Texte intégral
Q - Pourquoi a-t-on, depuis deux mois, cette impression que le rapprochement s'accélère entre Paris et Alger ?
R - Parce que nos deux chefs d'Etat, le président Chirac et le président Bouteflika l'ont décidé. Ils se sont vus plusieurs fois, en 2003 et 2004 et ont décidé de préparer ce traité d'amitié. Il ne faut pas qu'on en reste à des mots, à des voeux. Nous mettons donc en oeuvre ce projet de traité d'amitié qui devrait être signé en 2005 et nous essayons de lui donner un contenu concret.
Q - Pourquoi seulement en 2005 ? Est-ce qu'il y a encore des points qui bloquent ?
R - Nous commençons à travailler sur ce traité d'amitié, sur le nouvel élan à donner à la coopération bilatérale, notamment sur le plan culturel ou sur des projets très concrets, comme ceux que j'ai signés avant-hier à Alger sur le problème de l'hydraulique, sur le risque sismique, sur la création d'une Ecole supérieure algérienne des Affaires. Il y a des problèmes de sécurité et la dimension euro-méditerranéenne. Et puis, il y a aussi le travail de mémoire que nous devons faire entre nos peuples. Sur ces quatre axes, nous engageons la réflexion commune. Il faut donc un certain nombre de mois pour aboutir à la rédaction de ce traité d'amitié.
Q - Est-ce que vous allez faciliter l'obtention de visas pour les Algériens qui veulent venir en France ?
R - Il y a déjà eu un très gros progrès dans la délivrance de visa aux citoyens algériens qui viennent en France, puisqu'en quelques années ce nombre a été multiplié par deux ou par trois. Nous continuerons à faciliter, dans le respect des règles, la délivrance de visas.
Q - Vous avez parlé de collaboration en matière de sécurité. Est-ce que le traité d'amitié permettra aux deux armées, française et algérienne, de s'échanger des informations classifiées, notamment sur la lutte anti-terroriste ?
R - Il y a une coopération, d'une manière générale, de la part de tous les pays qui veulent lutter contre la violence terroriste et cette coopération a d'ailleurs été renforcée depuis les attentats de New York et ceux de Madrid. Mais je ne veux pas préjuger, pour le reste, de la nature de la coopération sur le plan de la sécurité. Ce sera l'objet de la visite de Mme Alliot-Marie à Alger.
Q -Est-ce que vous confirmez que le numéro deux du GSPC, Abdel Razak "Le Para", a été capturé par des rebelles tchadiens il y a trois mois ?
R - Je vous ai dit que ce sera l'objet de la discussion, je n'ai pas de commentaire à faire sur ce point.
Q - On a appris, il y a deux mois, l'arrivée d'une vingtaine d'experts militaires américains en Algérie pour préparer d'éventuelles opérations aéroportées sur l'Afrique et le Moyen-Orient. Est-ce que les Etats-Unis ne sont pas en train de damer le pion à la France ?
R - Notre relation, entre Algériens et Français, comme entre Européens et pays arabes de l'autre côté de la rive de la Méditerranée, ne se situe pas franchement dans une relation concurrente ou d'animosité à l'égard de ce que peuvent faire ces pays et, je pense, de ce qu'ils doivent faire pour améliorer leurs relations avec les Etats-Unis. Ces pays ont une raison de s'ouvrir également de l'autre côté de l'Atlantique. Ils ont des raisons différentes de continuer d'approfondir le dialogue que nous avons avec eux et je ne me situe pas dans un climat de quelconque rivalité à propos des relations entre l'Algérie et les Etats-Unis. Ce sont des relations différentes et légitimes toutes les deux.
Q - Vous dites "travail de mémoire" entre Paris et Alger. Est-ce que vous souhaitez que le gouvernement algérien fasse un geste pour les Harkis ?
R - J'ai évoqué le souhait légitime des Harkis, qui font partie totalement de la communauté nationale française, de pouvoir aller plus librement et plus facilement sur cette terre à laquelle ils ont un tel attachement. Ce message a été compris et entendu à Alger.
