Déclaration de M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, sur les enjeux et l'avenir de l'économie du tourisme en France face à l'amplification de la concurrence internationale, Paris le 1er décembre 2004.

Prononcé le 1er décembre 2004

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture des Assises nationales du tourisme à Paris le 1er décembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis vraiment très heureux d'être avec vous aujourd'hui pour clore ces deuxièmes Assises nationales du tourisme, qui constituent désormais notre grand rendez-vous annuel d'échanges, de dialogue et de réflexion sur les enjeux et l'avenir de l'économie touristique de notre pays.
Vous êtes, cette année, encore plus nombreux à avoir répondu à notre invitation.
Je tiens à vous remercier, toutes et tous, pour cette fidélité et pour la grande qualité de vos travaux dans le cadre des trois tables rondes qui vous étaient proposées.
Le tourisme mondial connaît depuis près de cinq ans, nous en sommes tous conscients, la crise la plus grave et la plus longue de son histoire.
Cette crise a eu, naturellement, de nombreuses répercussions, sur le comportement des clientèles, la rentabilité de l'offre, l'organisation de la production, la distribution, ainsi que l'emploi.
La France n'a pas échappé à ce grand bouleversement. C'est pourquoi, le temps de l'auto-satisfaction sur nos performances de première destination mondiale est aujourd'hui révolu.
La concurrence internationale s'amplifie, la compétition entre destinations s'aiguise. Le nombre de destinations touristiques répertoriées dans le monde, pays régions ou villes, est passé en 20 ans de 50 à plus de 580.
Les budgets de promotion correspondants explosent littéralement.
La course à l'investissement et à l'innovation est, elle aussi, largement engagée, en particulier dans les destinations émergeantes. Les modes de consommation, enfin, ont changé. Le rapport au temps et à l'espace a évolué, le touriste est moins fidèle, plus exigeant sur la qualité, la sécurité et sur les prix.
Nous sommes donc confrontés à de difficiles enjeux, qui soulignent hélas bien souvent nos faiblesses.
Ils nous obligent, en tout état de cause, à reprendre l'initiative dans tous les secteurs de l'économie touristique.
Conscient de son rôle, le Gouvernement a clairement saisi l'importance de l'enjeu. C'est pour cette raison que le Premier ministre a réuni deux comités interministériels du Tourisme en moins d'un an, afin d'engager les grandes réformes rendues nécessaires par ces évolutions.
Le premier défi, c'est celui de l'attractivité. Avec le plan de relance de la promotion, nous avons décidé de rompre avec les schémas du passé : Maison de la France a donc élaboré un plan marketing pour les années 2005-2010 qui valorise une offre adaptée au format, devenu incontournable, du court séjour.
L'objectif dorénavant n'est plus d'allonger la durée de séjours, mais de multiplier leur fréquence.
Cette nouvelle stratégie vise également à augmenter le rendement de la fréquentation car, à nombre de visiteurs équivalents, la dépense touristique en France demeure 20 % en-dessous de celle de nos principaux concurrents :
- il en résulte un manque à gagner estimé à près de 10 milliards d'euros par an.
C'est dans cette optique que les filières prioritaires seront définies afin d'atteindre 40 milliards d'euros de recettes touristiques en 2010.
Mes Chers Amis,
Nous sommes le premier pays d'Europe à modifier ainsi notre approche des marchés. Je veux que nous soyons les premiers à refuser le confort trompeur de notre position de leader.
Car, je suis personnellement convaincu, que nous ne conserverons notre rang, que si nous sommes tous capables, vous comme moi, de nous remettre en question.
Depuis deux ans et demi, le ministère délégué au Tourisme a consacré beaucoup d'énergie et de temps pour corriger les dysfonctionnements et adapter le cadre juridique de vos activités.
Aujourd'hui, la balle est dans le camp des professionnels.
Dès le départ, je vous ai fait part de ma volonté de me comporter en partenaire. Car le tourisme constitue un domaine où secteur public et privé sont étroitement liés.
Ce sont bien souvent les aménagements publics qui favorisent le développement touristique qui, en retour, procure des emplois et des revenus dont bénéficient les collectivités publiques.
Pour que ce cercle vertueux fonctionne, il faut que le partenariat public-privé soit exemplaire.
Nous devons donc tous regarder dans la même direction.
Et, si nous ciblons aujourd'hui les marchés à haute contribution, le standard de nos prestations se doit d'être à la hauteur : c'est le second défi que nous devons relever, celui de la qualité.
C'est un grand chantier que j'ai ouvert l'an dernier avec le " Plan Qualité France ". L'objectif, vous le connaissez, c'est d'accroître la lisibilité de notre offre touristique pour le consommateur français ou étranger, en labellisant les sites les plus performants (hébergements, activités), regroupés sous une " marque " unique.
Nous avons signé ensemble, aujourd'hui, 24 Conventions d'objectifs avec les fédérations et les syndicats.
Votre adhésion à ce projet est très encourageante.
Je souhaite être aussi suivi dans d'autres domaines.
Dans celui, par exemple, du rapport qualité-prix. Les études d'image récentes ont montré que la perception de ce rapport par les visiteurs étrangers n'est pas bonne.
Elle pourra, bien sûr, être partiellement corrigée grâce au Plan Qualité France mais, dans l'immédiat, il me paraît important que nous réfléchissions à cette variable du prix, déterminante au moment du choix des vacances.
