Texte intégral
Interview de M. Jean-Claude MAILLY dans France Soir le 3 janvier 2005 :
Aurore Gorius - Pourquoi militez-vous pour une hausse des salaires en 2005 ?
Jean-Claude Mailly : Il y a urgence car le pouvoir d'achat est en berne depuis pas mal de temps. Les prélèvements nouveaux au 1er janvier, notamment au titre de l'assurance maladie, vont à nouveau le plomber. Les salariés sont d'abord confrontés à la hausse les prix depuis le passage à l'euro et cela est maintenant reconnu par l'INSEE. Ensuite, les loyers ont fortement augmenté. Cela concerne toutes les villes maintenant et pas seulement les grandes. Enfin les salariés sont de plus en plus amenés à aider leurs enfants, voire leurs petits-enfants, parce qu'ils ne trouvent pas de travail, ou alors seulement précaire.
Q - Dans la fonction publique, les négociations sont closes...
R- Il n'y a rien eu en 2003, 0,5 % en 2004 et les propositions gouvernementales pour 2005 ne sont pas acceptables. Cela justifie le mouvement dans la fonction publique prévu pour le 20 janvier. Le gouvernent explique partout qu'il y a un problème de consommation, mais il est loin de donner l'exemple.
Q - Le retard est-il le même dans le privé ?
R - Cela dépend des entreprises. Certaines ont adopté des revalorisations. EADS a augmenté ses salaires en 2004 de 3,1 %. D'autres n'ont pas négocié du tout, comme H M. Mais il y a d'abord les négociations de branche, et nous demandons que là où les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC, il y ait renégociation.
Q - Que pensez-vous de la hausse des heures supplémentaires voulue par Jean-Pierre Raffarin ?
R - Tous les économistes s'accordent à dire qu'il y a un problème de consommation dans ce pays. Le gouvernement aussi. Mais lui dit "tout sauf les salaires". Jean-Pierre Raffarin laisse entendre aux salariés que s'ils veulent voir leur niveau de vie augmenter, ils sont contraints de travailler plus longtemps. Nous contestons cette logique. Il fait comme si les salariés pouvaient choisir leur durée de travail, ce qui est faux. Ce sont les employeurs qui décident des heures supplémentaires.
Q - Pour dégager du pouvoir d'achat, pourquoi ne pas baisser une nouvelle fois la TVA ?
R - Nous y avons toujours été favorables car c'est l'impôt le plus injuste. Mais ça ne remet pas en cause la nécessité de revaloriser les salaires. Les employeurs devraient faire attention. Ils ne peuvent pas se plaindre de l'absence de motivation des salariés s'ils ne rémunèrent pas correctement le travail ! Et j'ajoute que quand les salaires augmentent, ça a aussi un effet positif dès le mois suivant sur tous les régimes de protection sociale collective: assurance chômage, vieillesse et maladie.
Q - Les besoins de revalorisation ne sont peut-être pas les mêmes selon les niveaux de rémunération...
R - Les PDG des entreprises du CAC 40 ont eu une augmentation de 10 % l'année dernière sur la part fixe de leur salaire. Ils n'ont pas de scrupule à demander une augmentation à leur conseil d'administration ou leur conseil de surveillance. A partir de là, il n'y a aucune raison que les salariés soient complexés pour demander des augmentations.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 4 janvier 2005)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Interview de M. Jean-Claude MAILLY dans La Tribune le 17 janvier 2005 :
Delphine Girard - Entre les postiers, les cheminots et les fonctionnaires, la semaine sociale s'annonce agitée. Voyez-vous un fil directeur dans ces mécontentements catégoriels ?
Jean-Claude Mailly - Il y a des problèmes spécifiques à chacun des secteurs. Mais deux problèmes communs dominent ces conflits : les salaires et l'avenir des services publics. Les fonctionnaires ne songent pas seulement à leur statut. Ils se battent pour défendre les services publics. Si le discours sur les valeurs de la République a un sens, il faut conserver les services publics. Si, demain, la banque postale qui doit voir le jour avec la nouvelle loi sur la Poste conduit à créer un établissement financier ayant le même statut que les établissements financiers classiques, les personnes au RMI qui ont un compte à La Poste ne l'auront plus. On pourrait dire la même chose sur la SNCF où 4.000 suppressions d'emplois sont prévues. Nous sommes dans une République. Les citoyens y sont attachés.
Q - Vous attendez-vous à un durcissement du climat social les prochains mois ?
