi voulu bâtir cette loi dans la concertation, la plus large possible, en nous appuyant sur les propositions issues du débat public et des Etats Généraux. Cette loi, dans son contenu et par les mécanismes qu'elle proposera, laissera aussi une large place à l'expérimentation, sans bouleverser les structures, parce que la recherche n'est pas uniforme, et qu'elle ne saurait s'accommoder d'un jacobinisme dogmatique.
Vous en jugerez ; l'avenir le dira : la démarche pragmatique que nous avons adoptée sera, je l'espère, la plus efficace.
Bien sûr, la Recherche n'est pas une addition de particularismes et de singularités rendant vaine toute tentative pour élaborer un cadre commun.
Bien au contraire. Le besoin d'unité, à tout le moins de rapprochement, est un impératif pour la recherche. L'éclatement, la dispersion et les cloisonnements ont montré leurs limites et même les dégâts qu'ils ont entraînés.
Ainsi, avec la montée en puissance de la compétition internationale, la taille est devenue critique. En France, un cadre commun devient donc nécessaire : il faut des rapprochements entre les organismes, les universités et les grandes écoles. Non pas pour répondre quantitativement aux critères des classements internationaux (même si le classement de l'Université de Shanghai a représenté un choc salutaire). Mais pour bâtir, en fédérant les forces autour d'un projet de développement et de recherche, un pôle plus efficace, plus attractif, susceptible d'attirer de meilleurs étudiants et de meilleurs chercheurs, d'effectuer une recherche plus rapide et de meilleur niveau et de la valoriser dans de meilleures conditions.
Pour cela, nous allons ouvrir la possibilité de créer, sur la base du volontariat, des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES.
La nécessité de rapprochements se manifeste également dans bien des thématiques de recherche, où l'interdisciplinarité est devenue souhaitable sinon classique. Mais elle s'étend aussi aux coopérations entre la recherche publique et la recherche privée.
Les succès français, comme à Grenoble, mais aussi internationaux, témoignent en faveur de cette recherche partenariale. Il y a dans les coopérations renforcées entre des chercheurs et des ingénieurs aux thématiques complémentaires, une réelle valeur ajoutée pour la recherche et l'innovation. Et, en fin de compte, cette valeur ajoutée se transmet au pays, en induisant plus d'emplois et plus de croissance grâce à l'émergence de technologies et d'entreprises nouvelles.
La loi s'attachera à promouvoir ces coopérations, à la fois en créant des instituts de recherche partenariale, notamment sur le modèle des Fraunhofer allemands, en favorisant l'émergence et le développement des jeunes entreprises innovantes, mais aussi par l'intermédiaire des programmes de l'agence de l'innovation industrielle auxquels participeront, autour de projets conduits par les industriels, un ensemble de chercheurs et d'organismes publics.
Ce voeu d'unité pour la recherche, je souhaite aussi qu'il se renforce dans le cadre plus général des coopérations internationales.
Force est de constater que l'échange entre scientifiques est une constante du monde des sciences et des lettres depuis le Moyen Âge. La recherche est depuis longtemps internationale, même si elle n'a pas toujours su partager ses richesses, ses méthodes et ses découvertes avec les pays voisins.
Depuis quelques années, la recherche française a néanmoins choisi de nombreuses thématiques " solidaires ", fait preuve d'un remarquable esprit d'ouverture - les EPST comprennent plus de 12 % de chercheurs étrangers -, et a su développer des partenariats européens et internationaux, comme celui du projet ITER.
A l'heure où l'Europe s'élargit et peine à trouver des voies et des positions communes, mais où, dans le même temps elle se mobilise en faveur d'un projet institutionnel sans précédent, celui de la constitution européenne, il me semble que la Recherche peut, d'ores et déjà, être prise comme exemple, mais aussi comme moteur et levier pour la construction européenne. Et la création d'un Conseil Européen de la Recherche, que je soutiens activement, me semble pouvoir conduire à l'émergence d'une véritable conscience européenne, unissant les citoyens autour de projets d'avenir.
Je souhaite que la Recherche française poursuive dans ces voies de la coopération internationale. A ce propos, dans 9 jours, le ministère de la Recherche coordonnera avec celui de l'Ecologie, un très important colloque international, à l'Unesco, sur la biodiversité, un enjeu planétaire aux implications économiques, culturelles et sociales majeures.
