Texte intégral
7 janvier 2005
La catastrophe naturelle révélatrice de la démence sociale
Par le nombre des victimes et par l'ampleur des dégâts, le raz de marée en Asie du Sud-Est est l'une des plus graves catastrophes naturelles qui aient frappé la planète.
Contrairement à tant de catastrophes qui n'ont attiré l'attention des médias qu'un jour ou deux, cette fois-ci, les informations se succèdent. La rivalité entre les tour-opérateurs pour vendre du soleil et des palmiers en plein hiver avec de très bonnes marges bénéficiaires a fait que, parmi les 150 000 victimes dénombrées jusqu'ici, plusieurs milliers viennent de pays européens.
L'ampleur de la catastrophe naturelle exigerait de la part de la collectivité humaine une réaction en conséquence. À en juger par les titres de la presse qui parlent de "mobilisation mondiale" et font état de "dons qui affluent de partout", ce serait le cas. Mais, au fil des témoignages qui parviennent des zones sinistrées, se révèle le caractère dérisoire de l'aide en face de l'ampleur de la catastrophe, mais aussi du fait de la pauvreté des régions touchées. Faute de routes, de moyens de communication, une partie des zones sinistrées, éloignée des paradis artificiels pour touristes, échappe même à tout recensement des victimes et des besoins. On entrevoit seulement qu'aux victimes directes du raz de marée risquent de s'ajouter dans les jours ou les semaines qui viennent d'autres qui mourront de soif, de faim ou d'absence de soins.
Il n'est certes pas facile de pallier, dans l'urgence, tout ce qui résulte du sous-développement, de l'absence d'hôpitaux, d'infrastructures et même simplement d'eau potable. La population pauvre des régions touchées en est victime en permanence, mais la catastrophe naturelle, en l'amplifiant, le révèle pour tous.
Les grandes puissances auraient les moyens d'y faire face. Seulement voilà: la générosité des populations masque la défaillance des États.
La principale puissance du monde, les États-Unis, a mis une semaine avant de réagir et d'envoyer quelques hélicoptères jeter depuis les airs quelques vivres dans les régions non desservies par des routes carrossables. Dix jours après la catastrophe, le montant total des aides promises -seulement promises!- par l'ensemble des États est de moins de 2 milliards de dollars. Les États-Unis ont déjà dépensé 225 milliards de dollars dans la guerre contre l'Irak!
L'invasion éclair de l'Irak a montré les moyens techniques extraordinaires que les grandes puissances étaient capables de déployer. Comparons donc les moyens fantastiques déployés pour tuer avec ce qui est mis en oeuvre pour sauver des vies humaines. Rien que dans ces chiffres se révèle toute la pourriture de l'organisation sociale actuelle. Elle se révèle encore dans le fait que même cette aide dérisoire est apportée sans coordination, en laissant des associations non gouvernementales se débrouiller comme elles peuvent. Certes, le chaos sur le terrain est en partie dû à l'incapacité des États locaux, dictatoriaux et corrompus, à faire face à ce type de problème. Mais il est dû plus encore à la rivalité entre gouvernements, plus soucieux de se faire valoir pour tirer un bénéfice politique que de venir en aide aux populations.
Il n'est pas nécessaire d'être communiste pour constater que l'humanité n'est capable de faire face aux grandes catastrophes humanitaires qu'en unissant ses forces, qu'en mettant tous les moyens disponibles à aider ceux que le malheur a frappés. Mais tous ceux, dirigeants d'États, politiciens, qui en font le constat n'évoquent que des solutions dérisoires, du genre "Samu international". Et même cela, ils ne font qu'en parler le temps que l'attention du public est attirée par la catastrophe. Et on peut parier que cela fera partie des choses promises et... oubliées par la suite.
Sur les quelque 5 millions de personnes privées d'abri, privées pour beaucoup même d'eau potable et de nourriture, combien mourront dans les jours, dans les semaines qui viennent? Elles mourront assassinées par un ordre social qui se révèle plus meurtrier encore que la nature au pire de ses déchaînements.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 7 janvier 2005)
14 janvier 2005
Des journées d'action à réussir et à poursuivre en les unifiant et en les généralisant
Différentes fédérations syndicales de La Poste appellent à une journée d'action le 18 janvier "contre la loi de dérégulation postale". Le 19, les cheminots sont appelés à faire grève contre le budget 2005 de la SNCF et les suppressions d'emplois qu'il prévoit. Le 20 janvier sera une journée de protestation contre les propositions salariales dans la Fonction publique.
