Texte intégral
Vous vous souvenez des quatre chapitres principaux en discussion : le dialogue politique, qui était de la responsabilité de ce que l'on appelait le groupe central de discussion que préside en ce moment, le ministre portugais, Luis Amado ; le groupe II, que je co-présidais avec le ministre camerounais, a discuté des questions touchant à la stratégie du développement. Il avait terminé ses travaux dès le mois de décembre ce qui m'a permis de remplacer Luis Amado dans la présidence du groupe IV sur les finances, le groupe III traitant des questions commerciales.
S'agissant du premier point, le dialogue politique, la question de la bonne gouvernance et de la corruption peut être considérée comme la novation des accords que nous allons, je l'espère, conclure dans les délais prescrits.
Si la bonne gouvernance n'a pas été retenue comme élément, dit " essentiel ", au même titre que l'Etat de droit, les Droits de l'Homme, les Institutions démocratiques, il est convenu que la bonne gouvernance est un des éléments fondamentaux du dialogue politique et que la corruption pourrait, elle, donner lieu à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 366 bis susceptible de conduire à la suspension de la coopération.
Ceci aura fait l'objet de longues discussions, mais nous sommes arrivés à un accord et je crois que c'est un point positif dont il faut se féliciter. On peut d'ailleurs penser que ce dialogue engagé autour du thème de la corruption depuis bientôt deux ans, commence à produire ses effets, au moins au niveau des intentions affichées par les chefs d'Etat, mais aussi au travers d'un certain nombre de décisions déjà prises, de sanctions prononcées à l'encontre de tel ou tel responsable convaincu, précisément, de corruption.
Si je devais faire une incidente, le dossier corruption en Côte d'Ivoire à propos des financements européens en matière de santé aura été dans la dernière période une des illustrations de cette sensibilité.
L'autre point important, que le groupe central chargé du dialogue politique avait à traiter, c'était la mise en oeuvre du mandat donné par le Conseil européen de Tampere en ce qui concerne l'immigration et, notamment, la question de la réadmission des migrants en situation illégale par le pays d'origine. S'agissant du pays d'origine, il faut savoir que nous voulions que cette référence à l'origine vaille non seulement pour les nationaux du pays en question mais aussi pour les tiers qui utiliseraient ce pays pour sortir avant de venir, par exemple, en Europe. Cela vaut aussi pour les apatrides.
Ce point n'est pas encore tout à fait finalisé. Entre pays ACP, les discussions, d'après mes informations, continuent même si nous pensons que l'accord devrait intervenir - sachant que nous en aurons aujourd'hui défini le cadre -, en posant le principe de négociations bilatérales qui seraient à engager entre l'Union européenne et les pays concernés. Sachant que ces négociations bilatérales devront prendre en considération les situations particulières de ces différents pays. Vous imaginez aisément que certains sont plus sensibles que d'autres quand on parle de cela. Je pense, par exemple à ceux qui ont une place aéroportuaire importante et qui ont des lignes plus directes vers telles ou telles capitales européennes, cela va de soit.
L'argument des pays ACP étant de dire : vous nous demandez d'aller au-delà du droit international, de la norme internationale en ce qui concerne les tiers ou les apatrides.
Voilà pour le dialogue politique.
S'agissant de la stratégie du développement, nous en avions déjà parlé en décembre. Retenons simplement (et on peut classer cela parmi les novations de ces nouveaux Accords de Lomé), c'est la volonté d'avoir une approche intégrée du développement prenant en compte à la fois justement les aspects politiques, économiques et sociaux, intégrant surtout - et c'était important - la société civile, à la fois les entreprises mais aussi le monde associatif et les collectivités locales, considérés comme acteurs du développement.
S'agissant des accords commerciaux : le point évidemment essentiel c'était l'accès au marché européen pour les pays ACP. Certains dossiers ont été un peu plus longs que d'autres à boucler : le thon, le riz, la banane. L'important pour les pays ACP, mais pour nous aussi, était de préserver l'avantage comparatif des pays ACP par rapport aux autres pays en développement vis à vis de l'accès au marché européen.