Q - Sur le plan des libertés, Monsieur le Ministre, il y a actuellement plusieurs journalistes en prison en Algérie. On pense bien sûr à Mohamed Benchicou et à Ahmed Benaoum, directeur d'un groupe de presse, qui souffre d'hypertension. Est-ce que les libertés publiques ne sont pas menacées après la réélection de M. Bouteflika en avril dernier ?
R - J'ai eu l'occasion d'évoquer cette question importante de la liberté de la presse, de la démocratie, du pluralisme, à l'occasion de cette visite. J'ai rappelé naturellement la position traditionnelle, et cela ne vous surprendra pas, de la France qui est en effet attachée, partout dans le monde, à ce pluralisme, à cette liberté de la presse. J'ai observé d'ailleurs qu'en Algérie, la presse avait une liberté de ton, à la fois dans ce qu'elle écrit en langue arabe et ce qu'elle écrit en langue française y compris, au-delà des articles, dans les caricatures. Je pense que cela fait partie de la force et de la réalité de l'image de l'Algérie et j'ai souhaité que cela puisse continuer.
Q - Sur le conflit du Sahara, vous prônez un dialogue direct entre Alger et Rabat alors que votre homologue algérien a réaffirmé que la solution restait un référendum d'autodétermination des Sahraouis. Est-ce que ce n'est pas un dialogue de sourds entre Paris et Alger ?
R - Nous avons naturellement évoqué cette question du Sahara à Alger, comme je l'avais fait à Rabat, en disant ce qu'est la position de la France. Nous souhaitons préserver la stabilité de cette région et je pense qu'il y a d'abord un intérêt pour toutes les parties à poursuivre leurs discussions dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution politique réaliste et une solution durable. Je pense que rien ne doit être imposé à personne. J'ai, dans le cadre de ce dialogue et notamment dans le cadre des Nations unies, le sentiment - je l'ai dit à Alger, je l'ai dit à Rabat, je vous le redis - qu'un dialogue bilatéral entre l'Algérie et le Maroc contribuerait à faciliter un tel règlement.
Q - Oui mais Alger n'en veut pas ?
R - J'ai exprimé notre sentiment et je pense que les Algériens et les Marocains n'ont pas besoin d'intermédiaire, ni de tuteur, ni de tutelle, pour discuter entre eux.
Q - Est-ce que, comme la Turquie, les pays du Maghreb - Algérie, Tunisie, Maroc -, n'ont pas vocation à entrer un jour dans l'Union européenne ?
R - La question ne se pose pas pour ces pays de la même manière qu'elle peut se poser pour la Turquie à laquelle la perspective d'une adhésion a été ouverte et un dialogue engagé il y a maintenant près de quarante ans. Ce qui est davantage en cause pour les pays du Maghreb, c'est d'abord qu'ils s'organisent entre eux, qu'ils aient des liens, une forme de marché commun, une unité économique et politique - cela ne veut pas dire l'uniformité - et puis qu'entre cette rive-là et l'autre rive, la nôtre, il y ait davantage d'échanges, davantage de liberté dans les échanges, davantage de coopération. Comme pour le Maroc - je le dirai à Tunis dans quelques jours - en Algérie aussi il y a une raison d'avoir un vrai partenariat particulier entre ces pays du Maghreb et l'Union européenne. En tout cas, moi, comme ministre français des Affaires étrangères et comme ancien commissaire européen, je veux travailler à ce partenariat en utilisant certaines des méthodes qui font leurs preuves en matière de politique structurelle et d'aide régionale à l'intérieur de l'Union européenne.
Q - Mais en tant qu'ancien commissaire européen si, un jour, Alger, Rabat ou Tunis frappent à la porte de l'Union européenne, qu'est-ce que vous répondrez ?