C'est seulement en ce qui concerne les mauvais coups que prépare le gouvernement, sous prétexte "d'assouplir" encore plus les 35 heures que l'ensemble des confédérations syndicales, en dehors de la CGC, se sont mises d'accord pour appeler les travailleurs à une action commune pour le 5 février. Elle se donnera aussi pour objectif la défense de l'emploi et du pouvoir d'achat. C'est un samedi et ce sera essentiellement une journée de manifestations.
Quiconque se réjouit que des journées d'action soient proposées face aux attaques subies par les travailleurs est amené à se demander pourquoi cet éparpillement? Bien sûr, être appelés tous le même jour ne ferait pas encore le succès d'une journée de protestation. Pour que tous retrouvent confiance dans la lutte, il faudra d'autres initiatives qui ne peuvent pas être remplacées par un claquement de doigts. Pourtant unifier les journées de protestation programmées les 18, 19 et 20 janvier aurait été affirmer haut et fort que c'est vers un "tous ensemble" qu'il faut aller.
Mais les arrière-pensées des directions syndicales sont une chose, l'intérêt des travailleurs en est une autre. Et leur intérêt, c'est que ces journées d'action soient un succès; que là où il y a un appel à la grève, il soit suivi le plus massivement possible; et que les manifestations entraînent le maximum de travailleurs.
C'est l'intérêt de ceux du secteur public concernés par les appels. Aussi bien La Poste, la SNCF, que la Fonction publique sont frappées par des suppressions d'emplois, par endroit massives. C'est catastrophique pour ceux, contractuels ou CDD, qui sont jetés dehors ou pour d'autres découragés par des mutations, et se traduit par une dégradation des conditions de travail de ceux qui restent.
Mais, au-delà des secteurs publics concernés, tous les travailleurs ont intérêt à ce que ces journées soient un succès et constituent un encouragement pour l'ensemble des travailleurs à entrer dans la lutte.
Car nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons arrêter les attaques incessantes et du patronat et du gouvernement.
Les suppressions d'emplois concernent absolument tous les travailleurs, du public comme du privé. Le nombre des emplois précaires s'accroît partout, avec des salaires tels que, même sans tomber dans le chômage, de plus en plus de familles de travailleurs tombent dans la pauvreté. Même ceux qui ont un emploi stable ressentent la dégradation de leur pouvoir d'achat. Les salaires stagnent, alors que s'accroissent sans cesse les prélèvements de toutes sortes, des impôts locaux à la CSG, du forfait hospitalier à la consultation chez le médecin.
Nous ne pouvons pas laisser les choses s'aggraver encore. Le gouvernement montre par ces gestes qu'il est entièrement au service des possédants. Chacune de ses mesures favorise le grand patronat et les riches, quitte à fouler aux pieds les besoins les plus élémentaires des travailleurs et des classes populaires.
Bien sûr, même réussies les journées d'action de janvier, comme les manifestations du 5 février, ne suffiront pas à les faire reculer. Mais cela redonnerait à ceux qui y participeront le désir de continuer et à d'autres l'envie de les rejoindre. Cela ferait pression aussi sur les directions syndicales pour qu'elles ne laissent pas ces journées d'action sans lendemain.
Imposer des objectifs communs aussi essentiels que l'arrêt des suppressions d'emplois et des licenciements et une augmentation générale des salaires devient une question vitale pour l'ensemble des salariés de ce pays. Quelles que soient les étapes pour y parvenir, la lutte d'ensemble est nécessaire. Cette nécessité finira par s'imposer!
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 janvier 2005)
21 janvier 2005
Il dépend de nous tous de faire reculer le gouvernement et le patronat
Bien que ce ne soit qu'un sondage, une enquête, réalisée à la veille des journées d'action de ces jours derniers auxquelles ont appelé les syndicats de la Fonction publique, est suffisamment nette pour être significative: 75% des personnes interrogées se disent prêtes à protester sur la question des salaires. Et, au gouvernement qui voudrait opposer les salariés du privé et ceux du secteur public, 76% des ouvriers, 65% des employés répondent qu'ils soutiennent les travailleurs du secteur public.