R - Nous sortons de l'après 2003. Les mouvements sociaux de cette année là contre la réforme des retraites, marqués par les grèves et les manifestations, ont pesé sur le climat social en 2004. La situation est aujourd'hui de nouveau tendue et la mobilisation pourrait être forte en 2005.
Q - Quelle est pour FO la première revendication ?
R - La revendication emblématique est celle du pouvoir d'achat, dans le public comme dans le privé. Dans beaucoup d'entreprises privées, les accords salariaux sont très difficiles à obtenir. Des éléments nouveaux se sont rajoutés ces derniers mois et pèsent sur le pouvoir d'achat. Les prix augmentent, ceux des loyers aussi. Le chômage continue de peser très lourd. La solidarité familiale s'exerce pour aider le fils ou le petit-fils au chômage. Du coup, cela plombe le pouvoir d'achat.
Q - Attendez-vous du gouvernement qu'il rouvre les négociations salariales dans la fonction publique ?
R - Nous allons accentuer la pression pour que le gouvernement ouvre réellement des négociations salariales, ce qu'il s'est refusé à faire jusqu'à présent. Pour cela, il doit revoir ses orientations budgétaires.
Q - FO a toujours été réservé sur les 35 heures. Que pensez-vous de la proposition de loi UMP sur le temps de travail ?
R - Aujourd'hui, le gouvernement dit aux salariés si vous voulez améliorer votre niveau de vie, soit vous travaillez plus, soit vous attendez que les prix baissent. Ce discours est inacceptable. Par ailleurs, le gouvernement Raffarin est entrain d'anticiper sur la révision de la directive européenne sur le temps de travail. Il va permettre des dérogations au-delà du contingent légal d'heures supplémentaires. La révision de la directive aboutira au fait que la durée hebdomadaire du travail pourra atteindre 61 heures par semaine ! Aujourd'hui, la réglementation européenne fixe une durée maximale du travail de 48 heures en moyenne sur 4 mois. Le projet européen est de fixer cette durée maximale à 48 heures en moyenne sur 12 mois. Nous avons été critiques sur la loi Aubry. Mais, aujourd'hui, nous refusons que les salariés soient victimes de la double peine. Ils ont payé pour la mise en place des 35 heures : modération salariale et flexibilité. Maintenant, le gouvernement veut les supprimer. Il faut arrêter le discours sur le a libre choix". Un salarié n'a pas le choix. Refuser de faire des heures supplémentaires peut être un motif de licenciement. Les salariés veulent gagner plus. Mais ils ne souhaitent pas travailler plus. Les PDG du CAC 40 ont vu leurs rémunérations fixes augmenter de 10 % l'an dernier. Alors, n'ayons pas de complexes!
(Source http://www.force-ouvriere.fr, le 18 janvier 2005)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Interview de M. Jean-Claude MAILLY dans LE PARISIEN le 23 janvier 2005 :
Jannick Alimi : Etes-vous satisfait par l'ampleur de la mobilisation sociale qui a eu lieu cette semaine ?
Jean-Claude Mailly : Je suis très satisfait par le nombre et le taux de grévistes. Cela dit, cette mobilisation, qui porte d'abord sur les revendications salariales et, en second lieu, sur l'avenir des services publics, confirme nos prévisions. En revanche, je suis très mécontent par la réponse du gouvernement, et notamment celle du ministre de la Fonction publique, Renaud Dutreil. Je la juge inacceptable. Comment peut-on ainsi fermer la porte à tout dialogue, soutenir qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses de l'Etat et refuser même de négocier ?
Le Parisien Vous vous opposez au gouvernement sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Comment expliquez-vous ces différences d'appréciation ?
Jean-Claude Mailly : Renaud Dutreil raisonne comme un comptable et un employeur. Il prend en compte la masse salariale qui intègre le déroulement de carrière, les promotions. Or tous les fonctionnaires n'ont pas la même ancienneté, les mêmes promotions. Si l'on se réfère à l'indice des prix, je confirme que le pouvoir d'achat des fonctionnaires a perdu 5 % depuis 2000.
Le Parisien : Les contraintes budgétaires sont réelles pourtant...
