Interviews de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, dans "Les Echos" du 6 décembre 2004 et "Le Parisien" du 11, sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires, la négociation salariale et le projet du Gouvernement de licenciement économique.

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Média : Energies News - Les Echos - Le Parisien - Les Echos

Texte intégral

Les Échos du 6 décembre 2004
Les Échos: Quel regard portez-vous sur l'évolution du pouvoir d'achat ?
R - Il faut absolument booster le pouvoir d'achat. Son évolution a été notoirement insuffisante ces dernières années, dans le public comme dans le privé. Les salariés se sont en grande partie payé les 35 heures par une modération, voire un gel de leurs rémunérations. Maintenant, du fait de la hausse des prix, des loyers et de l'essence, beaucoup ont le sentiment d'être étranglés. Les ménages s'endettent, voire se surendettent pour faire face. Le gouvernement y voit un élément de confiance dans les perspectives de croissance, mais l'Insee montre que les Français ont au contraire le moral dans les chaussettes. Cela doit alimenter la revendication salariale.
Q - Ce n'est pourtant pas un thème sur lequel vous arrivez à mobiliser. Comment l'expliquez-vous ?
R - Le contrecoup de l'échec de la mobilisation contre la réforme des retraites, qui s'est soldée par un échec, commence tout juste à s'estomper. On sent sur le terrain un sérieux mécontentement sur les salaires qui s'exprimera un jour ou l'autre.
Q - Cela ne semble pas être pour demain pour les fonctionnaires...
R - On verra ce que Renaud Dutreil proposera mercredi.
Q - Vous ne semblez pas très préoccupé par la compétitivité française ?
R - Les salaires n'en sont qu'un élément, bien moins important que la qualité des infrastructures et de la main-d'uvre par exemple. En revanche, ils sont déterminants pour relancer la consommation, elle-même essentielle pour dynamiser la croissance. Et quand je vois la rémunération des PDG des entreprises du CAC 40, je dis aux salariés: "N'ayez aucun complexe, eux n'en ont pas."
Q - La baisse des prix ne peut-elle pas être une solution ?
R - D'abord, pour l'instant, personne ne l'a vue. Ensuite, une telle mesure a un caractère pour le moins illusoire. Les entreprises exigent des contreparties, menacent de supprimer des postes de travail et de développer le hard-discount, qui emploie deux fois moins de salariés que le reste de la grande distribution avec des conditions de travail dégradées.
Q - Le gouvernement travaille aussi sur la participation et les 35 heures...
R - Concernant le compte épargne-temps, nous avons dit depuis le départ que nous sommes favorables, sous certaines conditions, à sa monétisation rapide, que permet déjà la loi. En revanche, nous sommes hostiles à un CET pour la retraite, car cela favoriserait la capitalisation. Nous sommes aussi totalement opposés aux projets du gouvernement sur le contingent d'heures supplémentaires. Son passage de 180 heures à 210 heures par an plus le jour férié travaillé, ça nous ramènerait aux 40 heures. De quoi réveiller Léon Blum !
PROPOS RECUEILLIS PAR LEÏLA DE COMARMOND


(Source http://www.force-ouvriere.org, le 7 décembre 2004)
Le Parisien du 11 décembre 2004
Q - Bernard Thibault de la CGT a appelé hier l'ensemble des confédérations syndicales à se réunir pour envisager une mobilisation contre les assouplissements des 35 heures annoncés par Jean-Pierre Raffarin. Que lui répondez-vous ?
Jean-Claude Mailly : Il faut réagir. Je pense que les cinq confédérations vont se rencontrer rapidement afin de discuter de la suite à donner à cette affaire. En attendant, à FO, nous allons prendre rapidement le pouls des militants et réunirons nos instances dirigeantes dès la semaine prochaine afin de prendre une décision. Cela étant, je ne suis pas d'accord avec Bernard Thibault lorsqu'il affirme que les syndicats hésitent à défendre les salariés: nous les défendons sans hésitation.
Q - Compte tenu de vos protestations à chaud, on ne comprend pas très bien pourquoi vous ne semblez depuis pas très pressé de mobiliser pour défendre les 35 heures ?
R - Je vous rappelle que les annonces du gouvernement n'ont eu lieu qu'avant-hier et que sur un dossier aussi important, il ne s'agit pas de faire n'importe quoi. Même s'il est en train de s'estomper, l'effet 2003 de la réforme des retraites avec ses manifestations et ses prélèvements sur salaires des jours de grève est encore dans bien des esprits. Il faut en tenir compte mais on ne restera pas sans rien faire, car ce qui va se passer dans les entreprises est trop grave.
Q - Pourquoi ?
R - Avec un contingent d'heures supplémentaires porté à 220 heures et un jour férié en plus l'an prochain, les salariés vont dépasser les 39 heures pour atteindre les 40 heures par semaine. Et puis les entreprises feront le chantage à l'emploi: "Si vous refusez de travailler plus, on délocalise !" Voilà ce qui va se passer concrètement.
Q - Mais après tout, si les gens veulent travailler plus pour gagner plus, pourquoi les en empêcher ?
R - C'est vrai que beaucoup veulent gagner plus. Cela s'explique par le gel des salaires lié aux 35 heures, à la hausse des prix, de l'essence, des loyers... Mais ils ne veulent pas forcément travailler plus longtemps.
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade


(Source http://www.force-ouvriere.org, le 14 décembre 2004)