Dans ce cadre aussi, je souhaite que la recherche fondamentale continue de jouer un rôle majeur dans la politique scientifique du pays. Elle constitue en effet le fondement d'une solidarité internationale par la recherche, parce qu'une découverte, dans la recherche fondamentale, profite à tous, sans distinction d'aucune sorte.
Elle est un de ces biens publics mondiaux auquel doit tant cette économie de la connaissance qui structure désormais nos sociétés.
Le besoin d'unité et de visibilité que j'évoquais précédemment prend une acuité particulière sur le sujet complexe mais aussi essentiel de l'évaluation. Il est en effet anormal et peu efficace que l'évaluation des équipes et des laboratoires soit réalisée par des instances différentes, selon qu'elles sont rattachées au CNRS, à l'Université, à d'autres organismes de recherche, et cela d'autant plus que les unités mixtes de recherche se sont multipliées !
Dans ce cadre, la loi d'orientation proposera une harmonisation des dispositifs d'évaluation s'inspirant des meilleures pratiques des pays étrangers, notamment l'évaluation par les pairs et les experts étrangers, afin de donner à l'évaluation par des instances françaises tout le poids et la reconnaissance qu'elle mérite à l'international. La qualité de l'évaluation représente, vous le savez, un indice de performance et de modernité pour un système de recherche.
Pour encourager les meilleurs chercheurs, les conséquences de l'évaluation doivent être tirées, positivement comme négativement, que ce soit en terme d'avancement ou de rémunération ou pour l'attribution de moyens supplémentaires dans le cadre de projets de recherche.
Enfin, et je terminerai par là, il me semble nécessaire, de redonner les moyens d'un travail serein aux personnels de la recherche, comme à ceux qui, s'interrogeant sur leurs carrières et leurs études, se destinent à la science.
Le sentiment de déréliction des jeunes chercheurs à l'entrée du système, les chiffres incontestables exprimant une désaffection pour les études scientifiques sont autant d'éléments que je souhaite voir s'estomper dans les années à venir.
Je ne conçois pas, non plus, de pérenniser un système qui se détourne à ce point de la science, alors même que celle-ci est désormais une priorité de notre pays. Je ne conçois pas non plus de laisser à la merci des rigidités statutaires et réglementaires de la fonction publique les chercheurs de tous les horizons.
Entendons-nous bien, je ne propose en rien l'abandon ou la réforme des statuts, ce que je souhaite, c'est une politique de ressources humaines efficace, qui permette aux personnels de la recherche, au cours de leur vie professionnelle, s'ils le souhaitent, d'accéder plus facilement à d'autres métiers.
Dans ce cadre, afin de donner plus de sérénité et de souplesse à l'activité quotidienne des laboratoires et à leurs responsables, la loi d'orientation proposera d'y introduire un ensemble de mesures de simplification relatives à leur gestion et à leur administration.
La loi mettra également en place un plan pluriannuel de l'emploi scientifique, pour accroître la lisibilité du recrutement dans les universités et les organismes de recherche.
Enfin, pour préparer l'avenir, il convient d'abord de miser sur ceux qui le feront. Les plus jeunes d'entre nos chercheurs - doctorants, post-doctorants, jeunes maîtres de conférences et chargés de recherche - doivent pouvoir trouver toute l'aide qu'ils sont en droit d'attendre de la Nation. La loi mettra en place un parcours de réussite pour l'ensemble des jeunes chercheurs. Un point majeur consistera à permettre à de jeunes maîtres de conférence de bénéficier de décharges partielles d'enseignement pour le permettre de mener à bien un projet de recherche dûment évalué.
En arrivant ici, nous avions, avec François FILLON, le devoir d'imaginer la France de demain. J'espère qu'avec votre aide, cette année en posera les jalons. Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 17 janvier 2005)
Je me présente devant vous, en ce début d'année, pour vous exprimer mes voeux sincères et chaleureux pour vous-même, pour vos familles, sur le plan privé aussi bien que professionnel, tout en restant bien évidemment convaincu que les voeux et les souhaits que nous devons adresser d'abord, le sont aux populations de l'Indonésie, du Sri Lanka, des Philippines, de l'Inde et de la Thaïlande, à toute cette partie de l'Asie du Sud durement touchée par le séisme et par le raz de marée qui l'a suivi.