Là encore on peut se féliciter que cet avantage, qui est un peu au cur de la Convention de Lomé, ait été préservé. C'est important.
La question commerciale c'était évidemment aussi - et nous en avions déjà parlé en décembre et on n'est pas revenu sur cette heureuse conclusion à nos yeux -, c'était la priorité reconnue aux Accords de Partenariats Economiques Régionaux par rapport à un système de préférence généralisé que d'aucun, il y a encore quelques mois, voulait encourager. Retenons là encore que c'est par le biais des ces APER, ce sigle auquel il va falloir s'habituer, que devrait s'organiser l'intégration progressive des pays ACP dans l'économie mondiale. Et c'est le cadre des APER qui va servir pour la discussion que nous devrons avoir avec l'OMC pour négocier les dérogations à la règle que représente cette relation commerciale privilégiée entre l'Europe et les pays ACP. La France avait, dès le début, soutenu cette manière de voir et nous avons réussi à faire prévaloir ce point de vue et nous en sommes satisfaits, convaincus que l'intégration régionale, qui va de ce fait être encouragée par ces APER, est à la fois facteur de développement mais aussi de sécurité.
S'agissant des questions financières : vous vous souvenez sans doute qu'en décembre, les Européens étaient tombés d'accord sur le 9ème FED après des discussions qui d'ailleurs avaient été très tendues, et grâce à l'acceptation par la France de continuer à participer à ce FED au niveau très exceptionnel qui avait été décidé au sommet de Cannes, mais qui avait été considéré, lors de ce sommet de Cannes, comme devant être modifié dans l'avenir. A Cannes on avait dit que la France, de manière exceptionnelle, acceptait de porter sa participation au FED à 24,3 %. C'était alors une condition qui apparaissait incontournable pour sauver le FED. Revenir sur ce pourcentage aurait signifié que d'autres, parmi nos partenaires, acceptent d'augmenter leur propre contribution, ceci n'a pas été possible. Leur solution était de dire qu'ils allaient faire une proposition à un niveau inférieur, ce qui en valeur absolue, signifierait quand même que la France réduise sa participation. Les pays ACP, évidemment, ne le souhaitaient pas. Nous avons, en décembre, conclu un niveau d'offre de 13,5 milliards d'euros auxquels s'ajoutent les reliquats des crédits des FED précédents non consommés qui s'élèvent à presque 10 milliards ce qui a permis de convaincre nos amis ACP d'accepter cette proposition. On a pu faire observer que, bien qu'étalé sur sept ans, puisque ce 9ème FED va concerner la période 2000/2007, ceci permet une consommation annuelle moyenne de presque 3,5 milliards à comparer avec une consommation moyenne annuelle sur la dernière période d'1,5 milliard. Autrement dit, c'est presque le doublement des efforts observés au cour de la dernière période.
En réalité, s'agissant de la discussion avec les ACP sur notre offre financière, la discussion a porté sur le montant global et c'est seulement ce matin, à l'issue d'une dernière réunion du groupe de travail que je co-présidais avec le ministre des Finances ougandais, que les ACP ont bien voulu reconnaître l'importance de cette offre et donc son caractère acceptable. Mais il y avait deux autres questions qui ont justifié quelques débats :
L'une concernait ce qu'on appelait le milliard flottant : il était convenu que sur les 13,5 milliards, un milliard serait réservé à un bilan qui serait fait en 2004. Nous avons convenu que cette disposition n'apparaîtrait plus dans le protocole financier mais dans une annexe, en clair dans une déclaration interne annexée au protocole où il sera fait référence à cette réserve.
L'autre question à laquelle la France était attentive aussi c'était la possibilité, toujours à la même période, de faire un bilan en 2004, non seulement pour apprécier les moyens nécessaires pour la période, mais aussi pour définir une date butoir au-delà de laquelle il ne serait plus possible de consommer les crédits. La date n'est pas arrêtée mais cette procédure apparaîtra aussi dans une déclaration interne. Donc, attendons-nous en 2004 à ce qu'un bilan soit fait sur les quatre premières années faisant apparaître le taux de consommation en quelque sorte, les moyens nécessaires, fixant la date limite de consommation des crédits et réfléchissant déjà sur les moyens qu'il faudra mettre en oeuvre pour poursuivre cette coopération financière. Ceci pour éviter que ce soit au dernier moment qu'on s'en préoccupe.
