Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Devant vous aujourd'hui, je suis partagée entre deux sentiments.
C'est d'abord l'émotion, face à ce poids de la douleur que vous portez tous individuellement, depuis qu'un drame terrible est venu vous enlever ce que vous aviez de plus cher. Plus qu'à n'importe quel autre moment, j'ai en mémoire le souvenir de vos enfants, de ces visages de l'innocence et de l'insouciance, figés dans l'ultime sourire qu'ils vous adressent par delà les semaines, les mois ou les années de séparation.
C'est ensuite le respect, qu'inspire la dignité et le courage dont collectivement vous faites preuve au sein de l'APEV, comme si cet événement que vous avez tous vécu vous permettait de dépasser la révolte qui gronde en vous, pour devenir des militants infatigables et déterminés de la cause des enfants victimes.
Je remercie Alain BOULAY, de me donner l'occasion de vous rencontrer et de me permettre de passer cette matinée avec vous, entre nous.
Monsieur BOULAY, vous avez été l'un des premiers responsables d'association de victimes que j'ai tenu à rencontrer immédiatement après ma prise de fonction. Par votre pondération, qui cache une détermination sans faille, vous apportez une contribution de grande qualité à la réflexion générale sur l'aide aux victimes.
Merci aussi à vous, Monsieur le Ministre, Cher André SANTINI, de favoriser cet échange. Je sais que vous-même et votre ville êtes un soutien de chaque instant pour l'APEV. C'est une cause noble et juste à laquelle vous apportez votre concours et votre soutien au plus grand bénéfice des familles, mais au-delà de la collectivité tout entière.
J'ai également voulu être présente parmi vous pour vous faire part, en ma qualité de secrétaire d'Etat, de mes premières réflexions sur la mission qui m'a été confiée par le Gouvernement et de recueillir vos observations et vos propositions, dans le cadre de la collaboration ancienne et confiante que la Chancellerie entretient avec l'APEV.
La présence ici, parmi vous, d'un secrétaire d'Etat aux droits des victimes est l'une de vos victoires. C'est en effet l'aboutissement d'un combat que votre association, et d'autres avec elle, ont mené pour imposer la reconnaissance de la victime et de ses droits. Il est encourageant de constater que la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes a été très largement saluée. Seuls quelques esprits chagrins l'ont qualifiée de démagogique.
Ceux-là aussi, nous devrons les convaincre ensemble de l'utilité de mon secrétariat d'Etat et de sa nécessaire pérennité.
A l'évidence, la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes s'inscrit dans la culture française de promotion, de respect et de sauvegarde des droits de l'Homme. C'est un geste avant tout politique et républicain qui s'adresse aux victimes passées et présentes, tout autant qu'aux victimes potentielles que toute société porte en germe.
Mais que l'on entende bien le message du Gouvernement délivré à l'occasion de cette création, sans équivalent européen ni certainement mondial : l'idée n'est pas d'instituer une " République des victimes ", pas plus que de créer un " ministère de l'assistanat " . Il s'agit de rééquilibrer les forces en présence, de mettre en uvre en France une politique courageuse et généreuse en faveur des victimes, comme élément indispensable de toute politique consacrée à la sécurité des Français.
Cette ambition ne peut pas se limiter à quelques actions de prévention et à une meilleure indemnisation. Elle doit viser à ce que les liens de la victime, de sa famille, de ses proches avec leur environnement social, affectif et professionnel ne soient plus définitivement brisés par un sentiment d'isolement ou d'abandon qui est encore aujourd'hui la réalité de beaucoup de nos concitoyens.
C'est la traduction d'une évolution, selon moi irréversible, de nos sociétés qui, après ne s'être longtemps souciées que de punir les délinquants ont pris conscience de l'état d'indifférence, de solitude ou de détresse dans lequel se trouvent bien souvent les victimes.
C'est la cohésion sociale qui exige en effet qu'aucun citoyen de la République, à commencer par ceux qui souffrent dans leur chair ou dans leur âme, ne soit tenu éloigné de l'attention ou de la protection de l'Etat.