C'est que toutes les déclarations des Chirac sur la "fracture sociale", des Raffarin sur la "France d'en bas", des Borloo sur la "cohésion sociale", ne peuvent masquer le fait que chacun des actes, chacune des déclarations du gouvernement et du patronat, est une attaque contre le monde du travail.
Il n'est pas nécessaire de compter sur ses doigts pour voir que notre niveau de vie continue de se dégrader, que les misérables augmentations de salaires qui nous ont été accordées sont bien loin de suffire à compenser la hausse des impôts locaux, la dégradation des remboursements de la Sécurité sociale, l'augmentation de la CSG et des cotisations aux mutuelles, sans compter la hausse du coût de la vie.
En revanche, le gouvernement n'est pas avare de cadeaux pour le patronat. Chirac s'est ainsi engagé à ce que d'ici trois ans les entreprises ne paient plus de charges sociales sur les salaires du niveau du Smic. Et, après cela, le même nous demandera de nouveaux sacrifices pour combler le nouveau "trou" de la Sécurité sociale!
À l'heure où cet éditorial est écrit, on sait déjà que la grève des cheminots est très importante. On sait aussi que 20% à 25% des postiers ont fait grève la veille. 20% à 25% c'est au moins 60000 grévistes. Les informations que nous pouvons avoir semblent montrer que la grève sera importante parmi les enseignants.
On peut certes regretter que les confédérations syndicales, pour des motifs qui n'ont rien à voir avec les intérêts des salariés, aient choisi d'émietter cette mobilisation sur trois journées et de ne pas y appeler les travailleurs du privé. Et cela avec des revendications différentes selon les uns et les autres, alors que pour l'essentiel, c'est-à-dire les salaires et le pouvoir d'achat, les suppressions de postes qui privent d'emploi des milliers de travailleurs alors qu'elles augmentent de manière insupportable la charge de travail des autres, tous les travailleurs, quelle que soit la branche dans laquelle ils travaillent, ont les mêmes problèmes et les mêmes revendications.
Ces journées ont au moins montré que le mécontentement était important et comment ne le serait-il pas, vu toutes les attaques que nous subissons!
Évidemment, trois journées de lutte, même importantes, ne suffiront pas à faire reculer le gouvernement et l'arrogance du patronat qui ne peut qu'injurier les grévistes de la Fonction publique. Quoi qu'il en soit, ces journées ne devront pas rester sans lendemain. Elles doivent être une répétition générale pour préparer la riposte qui s'impose de la part de tous les salariés face à l'arrogance des hommes du grand patronat et du gouvernement.
Bien sûr, nous ne pouvons guère compter sur les organisations syndicales pour organiser cette riposte qui est non seulement nécessaire mais qui est possible. C'est pourquoi nous devons faire taire nos hésitations s'il y en a, et ne pas craindre de prendre à partie ces organisations syndicales qui divisent les mouvements plutôt que de les organiser. Nous ne devons pas nous plaindre de leur attitude, nous devons les contraindre à en changer. Bien sûr, il peut paraître difficile de contraindre ceux qui devraient être nos alliés, puis de combattre ceux qui sont nos adversaires.
Mais il faut savoir que si nous baissons les bras, si nous ne faisons rien, les coups que nous recevrons seront de plus en plus nombreux et de plus en plus durs.
Si nous ne réagissons pas, quoi qu'il nous en coûte, nos adversaires ne s'arrêteront pas. Ils s'attaqueront par tous les côtés à notre niveau de vie. Les licenciements ne s'arrêteront pas et les indemnités de chômage baisseront encore. Nous aurons de moins en moins droit aux soins. Les conditions de travail, pour ceux qui ont un emploi, deviendront d'autant plus difficiles que les licenciements feront qu'il faudra faire le même travail, sinon plus, en étant moins nombreux et cela aussi bien dans la Fonction publique que dans le privé.
Toutes les attaques contre les services publics, les hôpitaux, l'Éducation nationale, la Sécurité sociale, sont des attaques contre l'ensemble des travailleurs.
C'est pourquoi il faut contraindre les organisations syndicales. C'est d'ailleurs la meilleure façon d'aider ceux qui sont réellement de notre côté. Il faut les pousser à agir, il faut que nous-mêmes, tous, nous soyons prêts à le faire.