J'ai reçu pour ma part, le 2 novembre dernier, des représentants des associations de consommateurs. Ceux-ci m'on confirmé que les prix dans le secteur du tourisme ont connu une augmentation bien plus rapide que celle des prix de l'ensemble des produits de consommation.
Selon l'INSEE, sur les 9 premiers mois de 2004, on constate, pour une augmentation moyenne des prix de 2,2 % pour l'ensemble des biens de consommation, une augmentation de 5,3 % pour l'hébergement touristique.
Il y a certainement là des efforts à fournir.
Autre élément important que je souhaite évoquer avec vous, la question du sous-investissement dans l'industrie touristique.
Nous n'intégrons pas encore dans le montage financier des projets des budgets suffisants pour la promotion, le marketing ou les rénovations futures.
Cette donnée est particulièrement pertinente dans le secteur des parcs d'attraction, où la fréquentation a naturellement tendance à chuter après quelques années. Une chute qui peut être évitée si le renouvellement des attractions est prévu dès le départ.
Parmi les autres priorités affichées de mon ministère figure en bonne place la promotion d'un tourisme durable :
- notre statut de leader mondial nous impose, de fait, des responsabilités et des devoirs dans nos choix de développement touristique.
Cette notion de tourisme durable recouvre plusieurs réalités :
- celle de la préservation du patrimoine naturel, qui constitue l'un des principaux vecteurs d'attractivité touristique.
Celle aussi d'un accès le plus large possible des Français aux vacances.
L'actualité, en la matière, est riche puisque, conformément à ma demande, les crédits de consolidation de l'hébergement du tourisme social ont été abondés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004. (2 millions d'euros d'autorisation de programme, et 1 million d'euros de crédit de paiement qui viennent s'ajouter au million existant.)
Dans le même temps, la diffusion des chèques-vacances a été étendue, grâce au vote d'un amendement au Projet de loi de Finances pour 2005, aux salariés des PME et PMI dont la rémunération n'excède pas deux fois le SMIC. C'est un quasi-doublement de la cible potentielle, en faveur de laquelle j'ai longuement milité.
Dans le même esprit, l'amélioration des conditions de travail dans le secteur de l'hôtellerie-restauration a pu être obtenue grâce au plan d'aide consenti pour abaisser les charges salariales.
Le décret vient d'être publié au Journal Officiel.
En contre-partie de ces aides, légitimes, les employeurs se sont engagés à embaucher. Nous serons naturellement attentifs au respect de cette promesse.
A la notion de tourisme durable se rattache, enfin, les réalités du tourisme solidaire, qui entend mieux respecter les populations locales, et les réalités du tourisme éthique.
Sur ce dernier point, j'avais exprimé le souhait, en prenant mes fonctions, que soit dressé un état des lieux de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme.
Le groupe de travail dirigé par Carole BOUQUET qui réunit l'ensemble des associations, m'a remis son rapport en octobre. Il est riche d'enseignement.
Nous mettrons en oeuvre, dès l'an prochain, avec je l'espère votre soutien, les premières mesures.
C'est à la fois notre devoir et notre intérêt.
Nous sommes en effet constamment sollicités à titre de conseil par des pays qui souhaitent assurer un développement harmonieux de leur potentiel touristique.
Notre agence d'ingénierie, dont l'organisation sera optimisée l'an prochain, joue un rôle important dans la diffusion de notre savoir-faire et des bonnes pratiques. Notre comportement, tant sur notre territoire qu'à l'étranger, se doit donc d'être exemplaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les messages qu'il me paraissait importants de vous adresser dans le cadre de ces secondes Assises nationales du tourisme.
Notre pays a fait le pari, difficile et ambitieux, de promouvoir sur son territoire, un tourisme raisonné, authentique et équilibré dans sa répartition spatiale et temporelle.
Notre ambition est aussi de préserver un tissu économique riche, composé dans sa grande majorité de petites ou très petites entreprises, les plus aptes, nous le savons tous, à créer les nombreux emplois dont notre économie a besoin.
Pour gagner ce pari, il nous faudra redoubler d'imagination, de créativité, de professionnalisme mais aussi d'humilité et de solidarité.
Les efforts payent, les remises en cause sont souvent salutaires. L'exemple du tourisme ultra-marin est de ce point de vue, assez évocateur.
Le " coup de poing sur la table " du Groupe ACCOR sur les Antilles, à la suite duquel nous avons mis en oeuvre un plan de relance en décembre 2002, a été, je crois, nécessaire.
La Martinique et la Guadeloupe remontent la pente. Les touristes reviennent.
C'est sur cette note optimiste que je souhaite achever mon propos.
Après une année de disette en 2003, les perspectives pour 2004 et 2005 sont plutôt encourageantes, selon l'Organisation mondiale du Tourisme.
A moyen terme, les flux touristiques, nous le savons, devraient plus que doubler.
Il y a donc une opportunité de croissance que nous ne devons pas manquer si nous voulons demeurer encore, ces prochaines années, dans le palmarès des grandes destinations touristiques.
John GALBRAITH, économiste éminent, estimait que " la politique consiste à choisir entre le désastreux et le désagréable ". J'ai volontairement choisi le deuxième pour être sûr d'éviter le premier.
Je vous remercie.

(Source http://www.tourisme.gouv.fr)