Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, à "France Inter" le 13 juillet 2004 sur les départs en vacances et la prévention par le contrôle des vitesses par les radars automatiques et la détection des taux d'alcoolémie pour les chauffeurs.

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Média : France Inter

Texte intégral


Q- E. Delvaux -. A l'heure des départs en vacances, souvenons-nous que le mois de juillet a été, l'an dernier, le plus meurtrier de l'année. Cela dit, il y a eu globalement, moins de morts, moins de blessés, moins d'accidents corporels en 2003 par rapport à l'année précédente. Cette tendance qui va dans le bon sens, selon vous, est-elle due à la peur du gendarme que vous avez développée, ou bien à une prise de conscience citoyenne ?
R - "Je crois qu'il y a un temps à tout. Et il y a un moment donné où les esprits sont mûrs pour recevoir les messages forts. Et le message fort, c'était, rappelez-vous, il y a juste deux ans, le 14 Juillet 2002, l'appel du président de la République, après le débat sur l'amnistie concernant les infractions à la sécurité routière. Les esprits étaient mûrs, on a montré qu'il y avait une volonté politique, le Gouvernement s'est réuni, tous les ministres concernés - de la Santé, l'Education nationale, l'Intérieur, et bien sûr, des Transports. Il y a eu les états généraux. A partir de ce moment-là, les Français ont vu que ce n'était pas un appel comme un autre, et qu'il y avait lieu de faire vraiment un effort tous ensemble. Avec les forces de police et de gendarmerie - vous avez raison -, mais aussi avec de mesures très positives en faveur de la formation, en faveur de la prévention, les esprits ont évolué et évoluent progressivement. Mais il y a encore du chemin à faire."
Q- Vous parlez de "la prévention", mais sur l'aspect répressif de votre politique, il y a les désormais célèbres radars automatiques. Leur fiabilité a parfois été remise en cause. Selon vous, ces appareils sont-ils irréprochables ?
R - "Je vous rappelle que les radars sont arrivés en novembre 2003 et que les statistiques s'étaient améliorés depuis juin 2002. Donc, les radars ne sont pas à l'origine de l'amélioration de la sécurité routière. Les radars sont venus amplifier ces bons résultats. Sont-ils fiables ? Bien sûr, qu'ils sont fiables. Aujourd'hui, il y a 1,5 % seulement, de personnes qui contestent les contraventions qu'ils reçoivent. Et vous savez qu'il y a à peu près 900.000 voitures ou infractions qui ont été relevées aujourd'hui sur les voitures françaises. 900.000, près d'1 million, et seulement 1 % de contestation. C'est dire que les appareils sont fiables. Il y a une vérification après la prise de vue ; cette vérification a lieu dans les 24 heures, et 48 heures après, l'auteur de l'infraction reçoit l'avis de contravention."
Q- Vous avez prévu d'installer 1.000 radars automatiques ?
R - "1.000 radars d'ici à fin 2005."
Q- Evidemment, vous allez me dire que c'est pour la bonne cause...
R - "Ce n'est pas beaucoup, compte tenu du nombre de kilomètres de routes et d'autoroutes qu'il y a en France, je vous assure que ça en fait une dizaine par département."
Q- Entendez-vous la critique de ceux qui vous reprochent d'en faire, ce qu'ils appellent des "pompes à fric" ?
R - "J'entends la critique de ceux qui disent : "Y'en a marre de se faire cartonner sur les routes !", évidemment j'ai aussi des amis qui se font "cartonner". Il n'y a plus d'indulgence, ça aussi c'est un changement d'habitude, un changement de culture. Il n'y a plus d'indulgence. Et puis ceux qui trouvent que "trop, c'est trop", n'ont qu'à lever le pied. L'effet, en tout cas, est là : on ralentit sur les routes, la vitesse moyenne a ralenti d'environ 10 km/h."
Q- L'argent récolté est réinvesti ?
R - "Sur l'argent récolté, il n'y a aucune ambiguïté. Aujourd'hui, environ 40 millions ont été récoltés, 160 millions sont dépensés. C'est-à-dire qu'on est loin d'avoir récolté suffisamment d'argent pour payer les 1.000 radars. Et lorsqu'on aura payé les 1.000 radars avec l'argent récolté - il faudra donc récolter 160 millions d'euros -, à ce moment-là, l'argent en surplus, s'il y en a, ira à la sécurité routière - j'en prends l'engagement, cela a été dit et redit, toujours à la sécurité routière. Mais je souhaite une chose : c'est que, tout simplement, il n'y ait plus d'argent récolté ; cela voudra dire que tout le monde est bien sage sur la route et qu'il y aura encore moins de victimes. Je vous rappelle que l'essentiel est là : ce n'est pas pour piéger, on signale tous les radars, ce n'est vraiment pas pour embête les gens. Il y a 3.000 personnes aujourd'hui qui sont en vie grâce à cela, 3.000 ! Il y a environ 70.000 oui 75.000 personnes qui ne sont pas allées à l'hôpital grâce à cela, grâce à cette politique-là. Alors que l'on pense d'abord, justement, aux victimes qu'on a évitées plutôt qu'aux ennuis, si on est inattentif ou au contraire, si sur la route, on fait volontairement une infraction. On est dans un pays de droit après tout. Qu'il y ait des sanctions quand on commet des infractions, surtout dangereuses pour les autres, c'est la règle du jeu."
