Déclaration de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes, sur le rôle des foyers d'action éducative de la protection judiciaire de la jeunesse, à Saint-Quentin (Aisne) le 18 octobre 2004.

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Circonstance : Inauguration d'un foyer d'action éducative à Saint-Quentin (Aisne) le 18 octobre 2004

Texte intégral

Monsieur le Sénateur et Maire de Saint-Quentin,
Monsieur le Ministre, cher collègue,
Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Directeur Régional,
Monsieur le Procureur de la République
Monsieur le Président,
Monsieur le Bâtonnier,
Monsieur le Directeur Départemental,
Mesdames et Messieurs les Magistrats de la Jeunesse,
Mesdames et Messieurs les Chefs de service,
Mesdames, Messieurs,
Ma présence ici parmi vous, avec le Directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, n'est pas une simple visite. Elle est le témoignage de l'intérêt que porte le Garde des Sceaux et que je porte à la jeunesse et plus particulièrement à la jeunesse qui nous est confiée.
Je suis très heureuse d'inaugurer, avec vous, ce nouveau foyer, en Picardie. Cet établissement est doté d'un cadre magnifique. Son projet a été porté depuis plusieurs années avec beaucoup de conviction par les directions régionale et départementale de la PJJ et par Madame Bron, son ancienne directrice que je veux remercier aujourd'hui pour son action.
Merci aussi à tous les élus et à toutes les autorités locales pour leur soutien sans lequel cette opération n'aurait pas été rendue possible.
Je pense en particulier, bien évidemment à vous M. le Maire. Je sais que vous avez été facilitateur de la réalisation de ce beau projet, devenu réalité après six années de préparation.
Je vous remercie, Monsieur le Procureur Général, pour votre présence. Vous venez d'arriver en Picardie et vous êtes déjà sensible aux questions des jeunes placés sous main de justice, comme le sont avec vous, Mesdames et Messieurs les Chefs de juridiction et les magistrats de la Jeunesse.
L'ouverture du nouveau foyer d'action éducative de Saint-Quentin vient augmenter la capacité d'accueil du dispositif régional d'hébergement des mineurs confiés à la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Chaque structure de ce dispositif répond, nous le savons bien, à un besoin repéré et propose des modalités de prise en charge adaptées. Ainsi, le Centre de Placement Immédiat de Laon qui sera lui aussi, courant 2005, complètement reconstruit, répond à la demande de placement en urgence, le Centre Educatif Fermé de Beauvais maintient le mineur dans un lieu déterminé rendant possible la mise en place d'une démarche éducative à laquelle il s'était auparavant soustrait, ou qu'il avait mise en échec, de façon répétée.
Quant aux familles d'accueil et lieux de vie assez nombreux dans le ressort de la Cour d'Appel, ils développent avec un nombre important de jeunes, un accompagnement humain original et très individualisé qui donne de bons résultats.
Je n'oublie pas les établissements du secteur associatif habilité, particulièrement dynamiques en Picardie, dont je salue ici les responsables, notamment ceux de " la Cordée " à Soissons et des " ateliers professionnels " de Lizy bien impliqués dans le travail partenarial avec le service public.
Le FAE qui ouvre aujourd'hui ses portes répond, quant à lui, à une autre nécessité : celle d'une prise en charge dans la durée en vue de favoriser, par une action éducative soutenue, une insertion durable des jeunes dans une société où ils n'ont pas su ou pas pu trouver leur place.
Je souhaiterais m'adresser plus particulièrement à vous les jeunes qui vivez dans le foyer.
C'est rarement par choix que vous êtes là, mais parce que " votre " juge des enfants, " votre " juge d'instruction vous y a placés. Vous avez été confiés au service de la protection judiciaire de la jeunesse par décision de Justice et ce, dans votre intérêt.
Votre foyer doit être à la fois un lieu de protection, d'éducation, d'apprentissage et de surveillance.
C'est d'abord pour vous un lieu de protection.
Ainsi, un mineur victime de mauvais traitements doit-il pouvoir être confié à une structure qui le protège.
De même, il n'est pas rare qu'un jeune, auteur d'infractions pénales, ne puisse parfois, même quand il le souhaite, se soustraire à la pression de son quartier, du groupe auquel il appartient et auprès duquel il a trouvé un rôle, une identité et, pour tout dire, une certaine raison de vivre. Cette emprise empêche souvent le bon fonctionnement d'une action éducative pourtant nécessaire. Le placement offre alors au jeune, le recul et surtout la sécurité, la sérénité dont il a besoin pour faire le point sur le sens de son histoire, engager un opportun travail de " révision de vie " et lui apporter par une action éducative soutenue, menée dans un cadre chaleureux et sûr, un soutien vigilant à sa démarche d'insertion.
