Texte intégral
R. Arzt - Les mesures budgétaires qui ont été annoncées la semaine dernière par J.-P. Raffarin sont en train de provoquer une série de débats et de contestation, à gauche comme à droite. Voyons donc ce que vous en dites. Avec la hausse du Smic, par exemple, qui va être étalée sur deux ans au lieu de se faire en une seule fois, les entreprises n'auront pas à subir toute la hausse en 2005. C'est plutôt une bonne nouvelle pour vous ?
E.-A. Seillière - "Nous avions dit que les 35 heures obligeaient à augmenter le Smic de façon tout à fait démesurée - 17 % en trois ans - et que le faire en trois ans, ce n'était pas possible. Nous avions dit : cinq ans minimum. Le Gouvernement a décidé trois ans. Aujourd'hui, il se rend compte qu'il n'y arrive pas, et donc il a tendance à vouloir repousser cette hausse, encore que, pour l'instant, rien ne soit vraiment décidé. En matière budgétaire, il y a des arbitrages finaux. Nous, nous travaillons de très près avec N. Sarkozy au ministère des Finances pour essayer de trouver des formules. Mais rien n'est encore décidé et il y a encore beaucoup d'arbitrages à faire."
R. Arzt - Et si c'était vraiment en deux fois, vous seriez satisfait ?
E.-A. Seillière - "On ne peut pas dire qu'on serait satisfait, parce que quand on a annoncé que l'on ferait quelque chose, et puis que l'on est amené à ne pas pouvoir le faire, que ce soit vis-à-vis des salariés ou vis-à-vis des entreprises, c'est tout de même une situation en effet qui n'est pas très facile à accepter et à admettre. Mais d'autre part, la hausse démesurée du Smic, sur lequel nous avons d'ailleurs demandé une réforme qui n'a jamais été envisagée - le Smic est trop élevé en France, non pas en termes sociaux mais en termes économiques. Qu'on veuille faire du complément à celui qui travaille - par exemple la prime à l'emploi - est compréhensible. Mais que l'on décide par des coups de pouce ou des décisions politiques, que le minimum de l'heure de travail en France est à un prix tel qu'on ne peut pas créer d'emplois, nous disons, nous les entrepreneurs, que c'est une erreur."
R. Arzt - En tout cas, en contrepartie des hausses de Smic, il devait y avoir de nouvelles baisses de charges patronales et ce n'est pas le cas. Pour ne pas perdre de rentrées fiscales, le Gouvernement marque une pause dans les allégements de cotisations patronales sur les bas salaires ?
E.-A. Seillière - "Ce n'est absolument pas décidé. Et si cela devait être décidé, cela créerait un véritable traumatisme chez les entrepreneurs. Il y a très peu de temps, en janvier dernier, une loi Fillon a dit : "On vous mettra à disposition des allégements de charges". Pourquoi ? On vous a obligé à payer 39 heures 35 heures de travail. On vous augmente le Smic de 17 %. Alors ceci est intolérable pour vous, et donc on va vous alléger les charges"
R. Arzt - Et ce qui serait remis en question ?
E.-A. Seillière - "Si on n'allège pas les charges, les entrepreneurs vont avoir une hausse du prix de l'heure de travail, donc de ce fait moins d'embauches, moins d'emplois, probablement des licenciements, moins de croissance... Nous disons très clairement au Gouvernement : ne le faites pas ! Vous avez pris l'engagement de le faire, faites-le !"
R. Arzt - Il y a aussi l'amnistie fiscale. J.-P. Raffarin a évoqué une mise en place d'une formule d'amnistie des capitaux illégalement expatriés. Qu'est-ce que vous en dites, sur un plan technique ? Cela ferait-il revenir les capitaux en France ?
E.-A. Seillière - "D'abord, nous ne sommes absolument pas demandeurs de cela. Nous l'avons appris, nous, par la presse. Les entrepreneurs ne sont pas ceux qui exportent illégalement des capitaux ! Ils les investissent en France, ils n'en ont même pas assez pour ça, alors c'est pas leur affaire ! Donc c'est une affaire qui est sortie de je ne sais où, et dont nous ne sommes nullement responsables. Et en plus de cela, nous ne croyons pas que ce soit efficace, tant qu'il y aura en France l'ISF, dont on sait que c'est lui qui fait partir les capitaux et que c'est lui, ce fameux ISF, qui empêche qu'ils rentrent. Donc, tant qu'on n'aura pas touché à l'ISF, que nous sommes les seuls au monde à avoir à ce niveau, bien entendu les capitaux continueront à sortir légalement, ou illégalement, et ils ne rentreront pas."