De plus, l'intitulé même de mon secrétariat d'Etat et les attributions qui lui ont été reconnues, ne posent aucune limite à ses interventions.
Toutes les victimes, sans distinction ni exclusive, peuvent s'adresser à lui et pas seulement les victimes d'infractions pénales. Ainsi, tous ceux qu'on appelle les " accidentés de la vie ", longtemps qualifiés d'" oubliés de la Justice ", disposent désormais d'un ministère pour eux seuls.
En effet, l'aide aux victimes et la préservation de leurs droits doivent donc demeurer un devoir de l'Etat et de ses agents, même si je n'oublie pas qu'elle est une uvre collective, unissant de nombreuses compétences, à commencer par celles des associations.
Ainsi les associations sont-elles devenues depuis des collaborateurs institutionnels de la Justice. Cet apport, non négligeable à l'uvre de Justice, doit être mieux défini pour permettre à l'Etat de jouer pleinement son rôle dans l'un des aspects les plus régaliens de sa fonction.
En effet, l'une des responsabilités essentielles de la puissance publique est de devoir la sécurité et la protection aux citoyens. Si elle peut et doit s'appuyer sur les associations et le réseau associatif, l'ambition du Gouvernement est, que l'aide aux victimes soit considérée comme une politique publique à part entière, partie intégrante de la politique de sécurité de l'Etat. Se déclinant en sécurité personnelle, sécurité civile, sécurité routière, sécurité sanitaire, sécurité alimentaire, etc, l'autre versant de cette politique est de soutenir dans leurs droits, les rétablir dans leur dignité de les aider psychologiquement et moralement et ce dès les premiers instants qui suivent le drame qui les frappe.
Ainsi, si l'on ne peut pas nier les liens qui doivent exister entre l'Etat et la société civile, il convient de rappeler que c'est au Gouvernement d'élaborer le corps global de règles visant à rétablir les victimes dans leurs droits et les moyens d'action adaptés à cette politique.
Ce n'est que dans une relation de concertation et de conjugaison des efforts que la puissance publique d'une part, les collectivités locales et le secteur associatif d'autre part, peuvent répondre aux attentes des victimes. Le rôle de l'Etat n'est pas d'abuser des bonnes volontés : il est de tisser le canevas solide sur lequel viendra se nouer le lien social. C'est le rôle de la loi de fixer les objectifs, prévoir et dégager les moyens de les atteindre, comme d'évaluer régulièrement la politique mise en uvre.
Rien n'interdit d'ailleurs que l'Etat concède ou délègue les moyens de son action, qu'il prenne le conseil de représentants de la société civile, qu'il fonde certaines de ses actions sur leurs propositions : ces relais associatifs sont légaux, fréquents et souvent efficaces.
C'est bien l'état d'esprit qui préside aux relations que le ministère de la Justice depuis de longues années, et mon secrétariat d'Etat depuis quelques semaines, entretiennent avec l'APEV.
A bien des égards, l'action de votre association est exemplaire.
Outre son rôle en matière de prévention, de recherche des enfants disparus et d'accompagnement des familles, votre association constitue une véritable force de proposition. En formulant spontanément des avis argumentés, équilibrés, réalistes - comme vous l'avez fait lors de notre dernière rencontre et encore aujourd'hui -, en étant régulièrement consultés par les commissions des lois du Parlement ou en participant aux groupes de travail constitués par la Chancellerie, vous apportez inlassablement deux dimensions irremplaçables à la réflexion que l'Etat mène dans ce domaine, celle de l'humain et celle du vécu.
Sachez donc que pour ma part, je n'entends pas me passer de vos services. Bien au contraire, je souhaite que notre partenariat se poursuive et se renforce, par une définition claire des rôles de chacun et une compréhension mutuelle de nos contraintes réciproques.
Je sais que notre travail sera fructueux, parce que vous le voulez et parce que je le veux.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 9 décembre 2004)
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Devant vous aujourd'hui, je suis partagée entre deux sentiments.