D'une manière générale, je vais en venir aux observations plus transversales : nous nous sommes donnés les moyens, et la Commission va devoir évidemment les concrétiser, pour faire en sorte que ce soit dans le cadre d'un dialogue continu, que la relation privilégiée Union européenne/ACP se développe. Il y aura non seulement ce bilan en 2004, mais il est convenu, de mettre en place des procédures de programmation qui associent de manière plus régulière la Commission, les Etats membres et les pays bénéficiaires dans le cadre d'évaluation bisannuelle des situations de chacun.
J'en viens à ma remarque plus générale : intervenant au lendemain de Seattle, cette renégociation de la Convention de Lomé courait le même risque, celui d'un échec dès lors que les pays en développement ont fait la preuve qu'ils n'étaient en aucune manière disposés à se laisser instrumentaliser et qu'ils ont montré leur capacité à dire non. Si, comme on peut l'espérer, notre négociation se conclu positivement, je pense qu'il faut y voir à la fois la preuve que la relation de confiance entretenue tout au long de ces années, entre l'Europe et les pays ACP, a été préservée. Nous avons ensemble capitalisé cette histoire. Mais je pense aussi que c'est parce que, tout au long de cette négociation, nous avons manifesté une volonté d'écoute et de rapprochement des points de vue, volonté qui exprime bien le partenariat qu'on essaie de faire vivre entre nous. C'est parce qu'il y a eu un dialogue très soutenu tout au long de cette négociation, que nous allons pouvoir, j'espère, dans quelques instants, nous féliciter de cette conclusion. C'est aussi une leçon plus globale. Il nous semblait important que nous puissions nous mettre d'accord avant la conférence de la CNUCED qui va se tenir à Bangkok dans quelques jours où la question plus mondiale de la relation au développement entre le Nord et Sud va être évoquée et il est important de faire la preuve que le dialogue peut être fécond et qu'on peut trouver des terrains d'entente, y compris, et c'est important de le rappeler, non seulement sur les plans financier et commercial, mais aussi sur le plan politique.
Q - Avez-vous arrêté une durée pour l'accord ?
R - Sur la durée : c'était un des points importants où, là encore, il aura fallu de part et d'autre un effort de rapprochement, puisque les positions étaient sensiblement éloignées. Nos amis ACP souhaitaient 30 ans. D'autres espéraient 10, à la limite 15, mais pas d'avantage. Donc nous étions là dans une situation un peu difficile. La France avait, voici déjà quelques mois, dit sa disposition à rechercher un accord autour de 20 ans. Et encore, je parle là sous contrôle de ceux qui comme moi et de plus près que moi encore, ont suivi cette question. Je crois que nous ne l'avons pas encore tout à fait résolue.
Normalement c'est bien ce délai que nous avions, en prenant quelques risques, un peu anticipé, lorsque nous en avions parlé la dernière fois, qui devrait se vérifier.
Cela veut dire que si les choses se déclinent comme nous l'avons envisagé, il faut considérer deux ans de ratification. Encore deux ans pour apprécier si les pays font le choix d'un APER ou s'ils considèrent que l'intégration régionale n'est pas appropriée. En 2004, cette évaluation est donc faite. De 2004 à 2008, négociations des APER. En 2004, on fait le choix d'un APER ou de l'exception, ce qui renvoie à ce moment au SPG. Et il reste 12 ans pour appliquer les règles du libre-échange. Donc cela fait bien 20 ans à partir de maintenant. Voilà le calendrier, le déroulement probable des différentes procédures. L'histoire nous a cependant enseigné qu'il peut y avoir quelques glissements. Voilà l'intention calendaire, si je puis dire.
Q - Le Conseil des ministres ACP a voté une résolution demandant que Cuba soit le nouvel Etat signataire du nouvel accord. Qu'en pensez-vous ? Et cette demande a-t-elle une chance d'avenir ?
