Déclaration de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur les relations euro-méditerranéennes en matière de défense et de sécurité, à Paris le 26 janvier 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Ouverture de la session euro-méditerranéenne de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) "Sécurité et stabilité en Méditerranée un objectif pour le partenariat", à Paris le 26 janvier 2005

Texte intégral

Monsieur le Directeur,
Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Officiers Généraux,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux d'ouvrir pour la deuxième fois cette session de formation de l'Institut des Hautes Etudes de Défense nationale (IHEDN). Le thème cette année porte sur un des objectifs majeurs du partenariat euro-méditerranéen :
"La sécurité et la stabilité en Méditerranée".
Je me réjouis d'autant plus du choix de ce thème que vous connaissez l'attachement que je porte à la Méditerranée et aux questions de défense. Petit-fils d'amiral, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, j'ai tenu à vous recevoir aujourd'hui car, vous comme moi, nous sommes passionnés par les questions de défense et de diplomatie.
Vous, officiers supérieurs, et moi, homme politique et ministre, nous savons que diplomatie et défense sont les deux instruments de la grandeur de nos pays que nous avons l'ambition de servir chaque jour.
Cette année 2005, qui commence, revêt une importance symbolique pour ce partenariat euro-méditerranéen. Une décennie s'est en effet écoulée depuis son lancement, en 1995, par le processus de Barcelone.
Dix ans après, l'heure est au bilan, mais aussi à la rénovation de ce partenariat. Cette rénovation, nous y travaillons avec d'autant plus d'ardeur que la multiplication des initiatives en direction de la Méditerranée rend nécessaire aujourd'hui la clarification de nos objectifs, ainsi que l'explication de ce qui fait la spécificité de notre partenariat.
Mais parlons d'abord du bilan de ce qui a été fait. L'année 2004 a été riche en événements méditerranéens. Les réunions et conférences se sont succédées. Tout d'abord, évidemment, il y a eu le rendez-vous méditerranéen de Marseille que j'ai inauguré le 14 mai pour créer une synergie au niveau des collectivités locales du pourtour méditerranéen ; puis le Forum méditerranéen à Paris, en octobre, sous présidence française. Un mois plus tard, c'est la ville d'Oran qui accueillait la réunion des ministres des Affaires étrangères du dialogue 5+5. Puis il y a eu la réunion des ministres des Affaires sociales à Alger en septembre 2004, et en juin 2004 à Tunis, la réunion des ministres de l'Intérieur, la réunion des présidents de Parlements à Paris en décembre et, pour la première fois, le 21 décembre, la réunion des ministres de la Défense, sur le même thème que celui de votre session, mais pour les pays riverains du bassin occidental de la Méditerranée.
C'est dire à quel point la Méditerranée est aujourd'hui à l'ordre du jour. C'est pour prendre la mesure de cette montée en puissance de la question méditerranéenne, que les ministres des Affaires étrangères, réunis à La Haye, ont déclaré l'année 2005 : "Année de la Méditerranée".
Le moins que l'on puisse dire, au vu de toutes ces réunions, c'est que la Politique européenne de sécurité et de défense, la "PESD"comme disent les spécialistes, a connu depuis la conférence ministérielle de Naples en 2003 de nombreuses avancées. Que ce soit en Afrique, dans les Balkans, en Bosnie, sur tous les terrains de crises, la PESD est devenue de plus en plus opérationnelle.
C'est donc normal que nos pays, et les pays méditerranéens qui partagent des intérêts de sécurité communs, développent leur dialogue et leur coopération sur ce thème.
D'autant que la France est, comme vous le savez, une véritable puissance méditerranéenne et que sa marine est un acteur incontournable dans la région. Qu'il s'agisse de relations de défense, d'accords commerciaux, d'action diplomatique, vous savez que vous pouvez compter sur la France, que ce soit en concertation avec nos partenaires européens ou dans le cadre des Nations unies.
Depuis la dernière session méditerranéenne de l'IHEDN, l'an dernier, notre dialogue a connu des progrès institutionnels. Diverses rencontres ont eu lieu, entre hauts fonctionnaires du processus de Barcelone, et experts de l'Union européenne. La France a fait, récemment, des propositions concrètes, notamment à travers un non-papier réalisé avec le Maroc, qui ont été reprises par l'Union européenne lors de la conférence de la Haye. Par ailleurs, un séminaire de l'Institut d'Etudes de Sécurité, destiné aux partenaires méditerranéens, est prévu au printemps à Paris, sur les enjeux actuels de sécurité dans cette zone du monde.
Au-delà de la PESD, un effort particulier de coopération en matière de migrations doit également être fait : seule une action concertée entre les rives nord et sud contre l'immigration clandestine et le trafic d'êtres humains pourra permettre le développement d'une fluidité de circulation des personnes que les pays du Sud revendiquent, parallèlement au développement des trois autres libertés - marchandises, capitaux, services - promises, à terme, dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage.
Mais la question reste posée :
La sécurité et la stabilité : pour quoi faire et avec qui ? Quelle est l'importance de cette sécurité et de cette stabilité pour le partenariat euro-méditerranéen ?
Nous vivons une époque où nous devons affronter des menaces transnationales : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le crime organisé, le trafic de drogue et d'êtres humains. Je crois que notre perception des risques est, au Nord comme au Sud, de plus en plus commune.
C'est pourquoi ce dialogue avec nos partenaires méditerranéens constitue la meilleure approche possible de ces phénomènes.