R. Arzt - Que cette mesure soit annoncée en même temps que le Smic étalé, vous trouvez que ce n'est pas très habile, comme le disent certains ?
E.-A. Seillière - "Ce sont deux mesures qui sont encore virtuelles, sur lesquelles il n'y a pas eu de décision. Evidemment, susciter beaucoup de réticences politiques sur des mesures qui n'ont pas été prises, c'est une situation inconfortable."
R. Arzt - Que dites-vous des aides contre les délocalisations, c'est-à-dire ces baisses de charges pour les entreprises dans des secteurs et des régions où il y a beaucoup de chômage, pour les amener à recréer de l'emploi ?
E.-A. Seillière - "Deux choses. D'abord, on ne comprend pas très bien s'il s'agit de faire revenir des entreprises qui se sont délocalisées ou s'il s'agit d'empêcher des sociétés qui voudraient se délocaliser de le faire, en leur offrant des avantages qui feraient qu'elles restent là. Si ces avantages qu'on leur offre étaient de nature à les faire rentrer, à les faire rester, pourquoi ne pas les offrir à toutes les entreprises françaises ? C'est la reconnaissance, en réalité, de ce qu'un certain nombre d'excès, ou fiscaux ou de réglementation, obligent les entreprises à considérer devoir quitter le territoire national. Donc on ne comprend pas très bien de quoi il s'agit. Et d'autre part, d'après la rumeur, on nous dirait que ce serait les entreprises qui le paieraient. Alors, cela veut dire que ce sont les entreprises qui paieraient en quelque sorte de l'aménagement du territoire. Et là-dessus, il va falloir quand même nous en parler sérieusement avant qu'on puisse dire qu'on est d'accord !"
R. Arzt - Sur les 35 heures, vous refusez le mot "chantage" à propos des entreprises qui demandent à leurs salariés de travailler 36 heures, sans quoi elles délocalisent ?
E.-A. Seillière - "Oui, c'est une question tout de même très importante. N'oubliez pas qu'on a dit en France, en 1997, avec énormément d'énergie : travaillez moins pour créer des emplois. C'est toute la période Aubry. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on dit ? Travaillez plus pour gardez votre emploi ! Pourquoi ? Mettez-vous à la place d'un chef d'entreprise on lui dit : vous pouvez vendre votre produit tant. Et puis il y a des usines partout dans le monde qui peuvent le produire. Alors il dit à ses salariés et à ses syndicats : pour que j'y arrive, il va falloir que vous travailliez une heure de plus et là j'y arriverai. Je trouve que c'est quelque chose qui prouve qu'actuellement, en France, on ne travaille pas assez pour être compétitifs. Et le monde entier le sait. N'oubliez pas : sur la durée légale à 35 heures, la France est seule monde. Ce sont 1.561 heures de travail par an, le 62ème rang mondial pour la durée du travail."
R. Arzt - Dans quel esprit allez-vous aux discussions sur les 35 heures qui auront lieu avec le ministre du Travail ?
E.-A. Seillière - "Le Gouvernement souhaite entendre les partenaires sociaux. Nous avons quelque chose de très précis à dire : rendez possible dans l'entreprise la négociation collective ou individuelle, pour que chacun puisse déterminer la durée du travail. Et s'il n'arrive pas, par contrat, à l'établir, alors d'accord, les 35 heures s'appliquent, c'est la loi. Mais il faut pouvoir déroger, par le contrat, à la loi. C'est fondamental pour nous. C'est d'ailleurs ce qui se passe quand on passe à 36 heures actuellement dans une entreprise ou dans une autre."
R. Arzt - Comment est le climat économique en ce moment ? On entend dire qu'il y a un regain d'optimisme chez les chefs d'entreprise ?
E.-A. Seillière - "Soyons prudents. Nous croyons à l'hypothèse de 1,7 % de croissance. C'est peu, mais c'est quelque chose, on fera peut-être un tout petit peu mieux. Mais cela ne nous dispense de rien, d'aucun effort de réforme. Vous savez, quand on voit qu'on supprime 8.000 postes de fonctionnaires, semble-t-il, dans le budget 2005, alors qu'il y en a près de 2,6 millions, c'est dire à quel point nous sommes loin du compte ! En réalité, nous avons un déficit énorme, une croissance assez faible. Alors, allons-y, allons-y ! Il faut faire vite et bien les réformes dont on a besoin. Et ça, je crois que le Medef le dit depuis longtemps."
