Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur France 2 le 25 novembre 2004, sur la reconduction, au 1er janvier 2005, du système d'indemnisation des intermittents du spectacle exclus par le protocole 2003 de l'assurance chômage.

Prononcé le

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Françoise Laborde .- Nous allons parler culture et communication, à commencer avec le rapport Guillot. Vous avez demandé ce rapport pour mettre un peu à plat le problème des intermittents du spectacle. Il y a eu un pré-rapport qui vous avait été remis et on attend le rapport définitif ?
Renaud Donnedieu de Vabres .- " Ce n'est pas pour "mettre à plat", c'est pour créer les bases d'un système définitif pour soutenir toutes les formes d'expression artistique dans le domaine du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant, pour soutenir l'emploi et faire en sorte qu'on ait un système d'indemnisation du chômage équitable, financé par l'Unedic et définitivement installé. J'attends pour lundi prochain, le 29 novembre, le rapport de Jean-Paul Guillot, qui est un expert indépendant que chacun m'avait demandé de désigner pour tout simplement faire le point objectif de la situation. Ce rapport sera rendu public mercredi prochain, c'est-à-dire le 1er décembre... "
- C'est-à-dire que vous allez rendre public le rapport en l'état, sans autre forme de commentaire ?
" Absolument en l'état, c'est un rapport d'un expert indépendant, d'une certaine manière il ne m'engage pas, il jette en pâture un certain nombre de pistes de travail et de réflexion. Je tiens de manière scrupuleuse au respect de chacun des engagements que j'avais pris. Parce que c'est, je crois, ce qui permet de rétablir un climat de confiance. Donc lundi prochain, la remise à moi du rapport Guillot ; mercredi, je le rends public ; le 9 décembre, il y a un débat à l'Assemblée nationale d'orientation sur les métiers artistiques et le spectacle vivant, c'est-à-dire le soutien aussi à l'activité. Je souhaite que chacun s'engage. Dans la France d'aujourd'hui, le plus important est de faire en sorte que l'Etat, les collectivités territoriales, tout le monde ait à cur de soutenir l'activité artistique. Ensuite vient une autre question, qui est le système provisoire. Que j'avais mis en place au 1er juillet, pour rattraper un certain nombre d'artistes et de techniciens qui étaient exclus par les dispositions du protocole de 2003. Ce système vient à expiration le 31 décembre. Il y aura un nouveau système à partir du 1er janvier. Je suis dans l'attente d'un accord définitif entre les partenaires sociaux. Je ne vais pas laisser les artistes et les techniciens livrés, j'allais dire à eux-mêmes, sans un système complémentaire ".
- Donc le système d'urgence sera prolongé le temps qu'il faut ?
" Exactement, en l'attente d'un système définitif, à partir du 1er janvier 2005, il y aura de toute façon un nouveau fonds de transition vers un système définitif. Ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire que les artistes et les techniciens qui auront fait leurs 507 heures en 12 mois, continueront à être indemnisés comme ça a été le cas grâce au premier fonds provisoire. Voilà. Je pense si vous voulez qu'on a sur la table à bâtir un système de soutien positif à l'emploi culturel. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que vous avez des gens qui aujourd'hui ont des statuts de précaire et qu'il faut essayer progressivement de "permanentiser", c'est-à-dire de donner un contrat de travail à temps permanent. Et il y a, par contre, des formes d'expression artistique qui, de toute façon, reposent sur l'intermittence, c'est-à-dire sur des contrats de travail qui sont à durée déterminée. Et pour toutes ces formes d'expression artistique, il faut un système juste. Cela veut dire que je ne veux pas supprimer le régime et le système de l'intermittence, qui est nécessaire à la diversité culturelle et artistique, mais il faut qu'il soit juste. Voilà, on avance, c'est difficile, mais je tiens de manière vraiment très rigoureuse à tenir tous les engagements et toutes les étapes que je prends au nom du Gouvernement ".
- Dans le pré-rapport de monsieur Guillot, il y avait l'idée notamment que les collectivités locales et territoriales pouvaient être un peu plus mises à contribution. Est-ce une des pistes ?
" Vous devez avoir accès à des rapports pirates ?! Parce que je ne connais pas cette proposition ! Non, par contre, ce qui est la vérité, c'est que l'emploi culturel est quelque chose de très important et aujourd'hui beaucoup des dépenses culturelles sont financées par les collectivités territoriales... "
- Et puis les maires et les élus sont très contents d'avoir en effet des activités l'été, des spectacles...
" Bien sûr, tout ça simplement parce que ça contribue à l'attractivité d'une ville, d'une région, de notre pays. Vous savez, lorsque nous avons lancé l'année de la France en Chine, il faut savoir que par exemple le spectacle d'ouverture, le grand concert de Jean-Michel Jarre, a eu 750 millions de téléspectateurs. Tout cela contribue au rayonnement de notre pays et je crois aujourd'hui que vous ne recevez pas le "ministre des troubadours et des vieilles pierres", même si j'ai de l'affection pour les uns et pour les autres. Mais nous sommes au coeur du rayonnement et de l'influence de notre pays. C'est la raison d'ailleurs pour laquelle, ce soir, je serai à Jérusalem dans un concert que la France et que le ministère de la Culture parrainent, qui rassemblera des artistes israéliens et palestiniens de toutes les religions et qui interpréteront d'une seule voix, d'une même voix un certain nombre de musiques, notamment religieuses, dédiées à la construction de la paix ".
