Déclarations de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, et de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'état aux personnes handicapées, sur la politique à destination des personnes autistes : le bilan des actions entreprises et les nouvelles mesures engagées, Paris le 24 novembre 2004.

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Texte intégral

Discours de Philippe Douste-Blazy, Ministre de la Santé et de la Protection Sociale :
L'autisme, comme toutes les maladies dont on ne comprend pas la cause, a fait l'objet de nombreuses interprétations en ce qui concerne son origine et d'autant d'orientations thérapeutique, parfois divergentes.
L'autisme n'a pas échappé à cette règle et la profusion des oeuvres littéraires produites montre la difficulté de la société à prendre en charge cette maladie.
Les découvertes récentes de l'INSERM, effectuées par l'équipe de Monica Zilbovicius, dont je tiens ici à saluer le travail, ont mis en évidence l'existence d'une anomalie localisée dans une région du cerveau appelée " lobe temporal ". Cette zone est responsable de l'intégration des informations qui viennent du monde extérieur. Cette anomalie pourrait être à l'origine de certains cas d'autisme.
L'incapacité des enfants et des adultes autistes à intégrer, à comprendre ces informations venant du monde extérieur, explique leur "isolement" sensoriel.
Cette anomalie peut être d'origine génétique. Cette découverte permet de porter un regard neuf sur cette maladie. Car, si elle a un impact scientifique et médical... elle a surtout un impact humain, crucial pour les familles, puisqu'elle leur permet de sortir de la culpabilisation.
Reste que, de la découverte au traitement, il y a un long chemin à parcourir...
Face à l'autisme, nous voulons, avec Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, accélérer la montée en puissance des mesures de diagnostic, de prise en charge et d'accompagnement des personnes atteintes d'autisme. Le volet médical de ces mesures prévoit la mise en réseau de l'ensemble des acteurs afin d'assurer une meilleure prise en charge des enfants et adultes autistes.
Le premier niveau de prise en charge doit être départemental, au plus près, au plus proche des familles.
C'est la raison pour laquelle les maisons départementales du handicap permettront une prise en charge immédiate des difficultés que peuvent rencontrer les enfants autistes et leurs familles.
Le deuxième niveau de prise en charge est régional : seront associés dans les centres de ressource autisme, des équipes médicales dédiés (pédo-psychiatres, neuropédiatres, généticiens et radiologues), afin de garantir, pour chaque enfant, pour chaque personne atteinte d'autisme, le meilleur diagnostic et un accès aux soins adaptés à leur situation .
Au niveau national, un comité scientifique sera installé aux côtés du comité national de l'autisme. Leur rôle est très important car ils doivent remplir 3 missions principales :
1. assurer une veille scientifique afin de raccourcir le délai entre les découvertes de la recherche et leur mise en uvre sur le terrain. Elles doivent être transmises le plus rapidement possible vers les centres de ressource autisme, au niveau régional, et, dans les maisons du handicap, au niveau départemental.
2. mettre en place d'une base de données épidémiologiques afin d'apprécier, quantitativement et qualitativement le nombre de patients atteints des différents syndromes autistiques. On estime aujourd'hui leur nombre entre 30 000 et 100 000. C'est seulement quand nous aurons ces données que nous pourrons adapter le système de soins et offrir, à chacun, la meilleure prise en charge.
3. enclencher une recherche clinique à partir de cette base de données épidémiologique afin d'évaluer l'efficacité des différentes prises en charge thérapeutiques.
Ainsi, la coopération, autour des personnes atteintes d'autisme et de leur famille, de l'ensemble des acteurs (associations, acteurs médico-sociaux, médecins et chercheurs) doit permettre d'améliorer le diagnostic, la prise en charge et l'accompagnement médico-social de cette pathologie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 novembre 2004)
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Discours de Madame Marie-Anne MONTCHAMP, Secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées :
Mesdames, Messieurs,
La question de l'autisme nous interpelle et nous interroge. Quoi de plus difficile à comprendre que ce déficit des interactions sociales et de la communication dont sont atteintes les personnes autistes ou ayant de troubles envahissants du développement ?