R. Arzt - Et vous comptez sur le Gouvernement pour aller dans ce sens ?
E.-A. Seillière - "Nous le poussons très fort. Mais un gouvernement, vous savez, cela fait d'abord de la politique et cela n'entend pas forcément les entrepreneurs."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 août 2004)
E.-A. Seillière - "Nous avions dit que les 35 heures obligeaient à augmenter le Smic de façon tout à fait démesurée - 17 % en trois ans - et que le faire en trois ans, ce n'était pas possible. Nous avions dit : cinq ans minimum. Le Gouvernement a décidé trois ans. Aujourd'hui, il se rend compte qu'il n'y arrive pas, et donc il a tendance à vouloir repousser cette hausse, encore que, pour l'instant, rien ne soit vraiment décidé. En matière budgétaire, il y a des arbitrages finaux. Nous, nous travaillons de très près avec N. Sarkozy au ministère des Finances pour essayer de trouver des formules. Mais rien n'est encore décidé et il y a encore beaucoup d'arbitrages à faire."
R. Arzt - Et si c'était vraiment en deux fois, vous seriez satisfait ?
E.-A. Seillière - "On ne peut pas dire qu'on serait satisfait, parce que quand on a annoncé que l'on ferait quelque chose, et puis que l'on est amené à ne pas pouvoir le faire, que ce soit vis-à-vis des salariés ou vis-à-vis des entreprises, c'est tout de même une situation en effet qui n'est pas très facile à accepter et à admettre. Mais d'autre part, la hausse démesurée du Smic, sur lequel nous avons d'ailleurs demandé une réforme qui n'a jamais été envisagée - le Smic est trop élevé en France, non pas en termes sociaux mais en termes économiques. Qu'on veuille faire du complément à celui qui travaille - par exemple la prime à l'emploi - est compréhensible. Mais que l'on décide par des coups de pouce ou des décisions politiques, que le minimum de l'heure de travail en France est à un prix tel qu'on ne peut pas créer d'emplois, nous disons, nous les entrepreneurs, que c'est une erreur."
R. Arzt - En tout cas, en contrepartie des hausses de Smic, il devait y avoir de nouvelles baisses de charges patronales et ce n'est pas le cas. Pour ne pas perdre de rentrées fiscales, le Gouvernement marque une pause dans les allégements de cotisations patronales sur les bas salaires ?
E.-A. Seillière - "Ce n'est absolument pas décidé. Et si cela devait être décidé, cela créerait un véritable traumatisme chez les entrepreneurs. Il y a très peu de temps, en janvier dernier, une loi Fillon a dit : "On vous mettra à disposition des allégements de charges". Pourquoi ? On vous a obligé à payer 39 heures 35 heures de travail. On vous augmente le Smic de 17 %. Alors ceci est intolérable pour vous, et donc on va vous alléger les charges"
R. Arzt - Et ce qui serait remis en question ?
E.-A. Seillière - "Si on n'allège pas les charges, les entrepreneurs vont avoir une hausse du prix de l'heure de travail, donc de ce fait moins d'embauches, moins d'emplois, probablement des licenciements, moins de croissance... Nous disons très clairement au Gouvernement : ne le faites pas ! Vous avez pris l'engagement de le faire, faites-le !"
R. Arzt - Il y a aussi l'amnistie fiscale. J.-P. Raffarin a évoqué une mise en place d'une formule d'amnistie des capitaux illégalement expatriés. Qu'est-ce que vous en dites, sur un plan technique ? Cela ferait-il revenir les capitaux en France ?
E.-A. Seillière - "D'abord, nous ne sommes absolument pas demandeurs de cela. Nous l'avons appris, nous, par la presse. Les entrepreneurs ne sont pas ceux qui exportent illégalement des capitaux ! Ils les investissent en France, ils n'en ont même pas assez pour ça, alors c'est pas leur affaire ! Donc c'est une affaire qui est sortie de je ne sais où, et dont nous ne sommes nullement responsables. Et en plus de cela, nous ne croyons pas que ce soit efficace, tant qu'il y aura en France l'ISF, dont on sait que c'est lui qui fait partir les capitaux et que c'est lui, ce fameux ISF, qui empêche qu'ils rentrent. Donc, tant qu'on n'aura pas touché à l'ISF, que nous sommes les seuls au monde à avoir à ce niveau, bien entendu les capitaux continueront à sortir légalement, ou illégalement, et ils ne rentreront pas."
R. Arzt - Que cette mesure soit annoncée en même temps que le Smic étalé, vous trouvez que ce n'est pas très habile, comme le disent certains ?