- Cela veut dire qu'il y a un grand concert sur la paix qui aura lieu donc à Jérusalem demain ...
" ... Organisé et soutenu par la France et par le ministère de la Culture. Tout simplement pour que les artistes relaient et expriment directement, à leur manière, cette volonté de rassembler d'une seule voix. Parce que ça, c'est quelque chose de très important ".
- Est-ce qu'un concert comme celui-là a été compliqué à organiser ? Parce qu'on imagine évidemment les difficultés à rassembler parfois les artistes ?
" Oui, mais je pense que les liens de la culture, les liens de l'humanisme font qu'ils réussissent peut-être mieux que d'autres à dépasser un certain nombre de limites. Et toutes les religions, qu'il s'agisse de la religion musulmane, juive, chrétienne, orthodoxe, ce soir, interprèteront un certain nombre de musiques ".
- Puisque vous parlez justement de la musique, une question sur le piratage : on sait que c'est un vrai souci pour les artistes, pour les maisons de disques. Est-ce qu'il y a des moyens supplémentaires de lutter contre ça ?
" D'abord, je dis "Vive Internet", c'est-à-dire vive l'accès à la musique et au cinéma grâce à Internet, mais de manière responsable, pour ne pas détruire au fond la diversité culturelle et artistique, pour ne pas que se produisent les effets contraires de ce qu'on espère. C'est-à-dire que l'on se dit grâce à Internet, je peux avoir accès au moindre petit groupe : en fait, il faut que l'on fasse très attention. Ce qui veut dire qu'on s'approche des fêtes de fin d'année et que j'encourage, en respectant la liberté de chacun, parents et enfants, à offrir aux uns et aux autres, en fonction de l'expression culturelle et artistique de leur préférence des disques, des CD, des DVD etc. aussi pour soutenir la création musicale et cinématographique. L'autre soir, j'ai été entendre un groupe de rock new-yorkais, mais largement soutenu par les Français qui s'appelle Interpol, à l'Elysée Montmartre. Et j'ai assisté exactement en direct à tout le problème qui est en train de se passer, c'est-à-dire que vous aviez des tas de gens qui étaient en train, avec un espèce de petit caméscope d'enregistrer. Et je suis sûr - on n'a pas eu le temps de faire l'essai - que quelques minutes après l'enregistrement comme on dit "pirate" de ce concert, se retrouvait dans le monde entier. Bon ! C'est à la fois une liberté, mais à ce ceux qui sont les champs de cette liberté absolue, je leur demande d'avoir les mêmes réflexes que vis à vis de l'environnement. Cela veut dire qu'aujourd'hui, vis-à-vis de l'air, de l'eau et de la diversité biologique, si on ne fait pas gaffe, si on ne prend pas des mesures de précaution, on épuisera la planète. Eh bien, vis-à-vis de la diversité artistique, il en est de même : il faut soutenir l'ensemble des talents, l'ensemble de la création et pas être désinvolte ".
- Vous partez à Jérusalem. Serez-vous tout de même rentré dimanche pour aller au Bourget à la réunion de l'UMP ?
" Bien sûr, bien sûr que je serai présent à l'UMP, parce nécessité du rassemblement. Et je dirais avec un esprit très positif, d'abord pour soutenir N. Sarkozy et pour faire que tous ensemble, on définisse les conditions de la réussite en 2007. La réussite, c'est quoi ? C'est l'union, c'est un bon bilan, cela veut dire qu'il faut que le Gouvernement continue à bosser au milieu de la mêlée et en contact avec les réalités des Français, et un bon projet. Et pour cela, on a besoin de tous les talents. Je ne suis pas en train de vous brosser une espèce de tableau idyllique : on a besoin d'un parti extraordinairement performant, qui sache rappeler à l'ordre, mais qui ait le courage aussi de soutenir quand c'est difficile, ce qu'a fait A. Juppé, parce qu'il y avait des moments où les réformes, il fallait les expliquer aux Français. Donc l'ardeur pour lancer des projets, le courage de soutenir, pour le Gouvernement rester au cur de la mêlée et agir : voilà je pense que c'est cet état d'esprit qui est important, le rassemblement, l'authenticité, la proximité avec les Français. Et donc, je souhaite à N. Sarkozy une grande réussite. Ce ne doit pas être si facile que ça, parce qu'au fond, lorsqu'on exerce une fonction ministérielle, c'est passionnant. J'imagine que pour lui, quitter Bercy, c'est quelque part un arrachement et donc je le remercie de prendre la présidence de l'UMP, parce qu'il mettra son talent et son énergie à la tête de ce parti. Mais nous devons travailler tous ensemble, sinon les espoirs de 2007, c'est foutu ".
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 novembre 2004)