Texte intégral
Richard Artz - Bonjour François Chérèque, c'est une semaine de rentrée sociale qui commence. Comme les autres leaders syndicaux, vous êtes invité à rencontrer le ministre délégué aux Relations du travail, Gérard Larcher. Vous allez être reçu le premier jeudi. Est-ce que vous allez à ce rendez-vous dans un esprit combatif ?
François Chérèque - " Combatif toujours. La CFDT a toujours des idées, mais toujours dans un esprit d'ouverture et de dialogue. On a de vrais sujets de débats, et en particulier le problème de l'emploi, où même si on voit l'économie repartir dans notre pays, le chômage continue à augmenter ".
'un des sujets abordés, cela va être les 35 heures. Est-ce que vous pensez sur ce sujet, qu'il est possible qu'il y ait de nouveaux assouplissements ?
" Moi je pars de la remarque du président de la République le 14 juillet : les 35 heures, c'est un acquis social, et on ne remet pas en cause cet acquis social.
Qu'il y ait nécessité dans certaines entreprises, à certains endroits de trouver des assouplissements en fonction de la réalité économique de l'entreprise et de l'évolution nécessaire de l'organisation du travail, oui. Mais remettre en cause les 35 heures, non. La CFDT a été à l'initiative de ces 35 heures. Il ne faut jamais oublier que l'objectif était de créer des emplois et cela a réussi : 300 000 emplois ont été crées. Ce n'est pas au moment où l'économie repart, et, à l'inverse d'autres pays européens, où le chômage continue à augmenter qu'on va faire travailler plus ceux qui ont déjà un emploi. Ce sont ceux qui ne travaillent pas qu'il faut faire travailler aujourd'hui ".
On est dans une phase de remise en cause en ce moment, par certaines entreprises par exemple, à propos des 35 heures...
" On a différents cas : on a eu le cas de Bosch où la section CFDT a fait son travail de syndicaliste en lien avec les salariés, c'est-à-dire depuis un an ils discutaient d'une évolution de l'organisation du travail. Et je rappelle que les salariés de Bosch ont toujours 14 jours de réduction du temps de travail par an, ce qui est plus que beaucoup d'autres entreprises. Et là, je suis plutôt fier de voir que les militants CFDT ont su assumer leurs responsabilités. Mieux vaut adapter la réduction du temps de travail que licencier 190 personnes ".
Il y a d'autres cas de figure.
" Il y a d'autres cas de figure. J'en vois un ce matin, effectivement, un patron qui fait du chantage (NDLR : l'usine SEDIVER de Saint-Yorre dans l'Allier). C'est un patron hors-la-loi. Dire à ses salariés qu'il faut qu'il baisse leur coût du travail de 30 % sinon on ferme l'entreprise, c'est illégal. Et là aussi le président de la République a dit qu'il fallait sanctionner les patrons hors-la-loi. Et ce patron doit être sanctionné comme il se doit : la loi doit s'appliquer dans son entreprise, comme dans les autres. "
Il y a un autre sujet, parmi ceux que vous aborderez qui vous tient à coeur, dans ces rencontres que vous allez avoir avec le gouvernement ?
" On a deux sujets principaux. Celui de l'emploi des seniors, c'est à dire des salariés de plus de 50-55 ans. Alors que le discours du patronat est toujours de dire : il faut travailler beaucoup plus longtemps pour financer les retraites, on est le pays, en France, où on licencie le plus les salariés de plus de 55 ans. C'est complètement illogique. Et si on veut faire travailler les salariés de plus de 55 ans jusqu'à l'age de la retraite, il faut adapter les postes de travail à ces salariés là, à leur expérience, à leur âge.
Et puis l'autre sujet, c'est la pénibilité, la santé au travail. Les conditions de travail se dégradent dans notre pays. Cela doit être un sujet central. L'emploi, oui. Mais un emploi de qualité. Et on a de vraies négociations à avoir sur la pénibilité au travail. "
Du coté des salaires, on sait que, fin juillet, Jean-Pierre Raffarin avait annoncé que la hausse de 8 % du Smic serait étalée sur deux ans : 2005 et 2006. Et puis la semaine dernière, il a fait savoir que la hausse aurait lieu en une seule fois : en 2005. Là cela vous satisfait ?
