Tribune conjointe de M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Domenico Siniscalco, ministre italien de l'économie et des finances, M. Hans Eichel, ministre allemand des finances, M. Gordon Brown, chancelier britannique de l'échiquier dans "Le Figaro" du 4 février 2005 sur les réformes structurelles envisagées en Europe pour améliorer la croissance économique.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

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DES REFORMES STRUCTURELLES EN EUROPE POUR UNE CROISSANCE GLOBALE
Ce week-end, nous devons nous réunir à Londres entre les ministres des Finances du G7 pour examiner les problèmes pressants auxquels fait face aujourd'hui l'économie mondiale.
Lors de cette réunion, nous - les quatre plus grandes économies d'Europe - réaffirmerons notre engagement à jouer pleinement notre rôle pour promouvoir une croissance globale plus équilibrée et durable.
En 2004, avec de bonnes performances aux Etats-Unis et en Asie, nous avons connu une croissance soutenue de l'économie mondiale et un rebond marqué de la croissance du commerce international. Pour 2005, les indicateurs conjoncturels suggèrent que cette croissance solide devrait se poursuivre.
Après trois années où elle a été relativement faible par rapport aux autres grandes économies, la croissance en Europe s'est redressée au cours de l'année 2004. Elle est revenue légèrement en dessous de son rythme tendanciel et elle s'est même accélérée dans certains pays.
Mais des risques demeurent à court terme. En tant que décideurs politiques, nous sommes conscients de ces risques et de notre responsabilité pour assurer une croissance soutenue et équilibrée à moyen terme.
De plus, avec une croissance relativement faible au cours de la dernière décennie, l'Europe a pour responsabilité particulière de s'élever à la hauteur des défis de la nouvelle économie globalisée, sur la base des progrès déjà accomplis et des augmentations récentes du taux d'emploi en Europe.
Le rapport de la Commission européenne, publié mercredi, identifie bien l'emploi et la croissance comme les défis majeurs auxquels fait face l'Europe dans une ère de concurrence globale.
Sans action nouvelle pour stimuler les moteurs essentiels de la croissance que sont l'emploi et la productivité, l'Europe ne permettra pas à ses citoyens de bénéficier du progrès et de l'amélioration des niveaux de vie qu'ils attendent.
Nous devons donc poursuivre dans chacune de nos économies les réformes nécessaires pour stimuler la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité, et augmenter la participation au marché du travail, particulièrement pour les plus âgés, et nous le ferons. De cette façon, nous adapterons nos économies aux opportunités et aux défis de la concurrence globale et du vieillissement de la population, tout en assurant la soutenabilité de nos systèmes de retraite.
Nous investirons dans la connaissance et les compétences qui sont vitales pour l'innovation et la compétitivité de l'économie globale. Nous supprimerons les obstacles qui demeurent afin de permettre à nos entreprises d'être plus dynamiques en encourageant l'ouverture des marchés et en favorisant l'amélioration de la réglementation qui doit être un chantier prioritaire en Europe.
Nous devons réformer nos économies, les inciter à s'ouvrir sur le monde extérieur et à être plus compétitives. Ainsi nous stimulerons aussi la croissance, nous augmenterons la résistance de nos économies aux chocs et nous répondrons aux nouveaux défis de la mondialisation.
Cette année, l'Allemagne a achevé la mise en oeuvre des baisses d'impôts et la réforme du marché du travail et du système de protection sociale, afin d'augmenter l'emploi, le taux de participation et par conséquent stimuler la croissance.
La durée des allocations chômage a été réduite et les restrictions aux licenciements assouplies. Les indemnités de chômage et les allocations sociales ont été fusionnées. Le service public de l'emploi a été réformé pour assurer des services de placement plus efficaces pour tous les demandeurs d'emploi, indépendamment des allocations qu'ils reçoivent ; les baisses d'impôts sont destinées à encourager l'offre de travail.
La réforme des retraites mise en oeuvre en Allemagne au cours des dernières années a incité financièrement les travailleurs les plus âgés à rester sur le marché tout en améliorant la soutenabilité des finances publiques. D'autres réformes visent à permettre aux parents de mieux concilier travail et garde d'enfants.
Des pas importants ont aussi été franchis pour améliorer la compétitivité et encourager l'esprit d'entreprise en Allemagne : initiatives pour réduire la bureaucratie et l'excès de réglementation pour les entreprises, modification des lois sur la concurrence et mesures pour faciliter l'accès au capital-risque de jeunes "start-up" spécialisées dans les hautes technologies.
En France, de nombreuses mesures sont prises en faveur de l'emploi : coopération accrue entre l'ANPE et l'UNEDIC, mise en oeuvre des mesures du plan de cohésion sociale pour développer l'emploi des jeunes grâce à la formation et à l'apprentissage ; des mesures pour réduire les charges salariales et faire en sorte que le travail paye davantage.
Pour augmenter le niveau de productivité et stimuler la création d'activité, il faut stimuler les industries à haute valeur ajoutée, grâce à la création de la nouvelle Agence pour l'innovation industrielle et de réseaux locaux hi-tech. Pour améliorer la gestion des dépenses publiques, la loi organique relative aux lois de finances a été adoptée et un comité d'alerte a été créé dans le cadre de l'amélioration de la gouvernance du système d'assurance-maladie.
En Italie, des réformes cruciales ont déjà été entreprises pour retarder l'âge de départ à la retraite et lancer le second pilier du système de retraites, pour réduire le chômage qui est passé en dessous de la moyenne européenne et augmenter le taux de participation des travailleurs.
Le gouvernement italien s'est également engagé à poursuivre les réductions d'impôts pour encourager l'offre de travail. Il s'est engagé à mettre en oeuvre des réformes supplémentaires destinées à augmenter la productivité, à renforcer la compétitivité par la libéralisation, et à simplifier le cadre réglementaire afin de réduire le fardeau administratif pesant sur les entreprises. La mise en oeuvre complète des réformes italiennes dans le domaine de l'éducation renforcera aussi le capital humain en augmentant le niveau de formation et les compétences professionnelles. Par ailleurs, de nouvelles incitations fiscales ont été introduites pour stimuler la R D et l'innovation.
En Grande-Bretagne, le chômage est à son niveau le plus bas depuis plus de 25 ans. De nouvelles mesures, notamment "Pathways to Work" et "Jobcentre Plus" qui couple allocations, amélioration des compétences, formation et soutien à la recherche d'emploi, aident à fournir à tous de meilleures opportunités d'emploi. Ainsi, une proportion plus élevée que jamais de personnes est au travail.
L'an dernier, le gouvernement a lancé un audit indépendant pour examiner les besoins futurs de l'économie britannique en termes de qualifications. Il a mis en place un plan à 10 ans pour la science et l'innovation. Grâce à des mesures supplémentaires pour améliorer le cadre réglementaire des entreprises, le Royaume-Uni continue à réduire son écart de productivité avec ses principaux concurrents.
Alors que nous nous réunissons à Londres ce week-end, nous sommes unis par un objectif commun. Il n'y a plus de temps à perdre, c'est le moment de faire avancer franchement les réformes économiques.
Nous sommes conscients de nos responsabilités partagées en tant que grandes économies en Europe et dans le monde. Nous reconnaissons la contribution que chacun de nous doit y apporter. Il nous faut réunir les conditions d'une croissance globale, créatrice d'emplois, et favorisant une plus grande prospérité. Tous nos concitoyens le méritent et l'attendent.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2005)