Je tiens aussi à témoigner de ma profonde affliction aux familles des étrangers disparus dans ces pays, particulièrement à la famille et au compagnon d'Isabelle Attali, directrice de recherche à l'INRIA, disparue avec ses deux enfants au Sri Lanka.
Il n'y a pas dans de telles situations d'action qui puisse suppléer la douleur et la peine. Pour autant notre mobilisation collective est le témoignage de notre solidarité. Celle qui a suivi ce tremblement de terre a été exemplaire.
Au Ministère de la Recherche, la réponse que nous avons apportée fût celle d'un ministère qui, soucieux de la situation présente, s'essaie néanmoins avant tout à préparer l'avenir.
Pour autant, nous avons, je le crois, agit rapidement. L'expertise qui a pu être mobilisée l'a été instantanément, grâce aux travaux effectués depuis de longues années par de nombreux scientifiques à travers le pays. Ces scientifiques vont proposer, dans les prochaines semaines, au niveau européen, un plan d'action en faveur de la détection et de la prévention sismique. La rapidité de cette mobilisation et le caractère opérationnel des premières propositions plaide en faveur d'un investissement régulier et pérenne dans la science, tant celui-ci peut s'avérer utile mais bien des années plus tard.
Ce moment parmi vous me donne aussi la possibilité de faire un point de situation, à la fois sur l'année 2004 qui vient de s'écouler et sur les perspectives qui s'ouvrent pour l'année nouvelle.
L'année 2004 a été une année charnière pour la politique de recherche de notre pays. Elle fût l'année des grands débats.
Elle a débuté par un mouvement de mobilisation sans précédent de la communauté scientifique. La pétition des chercheurs, la démission administrative des directeurs de laboratoires, l'appel de la rue, les manifestes des jeunes chercheurs expatriés représentent autant d'évènements que je garde en mémoire comme le témoignage d'un mal-être profond qui avait saisi la communauté scientifique.
Par delà la question des postes et des moyens sur lesquels se focalisèrent les mécontentements, il y avait en effet, chez les scientifiques de toutes disciplines, les rancoeurs accumulées à l'égard d'un système vieillissant et sclérosé, à l'égard, aussi, des gouvernements successifs accusés de n'avoir pas su redonner espoir et ambition à la politique scientifique du pays, ainsi qu'un désarroi face à l'action publique.
D'ailleurs, à peine arrivé au Ministère, que n'ai-je entendu sur la Recherche française, souvent même des principaux protagonistes de la contestation?
Le monde scientifique a ceci de remarquable qu'il sait parfaitement s'analyser, et dépeindre, sans complaisance, le tableau de ses dysfonctionnements et de ses insuffisances. Les Etats Généraux de la Recherche, mais aussi les nombreux comités locaux qui les ont préparés, l'ont, je crois, parfaitement démontré.
Toutefois, il ne saurait y avoir, pour notre Recherche, de fatalité. Et la contribution du CIP, attestant aussi d'une substantielle capacité de réflexion et de propositions, nous incitent, avec François FILLON, à l'optimisme, à l'action et au volontarisme
Des indices inquiétants, pour nombreux et étayés qu'ils soient, ne peuvent pas conduire au pessimisme et à la léthargie.
Et cela d'autant plus que, dans bien des domaines de la science, nous continuons à être aux tout premiers rangs. Notre recherche bénéficie d'un potentiel humain extraordinaire, alors même que la ressource rare, dans l'environnement international, est avant tout celle des femmes et des hommes.
Nous pouvons aussi tirer parti de la structuration originale de notre recherche nationale, comme de l'excellence de certaines de nos entreprises qui occupent les tous premiers rangs mondiaux dans leurs secteurs, et qui ont construit leurs positions à partir de la recherche et de l'innovation.
En ce début d'année 2005, nous ne partons, donc, pas de rien. Nous ne ferons pas, non plus, table rase.
Les derniers mois ont ceci de salutaire qu'ils ont conduit la Nation à prendre conscience de l'importance de la recherche comme des difficultés qu'elle rencontre au quotidien.
Les citoyens saisissent mieux, désormais, les possibilités qu'ouvre la Recherche pour leur santé, leur environnement, leur sécurité, mais aussi, avec générosité et altruisme, l'impact qu'elle peut avoir dans l'émergence d'un monde plus juste et plus solidaire.