C'est d'abord l'émotion, face à ce poids de la douleur que vous portez tous individuellement, depuis qu'un drame terrible est venu vous enlever ce que vous aviez de plus cher. Plus qu'à n'importe quel autre moment, j'ai en mémoire le souvenir de vos enfants, de ces visages de l'innocence et de l'insouciance, figés dans l'ultime sourire qu'ils vous adressent par delà les semaines, les mois ou les années de séparation.
C'est ensuite le respect, qu'inspire la dignité et le courage dont collectivement vous faites preuve au sein de l'APEV, comme si cet événement que vous avez tous vécu vous permettait de dépasser la révolte qui gronde en vous, pour devenir des militants infatigables et déterminés de la cause des enfants victimes.
Je remercie Alain BOULAY, de me donner l'occasion de vous rencontrer et de me permettre de passer cette matinée avec vous, entre nous.
Monsieur BOULAY, vous avez été l'un des premiers responsables d'association de victimes que j'ai tenu à rencontrer immédiatement après ma prise de fonction. Par votre pondération, qui cache une détermination sans faille, vous apportez une contribution de grande qualité à la réflexion générale sur l'aide aux victimes.
Merci aussi à vous, Monsieur le Ministre, Cher André SANTINI, de favoriser cet échange. Je sais que vous-même et votre ville êtes un soutien de chaque instant pour l'APEV. C'est une cause noble et juste à laquelle vous apportez votre concours et votre soutien au plus grand bénéfice des familles, mais au-delà de la collectivité tout entière.
J'ai également voulu être présente parmi vous pour vous faire part, en ma qualité de secrétaire d'Etat, de mes premières réflexions sur la mission qui m'a été confiée par le Gouvernement et de recueillir vos observations et vos propositions, dans le cadre de la collaboration ancienne et confiante que la Chancellerie entretient avec l'APEV.
La présence ici, parmi vous, d'un secrétaire d'Etat aux droits des victimes est l'une de vos victoires. C'est en effet l'aboutissement d'un combat que votre association, et d'autres avec elle, ont mené pour imposer la reconnaissance de la victime et de ses droits. Il est encourageant de constater que la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes a été très largement saluée. Seuls quelques esprits chagrins l'ont qualifiée de démagogique.
Ceux-là aussi, nous devrons les convaincre ensemble de l'utilité de mon secrétariat d'Etat et de sa nécessaire pérennité.
A l'évidence, la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes s'inscrit dans la culture française de promotion, de respect et de sauvegarde des droits de l'Homme. C'est un geste avant tout politique et républicain qui s'adresse aux victimes passées et présentes, tout autant qu'aux victimes potentielles que toute société porte en germe.
Mais que l'on entende bien le message du Gouvernement délivré à l'occasion de cette création, sans équivalent européen ni certainement mondial : l'idée n'est pas d'instituer une " République des victimes ", pas plus que de créer un " ministère de l'assistanat " . Il s'agit de rééquilibrer les forces en présence, de mettre en uvre en France une politique courageuse et généreuse en faveur des victimes, comme élément indispensable de toute politique consacrée à la sécurité des Français.
Cette ambition ne peut pas se limiter à quelques actions de prévention et à une meilleure indemnisation. Elle doit viser à ce que les liens de la victime, de sa famille, de ses proches avec leur environnement social, affectif et professionnel ne soient plus définitivement brisés par un sentiment d'isolement ou d'abandon qui est encore aujourd'hui la réalité de beaucoup de nos concitoyens.
C'est la traduction d'une évolution, selon moi irréversible, de nos sociétés qui, après ne s'être longtemps souciées que de punir les délinquants ont pris conscience de l'état d'indifférence, de solitude ou de détresse dans lequel se trouvent bien souvent les victimes.
C'est la cohésion sociale qui exige en effet qu'aucun citoyen de la République, à commencer par ceux qui souffrent dans leur chair ou dans leur âme, ne soit tenu éloigné de l'attention ou de la protection de l'Etat.