Quoi de plus difficile à vivre pour des parents que la difficulté, voire l'impossibilité apparente, de toute communication avec leur propre enfant ?
Je voulais commencer par souligner et rappeler la souffrance que renferme cette réalité. La soulager constitue le moteur de l'action publique et est à l'origine de la volonté du Ministère de la Santé et de la protection sociale et du secrétariat d'Etat aux personnes handicapées, de Philippe DOUSTE-BLAZY et de moi-même, de donner une nouvelle impulsion à la politique à destination des personnes autistes.
Ce sont ces situations qui motivent également les équipes de chercheurs qui s'attachent à décoder l'autisme mais aussi à mettre en oeuvre des modèles de prise en charge.
Je dois dire, dès à présent toute mon admiration pour le Professeur Francis BRUNELLE qui, depuis plusieurs semaines et plusieurs mois, a montré sa détermination à défendre à nos côtés la cause de l'autisme mais plus encore celle des autistes et de leurs familles. Avec intelligence, enthousiasme et une humanité qui ne trahit en rien l'esprit scientifique. Au contraire !
S'il est beaucoup question de science et de recherche ce matin, c'est que la question de l'autisme est marquée, comme Philippe Douste-Blazy vient de le rappeler, par des avancées scientifiques porteuses de réponses et de promesses, sans oublier, probablement, de nouvelles questions.
Les perspectives ouvertes par la recherche sont importantes pour les familles. Elles sont aussi précieuses pour l'amélioration des diagnostics et des prises en charge.
La responsabilité politique est de soutenir la recherche ; elle est aussi d'intégrer le résultat de ses travaux à notre réflexion.
Le Gouvernement a fait résolument le choix de l'ouverture aux avancées scientifiques et dans le même temps, de renforcer l'attention portée à l'amélioration des réponses et de l'accompagnement pour tous ceux qui sont encore sans solution, comme le Président de la République l'a rappelé en décembre 2002, ou sans prise en charge éducative adaptée, comme l'a noté le comité européen des droits sociaux fin 2003.
L'autisme et les troubles envahissants du développement sont, avec quelques autres pathologies, le champ d'un immense retard accumulé. La connaissance plus approfondie que l'on en a et l'évolution des définitions se sont accompagnées du constat d'un nombre de personnes concernées en augmentation.
Malgré l'action déjà ancienne des professionnels et des associations, la véritable prise de conscience politique remonte à une dizaine d'années seulement. Nous la devons à Simone VEIL. La circulaire du 27 avril 1995 a, en effet, été le point de départ d'une mobilisation et d'une organisation spécifique des services de l'Etat.
La loi de 1996, que nous devons à Monsieur Jean-François CHOSSY, que je salue chaleureusement, a donné une valeur plus importante encore à cette attention nouvelle. Le rapport que le Gouvernement lui a confié en 2003 a inspiré l'action engagée au début de l'année tout comme les travaux du groupe de travail présent aujourd'hui que je remercie.
Une action efficace a besoin de rendez-vous fréquents. Pour maintenir l'attention portée à cette politique et lui donner une impulsion nouvelle, il était ainsi nécessaire de faire un premier bilan de la mise en uvre de ces actions.
- Le rythme donné au programme de création de places 2005-2007 a été soutenu dès 2004 avec l'installation de 384 places nouvelles en établissements pour enfants et adolescents autistes et 324 places pour la prise en charge des adultes autistes.
- Six nouveaux " centres de ressources autisme " devraient avoir démarré leur activité en 2004.
- Les travaux de la mission confiée à la conférence française de psychiatrie, sous l'égide de l'ANAES, sont engagés. Les trois groupes installés par le Professeur Charles AUSSILLOUX (présent aujourd'hui), qui a accepté cette lourde tâche, ont commencé leur travail sur l'élaboration des recommandations professionnelles en matière de diagnostic précoce.
- La nouvelle circulaire, dont le cahier des charges a été élaboré par le groupe de travail, va connaître son ultime phase de concertation à partir de cet après-midi.