Cette révolution de velours de la conscience collective, s'est doublée, tout au long de l'année dernière, et tout récemment encore, d'une attention et d'une considération exceptionnelle par le milieu politique.
L'ensemble du monde parlementaire a témoigné d'une attention encore plus soutenue pour la recherche et ses enjeux. Parmi eux, des dizaines de sénateurs et de députés sont notamment allés à la rencontre des chercheurs dans des laboratoires de leur circonscription. Ils y ont mieux compris leur fonctionnement comme les nécessités du changement.
Enfin, le Président de la République comme le Premier Ministre ont affirmé, dans leurs déclarations publiques comme dans leurs arbitrages budgétaires, un attachement particulier pour la Recherche et l'Innovation, bien au-delà des engagements a minima nécessaires pour répondre aux attentes de la communauté scientifique.
Pour preuve, il y a juste 10 jours, dans ses voeux aux forces vives, le Président a annoncé 6 milliards d'euros cumulés pour la Recherche d'ici 2007, auxquels viennent s'ajouter la mise en place de grands programmes d'innovation industrielle. Le Premier ministre, après les arbitrages favorables de l'année dernière, s'est engagé pour sa part, sur une hausse de l'emploi scientifique dans les prochaines années, ce qui, au regard des objectifs généraux du Gouvernement, n'allait pas -il faut bien en convenir- forcément de soi.
La Recherche se trouve ainsi placée, pour les années qui viennent, au coeur de l'ambition française, renouant avec une tradition qui s'était estompée depuis le Général de Gaulle.
Cette faveur particulière, cet attachement singulier, vous en êtes les témoins et les acteurs, et, pour votre part, Mesdames et Messieurs les journalistes, les articles nombreux, qui ont acquis en quelques mois des places de choix dans la politique éditoriale de vos journaux, témoignent et participent de ce changement profond.
Pour autant, il s'agit maintenant, pour le Ministère de la Recherche, de savoir saisir cette occasion exceptionnelle, de transformer en projet pour la France l'appel au changement de la communauté scientifique et les espoirs qui sont nés de ce nouvel état d'esprit.
La France a besoin d'une politique nationale de recherche ambitieuse et lisible. Pour redonner aux français le goût de l'avenir. Pour inscrire la France dans la compétition internationale, dans une mondialisation de plus en plus dure, et maintenir son rang de grande nation scientifique. Pour participer à cette solidarité Nord-Sud à laquelle tant de français aspirent pour la France. En un mot, pour établir un nouveau pacte entre la Nation et sa recherche.
L'année 2005 sera, pour la Recherche, une grande année. Elle enclenchera une dynamique nouvelle pour les années suivantes.
Pour mettre en oeuvre ce projet pour la Recherche et pour la France, nous disposons d'un levier législatif considérable, décidé, dans son principe, avant mon arrivée au Ministère, une loi d'orientation et de programmation.
Cette loi d'orientation et de programmation pour la Recherche et l'Innovation concernera la recherche publique et privée. L'avant projet sera rendu public vers la fin du mois de janvier, et jettera les bases de cette nouvelle ambition.
Les voeux que je formule devant vous prennent donc cette année, un relief particulier : Ce que je souhaite pour la Recherche, dès 2005, avec l'engagement de tous et de chacun, nous allons pouvoir le réaliser.
La société d'aujourd'hui semble à la fois trop attendre du progrès, et trop craindre de la science. Pour instiller les ferments d'une nouvelle adhésion, nous avons d'abord souhaité, avec François FILLON, rétablir les passerelles entre les Français et leur recherche.
Il s'agira donc d'élaborer et d'afficher plus lisiblement la politique de recherche de la Nation, mais aussi de mettre en place les priorités répondant aux attentes des français. L'échange entre le grand public et la recherche ne saurait se concevoir à sens unique.
Pour cela, nous avons décidé de renforcer la diffusion de la science auprès du grand public, pour laquelle les prestigieuses institutions que certains d'entre vous représentent jouent déjà un rôle de tout premier plan.
Nous proposerons la création d'un Haut Conseil de la Recherche et de l'Innovation, autonome, comprenant une vingtaine de membres, chargé en particulier d'une activité prospective. Son rôle sera central dans la définition des priorités de la Nation : il aura pour mission de conseiller le Gouvernement sur les grands choix stratégiques en matière scientifique et technologique. Ces priorités devront être claires, savoir s'inspirer des attentes de la société, participer à l'affirmation de la souveraineté du pays ou à son rayonnement international.