De plus, l'intitulé même de mon secrétariat d'Etat et les attributions qui lui ont été reconnues, ne posent aucune limite à ses interventions.
Toutes les victimes, sans distinction ni exclusive, peuvent s'adresser à lui et pas seulement les victimes d'infractions pénales. Ainsi, tous ceux qu'on appelle les " accidentés de la vie ", longtemps qualifiés d'" oubliés de la Justice ", disposent désormais d'un ministère pour eux seuls.
En effet, l'aide aux victimes et la préservation de leurs droits doivent donc demeurer un devoir de l'Etat et de ses agents, même si je n'oublie pas qu'elle est une uvre collective, unissant de nombreuses compétences, à commencer par celles des associations.
Ainsi les associations sont-elles devenues depuis des collaborateurs institutionnels de la Justice. Cet apport, non négligeable à l'uvre de Justice, doit être mieux défini pour permettre à l'Etat de jouer pleinement son rôle dans l'un des aspects les plus régaliens de sa fonction.
En effet, l'une des responsabilités essentielles de la puissance publique est de devoir la sécurité et la protection aux citoyens. Si elle peut et doit s'appuyer sur les associations et le réseau associatif, l'ambition du Gouvernement est, que l'aide aux victimes soit considérée comme une politique publique à part entière, partie intégrante de la politique de sécurité de l'Etat. Se déclinant en sécurité personnelle, sécurité civile, sécurité routière, sécurité sanitaire, sécurité alimentaire, etc, l'autre versant de cette politique est de soutenir dans leurs droits, les rétablir dans leur dignité de les aider psychologiquement et moralement et ce dès les premiers instants qui suivent le drame qui les frappe.
Ainsi, si l'on ne peut pas nier les liens qui doivent exister entre l'Etat et la société civile, il convient de rappeler que c'est au Gouvernement d'élaborer le corps global de règles visant à rétablir les victimes dans leurs droits et les moyens d'action adaptés à cette politique.
Ce n'est que dans une relation de concertation et de conjugaison des efforts que la puissance publique d'une part, les collectivités locales et le secteur associatif d'autre part, peuvent répondre aux attentes des victimes. Le rôle de l'Etat n'est pas d'abuser des bonnes volontés : il est de tisser le canevas solide sur lequel viendra se nouer le lien social. C'est le rôle de la loi de fixer les objectifs, prévoir et dégager les moyens de les atteindre, comme d'évaluer régulièrement la politique mise en uvre.
Rien n'interdit d'ailleurs que l'Etat concède ou délègue les moyens de son action, qu'il prenne le conseil de représentants de la société civile, qu'il fonde certaines de ses actions sur leurs propositions : ces relais associatifs sont légaux, fréquents et souvent efficaces.
C'est bien l'état d'esprit qui préside aux relations que le ministère de la Justice depuis de longues années, et mon secrétariat d'Etat depuis quelques semaines, entretiennent avec l'APEV.
A bien des égards, l'action de votre association est exemplaire.
Outre son rôle en matière de prévention, de recherche des enfants disparus et d'accompagnement des familles, votre association constitue une véritable force de proposition. En formulant spontanément des avis argumentés, équilibrés, réalistes - comme vous l'avez fait lors de notre dernière rencontre et encore aujourd'hui -, en étant régulièrement consultés par les commissions des lois du Parlement ou en participant aux groupes de travail constitués par la Chancellerie, vous apportez inlassablement deux dimensions irremplaçables à la réflexion que l'Etat mène dans ce domaine, celle de l'humain et celle du vécu.
Sachez donc que pour ma part, je n'entends pas me passer de vos services. Bien au contraire, je souhaite que notre partenariat se poursuive et se renforce, par une définition claire des rôles de chacun et une compréhension mutuelle de nos contraintes réciproques.
Je sais que notre travail sera fructueux, parce que vous le voulez et parce que je le veux.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 9 décembre 2004)