Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la participation des salariés et l'épargne salariale, la mise en place des accords de participation et d'intéressement dans les entreprises et le dispositif du Plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), Paris le 24 juin 2004.

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Circonstance : Réunion plénière du Conseil supérieur de la participation à Paris le 24 juin 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J'ai le plus grand plaisir à ouvrir cette nouvelle réunion plénière du Conseil Supérieur de la Participation.
La participation, au sens large, est en effet une valeur à laquelle je suis tout particulièrement attaché. J'ai la conviction qu'elle constitue un irremplaçable facteur de progrès social et traduit, plus largement, une conception de la société plus équitable, plus solidaire, plus efficace.
C'est sans doute le Général de Gaulle qui su le mieux montrer comment la participation pouvait permettre de réconcilier durablement l'économique et le social. Qu'il me soit permis de le citer :
" Il y a une troisième solution : c'est la participation, qui, elle, change la condition de l'homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une oeuvre économique commune (), il s'agit que tous forment ensemble une société, une société où tous aient intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct. Cela implique que soit attribuée, de par la loi, à chacun une part de ce que l'affaire gagne et de ce qu'elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés d'une manière suffisante de la marche de l'entreprise et puissent, par des représentants qu'ils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions. "
Ce concept de participation demeure actuel. Je crois même qu'il retrouve toute sa place dans le contexte de mondialisation accélérée qui est le nôtre.
La mondialisation peut être porteuse de progrès. Mais, parce que nous n'avons pas encore su mettre l'homme réellement au centre du processus, elle induit aussi de nombreux effets pervers qu'il nous faut aujourd'hui corriger. C'est à mon sens la condition nécessaire si nous voulons construire un modèle de société qui ne soit pas seulement un modèle économique, mais qui reste aussi un modèle social au service de tous.
C'est en ce sens que le Gouvernement souhaite renforcer, sous tous ses aspects, la cohésion sociale et démocratie sociale. C'est en ce sens que je crois, avec Jean-Louis Borloo, nécessaire de favoriser plus encore la diffusion de l'esprit de participation et des instruments financiers qui lui servent de support.
A cet égard, à l'heure où le groupe d'experts européens présidé par M. Jean Baptiste de Foucauld s'apprête à rendre ses conclusions sur les obstacles à la diffusion de la participation dans l'Union Européenne, je me réjouis de constater que nous avons en France les dispositifs les plus élaborés en matière de participation et d'épargne salariale. Je veillerai personnellement aux suites qui seront données à ce rapport. Je considère en effet que notre modèle de participation doit constituer une référence au niveau européen.
Mais le Conseil supérieur a aussi un rôle essentiel à jouer en la matière. Et ma présence aujourd'hui parmi vous témoigne de l'importance que j'attache à vos travaux.
Depuis sa création en 1994, le Conseil a su occuper toute la place que lui a confié le législateur en la matière.
Je souhaite ici remercier chacun d'entre vous pour le travail que vous accomplissez. Je sais le temps que vous consacrez au Conseil Supérieur de la Participation, au travers notamment des trois groupes de travail qui ont été mis en place. Je tiens particulièrement à remercier son vice-président, Claude Cambus. Je connais et j'apprécie ses convictions et son engagement en faveur de ce Conseil. Je tiens ici à lui souhaiter un prompt rétablissement pour lui permettre de revenir au plus vite animer vos travaux avec tout l'enthousiasme qui est le sien.
De fait, le Conseil a su largement répondre à sa triple mission d'information, de promotion et de recommandation. Je considère à ce titre que la diversité de ses membres est une richesse qui a permis de diffuser plus largement l'idée de participation et sur laquelle il importe de s'appuyer plus encore. Dans cette perspective, il me semble utile que le Conseil puisse disposer de pages réservées sur le site internet du ministère du travail afin que vos travaux puissent être le plus largement accessibles par les salariés et les entreprises. Je pense ici notamment à vos rapports annuels ou surtout aux guides méthodologiques que vous avez pu élaborer, avec le soutien de l'administration, dont la diffusion est pour l'heure trop restreinte. Cela me semble constituer une exigence placée au cur de votre mission d'information et de promotion des bonnes pratiques.
Vos travaux permettent en particulier de dresser l'indispensable état des lieux de la participation.
De votre dernier rapport d'activité, je retiendrai quelques chiffres qui me paraissent de nature à mieux cerner les forces et les faiblesses de la participation.