Jean-Claude Mailly : Quand le Premier ministre parle de dialogue social, il faut encore le concrétiser par la négociation. Renaud Dutreil, lui, parle de " refondation de la fonction publique ", la formule d'Ernest-Antoine Seillière, le président du Medef. M. Dutreil se comporte comme un ministre de la Privatisation de la fonction publique. Non seulement, il n'aime pas les fonctionnaires, mais il les méprise. C'est inadmissible. Quant au budget, on a bien trouvé l'an dernier de quoi alléger les taxes et les charges sociales des restaurateurs et des chefs d'entreprise. On a pu aussi baisser l'impôt sur le revenu et certaines cotisations sociales. Un budget doit savoir s'adapter aux imprévus, il n'est jamais fermé. C'est un acte politique. Au gouvernement de se donner les marges de manoeuvre nécessaires.
Le Parisien: Constatez-vous une montée des revendications salariales dans le secteur privé ?
Jean-Claude Mailly: Absolument. FO, la première, s'en était fait l'interprète dès la mise en place des 35 heures qui avaient entraîné une modération, voire le gel, des salaires. Depuis, elles prennent encore plus d'importance. Pour plusieurs raisons. Les prix, depuis l'euro, et les loyers ont flambé. De plus, le chômage est reparti à la hausse depuis 2002, et notamment chez les jeunes, poussant les familles à soutenir financièrement leurs enfants. Résultat : le pouvoir d'achat des Français est plombé. La réponse gouvernementale et patronale consistant à dire soit vous travaillez plus, soit on attend que les prix baissent est inadmissible.
Le Parisien : Comment allez-vous relayer ces revendications ?
Jean-Claude Mailly : Tout d'abord, nous donnons rendez-vous à l'ensemble des salariés, privé et public, le 5 février prochain pour une journée d'action nationale. Nous demandons l'ouverture de négociations dans les branches sur les salaires minimaux et dans les entreprises. Les salaires sont devenus le terrain de mobilisation prioritaire car c'est de la consommation que dépend notre croissance économique. On a tenté la baisse de l'impôt sur le revenu et cela n'a pas marché car elle concerne des populations qui épargnent plus qu'elles ne consomment.
Le Parisien : Ne pensez-vous pas que ce mécontentement social se politise à l'approche du référendum sur l'Europe ?
Jean-Claude Mailly : La date du référendum n'est pas encore arrêtée. FO a toujours été très critique sur l'Europe, et notamment sur le pacte de stabilité. La défense du pouvoir d'achat restera un de nos chevaux de bataille prioritaires et la proximité du référendum n'y changera rien. Au gouvernement de décider s'il veut rouvrir le dialogue. S'il cherche le blocage, il l'aura.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 25 janvier 2005)
Aurore Gorius - Pourquoi militez-vous pour une hausse des salaires en 2005 ?
Jean-Claude Mailly : Il y a urgence car le pouvoir d'achat est en berne depuis pas mal de temps. Les prélèvements nouveaux au 1er janvier, notamment au titre de l'assurance maladie, vont à nouveau le plomber. Les salariés sont d'abord confrontés à la hausse les prix depuis le passage à l'euro et cela est maintenant reconnu par l'INSEE. Ensuite, les loyers ont fortement augmenté. Cela concerne toutes les villes maintenant et pas seulement les grandes. Enfin les salariés sont de plus en plus amenés à aider leurs enfants, voire leurs petits-enfants, parce qu'ils ne trouvent pas de travail, ou alors seulement précaire.
Q - Dans la fonction publique, les négociations sont closes...
R- Il n'y a rien eu en 2003, 0,5 % en 2004 et les propositions gouvernementales pour 2005 ne sont pas acceptables. Cela justifie le mouvement dans la fonction publique prévu pour le 20 janvier. Le gouvernent explique partout qu'il y a un problème de consommation, mais il est loin de donner l'exemple.
Q - Le retard est-il le même dans le privé ?
R - Cela dépend des entreprises. Certaines ont adopté des revalorisations. EADS a augmenté ses salaires en 2004 de 3,1 %. D'autres n'ont pas négocié du tout, comme H M. Mais il y a d'abord les négociations de branche, et nous demandons que là où les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC, il y ait renégociation.
Q - Que pensez-vous de la hausse des heures supplémentaires voulue par Jean-Pierre Raffarin ?
R - Tous les économistes s'accordent à dire qu'il y a un problème de consommation dans ce pays. Le gouvernement aussi. Mais lui dit "tout sauf les salaires". Jean-Pierre Raffarin laisse entendre aux salariés que s'ils veulent voir leur niveau de vie augmenter, ils sont contraints de travailler plus longtemps. Nous contestons cette logique. Il fait comme si les salariés pouvaient choisir leur durée de travail, ce qui est faux. Ce sont les employeurs qui décident des heures supplémentaires.
Q - Pour dégager du pouvoir d'achat, pourquoi ne pas baisser une nouvelle fois la TVA ?
