Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à RTL le 19 juillet 2004, sur la coopération entre la France et l'Algérie en matière de défense et la gestion du budget militaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Richard Arzt : Bonjour, Michèle Alliot-Marie !
Michèle Alliot-Marie : Bonjour !
Richard Arzt : On va parler de votre voyage en Algérie et du budget de la Défense en France, mais, avant cela, je voudrais connaître votre réaction aux déclarations, hier, à Jérusalem, d'Ariel Sharon, qui dit qu'il y a un antisémitisme déchaîné en France et qui estime que les Juifs de France devraient immigrer immédiatement en Israël.
Michèle Alliot-Marie : Je rappellerai simplement que la France est certainement le pays qui, aujourd'hui, a la législation la plus stricte sur tous les problèmes de racisme et qui manifeste le plus fortement sa désapprobation, ou sa condamnation, et la sanction des actes racistes et antisémites.
Richard Arzt : On en vient à votre voyage en Algérie d'où vous revenez. Aucun ministre français de la Défense ne s'était rendu dans ce pays depuis la guerre qui a conduit à son indépendance sur le plan militaire. Il aura donc fallu plus de quarante ans pour qu'on tourne la page ?
Michèle Alliot-Marie : Le Président Chirac et le Président Bouteflika ont décidé l'année dernière, notamment à l'occasion du voyage de Jacques Chirac en Algérie, qu'il était temps de tourner la page, sans oublier l'histoire, mais avec la volonté de construire ensemble l'avenir.
Richard Arzt : Et que ce soit sur le plan militaire, là votre déplacement a une symbolique particulière ?
Michèle Alliot-Marie : C'était effectivement très symbolique ; c'est vrai que la Défense est au cur des responsabilités de l'État et c'était probablement le domaine le plus sensible de ce déplacement. Sans doute, fallait-il aussi qu'il y ait un apport plus large dans tous les autres domaines. La Défense venait en quelque sorte couronner ce rapprochement et montrer que la page était tournée. Face au contexte stratégique nouveau que nous connaissons aujourd'hui et au besoin de se rassembler pour lutter contre le terrorisme ou les crises régionales, il y a un moment où il faut tourner la page. C'était donc l'occasion de tourner la page dans le domaine de la Défense.
Richard Arzt : Vous avez annoncé sur place la signature d'une convention militaire et technique entre l'Algérie et la France, quels en sont les objectifs ?
Michèle Alliot-Marie : Cet accord de partenariat est un accord global, c'est-à-dire qu'il doit nous permettre de rapprocher les militaires. Les rapprocher en permettant qu'ils aient une formation commune, qu'ils puissent faire un entraînement commun, des exercices en commun, de façon à ce que lorsqu'ils sont côte à côte sur certains théâtres d'opérations extérieures, ils aient la possibilité de travailler efficacement ensemble. Par ailleurs, il est important d'échanger les informations et des analyses sur ce contexte stratégique. Il y aura également un volet armement ; l'armée algérienne veut se moderniser, moderniser ses armements, et elle se tourne vers la France.
Richard Arzt : Alors justement, où est-ce qu'on en est au point de vue ventes d'armes possibles avec l'Algérie ?
Michèle Alliot-Marie : Voilà ce que j'ai dit à mes interlocuteurs : depuis quelques années, les ventes d'armement ont effectivement repris, et nous pouvons donc les étudier, mais des ventes d'armement, ce n'est pas un but en soi. Cela n'est véritablement intéressant, en tout cas cela ne m'intéresse que dans la mesure où cela s'inscrit dans cette stratégie plus globale de pouvoir travailler ensemble.
Richard Arzt : Est-ce qu'il y a une concurrence, une rivalité entre la France et les États-Unis, à propos de l'Algérie ?
Michèle Alliot-Marie : Non. Certains ont voulu le soulever ; je crois pour ma part qu'aujourd'hui, nous sommes tous confrontés à un certain nombre de défis, notamment terroristes. Nous sommes également confrontés à de nombreuses crises. Je crains que le continent africain qui connaît beaucoup de crises aujourd'hui, n'en connaisse encore plus dans le futur. Nous avons besoin de tout le monde et il faut, au contraire, que nous travaillons ensemble. Il s'agit donc d'une complémentarité ; il ne s'agit pas d'une rivalité.
Richard Arzt : Au cours de votre voyage, les questions des droits de l'homme et particulièrement de liberté de la presse ont été évoquées. Il y a quatre journalistes en prison actuellement.
Michèle Alliot-Marie : Le problème particulier des quatre journalistes n'a pas été évoqué. En revanche, les problèmes des droits de l'homme ont été évoqués, ainsi que la liberté et la diversité de la presse.
Richard Arzt : Le prochain ministre français qui va aller à Alger, c'est Nicolas Sarkozy. Vous allez lui dire en détail comment votre voyage s'est passé ?
Michèle Alliot-Marie : Oui. Traditionnellement, je fais à tous mes collègues qui peuvent être intéressés un compte rendu de mes déplacements, mais Nicolas Sarkozy connaît l'Algérie. Il y est déjà allé il y a quelques semaines.
Richard Arzt : C'était une transition pour parler des questions budgétaires. Sur les crédits d'équipement, vos arguments l'ont emporté. Jacques Chirac a tranché en votre faveur, en disant qu'il n'y aurait pas de réduction du budget de la Défense.
Michèle Alliot-Marie : Je le rappelais tout à l'heure, nous sommes aujourd'hui dans une situation où la montée du terrorisme et la multiplication des crises régionales impliquent une participation importante de l'armée. Je n'oublie pas non plus les grandes crises, tels que les incendies, les inondations ou la protection de notre territoire où nous avons également besoin d'intervenir. Et puis, je crois que ce qui est important également, c'est de voir l'impact économique qu'a le budget de la Défense dans notre pays. La Défense est le premier investisseur public dans notre pays et fait travailler de très nombreuses entreprises, grandes, petites et moyennes, sur l'ensemble du territoire national.
Richard Arzt : Et donc là, c'était les crédits d'équipements qui étaient concernés, mais il reste les crédits de fonctionnement, c'est à dire les salaires, les carburants et là des économies vont vous êtes demandées sans doute ?
Michèle Alliot-Marie : Je n'ai pas attendu Bercy pour faire des économies et ce depuis plusieurs années. C'est un problème de bonne gestion et je suis attachée à la bonne gestion.
Richard Arzt : Alors quand Nicolas Sarkozy dit, il l'a dit l'autre jour à La Baule : on ne peut exonérer le budget militaire des efforts de modernisation que nous demandons dans les budgets civils.
Michèle Alliot-Marie : Ce que je dis, c'est que depuis deux ans et sans attendre cela d'ailleurs, j'ai fait des économies importantes, un peu plus de 18 millions d'euros d'économies en 2003, et pratiquement 200 millions d'économies cette année. Nous pouvons donc plutôt servir de modèle en la matière.
(/)
Richard Arzt : Vous seriez tentée de vous présenter ?
Michèle Alliot-Marie : Oh il y a longtemps que j'ai dit que je n'étais pas et que je ne serais pas candidate à la tête de l'UMP. Le président de la République m'a confié une tâche tout à fait exaltante. J'ai encore un certain nombre de dossiers à traiter au sein du ministère de la Défense. Je crois que diriger un parti politique, c'est vraiment un travail à temps plein. C'est ce que j'ai fait pendant deux ans et demi où j'étais à la tête du RPR. Je crois qu'encore plus maintenant, il y a une forme d'incompatibilité temporelle entre les deux.
Richard Arzt : Merci Michèle Alliot-Marie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 20 juillet 2004)