E.-A. Seillière - "Ce sont deux mesures qui sont encore virtuelles, sur lesquelles il n'y a pas eu de décision. Evidemment, susciter beaucoup de réticences politiques sur des mesures qui n'ont pas été prises, c'est une situation inconfortable."
R. Arzt - Que dites-vous des aides contre les délocalisations, c'est-à-dire ces baisses de charges pour les entreprises dans des secteurs et des régions où il y a beaucoup de chômage, pour les amener à recréer de l'emploi ?
E.-A. Seillière - "Deux choses. D'abord, on ne comprend pas très bien s'il s'agit de faire revenir des entreprises qui se sont délocalisées ou s'il s'agit d'empêcher des sociétés qui voudraient se délocaliser de le faire, en leur offrant des avantages qui feraient qu'elles restent là. Si ces avantages qu'on leur offre étaient de nature à les faire rentrer, à les faire rester, pourquoi ne pas les offrir à toutes les entreprises françaises ? C'est la reconnaissance, en réalité, de ce qu'un certain nombre d'excès, ou fiscaux ou de réglementation, obligent les entreprises à considérer devoir quitter le territoire national. Donc on ne comprend pas très bien de quoi il s'agit. Et d'autre part, d'après la rumeur, on nous dirait que ce serait les entreprises qui le paieraient. Alors, cela veut dire que ce sont les entreprises qui paieraient en quelque sorte de l'aménagement du territoire. Et là-dessus, il va falloir quand même nous en parler sérieusement avant qu'on puisse dire qu'on est d'accord !"
R. Arzt - Sur les 35 heures, vous refusez le mot "chantage" à propos des entreprises qui demandent à leurs salariés de travailler 36 heures, sans quoi elles délocalisent ?
E.-A. Seillière - "Oui, c'est une question tout de même très importante. N'oubliez pas qu'on a dit en France, en 1997, avec énormément d'énergie : travaillez moins pour créer des emplois. C'est toute la période Aubry. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on dit ? Travaillez plus pour gardez votre emploi ! Pourquoi ? Mettez-vous à la place d'un chef d'entreprise on lui dit : vous pouvez vendre votre produit tant. Et puis il y a des usines partout dans le monde qui peuvent le produire. Alors il dit à ses salariés et à ses syndicats : pour que j'y arrive, il va falloir que vous travailliez une heure de plus et là j'y arriverai. Je trouve que c'est quelque chose qui prouve qu'actuellement, en France, on ne travaille pas assez pour être compétitifs. Et le monde entier le sait. N'oubliez pas : sur la durée légale à 35 heures, la France est seule monde. Ce sont 1.561 heures de travail par an, le 62ème rang mondial pour la durée du travail."
R. Arzt - Dans quel esprit allez-vous aux discussions sur les 35 heures qui auront lieu avec le ministre du Travail ?
E.-A. Seillière - "Le Gouvernement souhaite entendre les partenaires sociaux. Nous avons quelque chose de très précis à dire : rendez possible dans l'entreprise la négociation collective ou individuelle, pour que chacun puisse déterminer la durée du travail. Et s'il n'arrive pas, par contrat, à l'établir, alors d'accord, les 35 heures s'appliquent, c'est la loi. Mais il faut pouvoir déroger, par le contrat, à la loi. C'est fondamental pour nous. C'est d'ailleurs ce qui se passe quand on passe à 36 heures actuellement dans une entreprise ou dans une autre."
R. Arzt - Comment est le climat économique en ce moment ? On entend dire qu'il y a un regain d'optimisme chez les chefs d'entreprise ?
E.-A. Seillière - "Soyons prudents. Nous croyons à l'hypothèse de 1,7 % de croissance. C'est peu, mais c'est quelque chose, on fera peut-être un tout petit peu mieux. Mais cela ne nous dispense de rien, d'aucun effort de réforme. Vous savez, quand on voit qu'on supprime 8.000 postes de fonctionnaires, semble-t-il, dans le budget 2005, alors qu'il y en a près de 2,6 millions, c'est dire à quel point nous sommes loin du compte ! En réalité, nous avons un déficit énorme, une croissance assez faible. Alors, allons-y, allons-y ! Il faut faire vite et bien les réformes dont on a besoin. Et ça, je crois que le Medef le dit depuis longtemps."
R. Arzt - Et vous comptez sur le Gouvernement pour aller dans ce sens ?
E.-A. Seillière - "Nous le poussons très fort. Mais un gouvernement, vous savez, cela fait d'abord de la politique et cela n'entend pas forcément les entrepreneurs."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 août 2004)