Le foyer, c'est aussi un lieu d'éducation, en lien avec votre famille.
Pour vous, l'action éducative doit, durant un temps, se conduire au quotidien, dans les gestes et les évènements de tous les jours : lever, coucher, repas, sorties, loisirs. La présence continue de professionnels, au premier rang les éducateurs, favorise les occasions de rencontres et de relations fortes qui sont à la base de toute action éducative approfondie. Le plus souvent, vous ressentez la décision de placement d'abord comme une entrave à votre liberté d'aller et venir. Ce n'est que peu à peu, par une action proche et ferme, qu'il peut y avoir autre chose : une chance à saisir, une pause profitable dans votre parcours de vie fait jusque là, le plus souvent, d'échecs et de rejets.
Le foyer, c'est aussi un lieu d'apprentissage. Celui des règles de vie en collectivité et plus largement de la vie en société.
La vie dans notre société obéit à des règles sans lesquelles les rapports humains se réduisent à des rapports de force. Les règles posées n'ont pas seulement pour but de restreindre le champ de liberté de chacun, en fixant des limites et des interdits, mais aussi de le protéger (du plus fort, du plus riche, du plus puissant ).
La vie en collectivité, par des règles de vie qu'elle impose, permet un autre rapport à l'autre. Elle constitue les bases d'une ouverture à la citoyenneté.
Le foyer, c'est aussi un lieu de surveillance.
Surveillance au sens d'abord de protection et de prévention, au sens de celle assurée par les parents à l'égard de leurs enfants pour éviter les incidents ou les actes dont ils ont pu être victimes comme ceux dont ils peuvent être les auteurs.
Surveillance aussi au sens judiciaire du terme. Si le placement ne constitue pas en lui-même une sanction, il comporte pour les mineurs placés au titre de l'ordonnance de 45 un certain nombre de contraintes.
Ainsi, au quotidien, c'est l'équipe éducative, proche de chaque jeune, qui s'assure du respect des règles de la vie collective et de la mise en uvre des objectifs fixés par le magistrat.
Le foyer est enfin un lieu ouvert sur la société civile.
Le foyer n'est pas un lieu d'exclusion sociale comme pouvaient l'être les gros internats au début du XXe siècle. Le placement n'est pas une fin en soi. C'est un lieu où se forgent les réponses pour l'insertion des jeunes.
Le partage des tâches entre, d'un côté, le travail éducatif au sein de la structure, basé sur la relation et l'émergence de projets individuels et, de l'autre, l'insertion avec ses outils : apprentissage professionnel, formation, activités mais aussi, on ne le dit pas assez, restauration de l'image et de la personne du jeune, notamment en ce qui concerne sa santé, c'est à dire l'absence de pathologies et le développement d'un état de bien être général.
A l'équipe éducative :
Je m'adresse à toute l'équipe éducative qui contribue à ce que ces jeunes aient un avenir. Votre mission est belle. Elle n'est pas des plus faciles. Le travail en foyer est un travail particulièrement lourd. Il vous confronte quotidiennement à la souffrance des jeunes, à leurs échecs, à leurs peurs, à leurs exigences du tout de suite, à l'intolérance, à la frustration. Ne dit-on pas que c'est un métier écartelé entre la noblesse de la mission et l'âpreté du quotidien professionnel. Mais vous avez, malgré tout, choisi d'y travailler car vous croyez en votre mission éducative.
Je vous redis la confiance du Gouvernement pour la mise en uvre des priorités issues de la loi d'orientation et de programmation pour la Justice, notamment en ce qui concerne les jeunes dits les plus difficiles qui sont aussi d'abord les plus en difficulté avec notre monde, avec eux-mêmes. Vous êtes les artisans, dans vos pratiques professionnelles, de relations aux jeunes, de liens éducatifs porteurs d'épanouissement et de respect.
Je voudrais terminer mon propos en vous remerciant tous pour la qualité de ce moment ; je me tourne vers vous, M. LACAZE, jeune directeur sortant de formation initiale et récemment nommé ici.
Vers vous, Mesdames, qui avez en charge la préparation des repas, la tenue de la maison. Je sais bien que vous faites beaucoup plus : dans l'équipe éducative à laquelle vous appartenez pleinement, votre présence amène vraisemblablement une autre note, une autre couleur, continuez comme cela.
Je me tourne enfin vers vous qui faites vivre, avec les jeunes, cette grande bâtisse : personnels d'éducation bien sûr mais aussi cadres, personnels administratifs et techniques, psychologue et agents de justice.
Je vous souhaite à tous bonne chance et forme des vux de réussite pour tous les jeunes et cet établissement.

(Source http://www.justice.gouv.fr, le 7 décembre 2004)