Globalement, ce sont 5, 5 millions de salariés (soit 37,5 % des salariés des entreprises non agricoles) qui ont bénéficié en 2001 d'une prime de participation, d'intéressement ou les deux à la fois, pour un montant total distribué de 8,7 milliards d'euros. L'encours global des sommes investies à ce titre en fonds commun de placement avoisine les 50 milliards d'euros.
J'observe plusieurs évolutions positives :
- une croissance des accords de participation et un développement plus rapide de ceux d'intéressement. Il s'agit là d'une tendance lourde que la loi du 19 février 2001 n'a fait que renforcer. Les derniers bilans de la négociation collective pour 2002 et 2003 confirment d'ailleurs cette tendance : en 2003, la participation était ainsi le thème dominant de la négociation d'entreprise en concernant plus de 40 % de l'ensemble des accords conclus ;
- une majoration sensible des sommes distribuées en 2001, le montant global des sommes distribuées traduisant une augmentation de 14,5 % par rapport à l'année précédente.
Mais ce bilan met aussi en évidence certaines insuffisances persistantes :
- seule une minorité de salariés bénéficient de ces dispositifs : 28,5 % pour la participation et 24 % pour l'intéressement ;
- De même, en 2001, seules 3 % des entreprises ont un plan d'épargne d'entreprise (PEE) et 30 % des salariés ont la possibilité d'épargner grâce à de tels plans. L'ouverture des plans est dans la plupart des cas liée à des accords d'intéressement ou de participation.
La conclusion qu'il me semble possible de tirer de ces constats est que la participation, au sens large, conserve encore de très larges potentialités de développement, ce que corroborent d'ailleurs certaines études récentes sur la perception de l'épargne salariale par les salariés et les entreprises.
Dans cette perspective, mais est-il nécessaire de vous le rappeler, la loi du 19 février 2001 a mis en place toute une palette d'outils pour permettre le développement de l'épargne salariale, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Le rapport du Conseil pour 2003 devrait permettre d'avoir une première idée quantitative de ce développement, mais on peut d'ores et déjà estimer qu'il s'agit d'un succès si l'on considère la vitalité de la négociation de branche visant à instituer des plans d'épargne interentreprises (PEI).
Je crois en effet indispensable de pouvoir disposer dès l'an prochain d'un premier bilan approfondi des nouvelles dispositions législatives. L'évaluation doit en effet être au cur de notre démarche et doit servir, si nécessaire, à adapter notre réglementation.
C'est d'ailleurs dans ce cadre que s'inscrivent déjà les travaux actuels du Conseil, suivant en cela les objectifs proposés par François Fillon l'année dernière et que je vous confirme.
Ces objectifs, je vous le rappelle, sont au nombre de quatre :
- consolider, améliorer et simplifier les dispositifs d'épargne salariale en étudiant notamment la possibilité d'une révision de la formule de calcul de la participation et d'une fusion de la participation et de l'intéressement ;
- faire avancer la participation au niveau européen - je l'évoquais il y a un instant- en réduisant les obstacles à sa diffusion, à la lumière notamment des travaux du groupe d'experts présidés par M. Jean-Baptiste de Foucauld ;
- développer les passerelles entre l'épargne salariale, l'épargne-retraite et le compte épargne-temps ;
- permettre aux salariés de contribuer à la définition des orientations et des choix stratégiques des entreprises, et développer la bonne gouvernance et la responsabilité sociale des entreprises.
Bien entendu, avec Jean-Louis Borloo, nous souscrivons totalement à ces objectifs. Je sais que vos travaux avancent et je souhaite que le Conseil soit en mesure de présenter des propositions pour la fin de la présente mandature.
Pour autant, le paysage de l'épargne salariale dans notre pays n'a rien de figé : depuis un an, un certain nombre de changements de nature législative ou réglementaire sont intervenus, qui ont répondu pour certains aux objectifs fixés par notre prédécesseur. J'en citerai deux :
- La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a créé le Perco, Plan d'épargne pour la retraite collectif, dont le décret d'application a été récemment publié. Nous allons donc à présent assister à la mise en place de ce nouveau dispositif, et bien que je n'ignore pas les réserves de certains d'entre vous vis-à-vis de ce nouveau produit, je sais que vous serez des observateurs attentifs de sa montée en puissance.
- Je n'oublie ce que l'on appelle désormais les " amendements Chérioux " qui ont été intégrés à la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Vous avez souhaité, Monsieur le sénateur, apporter quelques aménagements aux dispositifs actuels afin de favoriser la diffusion de l'épargne, notamment dans les petites entreprises ou dans les groupes de dimension européenne, et d'encourager la négociation collective en la matière.