Ces priorités seront appliquées par un ministère qui veillera à la diligence des organismes sous sa tutelle, et en particulier de l'Agence Nationale de la Recherche créée spécialement pour financer rapidement les meilleurs projets de recherche sur ces thématiques prioritaires.
Nous avons aussi voulu bâtir cette loi dans la concertation, la plus large possible, en nous appuyant sur les propositions issues du débat public et des Etats Généraux. Cette loi, dans son contenu et par les mécanismes qu'elle proposera, laissera aussi une large place à l'expérimentation, sans bouleverser les structures, parce que la recherche n'est pas uniforme, et qu'elle ne saurait s'accommoder d'un jacobinisme dogmatique.
Vous en jugerez ; l'avenir le dira : la démarche pragmatique que nous avons adoptée sera, je l'espère, la plus efficace.
Bien sûr, la Recherche n'est pas une addition de particularismes et de singularités rendant vaine toute tentative pour élaborer un cadre commun.
Bien au contraire. Le besoin d'unité, à tout le moins de rapprochement, est un impératif pour la recherche. L'éclatement, la dispersion et les cloisonnements ont montré leurs limites et même les dégâts qu'ils ont entraînés.
Ainsi, avec la montée en puissance de la compétition internationale, la taille est devenue critique. En France, un cadre commun devient donc nécessaire : il faut des rapprochements entre les organismes, les universités et les grandes écoles. Non pas pour répondre quantitativement aux critères des classements internationaux (même si le classement de l'Université de Shanghai a représenté un choc salutaire). Mais pour bâtir, en fédérant les forces autour d'un projet de développement et de recherche, un pôle plus efficace, plus attractif, susceptible d'attirer de meilleurs étudiants et de meilleurs chercheurs, d'effectuer une recherche plus rapide et de meilleur niveau et de la valoriser dans de meilleures conditions.
Pour cela, nous allons ouvrir la possibilité de créer, sur la base du volontariat, des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES.
La nécessité de rapprochements se manifeste également dans bien des thématiques de recherche, où l'interdisciplinarité est devenue souhaitable sinon classique. Mais elle s'étend aussi aux coopérations entre la recherche publique et la recherche privée.
Les succès français, comme à Grenoble, mais aussi internationaux, témoignent en faveur de cette recherche partenariale. Il y a dans les coopérations renforcées entre des chercheurs et des ingénieurs aux thématiques complémentaires, une réelle valeur ajoutée pour la recherche et l'innovation. Et, en fin de compte, cette valeur ajoutée se transmet au pays, en induisant plus d'emplois et plus de croissance grâce à l'émergence de technologies et d'entreprises nouvelles.
La loi s'attachera à promouvoir ces coopérations, à la fois en créant des instituts de recherche partenariale, notamment sur le modèle des Fraunhofer allemands, en favorisant l'émergence et le développement des jeunes entreprises innovantes, mais aussi par l'intermédiaire des programmes de l'agence de l'innovation industrielle auxquels participeront, autour de projets conduits par les industriels, un ensemble de chercheurs et d'organismes publics.
Ce voeu d'unité pour la recherche, je souhaite aussi qu'il se renforce dans le cadre plus général des coopérations internationales.
Force est de constater que l'échange entre scientifiques est une constante du monde des sciences et des lettres depuis le Moyen Âge. La recherche est depuis longtemps internationale, même si elle n'a pas toujours su partager ses richesses, ses méthodes et ses découvertes avec les pays voisins.
Depuis quelques années, la recherche française a néanmoins choisi de nombreuses thématiques " solidaires ", fait preuve d'un remarquable esprit d'ouverture - les EPST comprennent plus de 12 % de chercheurs étrangers -, et a su développer des partenariats européens et internationaux, comme celui du projet ITER.
A l'heure où l'Europe s'élargit et peine à trouver des voies et des positions communes, mais où, dans le même temps elle se mobilise en faveur d'un projet institutionnel sans précédent, celui de la constitution européenne, il me semble que la Recherche peut, d'ores et déjà, être prise comme exemple, mais aussi comme moteur et levier pour la construction européenne. Et la création d'un Conseil Européen de la Recherche, que je soutiens activement, me semble pouvoir conduire à l'émergence d'une véritable conscience européenne, unissant les citoyens autour de projets d'avenir.