" Ce n'est que justice. Il aurait été fort de café de voir que le conflit entre M. Sarkozy et Mr Raffarin allait être payé par les smicards. Parce que de quoi s'agissait-il ? On a des baisses de charges sociales dans notre pays, qui sont liées au montant du Smic. Donc, quand on augmente le Smic, on augmente la baisse des charges sociales, donc le coût pour l'État. Et Mr Sarkozy et le gouvernement, qui font une mauvaise politique fiscale, c'est-à-dire dire qu'ils baissent les impôts, en particulier les impôts sur les hauts revenus, allaient faire payer cette baisse des impôts par les smicards. En arrêtant, ou en étalant l'augmentation du Smic pour diminuer le coût pour l'État de la baisse des charges sociales. Donc cela aurait été quand même fort, dans notre pays, que ce soient les plus modestes qui finançent la baisse des impôts ".
Nicolas Sarkozy pour vous, c'est le libéral type ?
" Moi je n'ai pas à juger la personne. La politique sur la fiscalité était commencée par son prédécesseur Mr Mer, et c'est Mr Raffarin qui l'a mise en route. C'était une des orientations du président de la République. Depuis le début, la CFDT dit : on a besoin de ces moyens là, en particulier quand on a des difficultés, donc on a besoin d'un État fort pour pouvoir justement avoir des aides pour faire face à la mondialisation. Nous on est partisan d'un État fort. Le gouvernement ne va pas dans ce sens là. Il n'était pas question que ce soit les smicards qui paient cette politique ".
On aperçoit un début de reprise de la croissance. Le budget compte sur des recettes fiscales en hausse. De votre point de vue, c'est le moment de redistribuer davantage, ou bien de consacrer ces recettes fiscales à rembourser la dette.
" Redistribuer, oui bien évidemment. Je pense qu'il y a des choix d'équilibre qu'il faut faire. D'une part, il y a la dette de l'État : il n'est pas question de transmettre toujours la dette à nos enfants. Donc il faut aussi rembourser la dette. Redistribuer oui et en particulier vers les 4 millions de personnes qui sont au chômage. On est quand même dans un pays extraordinaire. À partir du moment où l'économie va, c'est-à-dire que les entreprises font plus de bénéfices, on est content. Non, le chômage augmente dans notre pays, et c'est vers ces personnes là d'abord qu'il faut redistribuer ".
Vous avez une université d'été de la CFDT cette semaine, dont le thème central va être le réformisme. En un mot : définition du réformisme.
" Le réformisme, c'est rendre forme à la société. Remettre la société en forme et, pour la CFDT, dans un objectif de plus de justice sociale, et plus d'égalité. C'est-à-dire diminuer les inégalités, faire en sorte qu'on fasse évoluer les régimes sociaux, parce qu'on est surtout en discussion sur les régimes sociaux, dans le cadre de plus de réduction des inégalités et dans le cadre d'une vraie vision de la société égalitaire ".
Je ne sais pas si ça rentre dans le réformisme, mais je sais, parce que vous me l'avez dit, que le maire de Paris Bertrand Delanoë, veut pouvoir affirmer que, si Paris est retenu comme ville olympique en 2012, il n'y aura pas de mouvements sociaux pendant la période des jeux. Il vous a contacté pour cela. Vous êtes prêt à un contrat de paix sociale ?
" Bien évidemment, quand on voit la formidable fête qui se déroule actuellement à Athènes. Le maire de Paris nous propose de proposer une espèce de trêve sociale autour des Jeux olympiques si Paris est candidat. Donc il faut qu'on s'engage. Et je crois que la CFDT est prête à s'engager. Ne faisons pas ce qu'ont fait les pilotes d'avions au moment de la coupe du monde, c'est-à-dire prendre en otage les Jeux olympiques. Faisons en sorte que ce soit une fête pour tout le monde et montrons que les syndicats sont prêts à s'engager dans cette fête qui, aussi derrière, rappelons-le, est aussi créatrice d'emplois et d'un élan économique pour la capitale, bon pour les salariés ".