R - Ils sont déjà associés à l'Union européenne. On peut aller sans doute plus loin que l'accord d'association. Je ne crois pas qu'il s'agisse aujourd'hui d'une adhésion. Nous sommes, s'agissant de l'Union européenne, dans un projet continental. Chacun doit avoir sa propre identité, son propre parcours. En revanche, il y a, j'en suis tout à fait sûr, de vraies raisons de renforcer, de donner un nouvel élan au partenariat entre le projet européen et le projet du Maghreb.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2004)
R - Parce que nos deux chefs d'Etat, le président Chirac et le président Bouteflika l'ont décidé. Ils se sont vus plusieurs fois, en 2003 et 2004 et ont décidé de préparer ce traité d'amitié. Il ne faut pas qu'on en reste à des mots, à des voeux. Nous mettons donc en oeuvre ce projet de traité d'amitié qui devrait être signé en 2005 et nous essayons de lui donner un contenu concret.
Q - Pourquoi seulement en 2005 ? Est-ce qu'il y a encore des points qui bloquent ?
R - Nous commençons à travailler sur ce traité d'amitié, sur le nouvel élan à donner à la coopération bilatérale, notamment sur le plan culturel ou sur des projets très concrets, comme ceux que j'ai signés avant-hier à Alger sur le problème de l'hydraulique, sur le risque sismique, sur la création d'une Ecole supérieure algérienne des Affaires. Il y a des problèmes de sécurité et la dimension euro-méditerranéenne. Et puis, il y a aussi le travail de mémoire que nous devons faire entre nos peuples. Sur ces quatre axes, nous engageons la réflexion commune. Il faut donc un certain nombre de mois pour aboutir à la rédaction de ce traité d'amitié.
Q - Est-ce que vous allez faciliter l'obtention de visas pour les Algériens qui veulent venir en France ?
R - Il y a déjà eu un très gros progrès dans la délivrance de visa aux citoyens algériens qui viennent en France, puisqu'en quelques années ce nombre a été multiplié par deux ou par trois. Nous continuerons à faciliter, dans le respect des règles, la délivrance de visas.
Q - Vous avez parlé de collaboration en matière de sécurité. Est-ce que le traité d'amitié permettra aux deux armées, française et algérienne, de s'échanger des informations classifiées, notamment sur la lutte anti-terroriste ?
R - Il y a une coopération, d'une manière générale, de la part de tous les pays qui veulent lutter contre la violence terroriste et cette coopération a d'ailleurs été renforcée depuis les attentats de New York et ceux de Madrid. Mais je ne veux pas préjuger, pour le reste, de la nature de la coopération sur le plan de la sécurité. Ce sera l'objet de la visite de Mme Alliot-Marie à Alger.
Q -Est-ce que vous confirmez que le numéro deux du GSPC, Abdel Razak "Le Para", a été capturé par des rebelles tchadiens il y a trois mois ?
R - Je vous ai dit que ce sera l'objet de la discussion, je n'ai pas de commentaire à faire sur ce point.
Q - On a appris, il y a deux mois, l'arrivée d'une vingtaine d'experts militaires américains en Algérie pour préparer d'éventuelles opérations aéroportées sur l'Afrique et le Moyen-Orient. Est-ce que les Etats-Unis ne sont pas en train de damer le pion à la France ?
R - Notre relation, entre Algériens et Français, comme entre Européens et pays arabes de l'autre côté de la rive de la Méditerranée, ne se situe pas franchement dans une relation concurrente ou d'animosité à l'égard de ce que peuvent faire ces pays et, je pense, de ce qu'ils doivent faire pour améliorer leurs relations avec les Etats-Unis. Ces pays ont une raison de s'ouvrir également de l'autre côté de l'Atlantique. Ils ont des raisons différentes de continuer d'approfondir le dialogue que nous avons avec eux et je ne me situe pas dans un climat de quelconque rivalité à propos des relations entre l'Algérie et les Etats-Unis. Ce sont des relations différentes et légitimes toutes les deux.
Q - Vous dites "travail de mémoire" entre Paris et Alger. Est-ce que vous souhaitez que le gouvernement algérien fasse un geste pour les Harkis ?
R - J'ai évoqué le souhait légitime des Harkis, qui font partie totalement de la communauté nationale française, de pouvoir aller plus librement et plus facilement sur cette terre à laquelle ils ont un tel attachement. Ce message a été compris et entendu à Alger.