Q- Le taux d'alcoolémie pour les chauffeurs de poids-lourds et d'autocars va passer de 0,5 à 0,2 gr/litre de sang. Hier, la CFDT a souhaité que cette mesure soit applicable à tous, pour ne pas faire des chauffeurs de bus des boucs émissaires. Que répondez-vous, ce matin, à la CFDT ?
R - "Je réponds qu'on a voulu déjà baisser le taux d'alcoolémie sur les chauffeurs de bus pour deux raisons : la première, c'est qu'évidemment, quand on transporte 50 ou 80 personnes, on a une responsabilité beaucoup plus importante, beaucoup plus grande. La deuxième raison, c'est que quand on conduit un bus, c'est beaucoup plus délicat et cela nécessite beaucoup plus d'attention, de concentration d'esprit qui fait que, vraiment, on doit avoir l'esprit complètement clair. Et on sait qu'il y a déjà une petite dégradation de la concentration quand on a 0,30 ou 0,40. Alors, il y a des pays où il y a des normes à 0 % d'alcoolémie. Nous, nous avons pensé que les 0,50 étaient entrés dans les moeurs, que c'était le cas le plus général, que c'était plutôt une moyenne européenne. Mais pour les transports collectifs de voyageurs, c'était bien de marquer aussi une différence."
Q- Donc pas question de généraliser à 0,2 ?
R - "Pour l'instant, nous n'avons jamais discuté de cela et nous n'avons jamais même étudié cela. Nous avons toujours dit : il y a des règles qui existent, on les fait respecter. Mais là où il y a des cas particuliers, il faut quand même les traiter, et c'est le cas."
Q- Vous allez recevoir, ce matin, le professeur Got à votre ministère (). Le professeur Got vient de fonder une "Association des voitures inutilement rapides", pour interdire les véhicules dont la vitesse dépasserait les limitations autorisées sur les routes de France. Mais de ce côté-là, rien ne pourra se faire sans Bruxelles. Or l'Allemagne, qui a de gros constructeurs, des marques avec des véhicules qui vont vite, ne verrait certainement pas d'un bon oeil l'interdiction des véhicules rapides. Qu'allez-vous répondre, ce matin, au professeur Got ?
R - "Je vais répondre d'abord en le remerciant de tout ce qu'il fait pour la sécurité routière. Parce que le professeur Got travaille au Conseil national de la sécurité routière, c'est un homme passionné par la sécurité routière, il nous amène beaucoup, beaucoup, beaucoup d'idées applicables. Et puis il y a des idées qui sont moins applicables. Celle-là est une idée moins applicable. Elle serait d'abord passible d'une mesure communautaire, parce que, à quoi cela servirait-il de brider les voitures des deux grandes marques françaises - vous parlez des voitures allemandes, mais permettez-moi de parler des voitures françaises, donc le groupe PSA et le groupe Renault - si nous avons la possibilité d'acheter des voitures étrangères non bridées ? Donc, cela ne peut être qu'une mesure générale, sinon elle est irréaliste, et donc elle resterait voeu pieux. Néanmoins, je peux vous dire que cette idée-là, je l'ai déjà évoquée, au sein du Conseil transport, c'est-à-dire des Conseils des ministres des Transports européens, comme l'une des suggestions qu'il faudra étudier, parce qu'on ne peut pas rester effectivement avec des voitures, qui ne sont pas forcément des grosses voitures - rappelez-vous, il y a eu des accidents en France avec des petites voitures, toute petites voitures... Il suffit de regarder d'ailleurs le compteur lui-même : à l'arrêt, on voit quand même des chiffres de 220, 230, 240 ou 250 kilomètres par heure, même avec des petites voitures françaises. Je crois que vraiment, là, on marche par-dessus la tête."
Q- En revanche, il reste les limitateurs régulateurs de vitesse et le bridage des voitures. Vous y êtes favorable. Que disent en général les constructeurs français ?
R - "Ils disent que c'est une réponse collective, qu'il ne faut pas non plus arrêter la recherche, que l'on peut se servir de sa voiture, le cas échéant, sur certains circuits... Tout cela ce sont des arguments, à mon avis, qui sont quand même très relatifs. Je crois qu'il faut d'abord, dans un premier temps, développer énormément tout ce qui est limiteur, régulateur de vitesse, sur les petites voitures. Jusqu'ici, il y en a sur les grosses voitures, ce ne devrait même pas être en option, cela devrait être généralisé. Parce que quand on peut régler sur l'autoroute sa vitesse à 125-130, on arrive à la même heure et on prend beaucoup moins de risques."
Q- Les éthylotests à 1 euro, vendus en pharmacie ...
R - "Cela marche très bien..."
Q- "60 millions de consommateurs" disait le contraire.
R- "Non, "60 millions de consommateurs" disait : attention aux éthylotests, il y en a qui ne marchent pas et il y en a qui marchent bien. Ceux qui ne marchent pas, qui ne sont pas fiables, sont plutôt les électroniques aujourd'hui. Quant aux chimiques, ils sont beaucoup plus fiables. Donc, n'hésitez pas à en acheter, n'hésitons pas à en acheter. Tout au long de l'été, on a envie, de temps en temps, de boire un bon petit coup. Ou bien dans la voiture, il y en a un qui ne boit pas et qui peut conduire ; et puis, si on a bu un tout petit peu, on prend un éthylotest, ça coûte 1 euro et ça se trouve dans les pharmacies."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 juillet 2004)