Interviews de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, dans "L'Humanité" le 4 février et sur RTL le 6 février 2005, sur la journée de mobilisation sociale du 5 février 2005 en faveur de la défense du pouvoir d'achat : l'objectif recherché, la participation constatée et les suites à lui donner.

Prononcé le

Circonstance : Appel à manifester des organisations syndicales contre la proposition de loi de réforme du temps de travail dans l'entreprise le 5 février 2005

Média : Emission L'Invité de RTL - L'Humanité - RTL

Texte intégral

Interview de M. Jean-Claude Mailly, dans L'Humanité le 4 février 2005 :
Q - Pourquoi donner la priorité au pouvoir d'achat ?
Jean-Claude Mailly : Quatre éléments alimentent notre revendication d'augmenter les salaires, pas les horaires. Premièrement, les 35 heures se sont souvent accompagnées de la modération, voire du gel des salaires. Tout le monde constate une augmentation des prix depuis le passage à l'euro. À cela s'ajoute une progression des loyers, entre 18 et 20 %. Et la persistance du chômage des jeunes, qui ne favorise pas leur autonomie, contribue aussi à plomber le pouvoir d'achat des familles. Or les seules solutions que propose le gouvernement consistent à attendre que les prix baissent ou se résigner à travailler plus longtemps. C'est inacceptable !
Q - Comment jugez-vous la décision d'examiner le projet de loi de remise en cause des 35 heures avant la journée de manifestations ?
Jean-Claude Mailly : Le gouvernement n'écoute plus. Face à une grève réussie des fonctionnaires, il a réagi en disant: "Circulez, y'a rien à voir." II fait examiner son projet sur le temps de travail avant la manifestation pour laisser entendre qu'il n'a pas de marges de manoeuvre. En fait, il anticipe la directive européenne sur le temps de travail en cours de révision qui pourrait autoriser jusqu'à 62 heures de travail hebdomadaire et instaure un système "d'opting out collectif", c'est-à-dire de dérogations collectives. Tous les syndicats européens rejettent cette directive. Pourtant le gouvernement Raffarin propose d'autoriser à dépasser par la négociation le nombre de 220 heures supplémentaires par an. C'est un retour en arrière.
Q - Dans ce contexte, qu'attendez-vous des mobilisations ?
Jean-Claude Mailly : Que s'exprime une solidarité interprofessionnelle. Comme pour les retraites, si le gouvernement parvient à casser les 35 heures dans le secteur privé, il le fera aussi dans le public. Il faut donc le contraindre à revenir sur certaines dispositions de son projet de loi. L'État employeur doit aussi donner l'exemple et annoncer la réouverture des négociations salariales dans la fonction publique. On attend des réponses. On fera le point ensuite. Nous ne souhaitons pas rentrer dans un cycle de manifestations saute-mouton mais nous sommes prêts, à FO, à discuter de la suite des événements.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 7 février 2005)
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Interview de M. Jean-Claude MAILLY, au Grand jury RTL-Le Monde-LCI du 6 février 2005 :
Q - Malgré le succès de la mobilisation syndicale, samedi, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a assuré que cela ne changerait rien à la réforme de la loi sur les 35 heures. Ces manifestations étaient donc un coup d'épée dans l'eau ?
Jean-Claude Mailly : C'est du mépris et du dédain. Cela pose un problème de démocratie. Quand il y a une accumulation de mécontentements et un malaise profond, le rôle des pouvoirs publics est d'écouter ce malaise. Quand 500.000 personnes défilent, le gouvernement doit comprendre qu'il ne peut pas rester sourd.
Q - Que demandez-vous ? Le retrait du projet en discussion à l'Assemblée nationale ?
R - Il faut mettre ce dossier de côté et regarder calmement les choses. Par exemple, le fait de dire qu'un salarié va choisir sa durée de travail, ça n'existe pas. Personne n'y croit, parce que c'est l'employeur qui fixe la durée du travail dans l'entreprise.
Q - Après les manifestations de samedi, comment comptez-vous prolonger la mobilisation ?
R - On ne va pas rentrer dans un cycle de manifestations à saute-mouton ; on a vu ce que ça donnait en 2003 sur la réforme des retraites. Il faut une action plus franche pour les 35 heures et les salaires. Je vais suggérer à la commission exécutive de Force ouvrière que l'on propose aux autres organisations des arrêts de travail interprofessionnels.
Q - Autrement dit, une grève ?
R - Oui, ça revient à des débrayages, une même journée, dans le public comme dans le privé. C'est une proposition qu'on pourra être amenés à faire aux autres organisations syndicales.
Q - Le climat social vous paraît propice à ce genre d'action ?
R - Depuis plusieurs mois, on constate un réveil. L'inquiétude est présente, le mécontentement aussi, avec une revendication numéro 1 : la question du pouvoir d'achat.
Q - C'est une revendication permanente...
R - Oui. Mais elle est alimentée aujourd'hui par l'augmentation des prix, par la hausse des loyers, par les 35 heures également dont la mise en place s'est traduite par de la modération salariale. Enfin, le chômage pèse de plus en plus, notamment celui des jeunes.
Q - Quel jugement portez-vous sur la politique engagée par le ministre de la cohésion sociale pour lutter contre le chômage ?
R - Les objectifs et le discours sur le cohésion sociale, oui. Mais la réalité est que l'Etat s'est désengagé de l'assurance-chômage. En 1985, l'indemnisation du chômage représentait 11,5 milliards d'euros et l'Etat en prenait à sa charge 35 %, soit 4 milliards. En 2005, on est passé à 30 milliards d'euros d'indemnisation et l'Etat ne contribue plus que pour 10 %, soit 3,3 milliards. L'Etat doit prendre ses responsabilités, y compris financièrement.
Q - Le mécontentement social peut-il peser sur le résultat du référendum sur la Constitution européenne ?
R - Ça peut peser évidemment. Mais nous, à FO, on ne fait pas le lien. Ce n'est pas parce qu'il y a un référendum qu'on va arrêter de revendiquer.
Q - Il n'empêche que vous êtes contre ce traité...
R - Tout d'abord, chacun fera ce qu'il veut. A FO, on n'a jamais confondu les citoyens et les travailleurs. Sur le fond, cela fait dix ans, voire davantage, que l'on est très critique sur les modalités de la construction européenne, sur l'acte unique, sur le pacte de stabilité, et sur cette Europe d'inspiration libérale.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 8 février 2005)