R - La France était favorable à l'entrée de Cuba comme observateur. Nous en avions été en quelque sorte l'avocat à la Barbade. Il faut bien sûr que nous en discutions avec nos partenaires européens. Je pense que la France sera plutôt favorable à la volonté exprimée par les ACP que Cuba rejoigne les pays ACP. Il y a une raison de cohérence régionale à laquelle nous sommes très attentifs. La question des Droits de l'Homme, du dialogue politique, sera évidemment débattue. Sachant, et nous l'avons toujours dit, que les droits sociaux sont pour nous à comptabiliser parmi les Droits de l'Homme et que, de ce point de vue, Cuba peut s'honorer d'un bilan, qu'il s'agisse de l'accès à la santé ou à l'éducation, que beaucoup d'autres pays peuvent envier. Mais, je le répète, il faudra bien sûr que nous en discutions avec nos partenaires européens.
Q - Est-ce faisable que, d'ici la signature, l'Union se mette d'accord sur l'entrée éventuelle de Cuba ?
R - Je sais que c'est l'espoir des Cubains. Je crois que c'est aussi l'espoir des pays ACP. Je ne peux pas préjuger, mais il est vrai que, en faisant cette demande, c'est avec l'espoir qu'elle puisse être acceptée lors de la signature de la convention prévue désormais à Fidji, puisque le Togo a retiré sa candidature, et dont la date est prévue le 31 mai.
Q - S'agissant de la réadmission des illégaux, un compromis est-il possible ou est-ce un dossier tellement fermé après Tampere qu'il faudra que les ACP acceptent ce qu'on propose ?
R - La Communauté est ferme dans l'expression du principe pour la raison bien simple que c'est le mandat issu du Conseil européen de Tampere. Il reste à mettre en oeuvre ce principe, à le faire vivre au travers d'accords qui vont être négociés et qui devront tenir compte justement de ces situations particulières des différents Etats concernés.
Q - Cela veut-il dire que cela se situera dans un cadre bilatéral ?
R - Oui. C'est un accord cadre en quelque sorte qu'il va falloir réaliser dans le cadre de négociations bilatérales.
Q - Et sur Cuba, il y a déjà des Etats membres qui ont manifesté de fortes réticences ?
R - Notre agenda était chargé donc on en a pas parlé. Il n'y a pas eu débat entre nous./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2000)
S'agissant du premier point, le dialogue politique, la question de la bonne gouvernance et de la corruption peut être considérée comme la novation des accords que nous allons, je l'espère, conclure dans les délais prescrits.
Si la bonne gouvernance n'a pas été retenue comme élément, dit " essentiel ", au même titre que l'Etat de droit, les Droits de l'Homme, les Institutions démocratiques, il est convenu que la bonne gouvernance est un des éléments fondamentaux du dialogue politique et que la corruption pourrait, elle, donner lieu à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 366 bis susceptible de conduire à la suspension de la coopération.
Ceci aura fait l'objet de longues discussions, mais nous sommes arrivés à un accord et je crois que c'est un point positif dont il faut se féliciter. On peut d'ailleurs penser que ce dialogue engagé autour du thème de la corruption depuis bientôt deux ans, commence à produire ses effets, au moins au niveau des intentions affichées par les chefs d'Etat, mais aussi au travers d'un certain nombre de décisions déjà prises, de sanctions prononcées à l'encontre de tel ou tel responsable convaincu, précisément, de corruption.
Si je devais faire une incidente, le dossier corruption en Côte d'Ivoire à propos des financements européens en matière de santé aura été dans la dernière période une des illustrations de cette sensibilité.
L'autre point important, que le groupe central chargé du dialogue politique avait à traiter, c'était la mise en oeuvre du mandat donné par le Conseil européen de Tampere en ce qui concerne l'immigration et, notamment, la question de la réadmission des migrants en situation illégale par le pays d'origine. S'agissant du pays d'origine, il faut savoir que nous voulions que cette référence à l'origine vaille non seulement pour les nationaux du pays en question mais aussi pour les tiers qui utiliseraient ce pays pour sortir avant de venir, par exemple, en Europe. Cela vaut aussi pour les apatrides.