Je souhaite que la Recherche française poursuive dans ces voies de la coopération internationale. A ce propos, dans 9 jours, le ministère de la Recherche coordonnera avec celui de l'Ecologie, un très important colloque international, à l'Unesco, sur la biodiversité, un enjeu planétaire aux implications économiques, culturelles et sociales majeures.
Dans ce cadre aussi, je souhaite que la recherche fondamentale continue de jouer un rôle majeur dans la politique scientifique du pays. Elle constitue en effet le fondement d'une solidarité internationale par la recherche, parce qu'une découverte, dans la recherche fondamentale, profite à tous, sans distinction d'aucune sorte.
Elle est un de ces biens publics mondiaux auquel doit tant cette économie de la connaissance qui structure désormais nos sociétés.
Le besoin d'unité et de visibilité que j'évoquais précédemment prend une acuité particulière sur le sujet complexe mais aussi essentiel de l'évaluation. Il est en effet anormal et peu efficace que l'évaluation des équipes et des laboratoires soit réalisée par des instances différentes, selon qu'elles sont rattachées au CNRS, à l'Université, à d'autres organismes de recherche, et cela d'autant plus que les unités mixtes de recherche se sont multipliées !
Dans ce cadre, la loi d'orientation proposera une harmonisation des dispositifs d'évaluation s'inspirant des meilleures pratiques des pays étrangers, notamment l'évaluation par les pairs et les experts étrangers, afin de donner à l'évaluation par des instances françaises tout le poids et la reconnaissance qu'elle mérite à l'international. La qualité de l'évaluation représente, vous le savez, un indice de performance et de modernité pour un système de recherche.
Pour encourager les meilleurs chercheurs, les conséquences de l'évaluation doivent être tirées, positivement comme négativement, que ce soit en terme d'avancement ou de rémunération ou pour l'attribution de moyens supplémentaires dans le cadre de projets de recherche.
Enfin, et je terminerai par là, il me semble nécessaire, de redonner les moyens d'un travail serein aux personnels de la recherche, comme à ceux qui, s'interrogeant sur leurs carrières et leurs études, se destinent à la science.
Le sentiment de déréliction des jeunes chercheurs à l'entrée du système, les chiffres incontestables exprimant une désaffection pour les études scientifiques sont autant d'éléments que je souhaite voir s'estomper dans les années à venir.
Je ne conçois pas, non plus, de pérenniser un système qui se détourne à ce point de la science, alors même que celle-ci est désormais une priorité de notre pays. Je ne conçois pas non plus de laisser à la merci des rigidités statutaires et réglementaires de la fonction publique les chercheurs de tous les horizons.
Entendons-nous bien, je ne propose en rien l'abandon ou la réforme des statuts, ce que je souhaite, c'est une politique de ressources humaines efficace, qui permette aux personnels de la recherche, au cours de leur vie professionnelle, s'ils le souhaitent, d'accéder plus facilement à d'autres métiers.
Dans ce cadre, afin de donner plus de sérénité et de souplesse à l'activité quotidienne des laboratoires et à leurs responsables, la loi d'orientation proposera d'y introduire un ensemble de mesures de simplification relatives à leur gestion et à leur administration.
La loi mettra également en place un plan pluriannuel de l'emploi scientifique, pour accroître la lisibilité du recrutement dans les universités et les organismes de recherche.
Enfin, pour préparer l'avenir, il convient d'abord de miser sur ceux qui le feront. Les plus jeunes d'entre nos chercheurs - doctorants, post-doctorants, jeunes maîtres de conférences et chargés de recherche - doivent pouvoir trouver toute l'aide qu'ils sont en droit d'attendre de la Nation. La loi mettra en place un parcours de réussite pour l'ensemble des jeunes chercheurs. Un point majeur consistera à permettre à de jeunes maîtres de conférence de bénéficier de décharges partielles d'enseignement pour le permettre de mener à bien un projet de recherche dûment évalué.
En arrivant ici, nous avions, avec François FILLON, le devoir d'imaginer la France de demain. J'espère qu'avec votre aide, cette année en posera les jalons. Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 17 janvier 2005)