La pire des choses serait de nous résigner.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 janvier 2005)
28 janvier 2005
Le "devoir de mémoire", c'est se souvenir de tout !
Le soixantième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz a donné lieu à une multitude d'émissions de télévision, d'articles de journaux, au nom du "devoir de mémoire", pour éviter, nous dit-on, que de tels faits puissent se reproduire. Et c'est vrai qu'il faut se souvenir, mais pas seulement de l'abominable existence des camps de concentration, de la barbarie nazie, mais aussi des raisons qui ont permis cela.
En guise d'explication, on nous dit qu'Hitler était plus ou moins fou, que les dirigeants nazis étaient des sadiques. Mais quasiment aucun de ceux qui commentent aujourd'hui ces événements ne nous explique comment et pourquoi ce fou et ces sadiques ont pu se retrouver au pouvoir dans un des pays les plus civilisés du monde.
La vérité est que, bien avant l'arrivée de Hitler au pouvoir, les milices nazies ont bénéficié d'aides financières considérables de la part du grand patronat allemand, des Krupp et des Thyssen, qui y voyaient un instrument capable de s'opposer à la classe ouvrière allemande. Ces milices avaient recruté des milliers de petits commerçants enragés, car ruinés par la crise économique qui avait éclaté en 1929, mais aussi recruté dans les bas-fonds de la société. Le patronat n'a jamais été très exigeant sur la moralité de ses hommes de main!
La vérité, c'est aussi qu'Hitler est arrivé le plus légalement du monde au pouvoir. Non pas parce que les Allemands avaient majoritairement voté pour lui (le parti nazi n'a jamais eu la majorité absolue dans des élections libres), mais parce que le président de la République allemande, le maréchal Hindenburg, l'a nommé chef du gouvernement, et que tous les partis de droite lui ont apporté leur soutien, pour mener une politique qui visait à briser les puissantes organisations de la classe ouvrière allemande.
C'est dès le lendemain de cette arrivée au pouvoir, en 1933, que les nazis ouvrirent les premiers camps de concentration, pour -comme l'a fait Pinochet au Chili- y enfermer par milliers des militants ouvriers, communistes, socialistes, syndicalistes, tous ceux qui s'opposaient à eux, promis pour beaucoup à la mort par les coups ou l'épuisement. Et pour faire fonctionner ces camps de concentration on créa des unités de SS spécialisées, dans lesquelles se retrouvèrent évidemment tous les désaxés et les sadiques, ravis de pouvoir y assouvir leurs fantasmes.
Mais tout cela n'émouvait pas, à l'époque, les futurs Alliés. Quinze ans après la crise révolutionnaire qui avait secoué l'Europe et abouti à la naissance de l'URSS, ils ne voyaient pas d'un mauvais oeil l'instauration d'un régime qui avait brisé les organisations de la classe ouvrière allemande. Hitler était alors pour eux tout à fait respectable. Ils n'ont pas bougé pour l'abattre dès le début. Quand celui-ci commença à donner à l'armée allemande les moyens de remettre en cause le nouveau partage du monde que la France et l'Angleterre avaient imposé après la Première Guerre mondiale à l'Allemagne vaincue, les futurs Alliés ne s'y opposèrent même pas, le laissant dépecer en 1938-39 la Tchécoslovaquie sans intervenir.
Ce ne fut que lorsque l'invasion de la Pologne montra que l'expansionnisme nazi était sans limite, qu'ils se découvrirent antihitlériens. Mais ils portent eux aussi leur part de responsabilité dans la naissance de ce régime, dont le massacre de plusieurs millions de Juifs fut le principal et le plus horrible crime, quoique pas le seul.
C'est de cela aussi qu'il faut se souvenir, du fait que les classes possédantes sont prêtes à utiliser les pires tortionnaires pour défendre leurs privilèges. Et si le régime nazi s'est effondré en 1945, les Pinochet, les généraux argentins... les Aussaresses et les sinistres méthodes de l'armée des USA en Irak doivent nous rappeler que la barbarie n'appartient pas qu'à un passé révolu et qu'elle peut se parer d'autres signes que la croix gammée.