Ce point n'est pas encore tout à fait finalisé. Entre pays ACP, les discussions, d'après mes informations, continuent même si nous pensons que l'accord devrait intervenir - sachant que nous en aurons aujourd'hui défini le cadre -, en posant le principe de négociations bilatérales qui seraient à engager entre l'Union européenne et les pays concernés. Sachant que ces négociations bilatérales devront prendre en considération les situations particulières de ces différents pays. Vous imaginez aisément que certains sont plus sensibles que d'autres quand on parle de cela. Je pense, par exemple à ceux qui ont une place aéroportuaire importante et qui ont des lignes plus directes vers telles ou telles capitales européennes, cela va de soit.
L'argument des pays ACP étant de dire : vous nous demandez d'aller au-delà du droit international, de la norme internationale en ce qui concerne les tiers ou les apatrides.
Voilà pour le dialogue politique.
S'agissant de la stratégie du développement, nous en avions déjà parlé en décembre. Retenons simplement (et on peut classer cela parmi les novations de ces nouveaux Accords de Lomé), c'est la volonté d'avoir une approche intégrée du développement prenant en compte à la fois justement les aspects politiques, économiques et sociaux, intégrant surtout - et c'était important - la société civile, à la fois les entreprises mais aussi le monde associatif et les collectivités locales, considérés comme acteurs du développement.
S'agissant des accords commerciaux : le point évidemment essentiel c'était l'accès au marché européen pour les pays ACP. Certains dossiers ont été un peu plus longs que d'autres à boucler : le thon, le riz, la banane. L'important pour les pays ACP, mais pour nous aussi, était de préserver l'avantage comparatif des pays ACP par rapport aux autres pays en développement vis à vis de l'accès au marché européen.
Là encore on peut se féliciter que cet avantage, qui est un peu au cur de la Convention de Lomé, ait été préservé. C'est important.
La question commerciale c'était évidemment aussi - et nous en avions déjà parlé en décembre et on n'est pas revenu sur cette heureuse conclusion à nos yeux -, c'était la priorité reconnue aux Accords de Partenariats Economiques Régionaux par rapport à un système de préférence généralisé que d'aucun, il y a encore quelques mois, voulait encourager. Retenons là encore que c'est par le biais des ces APER, ce sigle auquel il va falloir s'habituer, que devrait s'organiser l'intégration progressive des pays ACP dans l'économie mondiale. Et c'est le cadre des APER qui va servir pour la discussion que nous devrons avoir avec l'OMC pour négocier les dérogations à la règle que représente cette relation commerciale privilégiée entre l'Europe et les pays ACP. La France avait, dès le début, soutenu cette manière de voir et nous avons réussi à faire prévaloir ce point de vue et nous en sommes satisfaits, convaincus que l'intégration régionale, qui va de ce fait être encouragée par ces APER, est à la fois facteur de développement mais aussi de sécurité.
S'agissant des questions financières : vous vous souvenez sans doute qu'en décembre, les Européens étaient tombés d'accord sur le 9ème FED après des discussions qui d'ailleurs avaient été très tendues, et grâce à l'acceptation par la France de continuer à participer à ce FED au niveau très exceptionnel qui avait été décidé au sommet de Cannes, mais qui avait été considéré, lors de ce sommet de Cannes, comme devant être modifié dans l'avenir. A Cannes on avait dit que la France, de manière exceptionnelle, acceptait de porter sa participation au FED à 24,3 %. C'était alors une condition qui apparaissait incontournable pour sauver le FED. Revenir sur ce pourcentage aurait signifié que d'autres, parmi nos partenaires, acceptent d'augmenter leur propre contribution, ceci n'a pas été possible. Leur solution était de dire qu'ils allaient faire une proposition à un niveau inférieur, ce qui en valeur absolue, signifierait quand même que la France réduise sa participation. Les pays ACP, évidemment, ne le souhaitaient pas. Nous avons, en décembre, conclu un niveau d'offre de 13,5 milliards d'euros auxquels s'ajoutent les reliquats des crédits des FED précédents non consommés qui s'élèvent à presque 10 milliards ce qui a permis de convaincre nos amis ACP d'accepter cette proposition. On a pu faire observer que, bien qu'étalé sur sept ans, puisque ce 9ème FED va concerner la période 2000/2007, ceci permet une consommation annuelle moyenne de presque 3,5 milliards à comparer avec une consommation moyenne annuelle sur la dernière période d'1,5 milliard. Autrement dit, c'est presque le doublement des efforts observés au cour de la dernière période.