R - Nous y avons toujours été favorables car c'est l'impôt le plus injuste. Mais ça ne remet pas en cause la nécessité de revaloriser les salaires. Les employeurs devraient faire attention. Ils ne peuvent pas se plaindre de l'absence de motivation des salariés s'ils ne rémunèrent pas correctement le travail ! Et j'ajoute que quand les salaires augmentent, ça a aussi un effet positif dès le mois suivant sur tous les régimes de protection sociale collective: assurance chômage, vieillesse et maladie.
Q - Les besoins de revalorisation ne sont peut-être pas les mêmes selon les niveaux de rémunération...
R - Les PDG des entreprises du CAC 40 ont eu une augmentation de 10 % l'année dernière sur la part fixe de leur salaire. Ils n'ont pas de scrupule à demander une augmentation à leur conseil d'administration ou leur conseil de surveillance. A partir de là, il n'y a aucune raison que les salariés soient complexés pour demander des augmentations.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 4 janvier 2005)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Interview de M. Jean-Claude MAILLY dans La Tribune le 17 janvier 2005 :
Delphine Girard - Entre les postiers, les cheminots et les fonctionnaires, la semaine sociale s'annonce agitée. Voyez-vous un fil directeur dans ces mécontentements catégoriels ?
Jean-Claude Mailly - Il y a des problèmes spécifiques à chacun des secteurs. Mais deux problèmes communs dominent ces conflits : les salaires et l'avenir des services publics. Les fonctionnaires ne songent pas seulement à leur statut. Ils se battent pour défendre les services publics. Si le discours sur les valeurs de la République a un sens, il faut conserver les services publics. Si, demain, la banque postale qui doit voir le jour avec la nouvelle loi sur la Poste conduit à créer un établissement financier ayant le même statut que les établissements financiers classiques, les personnes au RMI qui ont un compte à La Poste ne l'auront plus. On pourrait dire la même chose sur la SNCF où 4.000 suppressions d'emplois sont prévues. Nous sommes dans une République. Les citoyens y sont attachés.
Q - Vous attendez-vous à un durcissement du climat social les prochains mois ?
R - Nous sortons de l'après 2003. Les mouvements sociaux de cette année là contre la réforme des retraites, marqués par les grèves et les manifestations, ont pesé sur le climat social en 2004. La situation est aujourd'hui de nouveau tendue et la mobilisation pourrait être forte en 2005.
Q - Quelle est pour FO la première revendication ?
R - La revendication emblématique est celle du pouvoir d'achat, dans le public comme dans le privé. Dans beaucoup d'entreprises privées, les accords salariaux sont très difficiles à obtenir. Des éléments nouveaux se sont rajoutés ces derniers mois et pèsent sur le pouvoir d'achat. Les prix augmentent, ceux des loyers aussi. Le chômage continue de peser très lourd. La solidarité familiale s'exerce pour aider le fils ou le petit-fils au chômage. Du coup, cela plombe le pouvoir d'achat.
Q - Attendez-vous du gouvernement qu'il rouvre les négociations salariales dans la fonction publique ?
R - Nous allons accentuer la pression pour que le gouvernement ouvre réellement des négociations salariales, ce qu'il s'est refusé à faire jusqu'à présent. Pour cela, il doit revoir ses orientations budgétaires.
Q - FO a toujours été réservé sur les 35 heures. Que pensez-vous de la proposition de loi UMP sur le temps de travail ?
R - Aujourd'hui, le gouvernement dit aux salariés si vous voulez améliorer votre niveau de vie, soit vous travaillez plus, soit vous attendez que les prix baissent. Ce discours est inacceptable. Par ailleurs, le gouvernement Raffarin est entrain d'anticiper sur la révision de la directive européenne sur le temps de travail. Il va permettre des dérogations au-delà du contingent légal d'heures supplémentaires. La révision de la directive aboutira au fait que la durée hebdomadaire du travail pourra atteindre 61 heures par semaine ! Aujourd'hui, la réglementation européenne fixe une durée maximale du travail de 48 heures en moyenne sur 4 mois. Le projet européen est de fixer cette durée maximale à 48 heures en moyenne sur 12 mois. Nous avons été critiques sur la loi Aubry. Mais, aujourd'hui, nous refusons que les salariés soient victimes de la double peine. Ils ont payé pour la mise en place des 35 heures : modération salariale et flexibilité. Maintenant, le gouvernement veut les supprimer. Il faut arrêter le discours sur le a libre choix". Un salarié n'a pas le choix. Refuser de faire des heures supplémentaires peut être un motif de licenciement. Les salariés veulent gagner plus. Mais ils ne souhaitent pas travailler plus. Les PDG du CAC 40 ont vu leurs rémunérations fixes augmenter de 10 % l'an dernier. Alors, n'ayons pas de complexes!
