Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "Kan-Kan" de janvier 2005, sur la nécessité d'une réforme du système des congés bonifiés.

Prononcé le 1er janvier 2005

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Média : Kan-Kan

Texte intégral

Kan-kan : Le début de notre réflexion sur le dossier des congés bonifiés a été votre audition devant le Sénat, lors de la présentation du budget de l'outre-mer, le 27 octobre dernier, et des inquiétudes nées dans votre souhait de remplacer rapidement le système des congés bonifiés par un autre système
Brigitte Girardin : Sur les congés bonifiés, j'ai toujours eu la même attitude consistant à dire que ce système a sans doute besoin d'être réformé, car il fait l'objet de critiques de la part de ceux qui en bénéficient et qui ne veulent pas - à juste titre - que cet avantage se transforme en une mesure discriminatoire à leur égard. Un système qu'il n'est pas question de remettre en cause. De plus en plus de Français originaires d'outre-mer me disent : on aimerait bien pouvoir retourner chez nous plus souvent et sur des durées moins longues, tous les ans par exemple, et pas forcément pour rester deux mois sur place. Et surtout, dans la fonction publique hospitalière où on trouve une forte proportion d'originaires d'outre-mer, quand arrive la période des congés bonifiés, ceux-ci rencontrent réellement des problèmes d'organisation et de maintien de la qualité des soins dans les hôpitaux. J'ai été alertée sur cette question parce que, d'un côté, les agents concernés sont très appréciés pour leur travail, mais, en même temps, le système des congés bonifiés perturbe les services où ils sont affectés. Je ne veux pas que ce droit à des congés bonifiés se retourne contre eux et qu'on aboutisse à ne plus embaucher d'originaires d'outre-mer.
A partir de là, je souhaite organiser une concertation avec les intéressés pour voir comment on pourrait réformer le système. Mon rôle consiste uniquement à lancer cette concertation et voir si on peut parvenir à réformer dans le consensus ce système avec un seul objectif : maintenir cet avantage sans induire d'effet pervers, notamment en termes de discrimination à l'emploi. Voilà ma position.
Kan-Kan : Dans cette réflexion, avez-vous déjà organisé des concertations ?
Brigitte Girardin : Plusieurs associations originaires d'outre-mer sont tout à fait conscientes de ce problème. Je pense notamment à l'Amédom qui a déjà réfléchi au sujet. Je demande aux associations et aux syndicats de me faire des propositions. Dans cette affaire, je ne suis pas là pour proposer, et encore moins pour imposer. Je veux que les propositions me viennent de la part des gens directement concernés.
Je n'ai pas une approche budgétaire. Je ne dis pas : il faut réformer parce que cela coûte cher. Je dis qu'il faut améliorer les choses, c'est-à-dire permettre aux originaires d'outre-mer de rentrer chez eux selon des modalités plus souples.
Kan-Kan : C'est donc un appel lancé aux associations ?
Brigitte Girardin : Oui, je pense que c'est bien qu'on ait tous ensemble cette réflexion et qu'on ait des propositions à faire ; que l'on mène un débat et une grande concertation entre nous, que toutes les personnes concernées réfléchissent et me fassent part de leurs propositions.
J'ai réuni toutes les associations en fin d'année dernière et je vais mettre en place des groupes de travail pour réfléchir aux problèmes que rencontrent les Domiens en métropole. Car il n'y a pas que les congés bonifiés. Il y a aussi des discriminations au logement, à l'emploi Je considère que ce qu'on appelle le cinquième Dom fait aussi partie de ma mission. Je dois essayer de les aider à régler leurs problèmes. Le gouvernement a aussi mis en place une haute autorité aux discriminations et je vais travailler avec elle pour améliorer la situation. Beaucoup de choses sont en effet inacceptables.
Kan-Kan : Dans cette réflexion, vous avez des dates butoirs ?
Brigitte Girardin : Non, mais je ne veux pas que, petit à petit, sans s'en rendre compte, il y ait de moins de moins de Domiens dans les administrations Et notamment dans la fonction publique hospitalière.
Kan-Kan : Il y a l'évocation des chèques vacances dans les éventualités de remplacement, qu'en est-t-il ?
Brigitte Girardin : Là-dessus, je n'ai pas d'idées arrêtées. Je n'ai pas de réformes en tête. Encore une fois, j'attends des propositions que je ferai expertiser. Et puis, je ne suis pas la seule concernée. Le ministre de la Fonction publique est tout aussi concerné que moi. Cette réflexion doit être aussi interministérielle. Le ministère de la Santé sera également impliqué On est au début d'une réflexion que je souhaite vraiment impulser parce que ça me paraît nécessaire.
Ce sujet me tient à cur parce que je sens qu'il va vraiment se retourner contre les Domiens. Je crois qu'il faut mettre en place une réforme dont je ne connais pas les contours. J'attends que ceux qui sont concernés me fassent des propositions, qu'on en discute et qu'on voit quelle est la meilleure solution. Et j'ai tendance à dire que je réfléchis à coût budgétaire constant. Si on arrive à faire des réformes qui génèrent des économies et bien tant mieux. Si cette réforme aboutit à des économies budgétaires, j'ai un principe qui consiste à dire que ces économies doivent être réinjectées dans l'outre-mer pour servir à régler d'autres questions.
Propos recueillis par Fabienne Léonce
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 3 février 2005)