En réalité, s'agissant de la discussion avec les ACP sur notre offre financière, la discussion a porté sur le montant global et c'est seulement ce matin, à l'issue d'une dernière réunion du groupe de travail que je co-présidais avec le ministre des Finances ougandais, que les ACP ont bien voulu reconnaître l'importance de cette offre et donc son caractère acceptable. Mais il y avait deux autres questions qui ont justifié quelques débats :
L'une concernait ce qu'on appelait le milliard flottant : il était convenu que sur les 13,5 milliards, un milliard serait réservé à un bilan qui serait fait en 2004. Nous avons convenu que cette disposition n'apparaîtrait plus dans le protocole financier mais dans une annexe, en clair dans une déclaration interne annexée au protocole où il sera fait référence à cette réserve.
L'autre question à laquelle la France était attentive aussi c'était la possibilité, toujours à la même période, de faire un bilan en 2004, non seulement pour apprécier les moyens nécessaires pour la période, mais aussi pour définir une date butoir au-delà de laquelle il ne serait plus possible de consommer les crédits. La date n'est pas arrêtée mais cette procédure apparaîtra aussi dans une déclaration interne. Donc, attendons-nous en 2004 à ce qu'un bilan soit fait sur les quatre premières années faisant apparaître le taux de consommation en quelque sorte, les moyens nécessaires, fixant la date limite de consommation des crédits et réfléchissant déjà sur les moyens qu'il faudra mettre en oeuvre pour poursuivre cette coopération financière. Ceci pour éviter que ce soit au dernier moment qu'on s'en préoccupe.
D'une manière générale, je vais en venir aux observations plus transversales : nous nous sommes donnés les moyens, et la Commission va devoir évidemment les concrétiser, pour faire en sorte que ce soit dans le cadre d'un dialogue continu, que la relation privilégiée Union européenne/ACP se développe. Il y aura non seulement ce bilan en 2004, mais il est convenu, de mettre en place des procédures de programmation qui associent de manière plus régulière la Commission, les Etats membres et les pays bénéficiaires dans le cadre d'évaluation bisannuelle des situations de chacun.
J'en viens à ma remarque plus générale : intervenant au lendemain de Seattle, cette renégociation de la Convention de Lomé courait le même risque, celui d'un échec dès lors que les pays en développement ont fait la preuve qu'ils n'étaient en aucune manière disposés à se laisser instrumentaliser et qu'ils ont montré leur capacité à dire non. Si, comme on peut l'espérer, notre négociation se conclu positivement, je pense qu'il faut y voir à la fois la preuve que la relation de confiance entretenue tout au long de ces années, entre l'Europe et les pays ACP, a été préservée. Nous avons ensemble capitalisé cette histoire. Mais je pense aussi que c'est parce que, tout au long de cette négociation, nous avons manifesté une volonté d'écoute et de rapprochement des points de vue, volonté qui exprime bien le partenariat qu'on essaie de faire vivre entre nous. C'est parce qu'il y a eu un dialogue très soutenu tout au long de cette négociation, que nous allons pouvoir, j'espère, dans quelques instants, nous féliciter de cette conclusion. C'est aussi une leçon plus globale. Il nous semblait important que nous puissions nous mettre d'accord avant la conférence de la CNUCED qui va se tenir à Bangkok dans quelques jours où la question plus mondiale de la relation au développement entre le Nord et Sud va être évoquée et il est important de faire la preuve que le dialogue peut être fécond et qu'on peut trouver des terrains d'entente, y compris, et c'est important de le rappeler, non seulement sur les plans financier et commercial, mais aussi sur le plan politique.
Q - Avez-vous arrêté une durée pour l'accord ?