Il peut y avoir unité syndicale sur ce thème ?
" Je l'espère. En tout cas, la CFDT est prête à s'engager ".
(Source http://www.cfdt.fr, le 23 août 2004)
François Chérèque - " Combatif toujours. La CFDT a toujours des idées, mais toujours dans un esprit d'ouverture et de dialogue. On a de vrais sujets de débats, et en particulier le problème de l'emploi, où même si on voit l'économie repartir dans notre pays, le chômage continue à augmenter ".
'un des sujets abordés, cela va être les 35 heures. Est-ce que vous pensez sur ce sujet, qu'il est possible qu'il y ait de nouveaux assouplissements ?
" Moi je pars de la remarque du président de la République le 14 juillet : les 35 heures, c'est un acquis social, et on ne remet pas en cause cet acquis social.
Qu'il y ait nécessité dans certaines entreprises, à certains endroits de trouver des assouplissements en fonction de la réalité économique de l'entreprise et de l'évolution nécessaire de l'organisation du travail, oui. Mais remettre en cause les 35 heures, non. La CFDT a été à l'initiative de ces 35 heures. Il ne faut jamais oublier que l'objectif était de créer des emplois et cela a réussi : 300 000 emplois ont été crées. Ce n'est pas au moment où l'économie repart, et, à l'inverse d'autres pays européens, où le chômage continue à augmenter qu'on va faire travailler plus ceux qui ont déjà un emploi. Ce sont ceux qui ne travaillent pas qu'il faut faire travailler aujourd'hui ".
On est dans une phase de remise en cause en ce moment, par certaines entreprises par exemple, à propos des 35 heures...
" On a différents cas : on a eu le cas de Bosch où la section CFDT a fait son travail de syndicaliste en lien avec les salariés, c'est-à-dire depuis un an ils discutaient d'une évolution de l'organisation du travail. Et je rappelle que les salariés de Bosch ont toujours 14 jours de réduction du temps de travail par an, ce qui est plus que beaucoup d'autres entreprises. Et là, je suis plutôt fier de voir que les militants CFDT ont su assumer leurs responsabilités. Mieux vaut adapter la réduction du temps de travail que licencier 190 personnes ".
Il y a d'autres cas de figure.
" Il y a d'autres cas de figure. J'en vois un ce matin, effectivement, un patron qui fait du chantage (NDLR : l'usine SEDIVER de Saint-Yorre dans l'Allier). C'est un patron hors-la-loi. Dire à ses salariés qu'il faut qu'il baisse leur coût du travail de 30 % sinon on ferme l'entreprise, c'est illégal. Et là aussi le président de la République a dit qu'il fallait sanctionner les patrons hors-la-loi. Et ce patron doit être sanctionné comme il se doit : la loi doit s'appliquer dans son entreprise, comme dans les autres. "
Il y a un autre sujet, parmi ceux que vous aborderez qui vous tient à coeur, dans ces rencontres que vous allez avoir avec le gouvernement ?
" On a deux sujets principaux. Celui de l'emploi des seniors, c'est à dire des salariés de plus de 50-55 ans. Alors que le discours du patronat est toujours de dire : il faut travailler beaucoup plus longtemps pour financer les retraites, on est le pays, en France, où on licencie le plus les salariés de plus de 55 ans. C'est complètement illogique. Et si on veut faire travailler les salariés de plus de 55 ans jusqu'à l'age de la retraite, il faut adapter les postes de travail à ces salariés là, à leur expérience, à leur âge.
Et puis l'autre sujet, c'est la pénibilité, la santé au travail. Les conditions de travail se dégradent dans notre pays. Cela doit être un sujet central. L'emploi, oui. Mais un emploi de qualité. Et on a de vraies négociations à avoir sur la pénibilité au travail. "
Du coté des salaires, on sait que, fin juillet, Jean-Pierre Raffarin avait annoncé que la hausse de 8 % du Smic serait étalée sur deux ans : 2005 et 2006. Et puis la semaine dernière, il a fait savoir que la hausse aurait lieu en une seule fois : en 2005. Là cela vous satisfait ?