Q - Sur le plan des libertés, Monsieur le Ministre, il y a actuellement plusieurs journalistes en prison en Algérie. On pense bien sûr à Mohamed Benchicou et à Ahmed Benaoum, directeur d'un groupe de presse, qui souffre d'hypertension. Est-ce que les libertés publiques ne sont pas menacées après la réélection de M. Bouteflika en avril dernier ?
R - J'ai eu l'occasion d'évoquer cette question importante de la liberté de la presse, de la démocratie, du pluralisme, à l'occasion de cette visite. J'ai rappelé naturellement la position traditionnelle, et cela ne vous surprendra pas, de la France qui est en effet attachée, partout dans le monde, à ce pluralisme, à cette liberté de la presse. J'ai observé d'ailleurs qu'en Algérie, la presse avait une liberté de ton, à la fois dans ce qu'elle écrit en langue arabe et ce qu'elle écrit en langue française y compris, au-delà des articles, dans les caricatures. Je pense que cela fait partie de la force et de la réalité de l'image de l'Algérie et j'ai souhaité que cela puisse continuer.
Q - Sur le conflit du Sahara, vous prônez un dialogue direct entre Alger et Rabat alors que votre homologue algérien a réaffirmé que la solution restait un référendum d'autodétermination des Sahraouis. Est-ce que ce n'est pas un dialogue de sourds entre Paris et Alger ?
R - Nous avons naturellement évoqué cette question du Sahara à Alger, comme je l'avais fait à Rabat, en disant ce qu'est la position de la France. Nous souhaitons préserver la stabilité de cette région et je pense qu'il y a d'abord un intérêt pour toutes les parties à poursuivre leurs discussions dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution politique réaliste et une solution durable. Je pense que rien ne doit être imposé à personne. J'ai, dans le cadre de ce dialogue et notamment dans le cadre des Nations unies, le sentiment - je l'ai dit à Alger, je l'ai dit à Rabat, je vous le redis - qu'un dialogue bilatéral entre l'Algérie et le Maroc contribuerait à faciliter un tel règlement.
Q - Oui mais Alger n'en veut pas ?
R - J'ai exprimé notre sentiment et je pense que les Algériens et les Marocains n'ont pas besoin d'intermédiaire, ni de tuteur, ni de tutelle, pour discuter entre eux.
Q - Est-ce que, comme la Turquie, les pays du Maghreb - Algérie, Tunisie, Maroc -, n'ont pas vocation à entrer un jour dans l'Union européenne ?
R - La question ne se pose pas pour ces pays de la même manière qu'elle peut se poser pour la Turquie à laquelle la perspective d'une adhésion a été ouverte et un dialogue engagé il y a maintenant près de quarante ans. Ce qui est davantage en cause pour les pays du Maghreb, c'est d'abord qu'ils s'organisent entre eux, qu'ils aient des liens, une forme de marché commun, une unité économique et politique - cela ne veut pas dire l'uniformité - et puis qu'entre cette rive-là et l'autre rive, la nôtre, il y ait davantage d'échanges, davantage de liberté dans les échanges, davantage de coopération. Comme pour le Maroc - je le dirai à Tunis dans quelques jours - en Algérie aussi il y a une raison d'avoir un vrai partenariat particulier entre ces pays du Maghreb et l'Union européenne. En tout cas, moi, comme ministre français des Affaires étrangères et comme ancien commissaire européen, je veux travailler à ce partenariat en utilisant certaines des méthodes qui font leurs preuves en matière de politique structurelle et d'aide régionale à l'intérieur de l'Union européenne.
Q - Mais en tant qu'ancien commissaire européen si, un jour, Alger, Rabat ou Tunis frappent à la porte de l'Union européenne, qu'est-ce que vous répondrez ?
R - Ils sont déjà associés à l'Union européenne. On peut aller sans doute plus loin que l'accord d'association. Je ne crois pas qu'il s'agisse aujourd'hui d'une adhésion. Nous sommes, s'agissant de l'Union européenne, dans un projet continental. Chacun doit avoir sa propre identité, son propre parcours. En revanche, il y a, j'en suis tout à fait sûr, de vraies raisons de renforcer, de donner un nouvel élan au partenariat entre le projet européen et le projet du Maghreb.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2004)