Cette barbarie, c'est le fruit du système capitaliste. Et le risque de la voir resurgir ne disparaîtra qu'avec celui-ci.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 28 janvier 2005)
La catastrophe naturelle révélatrice de la démence sociale
Par le nombre des victimes et par l'ampleur des dégâts, le raz de marée en Asie du Sud-Est est l'une des plus graves catastrophes naturelles qui aient frappé la planète.
Contrairement à tant de catastrophes qui n'ont attiré l'attention des médias qu'un jour ou deux, cette fois-ci, les informations se succèdent. La rivalité entre les tour-opérateurs pour vendre du soleil et des palmiers en plein hiver avec de très bonnes marges bénéficiaires a fait que, parmi les 150 000 victimes dénombrées jusqu'ici, plusieurs milliers viennent de pays européens.
L'ampleur de la catastrophe naturelle exigerait de la part de la collectivité humaine une réaction en conséquence. À en juger par les titres de la presse qui parlent de "mobilisation mondiale" et font état de "dons qui affluent de partout", ce serait le cas. Mais, au fil des témoignages qui parviennent des zones sinistrées, se révèle le caractère dérisoire de l'aide en face de l'ampleur de la catastrophe, mais aussi du fait de la pauvreté des régions touchées. Faute de routes, de moyens de communication, une partie des zones sinistrées, éloignée des paradis artificiels pour touristes, échappe même à tout recensement des victimes et des besoins. On entrevoit seulement qu'aux victimes directes du raz de marée risquent de s'ajouter dans les jours ou les semaines qui viennent d'autres qui mourront de soif, de faim ou d'absence de soins.
Il n'est certes pas facile de pallier, dans l'urgence, tout ce qui résulte du sous-développement, de l'absence d'hôpitaux, d'infrastructures et même simplement d'eau potable. La population pauvre des régions touchées en est victime en permanence, mais la catastrophe naturelle, en l'amplifiant, le révèle pour tous.
Les grandes puissances auraient les moyens d'y faire face. Seulement voilà: la générosité des populations masque la défaillance des États.
La principale puissance du monde, les États-Unis, a mis une semaine avant de réagir et d'envoyer quelques hélicoptères jeter depuis les airs quelques vivres dans les régions non desservies par des routes carrossables. Dix jours après la catastrophe, le montant total des aides promises -seulement promises!- par l'ensemble des États est de moins de 2 milliards de dollars. Les États-Unis ont déjà dépensé 225 milliards de dollars dans la guerre contre l'Irak!
L'invasion éclair de l'Irak a montré les moyens techniques extraordinaires que les grandes puissances étaient capables de déployer. Comparons donc les moyens fantastiques déployés pour tuer avec ce qui est mis en oeuvre pour sauver des vies humaines. Rien que dans ces chiffres se révèle toute la pourriture de l'organisation sociale actuelle. Elle se révèle encore dans le fait que même cette aide dérisoire est apportée sans coordination, en laissant des associations non gouvernementales se débrouiller comme elles peuvent. Certes, le chaos sur le terrain est en partie dû à l'incapacité des États locaux, dictatoriaux et corrompus, à faire face à ce type de problème. Mais il est dû plus encore à la rivalité entre gouvernements, plus soucieux de se faire valoir pour tirer un bénéfice politique que de venir en aide aux populations.
Il n'est pas nécessaire d'être communiste pour constater que l'humanité n'est capable de faire face aux grandes catastrophes humanitaires qu'en unissant ses forces, qu'en mettant tous les moyens disponibles à aider ceux que le malheur a frappés. Mais tous ceux, dirigeants d'États, politiciens, qui en font le constat n'évoquent que des solutions dérisoires, du genre "Samu international". Et même cela, ils ne font qu'en parler le temps que l'attention du public est attirée par la catastrophe. Et on peut parier que cela fera partie des choses promises et... oubliées par la suite.
Sur les quelque 5 millions de personnes privées d'abri, privées pour beaucoup même d'eau potable et de nourriture, combien mourront dans les jours, dans les semaines qui viennent? Elles mourront assassinées par un ordre social qui se révèle plus meurtrier encore que la nature au pire de ses déchaînements.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 7 janvier 2005)
14 janvier 2005
Des journées d'action à réussir et à poursuivre en les unifiant et en les généralisant
Différentes fédérations syndicales de La Poste appellent à une journée d'action le 18 janvier "contre la loi de dérégulation postale". Le 19, les cheminots sont appelés à faire grève contre le budget 2005 de la SNCF et les suppressions d'emplois qu'il prévoit. Le 20 janvier sera une journée de protestation contre les propositions salariales dans la Fonction publique.