" Ce n'est que justice. Il aurait été fort de café de voir que le conflit entre M. Sarkozy et Mr Raffarin allait être payé par les smicards. Parce que de quoi s'agissait-il ? On a des baisses de charges sociales dans notre pays, qui sont liées au montant du Smic. Donc, quand on augmente le Smic, on augmente la baisse des charges sociales, donc le coût pour l'État. Et Mr Sarkozy et le gouvernement, qui font une mauvaise politique fiscale, c'est-à-dire dire qu'ils baissent les impôts, en particulier les impôts sur les hauts revenus, allaient faire payer cette baisse des impôts par les smicards. En arrêtant, ou en étalant l'augmentation du Smic pour diminuer le coût pour l'État de la baisse des charges sociales. Donc cela aurait été quand même fort, dans notre pays, que ce soient les plus modestes qui finançent la baisse des impôts ".
Nicolas Sarkozy pour vous, c'est le libéral type ?
" Moi je n'ai pas à juger la personne. La politique sur la fiscalité était commencée par son prédécesseur Mr Mer, et c'est Mr Raffarin qui l'a mise en route. C'était une des orientations du président de la République. Depuis le début, la CFDT dit : on a besoin de ces moyens là, en particulier quand on a des difficultés, donc on a besoin d'un État fort pour pouvoir justement avoir des aides pour faire face à la mondialisation. Nous on est partisan d'un État fort. Le gouvernement ne va pas dans ce sens là. Il n'était pas question que ce soit les smicards qui paient cette politique ".
On aperçoit un début de reprise de la croissance. Le budget compte sur des recettes fiscales en hausse. De votre point de vue, c'est le moment de redistribuer davantage, ou bien de consacrer ces recettes fiscales à rembourser la dette.
" Redistribuer, oui bien évidemment. Je pense qu'il y a des choix d'équilibre qu'il faut faire. D'une part, il y a la dette de l'État : il n'est pas question de transmettre toujours la dette à nos enfants. Donc il faut aussi rembourser la dette. Redistribuer oui et en particulier vers les 4 millions de personnes qui sont au chômage. On est quand même dans un pays extraordinaire. À partir du moment où l'économie va, c'est-à-dire que les entreprises font plus de bénéfices, on est content. Non, le chômage augmente dans notre pays, et c'est vers ces personnes là d'abord qu'il faut redistribuer ".
Vous avez une université d'été de la CFDT cette semaine, dont le thème central va être le réformisme. En un mot : définition du réformisme.
" Le réformisme, c'est rendre forme à la société. Remettre la société en forme et, pour la CFDT, dans un objectif de plus de justice sociale, et plus d'égalité. C'est-à-dire diminuer les inégalités, faire en sorte qu'on fasse évoluer les régimes sociaux, parce qu'on est surtout en discussion sur les régimes sociaux, dans le cadre de plus de réduction des inégalités et dans le cadre d'une vraie vision de la société égalitaire ".
Je ne sais pas si ça rentre dans le réformisme, mais je sais, parce que vous me l'avez dit, que le maire de Paris Bertrand Delanoë, veut pouvoir affirmer que, si Paris est retenu comme ville olympique en 2012, il n'y aura pas de mouvements sociaux pendant la période des jeux. Il vous a contacté pour cela. Vous êtes prêt à un contrat de paix sociale ?
" Bien évidemment, quand on voit la formidable fête qui se déroule actuellement à Athènes. Le maire de Paris nous propose de proposer une espèce de trêve sociale autour des Jeux olympiques si Paris est candidat. Donc il faut qu'on s'engage. Et je crois que la CFDT est prête à s'engager. Ne faisons pas ce qu'ont fait les pilotes d'avions au moment de la coupe du monde, c'est-à-dire prendre en otage les Jeux olympiques. Faisons en sorte que ce soit une fête pour tout le monde et montrons que les syndicats sont prêts à s'engager dans cette fête qui, aussi derrière, rappelons-le, est aussi créatrice d'emplois et d'un élan économique pour la capitale, bon pour les salariés ".
Il peut y avoir unité syndicale sur ce thème ?
" Je l'espère. En tout cas, la CFDT est prête à s'engager ".
(Source http://www.cfdt.fr, le 23 août 2004)