Toutes ces évolutions ne constituent pas un bouleversement du paysage de la participation. Mais elles témoignent d'une ambition de plus large diffusion de la participation.
Cette ambition appelle une réflexion poursuivie et sans cesse renouvelée dans laquelle le Conseil Supérieur de la Participation joue et doit continuer à jouer un rôle moteur essentiel. Il ne doit pas hésiter à s'emparer de tous les sujets aujourd'hui encore insuffisamment explorés et pour lesquels les Pouvoir publics doivent pouvoir disposer des éléments d'éclairage nécessaires. A ce titre, j'évoquerai encore quatre sujets sur lesquels je souhaiterais entendre les analyses et les propositions de votre Conseil.
Les deux premiers ont trait à notre connaissance statistique mais aussi qualitative des différents dispositifs.
Malgré les efforts du Conseil, subsiste en quelque sorte une " zone grise " pour l'actionnariat salarié. Il n'est aujourd'hui pas possible de savoir ce que représente actuellement l'actionnariat salarié en France. Cela me paraît d'autant plus préjudiciable que l'actionnariat constitue en quelque sorte le " stade ultime de la participation ". Or le Conseil supérieur, notamment du fait de son rapprochement avec l'Autorité des marchés financiers -je rappelle qu'elle est représentée de droit au sein du Conseil-, me semble en mesure de pouvoir perfectionner notre système d'information en la matière, en lien bien entendu avec les différents organismes et administrations concernées.
Il serait également souhaitable - je l'ai dit- que le Conseil puisse analyser au plus près la mise en place des PERCO et leur articulation avec les autres dispositifs d'épargne salariale.
Les deux autres sujets répondent à un engagement pris par le Gouvernement lors des débats sur la loi du 4 mai 2004. A l'occasion de l'introduction du titre sur la participation, le Gouvernement s'est en effet engagé à procéder à une analyse approfondie de deux propositions présentées au Sénat :
- la première porte sur les possibilités de mobilisation de l'épargne salariale dans le cadre de la transmission d'entreprises, tout spécialement des PME, le cas échéant par le biais d'une réactivation du régime de la reprise d'entreprise par ses salariés ;
- la seconde a trait à l'opportunité d'élargir le bénéfice de l'intéressement aux chefs d'entreprises de moins de cent salariés à l'instar de la disposition existante pour les PEE ;
Ces deux propositions me paraissent devoir être d'autant plus utilement expertisées par votre Conseil qu'elles ne sont pas sans lien avec vos travaux en cours, et je pense ici au groupe sur les PME, ou à vos travaux passés, car je crois me souvenir que le Conseil avait déjà examiné certaines pistes d'élargissement de l'intéressement.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les quelques propos dont je tenais à vous part en ouverture de vos travaux de ce jour. J'attends donc beaucoup de vos propositions. Je peux vous assurer, vous l'aurez compris, de mon soutien et du concours actif de mes services, tout particulièrement de la DRT et de la DARES, mais aussi des autres administrations ici représentées que je salue.
Mais, je ne terminerai pas cette intervention sans un hommage particulier à l'un de vos membres. Je pense naturellement, mais vous l'aurez compris, au Président Chérioux.
Puisque vous allez prochainement achever votre mandat, qu'il me soit permis en cette occasion, Monsieur le Sénateur, au nom du Gouvernement et au nom des membres de ce Conseil, de saluer tout le travail que vous avez accompli en tant que membre de la commission des affaires sociales du Sénat et en tant que membre très actif du Conseil Supérieur de la Participation. Nous connaissons tous - et moi le premier- la force de l'engagement qui est le vôtre en matière de participation. Durant toutes ces années, vous avez grandement contribué au développement de la participation et n'avez cessé d'uvrer à sa promotion. Doit-on rappeler que vous êtes non seulement l'un des initiateurs de la loi de 1994, mais aussi à l'origine de l'existence même de ce Conseil, qui sans votre amendement n'aurait pas vu le jour ? Doit-on rappeler que la loi dite " Fabius " du 19 février 2001 pourrait tout aussi bien s'appeler la loi " Chérioux " tant il est vrai que la majeure partie de ses dispositions, et notamment les PEI, s'inspirent de votre rapport d'information sénatorial de septembre 1999 ? Mais je ne doute pas que vous ne continuiez à suivre de très près les questions de la participation tout au long des années à venir
Je vous remercie.

(Source http://www.travail.gouv.fr, le 25 juin 2004)