C'est seulement en ce qui concerne les mauvais coups que prépare le gouvernement, sous prétexte "d'assouplir" encore plus les 35 heures que l'ensemble des confédérations syndicales, en dehors de la CGC, se sont mises d'accord pour appeler les travailleurs à une action commune pour le 5 février. Elle se donnera aussi pour objectif la défense de l'emploi et du pouvoir d'achat. C'est un samedi et ce sera essentiellement une journée de manifestations.
Quiconque se réjouit que des journées d'action soient proposées face aux attaques subies par les travailleurs est amené à se demander pourquoi cet éparpillement? Bien sûr, être appelés tous le même jour ne ferait pas encore le succès d'une journée de protestation. Pour que tous retrouvent confiance dans la lutte, il faudra d'autres initiatives qui ne peuvent pas être remplacées par un claquement de doigts. Pourtant unifier les journées de protestation programmées les 18, 19 et 20 janvier aurait été affirmer haut et fort que c'est vers un "tous ensemble" qu'il faut aller.
Mais les arrière-pensées des directions syndicales sont une chose, l'intérêt des travailleurs en est une autre. Et leur intérêt, c'est que ces journées d'action soient un succès; que là où il y a un appel à la grève, il soit suivi le plus massivement possible; et que les manifestations entraînent le maximum de travailleurs.
C'est l'intérêt de ceux du secteur public concernés par les appels. Aussi bien La Poste, la SNCF, que la Fonction publique sont frappées par des suppressions d'emplois, par endroit massives. C'est catastrophique pour ceux, contractuels ou CDD, qui sont jetés dehors ou pour d'autres découragés par des mutations, et se traduit par une dégradation des conditions de travail de ceux qui restent.
Mais, au-delà des secteurs publics concernés, tous les travailleurs ont intérêt à ce que ces journées soient un succès et constituent un encouragement pour l'ensemble des travailleurs à entrer dans la lutte.
Car nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons arrêter les attaques incessantes et du patronat et du gouvernement.
Les suppressions d'emplois concernent absolument tous les travailleurs, du public comme du privé. Le nombre des emplois précaires s'accroît partout, avec des salaires tels que, même sans tomber dans le chômage, de plus en plus de familles de travailleurs tombent dans la pauvreté. Même ceux qui ont un emploi stable ressentent la dégradation de leur pouvoir d'achat. Les salaires stagnent, alors que s'accroissent sans cesse les prélèvements de toutes sortes, des impôts locaux à la CSG, du forfait hospitalier à la consultation chez le médecin.
Nous ne pouvons pas laisser les choses s'aggraver encore. Le gouvernement montre par ces gestes qu'il est entièrement au service des possédants. Chacune de ses mesures favorise le grand patronat et les riches, quitte à fouler aux pieds les besoins les plus élémentaires des travailleurs et des classes populaires.
Bien sûr, même réussies les journées d'action de janvier, comme les manifestations du 5 février, ne suffiront pas à les faire reculer. Mais cela redonnerait à ceux qui y participeront le désir de continuer et à d'autres l'envie de les rejoindre. Cela ferait pression aussi sur les directions syndicales pour qu'elles ne laissent pas ces journées d'action sans lendemain.
Imposer des objectifs communs aussi essentiels que l'arrêt des suppressions d'emplois et des licenciements et une augmentation générale des salaires devient une question vitale pour l'ensemble des salariés de ce pays. Quelles que soient les étapes pour y parvenir, la lutte d'ensemble est nécessaire. Cette nécessité finira par s'imposer!
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 janvier 2005)
21 janvier 2005
Il dépend de nous tous de faire reculer le gouvernement et le patronat
Bien que ce ne soit qu'un sondage, une enquête, réalisée à la veille des journées d'action de ces jours derniers auxquelles ont appelé les syndicats de la Fonction publique, est suffisamment nette pour être significative: 75% des personnes interrogées se disent prêtes à protester sur la question des salaires. Et, au gouvernement qui voudrait opposer les salariés du privé et ceux du secteur public, 76% des ouvriers, 65% des employés répondent qu'ils soutiennent les travailleurs du secteur public.