1/ Tout d'abord, rappelons-nous que la première ambition du partenariat euro-méditerranéen, c'est la construction d'un "espace commun de paix et de stabilité", et que ce projet a été initié par la France. Force est de constater, dix ans après, que la portée politique et stratégique de ce projet s'est effacée pour laisser place à une forme de coopération économique régionale renforcée, centrée autour du libre-échange. Ce processus ambitieux que nous avions, s'est réduit à un instrument multilatéral d'accompagnement des accords bilatéraux d'association. Et notre projet de Charte pour la paix et la stabilité du partenariat euro-méditerranéen n'a pas vraiment avancé.
Mais il y a des progrès : les objectifs de renforcement de la coopération pour la prévention et la lutte contre le terrorisme et la non-prolifération ont progressé et vont se développer.
De même, la coopération en matière de sécurité et de défense, notamment s'agissant de la protection civile, se développe favorablement : ainsi par exemple, la réunion des ministres de la Défense du dialogue 5+5 à Paris, le 21 décembre dernier, a permis d'établir un plan d'action clair et concret, ainsi que la mise en place d'un programme intérimaire Euromed sur les désastres naturels et d'origine humaine, géré par la France, l'Italie, l'Algérie et l'Egypte.
2/ Deuxième élément à prendre en compte : l'élargissement de l'Union européenne à l'Est.
Nos nouveaux partenaires européens, plus éloignés géographiquement de la Méditerranée, ne sous-estiment pas l'importance, dans leur propre intérêt, de cette zone de sécurité et de stabilité à leurs nouvelles frontières. Cet espace méditerranéen est aujourd'hui, qu'ils le veuillent ou non, à leurs portes. L'onde de choc des conflits en Méditerranée, aggravée par le 11 septembre, n'est pas à prendre à la légère. La compétition entre l'Est et le Sud doit être évitée, dans l'intérêt bien compris de l'Europe dans son ensemble.
3) Le troisième argument que nous devons prendre en compte pour mesurer l'importance du partenariat euro-méditerranéen est lié à la nouvelle dynamique internationale née des conséquences du 11 septembre 2001 et de la guerre en Irak.
Le terrorisme s'impose désormais à nous comme une grille de lecture prioritaire au plan international.
Les progrès réalisés au plan euro-méditerranéen contre le terrorisme et la non-prolifération, ont donc été en partie le résultat de ces évènements, c'est à dire le résultat de facteurs et d'une dynamique extérieurs à l'espace méditerranéen. Ce défi du terrorisme auquel nous sommes confrontés nous incite à penser et à développer, ensemble, les outils de notre sécurité et de notre défense communes.
Car la Méditerranée, point de contact des sociétés européennes et musulmanes, pourrait, au lieu d'être notre mer commune, notre "mare nostrum", devenir une ligne de fracture. C'est pourquoi, si nous voulons éviter un "choc des civilisations", il faut mettre en place un dispositif de prévention très en amont des conflits.
D'où la prise de conscience qui s'est traduite par le renforcement des instances du dialogue en Méditerranée : le dialogue 5+5 en Méditerranée occidentale ; le Forum méditerranéen, le partenariat de Barcelone, mais aussi le dialogue méditerranéen de l'OTAN ou encore celui de l'OSCE.
Le débat en cours sur la manière de relancer le partenariat euro-méditerranéen doit aussi porter sur ces sujets, car ils ne sont pas sans incidence sur les autres questions.
Dans ces conditions, quelle est la spécificité du dialogue euro-méditerranéen ?
Ce qui distingue, avant tout, le partenariat euro-méditerranéen c'est l'approche globale qu'il a de la sécurité. Les autres cadres de coopération proposés en Méditerranée ont une approche spécialisée : le dialogue méditerranéen de l'OTAN est, par exemple, spécialisé sur les questions militaires.
Notre partenariat euro-méditerranéen, en revanche, a une approche complète de la sécurité. Notre dialogue euro-méditerranéen inclut, non seulement les questions militaires mais aussi toute une gamme de programmes civils, notamment économiques, culturels, politiques.
Notre dialogue euro-méditerranéen appelle la notion de partenariat, et récuse tout caractère coercitif. Cette notion de partenariat est capitale. Le dialogue euro-méditerranéen est marqué par son caractère collégial, il apporte la vision d'un ensemble plus cohérent, fait de coopérations de proximité. Et cette vision partenariale est appelée à se développer encore davantage.
D'ores et déjà, des partenaires méditerranéens interviennent sur le théâtre européen, au sein d'opérations de maintien de la paix. La pertinence de cette méthode partenariale, qui est au coeur de la démarche de Barcelone apparaît aujourd'hui plus que jamais nécessaire pour répondre aux défis sur le long terme.
Nous appelons d'ailleurs sans cesse à une plus grande implication de nos partenaires du Sud dans les réflexions en cours sur la rénovation de Barcelone ; les réunions récentes du Forum Méditerranéen à Paris, du dialogue 5+5 à Oran et du processus euro-méditerranéen à La Haye, ont été particulièrement encourageantes à cet égard.
Pour conclure, je souhaite que cette session de l'IHEDN contribue à enrichir les réflexions en cours sur les questions de défense et de sécurité. Le succès de nos coopérations en matière de PESD dépendra des propositions de l'Union européenne mais aussi et surtout de la volonté des partenaires méditerranéens à s'y engager.
Dans cet esprit, la formation de qualité qu'offre l'IHEDN contribuera à une plus grande visibilité de la Méditerranée, qui est pour nous avant tout une zone de partage, sûre, stable, paisible et prospère
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 janvier 2005)