R - Sur la durée : c'était un des points importants où, là encore, il aura fallu de part et d'autre un effort de rapprochement, puisque les positions étaient sensiblement éloignées. Nos amis ACP souhaitaient 30 ans. D'autres espéraient 10, à la limite 15, mais pas d'avantage. Donc nous étions là dans une situation un peu difficile. La France avait, voici déjà quelques mois, dit sa disposition à rechercher un accord autour de 20 ans. Et encore, je parle là sous contrôle de ceux qui comme moi et de plus près que moi encore, ont suivi cette question. Je crois que nous ne l'avons pas encore tout à fait résolue.
Normalement c'est bien ce délai que nous avions, en prenant quelques risques, un peu anticipé, lorsque nous en avions parlé la dernière fois, qui devrait se vérifier.
Cela veut dire que si les choses se déclinent comme nous l'avons envisagé, il faut considérer deux ans de ratification. Encore deux ans pour apprécier si les pays font le choix d'un APER ou s'ils considèrent que l'intégration régionale n'est pas appropriée. En 2004, cette évaluation est donc faite. De 2004 à 2008, négociations des APER. En 2004, on fait le choix d'un APER ou de l'exception, ce qui renvoie à ce moment au SPG. Et il reste 12 ans pour appliquer les règles du libre-échange. Donc cela fait bien 20 ans à partir de maintenant. Voilà le calendrier, le déroulement probable des différentes procédures. L'histoire nous a cependant enseigné qu'il peut y avoir quelques glissements. Voilà l'intention calendaire, si je puis dire.
Q - Le Conseil des ministres ACP a voté une résolution demandant que Cuba soit le nouvel Etat signataire du nouvel accord. Qu'en pensez-vous ? Et cette demande a-t-elle une chance d'avenir ?
R - La France était favorable à l'entrée de Cuba comme observateur. Nous en avions été en quelque sorte l'avocat à la Barbade. Il faut bien sûr que nous en discutions avec nos partenaires européens. Je pense que la France sera plutôt favorable à la volonté exprimée par les ACP que Cuba rejoigne les pays ACP. Il y a une raison de cohérence régionale à laquelle nous sommes très attentifs. La question des Droits de l'Homme, du dialogue politique, sera évidemment débattue. Sachant, et nous l'avons toujours dit, que les droits sociaux sont pour nous à comptabiliser parmi les Droits de l'Homme et que, de ce point de vue, Cuba peut s'honorer d'un bilan, qu'il s'agisse de l'accès à la santé ou à l'éducation, que beaucoup d'autres pays peuvent envier. Mais, je le répète, il faudra bien sûr que nous en discutions avec nos partenaires européens.
Q - Est-ce faisable que, d'ici la signature, l'Union se mette d'accord sur l'entrée éventuelle de Cuba ?
R - Je sais que c'est l'espoir des Cubains. Je crois que c'est aussi l'espoir des pays ACP. Je ne peux pas préjuger, mais il est vrai que, en faisant cette demande, c'est avec l'espoir qu'elle puisse être acceptée lors de la signature de la convention prévue désormais à Fidji, puisque le Togo a retiré sa candidature, et dont la date est prévue le 31 mai.
Q - S'agissant de la réadmission des illégaux, un compromis est-il possible ou est-ce un dossier tellement fermé après Tampere qu'il faudra que les ACP acceptent ce qu'on propose ?
R - La Communauté est ferme dans l'expression du principe pour la raison bien simple que c'est le mandat issu du Conseil européen de Tampere. Il reste à mettre en oeuvre ce principe, à le faire vivre au travers d'accords qui vont être négociés et qui devront tenir compte justement de ces situations particulières des différents Etats concernés.
Q - Cela veut-il dire que cela se situera dans un cadre bilatéral ?
R - Oui. C'est un accord cadre en quelque sorte qu'il va falloir réaliser dans le cadre de négociations bilatérales.
Q - Et sur Cuba, il y a déjà des Etats membres qui ont manifesté de fortes réticences ?
R - Notre agenda était chargé donc on en a pas parlé. Il n'y a pas eu débat entre nous./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2000)