C'est que toutes les déclarations des Chirac sur la "fracture sociale", des Raffarin sur la "France d'en bas", des Borloo sur la "cohésion sociale", ne peuvent masquer le fait que chacun des actes, chacune des déclarations du gouvernement et du patronat, est une attaque contre le monde du travail.
Il n'est pas nécessaire de compter sur ses doigts pour voir que notre niveau de vie continue de se dégrader, que les misérables augmentations de salaires qui nous ont été accordées sont bien loin de suffire à compenser la hausse des impôts locaux, la dégradation des remboursements de la Sécurité sociale, l'augmentation de la CSG et des cotisations aux mutuelles, sans compter la hausse du coût de la vie.
En revanche, le gouvernement n'est pas avare de cadeaux pour le patronat. Chirac s'est ainsi engagé à ce que d'ici trois ans les entreprises ne paient plus de charges sociales sur les salaires du niveau du Smic. Et, après cela, le même nous demandera de nouveaux sacrifices pour combler le nouveau "trou" de la Sécurité sociale!
À l'heure où cet éditorial est écrit, on sait déjà que la grève des cheminots est très importante. On sait aussi que 20% à 25% des postiers ont fait grève la veille. 20% à 25% c'est au moins 60000 grévistes. Les informations que nous pouvons avoir semblent montrer que la grève sera importante parmi les enseignants.
On peut certes regretter que les confédérations syndicales, pour des motifs qui n'ont rien à voir avec les intérêts des salariés, aient choisi d'émietter cette mobilisation sur trois journées et de ne pas y appeler les travailleurs du privé. Et cela avec des revendications différentes selon les uns et les autres, alors que pour l'essentiel, c'est-à-dire les salaires et le pouvoir d'achat, les suppressions de postes qui privent d'emploi des milliers de travailleurs alors qu'elles augmentent de manière insupportable la charge de travail des autres, tous les travailleurs, quelle que soit la branche dans laquelle ils travaillent, ont les mêmes problèmes et les mêmes revendications.
Ces journées ont au moins montré que le mécontentement était important et comment ne le serait-il pas, vu toutes les attaques que nous subissons!
Évidemment, trois journées de lutte, même importantes, ne suffiront pas à faire reculer le gouvernement et l'arrogance du patronat qui ne peut qu'injurier les grévistes de la Fonction publique. Quoi qu'il en soit, ces journées ne devront pas rester sans lendemain. Elles doivent être une répétition générale pour préparer la riposte qui s'impose de la part de tous les salariés face à l'arrogance des hommes du grand patronat et du gouvernement.
Bien sûr, nous ne pouvons guère compter sur les organisations syndicales pour organiser cette riposte qui est non seulement nécessaire mais qui est possible. C'est pourquoi nous devons faire taire nos hésitations s'il y en a, et ne pas craindre de prendre à partie ces organisations syndicales qui divisent les mouvements plutôt que de les organiser. Nous ne devons pas nous plaindre de leur attitude, nous devons les contraindre à en changer. Bien sûr, il peut paraître difficile de contraindre ceux qui devraient être nos alliés, puis de combattre ceux qui sont nos adversaires.
Mais il faut savoir que si nous baissons les bras, si nous ne faisons rien, les coups que nous recevrons seront de plus en plus nombreux et de plus en plus durs.
Si nous ne réagissons pas, quoi qu'il nous en coûte, nos adversaires ne s'arrêteront pas. Ils s'attaqueront par tous les côtés à notre niveau de vie. Les licenciements ne s'arrêteront pas et les indemnités de chômage baisseront encore. Nous aurons de moins en moins droit aux soins. Les conditions de travail, pour ceux qui ont un emploi, deviendront d'autant plus difficiles que les licenciements feront qu'il faudra faire le même travail, sinon plus, en étant moins nombreux et cela aussi bien dans la Fonction publique que dans le privé.
Toutes les attaques contre les services publics, les hôpitaux, l'Éducation nationale, la Sécurité sociale, sont des attaques contre l'ensemble des travailleurs.
C'est pourquoi il faut contraindre les organisations syndicales. C'est d'ailleurs la meilleure façon d'aider ceux qui sont réellement de notre côté. Il faut les pousser à agir, il faut que nous-mêmes, tous, nous soyons prêts à le faire.