La nouvelle impulsion que le Gouvernement entend donner à la politique de l'autisme est moins motivée par ce bilan que par le chemin qu'il reste à parcourir.
Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées répondra aux préoccupations des personnes autistes dont elle prend en compte les besoins spécifiques. Néanmoins, au-delà de cette loi, l'action engagée en profondeur avec l'ensemble des partenaires se devait d'être poursuivie sans attendre, à l'aune des développements nouveaux présentés plus tôt ainsi que des travaux sur le diagnostic.
De l'accueil des familles à la prise en charge des enfants, chaque étape doit refléter la priorité accordée à l'autisme et aux troubles envahissants du développement.
Je ne reprendrai pas précisément les différentes mesures présentées par Philippe DOUSTE-BLAZY. Mais je voudrais m'attacher à souligner les logiques qui sous tendent ces propositions.
1/ La première logique est l'accélération de la mise en place des structures indispensables à une prise en charge satisfaisante.
Les centres de ressources autisme constituent le pivot des dispositifs. La couverture de l'ensemble de notre territoire par les 20 CRA doit être achevée au plus tôt afin de faire bénéficier tous les enfants d'un diagnostic de plus en plus précoce, car c'est lui qui permet une prise en charge plus efficace, dès les centres d'action médico-sociale précoce, les CAMSP, outils précieux de prévention et d'accompagnement des familles. Afin d'encourager et de soutenir les démarches des porteurs de projet des centres de ressources autisme, le Gouvernement a ainsi décidé de dégager l'ensemble des crédits nécessaires sur les deux prochaines années, anticipant d'un an leur installation. Etroitement articulés aux maisons départementales des personnes handicapées qui sont créées par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les CRA se verront dotés en quelque sorte d'un relais départemental.
La création des 1950 places nouvelles en établissements pour enfants et pour adultes prévues sur trois ans sera, elle aussi, ramenée à deux ans afin de répondre au plus vite aux besoins d'accueil pressants. Je souhaite que le rythme prévu en 2005 soit doublé, et permette la création de 500 places pour enfants et 800 pour adultes. Nous serons en mesure de faire plus rapidement un bilan de ce plan et d'en prévoir le prolongement.
2/ Le deuxième axe est la diffusion des travaux scientifiques sur le diagnostic. Il a déjà été question du renforcement des outils médicaux dans les CRA. Il permettra une application de l'ensemble des recommandations professionnelles sur le diagnostic précoce. Une campagne de sensibilisation de l'ensemble des professionnels de la petite enfance sera organisée à partir de ces travaux fin 2005 afin d'améliorer le dépistage qui conduit à l'évaluation. Les professionnels de santé bénéficieront quant à eux de formations en 2006.
3/ Il semble ensuite indispensable de prolonger cette démarche rigoureuse de recensement et de mesure sur les méthodes et les pratiques de prise en charge. La qualité de l'éducation des enfants et des adultes autistes, celle de leur prise en charge médico-sociale, est l'enjeu de la mission qui va être confiée au nouveau Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale, créé par la loi du 2 janvier 2002, et dont ce sera la première mission. Elle se fera en lien avec Haute autorité de santé. Garantir à chacun une éducation et une prise en charge adaptée est une application directe des principes portés par le projet de loi. Parallèlement, l'IGAS va se voir confier une mission d'évaluation sur la situation des personnes accueillies à l'étranger et notamment en Belgique.
4/ La dernière logique est celle de la pérennité de l'action et de son pilotage. Elle a inspiré l'installation d'un comité national sur l'autisme et des organes administratifs et scientifiques dont le rôle vous a été décrit.
Mesdames, Messieurs,
Ces mesures sont concrètes. Leur mise en uvre va faire l'objet d'une concertation avec les partenaires associés jusqu'ici à cette politique. Elles sont d'application presque immédiate. Parce que l'action est une exigence de toute politique publique, plus encore lorsqu'il s'agit de répondre aux attentes légitimes de ces personnes et de ces familles qui se battent, parfois encore trop seules, contre l'autisme.

(Source http://www.handicap.gouv.fr, le 25 novembre 2004)