(Source http://www.force-ouvriere.fr, le 18 janvier 2005)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Interview de M. Jean-Claude MAILLY dans LE PARISIEN le 23 janvier 2005 :
Jannick Alimi : Etes-vous satisfait par l'ampleur de la mobilisation sociale qui a eu lieu cette semaine ?
Jean-Claude Mailly : Je suis très satisfait par le nombre et le taux de grévistes. Cela dit, cette mobilisation, qui porte d'abord sur les revendications salariales et, en second lieu, sur l'avenir des services publics, confirme nos prévisions. En revanche, je suis très mécontent par la réponse du gouvernement, et notamment celle du ministre de la Fonction publique, Renaud Dutreil. Je la juge inacceptable. Comment peut-on ainsi fermer la porte à tout dialogue, soutenir qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses de l'Etat et refuser même de négocier ?
Le Parisien Vous vous opposez au gouvernement sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Comment expliquez-vous ces différences d'appréciation ?
Jean-Claude Mailly : Renaud Dutreil raisonne comme un comptable et un employeur. Il prend en compte la masse salariale qui intègre le déroulement de carrière, les promotions. Or tous les fonctionnaires n'ont pas la même ancienneté, les mêmes promotions. Si l'on se réfère à l'indice des prix, je confirme que le pouvoir d'achat des fonctionnaires a perdu 5 % depuis 2000.
Le Parisien : Les contraintes budgétaires sont réelles pourtant...
Jean-Claude Mailly : Quand le Premier ministre parle de dialogue social, il faut encore le concrétiser par la négociation. Renaud Dutreil, lui, parle de " refondation de la fonction publique ", la formule d'Ernest-Antoine Seillière, le président du Medef. M. Dutreil se comporte comme un ministre de la Privatisation de la fonction publique. Non seulement, il n'aime pas les fonctionnaires, mais il les méprise. C'est inadmissible. Quant au budget, on a bien trouvé l'an dernier de quoi alléger les taxes et les charges sociales des restaurateurs et des chefs d'entreprise. On a pu aussi baisser l'impôt sur le revenu et certaines cotisations sociales. Un budget doit savoir s'adapter aux imprévus, il n'est jamais fermé. C'est un acte politique. Au gouvernement de se donner les marges de manoeuvre nécessaires.
Le Parisien: Constatez-vous une montée des revendications salariales dans le secteur privé ?
Jean-Claude Mailly: Absolument. FO, la première, s'en était fait l'interprète dès la mise en place des 35 heures qui avaient entraîné une modération, voire le gel, des salaires. Depuis, elles prennent encore plus d'importance. Pour plusieurs raisons. Les prix, depuis l'euro, et les loyers ont flambé. De plus, le chômage est reparti à la hausse depuis 2002, et notamment chez les jeunes, poussant les familles à soutenir financièrement leurs enfants. Résultat : le pouvoir d'achat des Français est plombé. La réponse gouvernementale et patronale consistant à dire soit vous travaillez plus, soit on attend que les prix baissent est inadmissible.
Le Parisien : Comment allez-vous relayer ces revendications ?
Jean-Claude Mailly : Tout d'abord, nous donnons rendez-vous à l'ensemble des salariés, privé et public, le 5 février prochain pour une journée d'action nationale. Nous demandons l'ouverture de négociations dans les branches sur les salaires minimaux et dans les entreprises. Les salaires sont devenus le terrain de mobilisation prioritaire car c'est de la consommation que dépend notre croissance économique. On a tenté la baisse de l'impôt sur le revenu et cela n'a pas marché car elle concerne des populations qui épargnent plus qu'elles ne consomment.
Le Parisien : Ne pensez-vous pas que ce mécontentement social se politise à l'approche du référendum sur l'Europe ?
Jean-Claude Mailly : La date du référendum n'est pas encore arrêtée. FO a toujours été très critique sur l'Europe, et notamment sur le pacte de stabilité. La défense du pouvoir d'achat restera un de nos chevaux de bataille prioritaires et la proximité du référendum n'y changera rien. Au gouvernement de décider s'il veut rouvrir le dialogue. S'il cherche le blocage, il l'aura.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 25 janvier 2005)