La pire des choses serait de nous résigner.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 janvier 2005)
28 janvier 2005
Le "devoir de mémoire", c'est se souvenir de tout !
Le soixantième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz a donné lieu à une multitude d'émissions de télévision, d'articles de journaux, au nom du "devoir de mémoire", pour éviter, nous dit-on, que de tels faits puissent se reproduire. Et c'est vrai qu'il faut se souvenir, mais pas seulement de l'abominable existence des camps de concentration, de la barbarie nazie, mais aussi des raisons qui ont permis cela.
En guise d'explication, on nous dit qu'Hitler était plus ou moins fou, que les dirigeants nazis étaient des sadiques. Mais quasiment aucun de ceux qui commentent aujourd'hui ces événements ne nous explique comment et pourquoi ce fou et ces sadiques ont pu se retrouver au pouvoir dans un des pays les plus civilisés du monde.
La vérité est que, bien avant l'arrivée de Hitler au pouvoir, les milices nazies ont bénéficié d'aides financières considérables de la part du grand patronat allemand, des Krupp et des Thyssen, qui y voyaient un instrument capable de s'opposer à la classe ouvrière allemande. Ces milices avaient recruté des milliers de petits commerçants enragés, car ruinés par la crise économique qui avait éclaté en 1929, mais aussi recruté dans les bas-fonds de la société. Le patronat n'a jamais été très exigeant sur la moralité de ses hommes de main!
La vérité, c'est aussi qu'Hitler est arrivé le plus légalement du monde au pouvoir. Non pas parce que les Allemands avaient majoritairement voté pour lui (le parti nazi n'a jamais eu la majorité absolue dans des élections libres), mais parce que le président de la République allemande, le maréchal Hindenburg, l'a nommé chef du gouvernement, et que tous les partis de droite lui ont apporté leur soutien, pour mener une politique qui visait à briser les puissantes organisations de la classe ouvrière allemande.
C'est dès le lendemain de cette arrivée au pouvoir, en 1933, que les nazis ouvrirent les premiers camps de concentration, pour -comme l'a fait Pinochet au Chili- y enfermer par milliers des militants ouvriers, communistes, socialistes, syndicalistes, tous ceux qui s'opposaient à eux, promis pour beaucoup à la mort par les coups ou l'épuisement. Et pour faire fonctionner ces camps de concentration on créa des unités de SS spécialisées, dans lesquelles se retrouvèrent évidemment tous les désaxés et les sadiques, ravis de pouvoir y assouvir leurs fantasmes.
Mais tout cela n'émouvait pas, à l'époque, les futurs Alliés. Quinze ans après la crise révolutionnaire qui avait secoué l'Europe et abouti à la naissance de l'URSS, ils ne voyaient pas d'un mauvais oeil l'instauration d'un régime qui avait brisé les organisations de la classe ouvrière allemande. Hitler était alors pour eux tout à fait respectable. Ils n'ont pas bougé pour l'abattre dès le début. Quand celui-ci commença à donner à l'armée allemande les moyens de remettre en cause le nouveau partage du monde que la France et l'Angleterre avaient imposé après la Première Guerre mondiale à l'Allemagne vaincue, les futurs Alliés ne s'y opposèrent même pas, le laissant dépecer en 1938-39 la Tchécoslovaquie sans intervenir.
Ce ne fut que lorsque l'invasion de la Pologne montra que l'expansionnisme nazi était sans limite, qu'ils se découvrirent antihitlériens. Mais ils portent eux aussi leur part de responsabilité dans la naissance de ce régime, dont le massacre de plusieurs millions de Juifs fut le principal et le plus horrible crime, quoique pas le seul.
C'est de cela aussi qu'il faut se souvenir, du fait que les classes possédantes sont prêtes à utiliser les pires tortionnaires pour défendre leurs privilèges. Et si le régime nazi s'est effondré en 1945, les Pinochet, les généraux argentins... les Aussaresses et les sinistres méthodes de l'armée des USA en Irak doivent nous rappeler que la barbarie n'appartient pas qu'à un passé révolu et qu'elle peut se parer d'autres signes que la croix gammée.
Cette barbarie, c'est le fruit du système capitaliste. Et le risque de la voir resurgir ne disparaîtra qu'avec celui-ci.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 28 janvier 2005)